L’intérêt de l’album pour l’enfant
D’après F. Caminade Riffault (2005), la littérature de jeunesse est un outil au service du développement langagier qui permet aux élèves, d’une part, la maitrise progressive des enjeux de l’écrit, et d’autre part, une entrée dans la culture écrite : « Interpréter l’implicite d’un texte peut sembler une activité inadaptée à des enfants de trois et quatre ans. Pourtant, en prenant appui sur les personnages et en les animant, les enfants peuvent développer leurs capacités d’observation et même de déduction. Ils s’engagent dans une compréhension plus fine de l’histoire en établissantdes liens entre ce qu’ils savent des personnages, ce qu’ils imaginent et ce qui sera représenté par le jeu.» (2005:140). Cette compréhension, qui se développera à travers des activités diverses en littérature de jeunesse, sera mobilisée de nouveau lors d’apprentissages dans d’autres domaines.
D’après le commentaire de cet auteur, l’album doit intervenir le plus tôt possible à l’école. Nous allons donc essayer de voir plus particulièrement quels sont ses intérêts au cycle 1.
Tout d’abord, l’objet livre lui-même peut être utilisé comme médiateur dans la relation de l’acte de conter, surtout pour éviter la situation frontale directe dans le cas d’une lecture en petits groupes ou en situation duelle. Ensuite, il peut être perçu comme un objet d’intérêt, créateur de désir, de savoir et de suspense dramatique. Et pour finir, la présence de l’album dans son format original permet d’imaginer plus clairement l’histoire, surtout pour les plus jeunes.
Ensuite, dans l’album proposé au cycle 1, le lien image/texte est inducteur pour la représentation mentale des élèves mais cela ne suffit pas. En effet, certains se contentent de l’objet livre, mais d’autres non. Les récits fictifs illustrés entrainent souvent des difficultés de compréhension pour plusieurs raisons. C. Colnot, (2008), formatrice, en cite plusieurs.
Tout d’abord, les jeunes élèves peuvent ne pas posséder de culture scolaire de l’album, si les pratiques familiales n’incluent pas l’utilisation de l’album. De plus, la dimension linguistique peut être un obstacle par ses composantes syntaxique, lexicale et phonétique. Le décodage des images ainsi que le monde mobilisé par l’histoire peut n’avoir aucune résonance pour les élèves, aucun ancrage dans leur champ d’expériences pratiques et dans leur champ d’interprétation. De la même manière, les sentiments des personnages ne sont pas forcément à leur portée par leur complexité et leur degré d’implicite. Pour finir, la continuité de l’histoire et la permanence des personnages ne vapas de soi pour les plus jeunes (cycle 1 et 2).
Quelles résistances à la compréhension de texte ?
Étant donné la complexité de l’album que nous analysons dans ce mémoire, nous avons trouvé intéressant de donner une brève définition de ce que l’on appelle les textes «résistants ».
D’après C. Tauveron (2003), il y a deux grands types de textes résistants: les textes réticents et les textes proliférants.
Les textes réticents sont de deux ordres. D’un côté, on peut trouver les textes qui conduisent délibérément à une compréhension erronée par des indices ambigus, des rétentions d’informations et des leurres. De l’autre, il y a les textes qui rendent difficile la compréhension immédiate soit parce que le point de vue est inattendu, biaisé, contradictoire, soit parce qu’il y a une perturbation de l’ordre chronologique ou bien une contradiction entre image et texte.
Les textes proliférants peuvent également fonctionner de deux manières. Il y a les textes où l’on rencontre des conflits d’interprétation (plusieurs interprétations possibles et ouverture du sens) et des textes où la compréhension est récurrente (la relecture de l’œuvre permet de réduire la prolifération concernant l’interprétation de certains indices).
