Analyse du manuel de Larive & Fleury, 1895 

Analyse croisée

Suite à cette analyse individuelle de chaque manuel, nous avons travaillé sur l’évolution de chaque indicateur entre les quatre manuels.

Présence enfantine

Nombre total de pages du manuel

Nous avons choisi des manuels scolaires vaudois touchant au domaine spécifique de la grammaire française. Certains de ces livres sont cependant consacrés à plusieurs pans de l’étude de la langue. Nous avons donc uniquement étudié les pages dédiées à la grammaire.
De ce fait, le nombre de pages analysées varie considérablement d’un manuel à l’autre, allant d’environ 290 pages à seulement 30 pages.
Plus le nombre de pages est élevé, plus les informations en lien avec les enfants sont en quantité élevée et donc emblématiques. Au contraire, un petit nombre de pages donne moins de renseignements et ceux-ci sont donc moins représentatifs des manuels de la période travaillée – c’est le cas pour la manuel de 2010. Néanmoins, les pourcentages donnent une bonne approche comparative.
En moyenne, les enfants sont présents dans 44.5% des pages de ces manuels, que ce soit dans les illustrations ou dans les textes. Ces personnages ont donc une grande importance et sont mis en avant par les auteurs. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que ces ouvrages scolaires sont justement destinés à des enfants. Il est donc important que ce jeune public puisse s’identifier aux personnages présents dans les livres qui leur sont proposés en classe.
Nous constatons une diminution de la présence des enfants dans les manuels des années 1920.
Elle peut s’interpréter par le fait que, pendant l’entre-deux guerres, un des secteurs qui a le plus souffert en Suisse fut l’agriculture. Et comme c’est dans cet environnement que les enfants étaient majoritairement représentés dans les manuels, les auteurs ont peut-être préféré diminuer leurs représentations pour ne pas rappeler aux jeunes lecteurs leur pauvre vie quotidienne avec leurs parents paysans au chômage ou avec un revenu réduit.

Illustrations

Le manuel de 1895 ne contient aucune illustration. Dans deux de ces manuels, celui de 1923 et celui de 1945, les images sont réalisées avec des nuances de noir et de blanc. Cependant, dans le livre de 1945, on peut constater, surtout pour les images qui sont vers la fin de l’ouvrage, que certaines illustrations semblent de couleur rougeâtre. Cela est probablement dû au fait que les pages se sont peu à peu jaunies au fil des années de sa conservation. Le dernier manuel, celui de 2010, possède, quant à lui, des images en couleurs. Cela donne davantage d’informations. En plus de cela, la mise en page est plus aérée, les caractères sont plus gros ; cela sert certainement à donner davantage de plaisir et de motivation aux élèves pour entrer dans leur travail scolaire et facilite la lecture.
Selon Choppin : « L’imagerie, dont la place n’a cessé de croître dans les manuels depuis les années 1870, joue un rôle essentiel de par sa puissance émotionnelle et évocatrice. Élaborées tout exprès ou choisies avec soin, les images – dont les légendes ou le montage orientent la lecture – introduisent un élément concret, chargé de symboles » (1992, p. 165). En effet, les images sont souvent plus « parlantes » que les textes. Il suffit de les observer quelques secondes et une foule d’informations nous parvient. L’iconographie possède donc un impact fort et puissant, même sur les jeunes esprits qui ne savent pas encore lire, ce qui explique leur présence élevée dans les manuels scolaires.
Cependant, certaines de ces images peuvent être trompeuses. Elles peuvent montrer seulement un certain aspect d’une situation, ce qui a pour effet de présenter une réalité faussée.
D’ailleurs, comme le relève Foulquié (1971) : Une image se définit comme « […] toute sorte de représentation qui n’est pas le réel lui-même » (p. 252). Il s’agit donc d’être très prudent quand on étudie l’iconographie.

