Hélicité et chiralité
Définition et origine
Une hélice est une structure tridimensionnelle suivant une courbe hélicoïdale, c’est-à dire une courbe présentant un angle constant par rapport à un axe. Dans le cas de l’hélicoïde à section circulaire, la plus courante que ce soit naturellement ou artificiellement, elle suit dans le plan cartésien l’équation paramétrique suivante:
x(t) = a.cos(2πt)
y(t) = a.sin(2πt)
z(t) = b.t
L’hélicité observée dans la nature est expliquée par plusieurs phénomènes :
• optimisation et gain de place[1]
• maximisation des interactions moléculaires tout en minimisant l’énergie[2]
• présence d’une anisotropie dans les contraintes internes au matériau (mécanique, électrostatique, énergie de surface).
Dans la nature
La forme hélicoïdale est omniprésente dans les structures naturelles, à toutes les échelles de taille. On peut citer les cornes, cheveux, coquillages, cosses de Bauhinia variegata[4], organes de canards[5], à l’échelle macroscopique. Pour l’échelle microscopique, on trouve les flagelles de locomotion d’E. Coli ou d’autres micro-organismes[6], des bactéries telles que les spirochaetae, les filaments présents dans le cytosquelette, les xylèmes permettant le transport de nutriments dans les végétaux[7]. A l’échelle nano et moléculaire, l’exemple le plus célèbre est la double-hélice d’ADN, mais les protéines s’organisent également souvent en super-structures hélicoïdales telles que les hélices α et les feuillets β, comme l’insuline[8], la tropoélastine[9], le collagène en triple hélice ou encore les capsides de virus.
Pauling a été le premier à décrire que tout assemblage régulier d’éléments identiques dans les biomolécules est hélicoïdal. Il s’est appuyé sur la structure chimique des chaînes de polypeptides, en particulier les angles entre les liaisons chimiques[10]. Une preuve algébrique de ce phénomène a depuis été donnée par Cahill pour tout assemblage linéaire d’éléments entre lesquels il existe un angle de rotation constant[11].
Dans l’ingénierie
Les structures hélicoïdales se retrouvent également dans de nombreux objets artificiels, que ce soit par mimétisme face à la nature ou pour profiter des propriétés physiques associées à cette forme. Historiquement, l’un des premiers exemples en ingénierie est la vis d’Archimède, dont l’asymétrie permet la transduction des mouvements de rotation en translation, ou les structures en colimaçon, qui minimisent le volume occupé. L’exemple le plus connu reste le ressort. Par définition, il s’agit d’un corps élastique qui reprend sa position initiale après avoir été dévié ou déformé par de l’énergie mécanique. Les utilisations principales sont l’absorption d’énergie, la mesure ou le contrôle précis de force (par exemple en horlogerie). Les ressorts les plus courants sont hélicoïdaux à section circulaire, mais d’autres formes existent telles que disques, cônes, spirales, anneaux, volutes[13].
Dans l’électronique, un exemple courant est celui des fils torsadés en hélice, inventés au XIXe siècle par Bell[14], qui permettent de réduire le bruit dû à la diaphonie et équipent les téléphones filaires.
Chiralité
L’hélice est un exemple courant d’une propriété plus générale, la chiralité. On définit comme chirale une structure non superposable avec son image miroir, telle une main[15]. Cette notion a d’abord été évoquée au niveau macroscopique dès Platon et Aristote[16]. Elle a ensuite été mise en évidence pour les molécules par Pasteur en 1848, qui remarqua les propriétés optiques particulières des ions tartrate, un résidu de la distillation du vin; il utilisa le mot dissymétrie pour décrire ce phénomène[17].
La chiralité est d’une importance capitale en biochimie et chimie organique. En effet, le cas d’école de la molécule chirale, extrêmement répandu dans les molécules naturelles comme artificielles, est celle contenant au moins un carbone asymétrique – lié de façon covalente à 4 groupements différents. Chacune des images miroir est nommée énantiomère, L ou D selon l’arrangement de ses groupements. La particularité la plus facilement observable d’une solution de chiralité homogène est le dichroïsme circulaire, c’est-à dire la propension à modifier le plan de polarisation de la lumière.
D’autre part, la chiralité de toutes les biomolécules naturelles connues est remarquablement cohérente – toujours L pour les acides aminés, et D pour les sucres et l’ADN[15]. Ainsi, la chiralité influe sur la réactivité et donc la reconnaissance des biomolécules[19] ou l’adhésion des cellules[20]. Son contrôle est donc d’un intérêt stratégique pour l’industrie pharmaceutique et les biotechnologies.
Nanohélices : méthodes de fabrication
Les nanohélices sont des nanostructures, ou arrangements d’atomes possédant une taille caractéristique de l’ordre du nanomètre, présentant une géométrie hélicoïdale, le plus souvent à section circulaire. A l’instar des autres nanostructures, leur taille et leur géométrie leur confèrent des propriétés physiques différentes du matériau massif. Nous passerons tout d’abord en revue les méthodes qui permettent de fabriquer ces nanohélices, puis les domaines dans lesquelles elles ont été mises en application. Enfin, nous décrirons avec plus de précision le procédé de fabrication des nanohélices de SiO2 utilisées dans ces travaux.