Par la complexité de ces textes, d’après J.N. Bourdin et J. Leroy (2005), il est normal que les processus pour comprendre un récit soient constitués d’opérations de nature différente. En effet, lorsqu’on lit un livre, la lecture se fait de façon linéaire. Ainsi, pour une meilleure compréhension, il est nécessaire d’effectuer un va-et-vient dans le récit pour reformuler le texte ou discuter des nonsens et des interprétations incorrectes. La mémoire immédiate conserve un nombre restreint d’informations, c’est pourquoi l’enseignant doit favoriser ce travail progressif sur le texte.
Ces mêmes auteurs insistent sur le fait qu’avant tout travail avec sa classe, l’enseignant doit analyser l’œuvre qu’il présentera afin d’anticiper les résistances du texte, les « zones d’ombre», qui souvent représentent des réels obstacles à la compréhension.
De plus, D’après C. Tauveron (2003: 40), « la lecture est à la fois une activité cognitive et culturelle » car le texte demande un « effort intellectif » important. En effet, il nécessite d’avoir des références culturelles, affectives intra et extrascolaires. Or, les élèves, en lecture, n’arrivent pas à réinvestir les connaissances acquises hors temps scolaires ou dans une autre discipline. Cette posture de lecteur doit se construire dès la maternelle pour aider nos élèves à une meilleurecompréhension littéraire.
E. Delessert (1992), cité par F. Lagache (2004 : 13) nous met en garde : « Tous les enfants adorent les histoires, mais bien peu d’entre elles possèdent les éléments susceptibles de faire croître et fructifier leur imaginaire. Or, à trop gaver un enfant de lectures légères et faciles, si prenantes soient-elles, on affaiblit son appétit. » Ainsi, les textes résistants ne sont pas des textes à bannir, au contraire. Ils permettent un réel travail sur les démarches à effectuer pour adopter une posture de lecteur avec une compréhension plus fine de textes littéraires.
L’album choisi pour ce mémoire peut être classé dans les textesréticents. En effet, le récit d’A. Crausaz mêle imaginaire et connaissances culturelles importantes. Cet album nécessitera, comme vous le verrez dans la partie analyse, un réel travail en découverte du monde afin deparvenir à un dépassement d’une grande partie de ses résistances.
Les outils de médiation
Ce qui existe, et leurs rôles
C. Poslaniec et C. Houyel (2000) insistent sur le fait qu’il faut encourager le goût de lire chez l’enfant, il faut pour cela lui faire découvrir le plaisir de suivre le cheminement d’un récit ou d’un personnage (effet de suspens) et lui faire découvrir le plaisir de s’identifier à un personnage, de se projeter dans le récit, ou bien encore d’y injecter son propre sens. En un mot, de s’y impliquer.
Pour cela, les enseignants utilisent assez régulièrement des lectures séquencées (afin de revenir sur des passages de l’album posant problème), des jeux de rôles, ou encore du dessin. Néanmoins, des outils sont aujourd’hui présents pour travailler à la fois la compréhension du texte et la prise de parole. En effet, la prise de parole est, comme nous l’avons dit en 1.1, nécessaire afin d’encourager l’appropriation des histoires lues et d’en évaluer la bonne compréhension. Ces outils de médiation en littérature de jeunesse se sont développés avec pour chacun des fonctions propres.
La marotte
L’outil le plus facilement utilisé afin de valoriser la prise de parole est la marotte. D’après M. Froment et J. Leber-Marin, « la marionnette est le pivot d’un jeu d’aller et retour entre présence et absence, réel et fictif qui contribue à la dynamique discursive.» (2003 : 27) Celle-ci permet destimuler le langage de l’enfant. L’enfant doit utiliser le langage d’évocation pour raconter, par exemple, une chose qu’il a faite à la marotte de la classe. La marotte peut être un personnage, un animal, l’essentiel étant qu’il éveille l’intérêt chez l’enfant. Il peut s’agir par exemple d’un grandpère auquel on doit tout réexpliquer car il est âgé et ne se rappelle pas de tout, situation illustrée dans « Apprendre à parler », DVD réalisé par la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire et le CNDP. Durant cette séance, l’enseignante désire travailler le langage des élèves par l’évocation d’une situation vécue. Celle-ci en profite pour leur donner des mots permettant une meilleure explication, un déroulement plus clair.