Nombres d’enfants dans les illustrations

Comme nous l’avons déjà relevé, nous avons comptabilisé certains personnages comme étant des enfants sans être sûres que c’était bien le cas. Certaines illustrations, surtout celles des manuels les plus anciens, ne sont pas toujours très nettes et ne permettent pas d’identifier avec certitude l’âge des personnages. Nous nous sommes donc parfois aidées des textes accompagnant les images pour comptabiliser les personnages en tant qu’enfants ou non.
Les personnages de sexe masculin sont, à chaque fois, surreprésentés par rapport aux personnages de sexe féminin dans les illustrations des manuels étudiés. Dans le cadre de ce travail, nous ne nous sommes pas intéressées à cet aspect du genre, mais de nombreuses études, comme celles de Brugeilles et Cromer (2005) ou Dafflon Novelle (2006), ont déjà mené des recherches et analyses concernant le phénomène de la sous-représentation de la gent féminine dans les manuels scolaires.
De plus, comme nous l’avons déjà évoqué auparavant, les illustrations des manuels datant de 1923 et de 1945 sont réalisées en nuances de noir et de blanc. L’absence de couleur rend ainsi la distinction entre les deux sexes plus compliquée, d’autant plus que certains enfants possèdent peu d’éléments dans leur aspect physique qui soient propres à leur genre. Nous avons donc classé ces enfants dans le sexe « indéterminé » ; les images étant trop floues ou les personnages trop éloignés pour définir clairement leur sexe. Cette catégorie possède toutefois la quantité la moins élevée de personnages dans les illustrations des livres étudiés.
Dans cet indicateur, nous nous sommes premièrement penchées sur les tenues vestimentaires portées par les enfants représentés dans l’iconographie des ouvrages scolaires.
Dans celui de 1923, les personnages de sexe féminin portent principalement des robes ou des jupes avec des bas. On retrouve également un grand nombre de filles qui porte un tablier. Cela peut s’expliquer par la répartition genrée des tâches. Les femmes et jeunes filles étaient plutôt destinées à rester dans le foyer et à travailler aux tâches ménagères, telles que la cuisine ou leménage.
Dans le manuel de 1945, les petites filles portent toujours des robes ou des jupes.
Apparaissent toutefois des pulls et un pantalon que l’on ne trouvait pas auparavant. Les vêtements s’adaptent donc de plus en plus à l’époque. On voit notamment les femmes couvrir leurs jambes.
Finalement, en 2010, les personnages féminins portent des pulls à manches courtes ou à manches longues. En bas, elles sont vêtues de jupes, de pantalon ou de salopette.
En 1923, les garçons portent majoritairement des pulls, des chemises ou encore des tuniques, avec des pantalons ou des shorts. Leur tenue est parfois agrémentée d’un gilet ou d’une veste.
Ils sont chaussés de bottines fermées, de bottes ou de sandales qu’ils portent avec des chaussettes.
Dans le manuel de 1945, les enfants de sexe masculin portent toujours des pulls ou des chemises, accompagnés des pantalons ou de shorts. Un garçonnet qui dévale une pente à ski est vêtu de la panoplie complète du skieur.
En 2010, les jeunes personnages masculins sont toujours en pulls et en pantalons. Un porte également une salopette. Des enfants, joueurs de football, portent la tenue traditionnelle, soit pull à manches courtes, short, chaussettes longues et chaussures à crampons.
La plupart des enfants sont donc facilement identifiables d’après leurs vêtements qui sont relativement stéréotypés et donc associés à un sexe spécifique. Comme nous l’avons relevé, la majorité des filles sont, en effet, illustrées avec des robes ou des jupes, et les garçons portent généralement des shorts ou des pantalons. « Comme les jouets, les vêtements vont permettre aux parents de distinguer très tôt les enfants des deux sexes. Cela n’a pas toujours été le cas mais aujourd’hui, les parents n’apprécient guère que leur petite fille soit prise pour un petit garçon et inversement » (Van Zanten, 2008, p. 333).

