Domaines vitaux et territoires
Les notions de domaines vitaux et de territoires, fort importantes en écologie spatiale et en écologie comportementale, sont souvent confondues. Le domaine vital est défini comme « l’ étendue d’une surface ayant une probabilité définie d’occurrence d’un animal sur une période de temps donnée » (Kernohan et al. 2001). Un territoire est plutôt défini comme « un espace fixe duquel un individu, ou un groupe d’ individus mutuellement tolérants excluent des compétiteurs pour une ou des ressources spécifiques » (Maher et Lott 1995). Cependant, la distinction biologique entre ces deux termes est parfois assez floue, et ils peuvent se superposer complètement (Tarroux 2011).
Structure sociale chez les canidés
Plusieurs pressions de sélection ont contribué à l’ évolution de groupes sociaux variés chez les canidés. Les coûts et les bénéfices reliés à la vie de groupe varient entre les espèces et entre les individus d’ une même espèce en fonction des circonstances écologiques (Macdonald 1983). Deux pressions de sélection ont été avancées pour expliquer la vie de groupe: le besoin d’ assistance lors de la chasse, plus particulièrement la chasse de grosses proies, et le besoin de se défendre contre d’autres prédateurs (Ewer 1973; Gittleman 1989; Creel et Creel 1995 ; Baker et al. 1998). Chez certaines espèces, on a observé une vie de groupe, mais une chasse solitaire (Macdonald 1983). Ce phénomène peut également s’ expliquer par d’ autres bénéfices que ceux cités ci-dessus. Il peut y avo ir une coopération dans les soins aux jeunes et les membres du groupe ont l’opportunité d’apprendre des autres (Macdonald 1983). La formation de ces groupes chez les carnivores est également basée sur les ressources critiques, notamment les ressources alimentaires, tel qu ‘expliqué par l’ hypothèse de dispersion des ressources (Macdonald 1983) ou l ‘ hypothèse de renouvellement des proies (Waser 1981). D’après ces hypothèses, chez les animaux territoriaux, des groupes peuvent se former lorsque les ressources du milieu sont suffisantes pour permettre la présence d’individus supplémentaires sur un domaine vital déjà occupé par un couple reproducteur (Waser 1981 ; Macdonald 1983 ; Eide et al. 2004). Ainsi, ces groupes sociaux peuvent apparaître bien qu’ il n’y ait pas forcément d’ interactions sociales, de coopération ou d’ autres avantages liés à la vie de groupe. Selon Macdonald (1983), les membres d’un groupe spatial peuvent être définis comme « des individus dont les domaines vitaux se chevauchent plus souvent que prévu par le hasard ». Chez la plupart des canidés, les groupes sont majoritairement composés d’ individus apparentés (Macdonald 1983). On observe chez les canidés la présence d’adultes non-reproducteurs (assistants) dans un groupe social, qui contribuent parfois à la survie des jeunes du couple dominant à qui ils sont ou ne sont pas apparentés (Rood 1978; Macdonald 1979; Moehlman 1979). Il existe deux types de comportements d’aide. L’aide à la tanière consiste à nourrir les jeunes de la femelle alpha (la seule à se reproduire), à les garder et à jouer avec eux (Kullberg et Angerbjorn 1992) alors que le système d’élevage en communauté consiste à élever les descendants de plusieurs adultes reproducteurs en communauté. Tant que les individus sont apparentés, ce type de comportement peut-être expliqué par la sélection de parentèle (Kullberg et Angerbjorn 1992). Les assistants sont habituellement des descendants ou sœurs de la femelle reproductrice (Kullberg et Angerbjorn 1992).