D’après F. Caminade Riffault (2005), les jeunes élèves sont capables de compréhension fine tout autant que de réelles interprétations qu’ils construisent et qui les construisent. Il faut néanmoins trouver d’autres moyens que la pure verbalisation pour stimuler cette activité de lecture littéraire : des moyens d’expression passant par le relais du sensible, ce que permet la marotte en classe. Le personnage de la classe fait éprouver le besoin, le bénéfice, le plaisir de communiquer et fait naitre le langage de l’élève: « La motivationdes élèves pour accomplir une tâche passe par l’éveil de la curiosité intellectuelle et aussi par les affects », M.Froment, J. Leber-Marin (2003 : 37).
Cet outil n’est pas seulement utilisé pour la littérature de jeunesse mais il permet de faire participer l’élève plus largement aux échanges au sein du groupe, participation nécessaire pour le travail qui sera fait en compréhension de texte en parallèle.
La marionnette
Ensuite, l’autre outil le plus utilisé en littérature de jeunesse, un peu sur le même modèle, est la marionnette. La marionnette est un peu différente de la marotte car elle est un personnage, et plus particulièrement le personnage d’un album que l’on utilise en classe. Les instructions officielles de 2002 soulignaient cette fonction de la marionnette « engageant les plus timides à parler ». Elle va, comme le personnage de la classe, « lever l’inhibition», SCEREN (2005:131). De plus, cet outil est un outil complexe car le spectateur doit faire la synthèse entre le corps, l’expression, le visage, la voix du manipulateur, et les mouvements. On demande donc à l’élève d’être attentif à un langage complexe : « Dans ce langage complexe, le regard effectue un va-et-vient entre marionnette et animateur, il cherche sur l’un ou sur l’autre ce qui est nécessaire pour comprendre, s’informer, s’amuser, se rassurer. C’est pourquoi certains jeunes enfants ont besoin d’un peu de temps pour intégrer le contexte parfois complexe de cette nouvelle communication. » (2005:127). Malgré cette complexité, la marionnette s’avère être un outil de médiation rassurant pour l’enfant, qui stimule à la fois sa compréhension et sa prise de parole en classe.
Etat des lieux : quels outils de médiation sont les plus utilisés dans les classes ?
Afin de faire un état des lieux des pratiques concrètes, nous avons fait circuler une enquête auprès d’enseignants de maternelle dans le but de faire ressortir les pratiques de médiation les plus utilisées dans le cadre scolaire. De nombreux enseignants qui ont été interrogés ne comprenaient pas le terme « outil de médiation ». Nous pouvons alors penser que les enseignants n’ont pas forcément d’outils mais utilisent plus des situations d’apprentissage aidant à la compréhension. Par exemple, dans une des situations d’apprentissage présentées par le DVD « Apprendre à parler », nous pouvons voir l’enseignante utiliser une démarche spécifique pour que ses élèves puissent identifier clairement les personnages d’une histoire. En effet, celle-ci donne aux élèves les personnages sous forme de marionnettes en carton et amène les élèves à faire jouer les personnages de l’album « Le petit bonhomme en pain d’épices». Cet album se prête bien à cette situation d’apprentissage puisqu’il fait se rencontrer plusieurs personnages. L’enseignante fait jouer le personnage du pain d’épice et lui fait rencontrer les autres personnages. Les élèves doivent donc retrouver la chronologie de l’histoire, l’ordre dans lequel se rencontrent les personnages. Cette situation d’apprentissage en petits ateliers permet à chaque élève de s’exprimer par le biais d’un personnage de l’album et donc de se l’approprier. Une autre activité est mise en place pour voir si les élèves sont capables de retrouver les personnages de chaque histoire : les élèves ont différentes images qu’ils doivent trier selon l’histoire étudiée. Une affiche est ensuite créée pour permettre un appui visuel pour les élèves.
Néanmoins, nous pouvons relever quelques données intéressantes de ces questionnaires.