Aspect physique – sexe masculin

Pourcentage de pouvoir déterminer le sexe de l’enfant. Seul le manuel de 2010 ne possède aucun personnage dans cette catégorie ; les illustrations étant suffisamment précises pour que nous arrivions à déterminer facilement le sexe des enfants illustrés.
On se rend donc compte que les vêtements ont évolué au fil des années en fonction de la mode et des nouvelles technologies, mais aussi des activités pratiquées par les enfants au quotidien. Avec le développement des loisirs, on trouve, dans les manuels les plus récents, des tenues qui montrent ces occupations spécifiques, telles que le ski ou le football.
Nous avons également observé si les enfants présents dans les manuels portaient des accessoires particuliers ; c’est le cas uniquement dans ceux de 1923 et de 1945.
Dans le premier, les fillettes portent des chapeaux, des bonnets ou des sortes de fichus posés sur leurs cheveux pour protéger le haut de leur tête. Une fille a un ruban autour du cou, une autre tient un panier au bras. Un personnage, représenté dans un paysage enneigé, porte un manchon de mains en fourrure.
Dans le deuxième, un seul personnage a un chapeau sur la tête. Sinon, de nombreuses fillettes tiennent des paniers à leur bras. Une seule a un cartable au dos.
En 1923, les jeunes garçons, quant à eux, portent des chapeaux, des bonnets, des casquettes et des bérets. Certains portent des écharpes autour du cou. Six tiennent un cartable, un autre un panier.
Le manuel de 1945 montre toujours des personnages portant des chapeaux, des bonnets et des bérets. Un a une écharpe. À nouveau, les jeunes hommes ont des cartables au dos.
Le seul manuel qui montre des personnages de sexe « indéterminé » avec des accessoires est celui de 1923 qui les illustre portant un bonnet et une écharpe.
Normalement, nous aurions dû enlever cette catégorie de notre analyse, car seuls deux manuels s’y consacrent ; ce qui rend l’évolution impossible à observer. Mais nous tenions à relever que la plupart des accessoires – bonnets, chapeaux, écharpes – portés par les enfants sont relativement neutres, dans le sens où ils sont portés sans distinction de genre.
Nous pouvons toutefois relever une évolution par rapport aux stéréotypes de genre. En effet, dans le manuel de 1923, de nombreux garçonnets sont illustrés avec un cartable d’école. On imagine donc que les garçons se rendent en classe pour étudier, pendant que les fillettes, munies de leur tablier, restent à la maison et s’occupent des tâches domestiques. Cependant, dans celui de 1945, une fillette est, à son tour, représentée avec un cartable. Il est vrai que ce n’est qu’un seul personnage, mais cela montre tout de même l’évolution dans les mentalités et l’ouverture de l’école pour les filles.
La dernière catégorie de cet indicateur concerne les coupes de cheveux des enfants. Le premier manuel, daté de 1923, montre des filles avec des cheveux longs ou mi-longs ondulés, attachés en queues de cheval ou avec des tresses.
Le manuel de 1945 représente les fillettes également avec des cheveux longs ou mi-longs ondulés ou lisses, en chignon ou en tresses. Cependant, la majorité a des cheveux courts.
En 2010, les personnages de sexe féminin portent à nouveau les cheveux longs ou mi-longs, plutôt lisses, et parfois frisés. Leurs cheveux sont coiffés en couettes, en queues de cheval ou simplement ornés d’un serre-tête.
Dans les trois manuels, l’ensemble des personnages de sexe masculin est représenté avec des coupes de cheveux courtes.
Deux livres uniquement possèdent des illustrations d’enfants de sexe « indéterminé », ceux de 1923 et de 1945. Ceux-ci montrent des personnages avec des coupes de cheveux courtes.
Cette catégorie des coupes de cheveux n’est donc pas soumise à une évolution flagrante, puisque l’on retrouve pratiquement les mêmes styles de coiffure à chaque époque.
Dans le manuel de 1923, les personnages de la vie familiale de l’enfant sont uniquement représentés par la mère et la grand-mère.
Dans celui de 1945, seuls les parents – mère et père – sont présents.
Finalement, dans celui de 2010, il n’y a que le personnage de la mère qui survient. Comme nous l’avons déjà explicité auparavant, si l’on observe uniquement les illustrations, on ne peut pas définir avec certitude si les personnages représentés sont bien les parents des enfants, et non l’oncle, la marraine ou encore le cousin. Nous nous sommes donc aidées des textes pour déterminer qui étaient ces protagonistes.
Pour en revenir aux personnes attenantes au domaine familial de l’enfant que nous avons recensées, on se rend compte que leur nombre est extrêmement limité dans les illustrations de ces manuels. Cependant, comme nous le verrons dans la suite de notre analyse, ils sont davantage présents dans les textes.
Cette sous-représentation peut s’expliquer par le fait que « le terme « famille » est, dans l’imaginaire social, d’abord associé à la présence de l’enfant. Ce dernier est au centre de la famille moderne » (Champy, Étévé, Forquin & Robert, 2005, p. 406). De ce fait, si le jeune est placé au premier plan, la présence des autres personnages n’est pas nécessaire. En effet, jusqu’à la fin du XIXème siècle, la littérature « […] de manière directe ou indirecte, a pour sujet des enfants.