Structure socio-spatiale
Le renard arctique est territorial et socialement monogame et les partenaires semblent rester ensemble toute leur vie (Norén et al. 2011). La territorialité est plus prononcée lors de la saison de reproduction (avril à septembre), mais les adultes reproducteurs semblent rester sur leur territoire, même dans les années de faible abondance de nourriture où ils ne se reproduisent pas (Strand et al. 2000). La taille des domaines vitaux varie en fonction de la répartition géographique des renards arctiques. En été, la taille est en moyenne de 21 km2 en Alaska (Eberhardt et al. 1982) et de 4 à 10 km2 dans la zone côtière du delta du YukonKuskokwin en Alaska occidentale (Anthony 1997). Dans la toundra alpine de la Norvège, la taille des domaines vitaux varie entre 6 et 60 km2 (Landa et al. 1998), entre 40 et 55 km2 à Svalbard (Prestrud 1992), entre 10 et 14 km2 à l’ouest du Groenland (Birks et Penford 1990) et entre 9 et 19 km2 en zone littorale de l’Islande (Hersteinsson et Macdonald 1982). La taille des domaines vitaux varie également en fonction des saisons (Eberhardt et al. 1982; Anthony 1997; Landa et al. 1998) ainsi qu’en fonction de l’abondance et de la disponibilité de la nourriture. Ils sont plus petits dans les zones où la nourriture est plus abondante et plus stable dans le temps (Ims et Fuglei 2005). Les domaines vitaux d’ individus qui ne sont pas en couples présentent généralement un faib le degré de chevauchement alors que le contraire est observé pour les individus en couple (Eberhardt et al. 1982; Prestrud 1992). Afin de défendre leur territoire et de communiquer avec leur congénères, les renards utilisent des méthodes directes (chasse de l’ intrus) et indirectes (aboiement et urine) (Bekoff et Diamond 1976; Eberhardt et al. 1982; Bekoff et Wells 1986; Gese et Ruff 1997; Frommolt et al. 2003). Quelques auteurs stipulent que les partenaires interagissent peu durant la période de reproduction (Garrot et al. 1984; Audet et al. 2002). Au cours de cette période, le lien qui unit le couple semble faiblir graduellement et se brise lorsque les jeunes quittent la tanière natale (Fayet Follman 1982). Le comportement social des renards arctiques durant la saison de non-reproduction (octobre à mars) est très peu documenté. Durant cette période, les renards semblent très mobiles et généralement solitaires (Audet et al. 2002).
L’importance de la banquise pour le renard arctique
En hiver, la banquise permet aux renards arctiques d’ avoir accès aux ressources marines. Ils peuvent alors se nourrir de restes de phoques annelés (Phoca hispida) laissés par les ours polaires (Ursus maritimus), de carcasses de mammifères ou d’oiseaux marins gelés ou échoués sur la rive et ils peuvent capturer les jeunes phoques annelés dans leur tanière (Chesemore 1968b; Smith 1976; Pamperin et al. 2008). Ils peuvent également se nourrir d’ invertébrés, plus particulièrement des amphipodes qui se trouvent à l’ interface glace-eau (Pamperin et al. 2008). Afin d’estimer l’apport de protéines des ressources marines et terrestres en fonction de la saison, Roth (2002) a effectué une analyse des signatures isotopiques du carbone dans les poils d’ hiver et d’été des renards arctiques du Cap Churchill au Manitoba. Cette étude a montré que le régime alimentaire des renards arctiques était plus basé sur les ressources marines en hiver qu’en été, puisqu’à cette période, la banquise permet l’accès aux carcasses de mammifères et d’oiseaux marins, aux amphipodes et aux jeunes phoques. De plus, durant les périodes de faib le abondance de lemmings, les ressources alimentaires marines fournissent plus de la moitié de l’apport de protéines des renards. Cela suggère que la banquise joue un rôle majeur dans le maintien des populations de renards arctiques durant les mois d’hiver dans les zones côtières lorsque les ressources terrestres sont rares (Roth 2002). En plus d’offrir des ressources alimentaires additionnelles pendant les périodes de faible abondance de nourriture, la banquise permet d’augmenter la diversité génétique des populations (Geffen et al. 2007). La perte de la banquise pourrait ainsi affecter les mouvements de dispersion et de migration, amener une perte de diversité génétique et augmenter les taux d’accouplements consanguins (Geffen et al. 2007).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
La dynamique socio-spatiale hivernale chez les couples de renards arctiques (Vu Ipes Lagopus) dans le haut-arctique canadien
1.1 R ÉSUMÉ EN FRANÇAIS DU PREMIER ARTICLE
1.2 SOCIO-SPATIAL WI TER DYNAMICS IN ARCTIC FOX (VULPES LACOPUS) PAIRS IN THE CANADIAN HIGH-ARCTIC
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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