Divers enseignants nous ont fait part des méthodes pédagogiques qu’ils utilisaient pour aider à la compréhension : l’anticipation de l’histoire, sa reformulation puis des appuis visuels ou auditifs. Ils utilisent aussi d’autres outils vus précédemment: les marottes et les dessins des personnages du livre.
Un des enseignants qui a répondu insiste sur la nécessité de supports stimulant les sens pour faciliter la compréhension d’un texte car l’enfant, à cet âge, est encore dans sa période de« syncrétisme » où tous les sens sont utiles (mimer, interpréter, etc.).
Présentation de l’œuvre et de l’outil de médiation créé
Curieuses d’explorer des pistes pour aider tous les enfants à mieux entrer en littérature, nous avons voulu expérimenter un outil de médiation en lien avec une œuvre appelée : Maintenant que tu sais , d’A. Crausaz.
Dans la première partie du livre, l’amanite, un champignon toxique pour l’Homme, raconte tous les a priori que l’on a sur elle. Par la suite, celle-ci raconte au lecteur ses envies, en les confrontant à la réalité : « Je me plairais peut-être bien dans une forêt de cactus mais dans la forêt des grands bouleaux, je discute, j’échange avec mes amis quelques sels minéraux contre un peu de sucre. ». Et pour finir, l’amanite demande au lecteur de la protéger après qu’il a vu en quoi elle était essentielle pour les végétaux et animaux de la forêt. Il s’agit d’un livre qui mêle réalité scientifique, exploration imaginaire et jeu poétique. En cela, cet album présentedes résistances fortes. Celles-ci ont alors été relevées afin de concevoir notre outil de médiation le plus pertinemment possible.
Conception du tapis en fonction des résistances de l’album choisi
Comme il a été souligné précédemment, l’œuvre d’A. Crausaz est une œuvre mêlant à la fois récit imaginaire et réalité du monde du vivant. Nous avons donc conçu notre outil de médiation en lien avec cette résistance majeure. Le choix de celui-ci est pour nous ancré dans une démarche d’exploration. En effet, la conception de notre tapis de lecture (nous appellerons l’outil que nous avons conçu un tapis de lecture afin de ne pas utiliser la marque déposée « raconte-tapis ») a été décidée lors d’une option proposée dans notre parcours de formation et après avoir vu une situation concrète d’utilisation de ce type d’outil en bibliothèque.
D’après la créatrice de ce type de médiation , cet outil doit respecter « le style des illustrations et la cohérence de la structure narrative (bien que parfois une scène ou une autre de l’histoire ne soit pas représentée sur le raconte-tapis, pour que le retour vers le livre reste indispensable) ». L’outil a donc été conçu en fonction de différents choix que nous avons effectués.
Tout d’abord, nous voulions qu’il mêle littérature et découverte du monde, puisque c’est un enjeu essentiel de l’album choisi. Pour cela, nous avons donc mêlé des éléments réels et imaginaires le plus intelligemment possible afin que l’enfant reste dans l’imaginaire de l’histoire. Par exemple, pour illustrer le réel, nous avons tenté de recréer l’ambiance de l’album afin de respecter les différents espaces de celui-ci et sa temporalité : la forêt de bouleaux, avec les divers champignons présents dans l’album. Pour ce qui est de l’imaginaire, nous avons choisi d’illustrer certains éléments qui étaient nécessaires sur le tapis afin de garder l’omniprésence de la distinction réel/imaginaire dans notre album. Tous ces éléments étaient choisis soigneusement puisqu’ils allaient être les éléments déclencheurs des prises de parole des élèves, de leurs interactions orales.
C’est pourquoi lors de l’extrait« Je voudrais tellement être grand pour observer la lune de plus près », nous avons choisi de rendre notre amanite géante. L’étonnement suscité par l’évolution subite de la taille du personnage de l’album serait le moteur de la discussion autour de l’imaginaire du récit.