Vie familiale

Personnages ; mais on ne représente que le côté qu’ils montrent aux enfants, le rôle qu’ils jouent dans le monde des enfants […] » (Ewers, cité par Becchi & Julia, 1998, p. 437).
L’iconographie est donc plutôt centrée sur le monde enfantin, c’est-à-dire sur le point de vue des enfants, de leurs expériences et de leur vécu. Ce n’est qu’à partir du début du XXème siècle que l’univers des adultes a pris de l’importance. En effet, la famille constitue un milieu affectif qui est nécessaire au bon développement des enfants. C’est pourquoi, nous pensons que les membres principaux, ceux qui gravitent au plus près de l’enfant, sont tout de même représentés.
Parlons maintenant des liens qui unissent ces personnages aux enfants, ainsi que des activités qu’ils pratiquent ensemble.
Dans le manuel de 1923, les personnages prodiguent de l’amour à l’enfant en le prenant dans leurs bras ou en leur transmettant leurs connaissances – ici, la couture. La mère fait aussi simplement acte de présence sans entrer directement en contact avec l’enfant, mais en veillant sur lui de loin.
En 1945, à nouveau, les personnages de la sphère familiale sont soit sur le « devant de la scène » à interagir avec l’enfant – par exemple, lors d’un spectacle de clowns animés par le père et le fils –, soit en retrait à simplement l’observer et le surveiller. À nouveau, on retrouve l’attention et le soin prodigué par le papa, cette fois-ci, qui prend son enfant dans ses bras.
Un seul personnage, la maman, apparaît dans le manuel de 2010. Celle-ci va au supermarché faire les commissions avec son fils.
Comme le dernier ouvrage ne contient qu’une seule information, il est relativement complexe de réaliser une analyse sur l’évolution – un seul renseignement n’étant pas représentatif de l’époque étudiée. Toutefois, si l’on observe les deux autres manuels, on s’aperçoit que le thème de l’amour familial est très présent avec de fréquents câlins et embrassades entre adultes et enfants. Dans le manuel datant de 1923, c’est la maman qui tient ce rôle affectif et qui s’occupe des enfants. Adler note d’ailleurs que : « Les premiers mouvements affectueux se produisent dans les rapports de l’enfant avec sa mère. Celle-ci est pour lui la principale incarnation du prochain […] » (1949, cité par Foulquié, 1971, p. 352). Dans le manuel suivant, pourtant, on voit un papa qui prend sa fille dans ses bras. Ce personnage, autrefois majoritairement représenté comme figure d’autorité, devient alors, à son tour, un être tendre et capable de gestes affectifs auprès des plus jeunes.
On peut également noter que l’adulte adopte deux statuts distincts, l’un plutôt actif en tant que protagoniste en relation directe avec l’enfant, l’autre plutôt passif comme témoin de la scène dans laquelle l’enfant tient le premier rôle. Le premier statut est plutôt attribué aux hommes, aux pères. En effet, ils sont toujours évoqués dans des rôles actifs, que ce soit auprès des enfants ou dans la vie quotidienne. Quant aux femmes, principalement les mères, elles sont davantage représentées dans le deuxième statut. Elles sont plutôt passives et relativement peu visibles à l’extérieur de la maison. Leurs journées sont rythmées par les tâches domestiques quotidiennes, notamment la simple surveillance des enfants, d’où leur rôle qui semble plutôt inactif auprès d’eux.
Le manuel de 2010 représente très peu les enfants à l’extérieur. Un est au bord de la mer et deux autres construisent une cabane.
Dans les deux premiers livres, les enfants sont davantage représentés dans la nature. De plus, ils effectuent plutôt des activités pour aider leur famille dans la vie quotidienne, que ce soit dans les champs ou à la ferme. « Le milieu du XIXe siècle est décrit comme une période des plus prospères de l’agriculture vaudoise » (Praz, 2005, p. 57). À cette époque, l’agriculture constitue la principale source du revenu familial. Les enfants sont donc sollicités pour travailler dans les exploitations familiales. Avec l’industrialisation, il y a ensuite eu une chute de l’agriculture et une diminution du travail enfantin dans ce domaine. Cependant, certains enfants – principalement des filles – ont continué à effectuer les tâches domestiques.
Dans le plus récent, celui de 2010, ils ont des occupations qu’ils effectuent pendant leur temps libre ou leurs vacances. Elles sont donc plutôt axées sur leurs loisirs.
Le sport est uniquement présenté dans le manuel le plus récent, celui de 2010, au travers du football. Ce sont uniquement des enfants de sexe masculin qui pratiquent cette activité à plusieurs reprises.
Les enfants sont encore souvent illustrés dans d’autres situations, en train de réaliser des occupations riches et variées.
Dans le manuel de 1923, les enfants pratiquent surtout des activités individuelles, comme de la balançoire, du dessin ou de la couture.
Dans celui de 1945, ils pratiquent toujours des activités seuls, telles que jouer à la poupée, dessiner, tricoter, écrire, réaliser un album de timbres. Mais, dans de nombreuses situations, ils sont également représentés en groupes d’enfants qui jouent à la balle ou rient ensemble.
Et, pour finir, en 2010, une fillette fait le ménage et un garçon se rend au magasin faire les courses avec sa maman. Les enfants sont donc impliqués dans les tâches domestiques, quel que soit leur sexe. Quelques enfants sont aussi réunis pour fêter l’anniversaire de l’un d’eux.
Dans ces manuels, les enfants sont donc illustrés en train d’effectuer diverses activités. Ils peuvent pratiquer ces occupations de manière individuelle ou collective. L’évolution n’est pas flagrante, ici. En effet, la quantité d’informations recensée dans le dernier manuel est trop minime pour pouvoir réaliser une véritable analyse sur l’évolution. Cependant, dans les textes, nous verrons par la suite que les renseignements sont plus nombreux et donc davantage représentatifs de l’époque concernée.
Dans ces illustrations, on peut toutefois relever que beaucoup d’enfants sont représentés en train de jouer. Selon Makarenko (1967, cité par Foulquié, 1971) : « Le jeu a une importance essentielle dans la vie de l’enfant, aussi essentielle que dans la vie de l’adulte l’activité, le travail. Tel est l’enfant au jeu, tel il sera en bien des points au travail quand il grandira. C’est pourquoi l’éducation d’une future personnalité se poursuit avant tout dans le jeu » (pp. 273- 274).