CVD catalysée
Les premières nanostructures hélicoïdales fabriquées artificiellement le furent involontairement, lors de la fabrication de nanostructures unidimensionnelles telles que des nanotubes et nanofibres de carbone par CVD catalysée. La CVD – Chemical Vapor Deposition ou dépôt chimique en phase vapeur – est une méthode de dépôt utilisée en microélectronique de façon industrielle depuis les années 70[21]. Un précurseur gazeux est libéré sur un substrat, en général à haute température, et réagit avec sa surface, ce qui produit un dépôt plan. En présence d’un catalyseur de taille nanométrique – par exemple une nanoparticule métallique- un autre mode de croissance apparaît : la nanoparticule entre en fusion, les molécules du précurseur diffusent à l’intérieur, formant un alliage eutectique. Une nucléation se produit à l’interface entre le substrat et le liquide, permettant un dépôt vertical. Dans des conditions expérimentales favorables, la croissance verticale (1D) est bien plus rapide que celle en surface (2D), c’est pourquoi on parle de CVD catalysée. Ces dépôts anisotropes permettent d’obtenir des nanostructures de forme linéaire solidaires du substrat, le plus souvent des nanofils. Il s’agit du mécanisme VLS – Vapeur Liquide Solide – mis en évidence par Wagner et Ellis dans les années 60[22] puis modélisé par Givargizov[23].
Lors de synthèses de ces nanofils ou nanotubes, des structures hélicoïdales ont été observées parmi eux. Ces modes de croissance inattendus peuvent s’expliquer par l’influence de trois anisotropies[25] :
• L’angle formé entre l’interface nanoparticule de catalyseur – nanostructure et la direction de croissance de la nanostructure : le modèle d’Amelinckx le décrit dans le cas des nanotubes de carbone hélicoïdaux[3]
• La force électrostatique dans le cas de structures polaires comme le ZnO[26]
• les dislocations dans la structure cristalline, formant le plus souvent des super structures hélicoïdales dites d’Eshelby .
|
Table des matières
Introduction
Bibliographie
1 Hélices et nanohélices
1.1 Hélicité et chiralité
1.1.1 Définition et origine
1.1.2 Dans la nature
1.1.3 Dans l’ingénierie
1.1.4 Chiralité
1.2 Nanohélices : méthodes de fabrication
1.2.1 CVD catalysée
1.2.2 GLAD/OAD
1.2.3 Bi-films pré-contraints
1.2.4 Auto-assemblage en solution
1.2.5 Impression 3D
1.2.6 Autres méthodes
1.2.7 Nanohélices hybrides
1.3 Nanohélices et superstructures hélicoïdales : applications
1.3.1 Capteurs
1.3.2 Photonique
1.3.3 Locomotion et actionnement
1.3.4 Magnétiques
1.3.5 Catalyse, stockage
1.4 Nos nanohélices
1.4.1 Auto-assemblage en présence de contre-anions chiraux
1.4.2 Dépôt sol-gel en solution
1.4.3 Avantages et inconvénients
1.5 Conclusions
Bibliographie
2 Assemblage dirigé de nanohélices
2.1 Introduction
2.2 Etat de l’art
2.2.1 Nanostructures 1D
2.2.2 Méthodes d’assemblage dirigé
2.3 Assemblage capillaire
2.4 Assemblage de nanohélices
2.4.1 Assemblage manuel
2.4.2 Plateforme expérimentale
2.4.3 Assemblage sur substrat plan
2.4.4 Paramètres retenus
2.4.5 Substrat structuré
2.5 Conclusions
Bibliographie
3 Adressage et métallisation des nanohélices
3.1 Généralités
3.1.1 Problématique
3.1.2 Méthodes de métallisation
3.1.3 Méthodes de caractérisation
3.1.4 Assemblage macroscopique (packaging)
3.2 Métallisation de nanohélices au moyen du FIB
3.2.1 Conditions de dépôt
3.2.2 Morphologie des nanohélices obtenues
3.2.3 Caractérisation structurelle
3.2.4 Caractérisation électrique
3.3 Conclusions
Bibliographie
4 Caractérisation mécanique des nanohélices
4.1 Introduction
4.2 Caractérisation mécanique de nanostructures 1D
4.2.1 Visualisation en microscopie électronique
4.2.2 Nanoindentation
4.2.3 Méthodes électriques
4.2.4 Caractérisation par AFM
4.2.5 Autres méthodes
4.3 Caractérisation statique par AFM des nanohélices
4.3.1 Principes
4.3.2 Nanotubes et nanohélices de SiO2
4.3.3 Nanohélices métallisées
4.4 Discussion
4.4.1 Comparaison nanotubes/nanohélices/nanohélices métallisées
4.4.2 Différences entre simulation et mesure
4.4.3 Influence de l’encastrement
4.5 Conclusions
Bibliographie
5 Propriétés Électromécaniques des Nanohélices
Conclusion