PARTIE ANALYSE
Présentation du dispositif et du cadre dans lequel nous l’avons analysé
La classe observée et les modalités du relevé d’informations
Nous avons effectué notre stage dans une classe de Grande Section de maternelle située dans une école rurale. Cette classe était composée de 22 élèves. Nous avons choisi de travailler à partir de l’album Maintenant que tu sais d’A. Crausaz que nous avons analysé dans notre partie théorique.
Cet album comportait un double intérêt pour nous, c’est pourquoi nous avons mené deux séquences qui s’articulaient l’une avec l’autre : une en sciences et l’autre en littérature de jeunesse. De plus, l’outil de médiation créé en lien avec cet ouvrage détenait un rôle majeur, que ce soit pour ladécouverte du monde que pour la littérature.
Nous avons pu mener chacune à notre tour toutes les séances des différents domaines. Ceci nous a permis de mettre en pratique les activités que nous avions conçues autour de l’album. Ici, nous parlerons plus longuement du travail que nous avons mené en littérature de jeunesse, cependant, il nous parait indispensable de présenter le travail effectué en parallèle en sciences pour comprendre les réactions des élèves lors de l’analyse que nous allons vous présenter.
Lorsque nous avons conçu les séances que nous allions mener en classe, nous avons veillé à ce que l’une de nous puisse prendre des notes et filmer pendant que l’autre menait la séance. Lors du stage, nous avons photographié les productions des élèves et constitué un carnet de notes dans lequel nous avons classé chaque production et commentaire par thème pour faciliter notre analyse.
Suite à cela, nous avons pris le temps, chacune de notre côté, de regarder les vidéos avec plus de recul puis nous en avons discuté ensemble afin de comparer les conclusions que chacune de nous en avaient tirées. Nous avons préféré sélectionner des remarques isolées que nous avons insérées dans le corps de notre analyse plutôt que de faire apparaitre des retranscriptions de vidéos entières dans nos annexes. Concernant les productions des élèves, nous avons choisi les plus significatives.
Les séquences mises en place
Notre séquence de littérature avait comme objectif principal la distinction réel/imaginaire.
Notre première séance portait sur l’horizon d’attente et la lecture du début de l’histoire, jusqu’à la page « et toi qu’en penses-tu ? Suis-je vraiment si méchante ? ». Cette première séance n’impliquait pas encore l’utilisation du tapis puisque c’est en deuxième séance que nous l’avons introduit. Ainsi, en séance deux, la lecture avec l’outil de médiation a été suivie d’un temps d’échanges autour du tapis sur la compréhension de l’histoire.
La troisième séance se déroulait en ateliers et chacun des ateliers avait un objectif précis de travail : un atelier était basé sur l’univers de l’album, un second traitait plus précisément du personnage en lui-même, un autre permettait d’observer si la distinction réel/imaginaire dans une page de l’album était perçue par les élèves et pour finir, un dernier permettait aux élèves de reformuler l’histoire déjà entendue en manipulant l’outil de médiation.
La quatrième séance avait deux objectifs distincts : le premier était de faire repérer aux élèves les éléments représentant l’imaginaire en faisant appel à des connaissances scientifiques et le second était de leur faire observer plus particulièrement la structure d’opposition présente dans le récit de l’album. Pour répondre au premier objectif, un retour sur les travaux faits en atelier et une discussion argumentée sur ces derniers étaient nécessaires. De plus, grâce à la séquence menée en sciences, des binômes présentaient leurs recherches sur des points qui posaient question dans l’album comme par exemple «les ronds de sorcière » ou « le mycélium ». Quant au second objectif, la structure d’opposition a été découverte en classe entière et a été sujette à des discussions argumentées afin de savoir si le narrateur de l’album utilisait un mot précis pour opposer l’envie imaginaire du personnage et la réalité comme dans l’exemple «Parfois, je voudrais des jambes pour m’en aller… et revenir. Mais Raymond, Juliette et les enfants aiment se reposer chez moi après leur promenade. ».