Alimentation

Seuls les manuels de 1945 et de 2010 contiennent des illustrations alimentaires.
Les tartines sont représentées à de nombreuses reprises dans les deux manuels.
On voit également apparaître, dans le livre de 2010, un gâteau et du jus d’orange.
Nous pensons que la tartine est un aliment fréquemment associé à l’enfant, car il est facile et rapide à réaliser, à transporter et à manger ; cela en fait donc le repas ou l’en-cas idéal pour de jeunes enfants. De plus, la tartine peut se préparer selon de multiples façons, puisqu’il est possible d’étaler sur le pain des aliments salés – rillettes, tapenade – ou sucrés – beurre, confiture – et ainsi varier les repas.
Le dernier manuel montre des plats sucrés, plutôt mangés au goûter ou pour le dessert. Ce sont des friandises qui sont principalement destinées à faire plaisir aux enfants.
On trouve également différents ustensiles de cuisine dans ces pages.
En 1923, le manuel montre un poêle fumant sur lequel une marmite chauffe. Il y a aussi des carafes, une tasse et sous-tasse, un verre et une bouteille.
Le livre de 1945 représente surtout des couverts et pièces de vaisselle, tels que des assiettes, des bols, une carafe, une bouteille et une tasse. En 2010, on trouve des pailles, un plat à gâteau et un carton à pâtisseries de boulangerie.
Il y a donc une certaine évolution dans le matériel de cuisine employé à travers les différentes époques, en relation avec l’invention de nouveaux instruments. En effet, en 1923, on faisait du feu pour chauffer le poêle et y cuire la nourriture. En 2010, on va à la boulangerie pour acheter des tartelettes toutes faites.
Dans l’ensemble des manuels, les personnages de sexe masculin sont surreprésentés par rapport à ceux de sexe féminin. Toutefois, cette tendance est moins présente dans le manuelde 1923 qui tend vers davantage de parité entre les deux sexes. On peut interpréter ce phénomène par le fait que, dans les années 1915-1920 – période durant laquelle le manuel a été rédigé –, les hommes étaient à la guerre. Les femmes, restées à la maison avec les enfants, ont donc pris une place beaucoup plus importante dans la société. Elles ont non seulement dû gérer leur foyer seules, mais elles ont aussi contribué à faire fonctionner l’économie nationale.
En effet, nombreuses sont celles qui ont pris la tête de l’exploitation agricole familiale ou qui sont allées dans les usines pour effectuer de pénibles travaux. Ainsi, les jeunes filles ont certainement remplacé leur mère dans le foyer familial et pris également un rôle plus prépondérant. L’auteur du manuel de 1923 a peut-être justement voulu montrer le statut grandissant de la femme à cette époque. Pour ce faire, il a représenté les personnages de sexe féminin – les fillettes, en l’occurrence – en plus grand nombre dans son ouvrage.
Nous avons classé certains enfants dans la catégorie « sexe indéterminé », car les mots utilisés pour les définir ne permettent pas de savoir s’il s’agit de fillettes ou de garçonnets.

École

Les termes utilisés pour désigner les enfants dans le cadre scolaire n’ont pas changé. Ils sont des « élèves », des « camarades » ou des « écoliers ». Bien que, depuis le début du XXème siècle, les filles ont massivement accédé à l’instruction publique, on ne retrouve des « écolières » qu’à partir du manuel de 1923 à une seule reprise, et seulement trois fois dans celui de 1945. « Très minoritaires au début du siècle dernier, les étudiantes ont égalé en nombre les étudiants à partir de la fin des années 1970 pour les dépasser ensuite » (Van Zanten, 2008, p. 331).
Les enseignants, quant à eux, ont des appellations différentes. Le substantif « instituteur » n’apparaît que dans le premier manuel datant de 1895. Ce sont ensuite des « maîtres » – et une seule « maîtresse » – qui sont chargés de faire cours aux enfants. L’enseignement semble donc être un métier plutôt réservé aux hommes. Ce qui est assez paradoxal, puisqu’aujourd’hui, « les enseignants sont majoritairement des femmes (68% de l’ensemble et 81% en primaire) » (Statistiques de l’INSEE du 31 janvier 2010, citées par Rayou & Van Zanten, 2011, p. 92).
On peut noter qu’aucune mention n’est faite des parents, du directeur ou de tout autre acteur lié à la sphère scolaire, dans les manuels les plus anciens ; cela laisse penser que l’école est le domaine réservé de l’enseignant. Bien que le manuel de 2010 n’évoque pas cette thématique, notre réalité actuelle est que les parents sont de plus en plus présents dans le contexte scolaire.
Ils s’investissent dans le travail scolaire de leur enfant et aiment savoir ce qui se passe en classe. De ce fait, si ce thème était apparu dans le manuel le plus récent, nous y aurions peutêtre trouvé des parents d’élèves.
Voyons maintenant les activités réalisées par les enfants à l’école.
Le manuel de 1895 évoque surtout les sanctions et récompenses reçues par les enfants en fonction de leur travail scolaire.
En 1923, les bons et mauvais points sont toujours mentionnés. Cependant, on nous informe aussi que les élèves travaillent, en classe, l’écriture, la copie, la lecture, la dictée, la géographie et la poésie. Les pauses à la récréation sont également évoquées.
En 1945, les élèves travaillent la grammaire, la géographie, l’orthographe, l’écriture, la lecture et le dessin. Les pauses sont également signalées.
Le manuel de 2010 ne fait aucune mention du cadre scolaire. Comme nous allons le voir par la suite, dans ce livre, une plus grande part est laissée aux loisirs ; l’école semble ainsi passer au second plan.
Le fait que les manuels relèvent les sanctions et récompenses reçues par les élèves a certainement pour but de faire réfléchir les enfants lecteurs sur leur propre comportement d’écolier en classe. En lisant que les élèves des manuels reçoivent des bons points s’ils travaillent bien, ils seront peut-être tentés de reproduire ces attitudes sages, soignées et appliquées. En effet, comme le note Debesse : « Les récompenses sont une des sources les plus efficaces du sentiment de satisfaction chez les écoliers, en même temps qu’un facteur d’augmentation du rendement » (1936, cité par Foulquié, 1971, p. 406). L’école essaie ainsi de véhiculer des valeurs essentielles et un certain savoir-vivre. « […] L’élève y apprend, outre les comportements élémentaires de la civilité, le soin de ses affaires et le respect du bien d’autrui, le sens de l’épargne, etc. » (Heller, 1988, p. 19).