Les deux séances suivantes ont été mises en place sur la demande de l’enseignante titulaire de la classe. Celles-ci portaient sur le tri d’écrit et plus précisément sur la distinction entre album et documentaire. Les élèves ont donc dégagé les caractéristiques de chacun des ouvrages afin d’en faire une affiche de classe. Ces deux séances ont été pour nous un réel questionnement du fait quel’album d’A. Crausaz mêlait justement les caractéristiques de l’album et du documentaire.
La septième séance était pour nous comme un bilan de la séquence. Dans un premier temps, nous demandions aux élèves de nous détailler tout ce que l’on avait appris grâce à la lecture de cet album (sur le personnage, sur le contenu de l’ouvrage), nous jugions de l’impact des séances de découverte du monde menées en parallèle sur la compréhension de cet album. Dans un second temps, nous avons jugé nécessaire d’avoir un retour en petit groupe sur l’outil du tapis de lecture.
Ce retour s’est effectué par un dialogue entre les élèves sur ce qui relevait du réel ou de l’imaginaire dans l’outil en lui-même (les élèves manipulaient les personnages, les différents tissus, etc.) et parune discussion qui pour nous était de l’ordre de la réflexion sur l’outil. En effet, nous questionnionsles élèves sur l’apport du tapis pour eux, leur plaisir à le découvrir.
Enfin, nous avons voulu évaluer cette séquence par une production d’écrit sur le modèle narratif utilisé par A. Crausaz « je voudrais…mais». Nous proposions alors aux élèves diverses images d’animaux pour impulser leur imagination. Ils devaient réaliser le dessin qui représentait cette structure narrative, et sous forme de dictée à l’adulte nous avons légendé leurs dessins avec la structure utilisée.
Notre séquence de découverte du monde avait deux objectifs majeurs : voir le champignon comme être vivant avec un aperçu de son cycle de vie et aborder les relations entre l’amanite et les autres êtres vivants (Homme, végétaux, animaux).
La première séance était une séance d’ouverture durant laquelle nous avons demandé aux élèves de classer des éléments de la forêt (cailloux, arbre, champignon, feuilles, enfant, herbe, écureuil…) dans un tableau en deux colonnes : vivants/ non vivants afin d’évaluer leur perception de ce qu’est un être vivant. Ce travail a été effectué en groupe puis nous avons réalisé une mise en commun collective pour définir le vivant.
En deuxième séance, nous avons abordé les différentes parties du champignon (lamelles, chapeau, pied, anneau, volve). Nous avons ensuite demandé aux élèves de reconstituer un champignon version papier et de le légender avec un modèle de mots. Puis nous avons fait un retourà l’album pour leur présenter les filaments.
Durant la troisième séance, nous avons effectué un retour sur les recherches documentaires des élèves, en lien avec les TICE, sur le rôle des filaments. Puis nous avons installé une champignonnière dans la classe en suivant une démarche expérimentale avec les élèves. Une frise de temps avec photos a été réalisée pour leur permettre de visualiser le temps de pousse.
Lors de notre quatrième séance nous avons approfondi la notion de mycélium grâce à des documents et à une vidéo. Puis nous avons réalisé un premier dessin d’observation de lachampignonnière et nous avons collé une photo de la pousse de nos champignons dans la frise dutemps.
En séance cinq, nous avons étudié un extrait documentaire sur les spores puis nous avons lu aux élèves la démarche expérimentale de l’expérience de la sporée avant de la réaliser avec eux(on place un champignon dans un verre le pied dans l’eau et après quelques jours on peut voir des spores qui se sont déposés sur le carton dans lequel nous avions préalablement glissé le pied du champignon).
Durant la séance six, nous avons abordé la notion d’aliment toxique ou comestible à travers les pages de l’album où l’on peut voir les limaces manger l’amanite. Et enfin nous avons réalisé une approche de la protection de l’environnement avec la dernière page où des enfants sensibilisent le lecteur à la protection de l’amanite. (cf. annexe 1)
Comme nous pouvons le voir à travers ce descriptif, nous avons travaillé les deux matières en parallèle, et ces deux séquences ont pu aider à la compréhension globale de l’album, tant sur le plan littéraire que scientifique.
Découverte spontanée du tapis de lecture
Nous avons décidé d’introduire notre tapis de lecture en deuxième séance. Au début de notre album, il y avait quelques pages descriptives sur les « a priori » que l’on peut avoir sur l’amanite (exemple : « on dit de moi que je tue les mouches »). Nous les avons lues aux élèves, puis nous nous sommes arrêtées sur une double page où le lecteur est directement interpellé par le personnage de l’amanite qui lui dit: « et toi qu’en penses-tu? Suis-je vraiment si méchante ? ». Nous avons mené une discussion avec les élèves sur ce qu’ils pensaient de ces quelques pages et nous avons travaillé leur horizon d’attente. La page suivante débutait par « approche-toi, approche-toi, et regarde-moi vivre d’un peu plus près… ». Nous avons donc choisi de débuter le tapis à cette page car elle semblait un bon moyen de faire entrer l’enfant dans l’univers du tapis. La séance de lecture avec l’outil de médiationa été suivie d’un temps d’échanges autour du tapis sur la compréhension de l’histoire.
Lors de la lecture de la suite de l’album, nous avons pu remarquer que l’attention des élèves était attirée par le tapis, ce à quoi nous nous attendions. En effet, très peu d’élèves faisaient l’allerretour entre l’objet livre et le tapis de lecture. Il n’y a pas eu de changement majeur dans leur attitude lors des déplacements « classiques » du personnage. Cependant, lorsque nous avons fait grandir le personnage principal (cf. annexe 2), ils ont tous exprimé leur surprise avec un «W ahou !! » sans pour autant perdre le fil de l’histoire. Les élèves étaient très concentrés et attentifs aux moindre faits et gestes sur le tapis. Lorsque celle de nous deux qui lisait l’histoire a fait fonctionner le bâton de pluie pour représenter le bruit de la pluie, beaucoup d’élèves ont détourné leur regard du tapis pour regarder le nouvel objet qui faisait du son. On peut donc dire que les élèves sont attirés par tout ce qui stimule leurs sens et qu’ils sont capables de naviguer entre le tapis et un autre objet s’ils le désirent. Ceci nous montre que s’ils n’ont pas fait l’aller-retour entre le tapis et l’objet livre, c’est qu’ils ne souhaitaient pas le faire car nous avons pu voir qu’ils en étaient tout à fait capables.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE THEORIQUE
1. La place de la littérature de jeunesse à l’école maternelle
1.1. Ce que disent les Bulletins Officiels
1.2. L’album à l’école maternelle
L’objet livre, quelles difficultés présente-t-il pour l’enfant?
L’intérêt de l’album pour l’enfant
Quelles résistances à la compréhension de texte ?
2. Les outils de médiation
2.1. Ce qui existe, et leurs rôles
La marotte
La marionnette
Le Kamishibai
Le « raconte-tapis »
2.2. Etat des lieux : quels outils de médiation sont les plus utilisés dans les classes ?
3. Présentation de l’œuvre et de l’outil de médiation créé
3.1. Conception du tapis en fonction des résistances de l’album choisi
3.2. Articulation entre deux disciplines : sciences et littérature
PARTIE ANALYSE
1. Présentation du dispositif et du cadre dans lequel nous l’avons analysé
1.1. La classe observée et les modalités du relevé d’informations
1.2. Les séquences mises en place
2. Découverte spontanée du tapis de lecture
3. Apprentissages abordés grâce à l’outil de médiation
3.1. La Production langagière
Objectifs
Accomplissement réel des objectifs
Efficacité réelle du tapis
3.2. Distinction réel/imaginaire
Objectifs
Accomplissement réel des objectifs
Efficacité réelle du tapis
3.3. La notion de personnage
Objectifs
Evolution de la conception du personnage
Prise en compte d’un personnage original
Efficacité réelle du tapis
4. Perception des élèves, métaréflexion sur l’outil
5. Bilan réflexif
Le parcours vu par Marion
Le parcours vu par Jacinta
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE
MÉMOIRE PROFESSIONNEL MASTER MES – FICHE DESCRIPTIVE