Les élèves sont le plus souvent représentés dans une position travailleuse, mais ils ont également des récréations. Cette « occupation, principalement jeu ou conversations libres, (a) pour but de réduire la tension du temps de travail et d’éliminer la fatigue » (Foulquié, 1971, p. 407). Les enfants peuvent ainsi s’aérer et se divertir pendant quelques instants, avant de replonger le nez dans leurs cahiers.
Le matériel constitue le dernier point que nous avons observé dans cet indicateur de l’école.
Les élèves du manuel de 1895 ont à disposition des cahiers et des livres, ainsi que de l’encre, des boîtes de couleurs et des compas.
En 1923, ils ont toujours le même matériel. Mais, en plus, on trouve une règle et un crayon.
Les filles possèdent, quant à elles, une aiguille et une bobine de fil. On voit ainsi que les branches sont différentes selon le sexe de l’enfant. Les garçons suivent des cours qui vont les aider à entrer dans la vie active et trouver des métiers. Les fillettes, destinées à rester à la maison et s’occuper des tâches ménagères, apprennent donc notamment à coudre.
Dans le manuel de 1945 finalement, le même matériel est recensé : des livres, une boîte de crayons de couleur et un compas. On peut remarquer que l’école est un thème relativement fréquent dans les premiers manuels.
En effet, avec la révision de la constitution fédérale de 1874 qui rend l’instruction primaire obligatoire et gratuite dans les écoles publiques (Grin, 1990), les auteurs semblent aimer illustrer les enfants dans ce milieu qui est un intermédiaire entre le milieu familial et le milieu social (Foulquié, 1971).
Au contraire, ce thème est très peu abordé dans le dernier manuel. Comme il s’agit d’un livre scolaire destiné aux élèves, les auteurs ont peut-être justement préféré mettre de côté la thématique scolaire pour faire oublier en quelque sorte aux lecteurs leur propre situation d’écolier, et ainsi les faire entrer dans les apprentissages d’une manière plus motivante, en axant les pages sur des situations plus réjouissantes, telles que notamment les loisirs, les vacances et le sport.

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Table des matières

INTRODUCTION 
Choix du mémoire professionnel
MÉTHODOLOGIE 
Question de recherche
Hypothèse
Démarche
 Présentation de la méthode
 Dimensions et indicateurs
 Délimitation du champ d’investigation
 Liste des manuels étudiés
DÉFINITIONS DES CONCEPTS 
La représentation
Le manuel scolaire
RÉSULTATS ET DISCUSSION 
Analyse des manuels de grammaire
Analyse par manuel
Analyse du manuel de Larive & Fleury, 1895
Analyse du manuel de Vignier, 1923
Analyse du manuel d’Aubert, 1945
Analyse du manuel de Bentolila, 2010
Analyse croisée
Synthèse de l’analyse
Réponse à la question de recherche
CONCLUSION 
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
Livres
Sites
Manuels analysés
ANNEXES 
Supports d’analyse
 Analyse du manuel de Larive & Fleury, 1895
 Analyse du manuel de Vignier, 1923
 Analyse du manuel d’Aubert, 1945
 Analyse du manuel de Bentolila, 2010
 Analyse globale

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