La tuberculose bovine est une maladie chronique des bovins causée par Mycobacterium bovis. Cette maladie est un fléau majeur de l’élevage de bovin. Elle cause une détérioration de l’état général des animaux et des pertes économiques importantes. C’est par ailleurs une zoonose : M. bovis est un agent de la tuberculose chez l’homme et de nombreuses espèces animales.
La lutte collective contre la tuberculose bovine a commencé en France en 1954, elle était fondée sur une stratégie associant un dépistage généralisé et un abattage des animaux réagissants. Cette stratégie est globalement restée inchangée jusqu’à l’obtention du statut « officiellement indemne de tuberculose bovine » en 2000 par l’Union Européenne, qui correspond à une prévalence cheptel inférieure à 0,1% durant 6 années consécutives (2001/26/CE). Des modifications de la stratégie de prophylaxie ont cependant eu lieu au cours du temps pour l’adapter à l’évolution de la situation épidémiologique de la tuberculose bovine en France ainsi qu’aux changements des structures et pratiques d’élevage. Ces mesures de lutte et leurs adaptations successives n’ont cependant pas permis à la France d’obtenir l’éradication de la maladie. Depuis 2004, une recrudescence des cas de tuberculose bovine est observée dans plusieurs départements comme la Côte d’Or et la Dordogne. Dans ce chapitre introductif, nous présentons d’abord la tuberculose bovine, ses symptômes, les voies de transmission de la maladie et les tests utilisés pour dépister l’infection. Nous décrivons ensuite l’évolution de l’incidence et de la prévalence cheptel de la tuberculose bovine entre le début de la lutte obligatoire (1965) et l’obtention du statut officiellement indemne (2000), en parallèle à l’évolution des schémas de prophylaxie et des structures et pratiques d’élevage. Pour finir, nous exposons la problématique et l’objectif des travaux effectués.
La tuberculose bovine est une maladie bactérienne chronique des bovins due principalement à Mycobacterium bovis mais qui peut également être provoquée par M. tuberculosis. C’est une maladie zoonotique qui peut également affecter plusieurs espèces animales. L’être humain peut s’infecter en consommant du lait cru ou par contact direct avec un animal infecté, mais le risque est faible. En France, la tuberculose bovine est inscrite sur la liste des dangers sanitaires de première catégorie (article 223.21 du code rural). Au niveau international, le code sanitaire pour les animaux terrestres spécifie que les cas de tuberculose bovine doivent être notifiés, par les pays concernés, à l’Organisation mondiale de la santé (OIE, 2014).
M. bovis est un bacille petit, trapu et granuleux (Thorel, 2003). C’est un pathogène intracellulaire obligatoire susceptible cependant de persister longtemps dans le milieu extérieur (Biet et al., 2005, Coetzer & Tustin, 2004, de la Rua-Domenech et al., 2006a). Les mycobactéries sont classées parmi les bactéries pathogènes non sporulées les plus thermorésistantes. Elles sont détruites à la chaleur humide en 30 minutes à 65 C°, 10 minutes à 72 C° ou 2 minutes à 100 C° (Wilson & Miles, 1975). Les bacilles tuberculeux sont sensibles à la lumière solaire, aux rayons ultra-violets (UV) et aux radiations ionisantes (Blood et al., 1981). Le sang, le sérum et autres protéines protègent les bacilles contre les rayons UV (Wilson & Miles, 1975). Par contre, ils sont modérément résistants au froid et à la dessiccation (Wilson & Miles, 1975). Les mycobactéries ont un temps de génération lent : une division toute les 20 heures en moyenne, soit 60 fois moins que les staphylocoques (Abramson, 1952).
La tuberculose bovine est observée chez tous les groupes d’âge. Sa durée d’incubation est longue (plus de 2 mois) (Wilson & Miles, 1975). C’est une maladie chronique qui évolue lentement pendant des mois ou des années, bien qu’elle puisse parfois être aigüe (tuberculose miliaire). Les premiers temps de l’infection sont asymptomatiques et les animaux peuvent être infectés de manière latente pendant une période prolongée. Les symptômes n’apparaissent qu’à un stade tardif de la maladie et dépendent de la localisation des lésions (les tubercules) qui peuvent concerner tous les organes (Bénet, 2012).
La principale source de contagion de la tuberculose bovine est un animal infecté qu’il soit malade ou non. L’excrétion de M. bovis est précoce, durable (durant toute l’évolution de la maladie), importante (en cas des lésions ouvertes) et irrégulière. Le jetage, la salive et les expectorations peuvent provoquer la dispersion dans l’atmosphère d’aérosols (constitués de gouttelettes de 3 à 7 micromètres de diamètre) contenant quelques bacilles tuberculeux responsable d’une transmission aérienne. Ces aérosols constituent la plus importante source de contagion (Perez et al., 2002a). Les fèces et l’urine sont des sources de contagion dans le cas de la tuberculose à localisation digestive et rénale respectivement (Goodchild & Clifton Hadley, 2001, Humblet et al., 2009, Menzies & Neill, 2000, Morris et al., 1994, Pollock & Neill, 2002). Parmi les voies d’excrétion, on trouve également le lait lors d’infection mammaire (Menzies & Neill, 2000, Morris et al., 1994, Pollock & Neill, 2002). En cas d’infection génitale par M. bovis, les sécrétions génitales peuvent également contenir des bacilles tuberculeux (sperme contaminé lors d’infection du testicule ou des sécrétions utérines lors de métrites contagieuses) (Francis, 1958). Il faut enfin souligner que la dangerosité de la contagion dépend aussi de la nature des lésions. En effet, les formes dites ouvertes (tuberculose du poumon, de l’intestin, de l’utérus et de la mamelle) sont considérées comme les plus dangereuses (Fischer et al., 2005). Néanmoins, il est possible qu’un animal tuberculeux sans lésion ouverte puisse excréter des quantités faibles de bacilles mais en quantité suffisante pour assurer la contagion.
Les voies de pénétration de M. bovis dans l’organisme sont variées et la localisation des lésions observées chez l’animal permet de déduire la voie d’entrée de la bactérie: les animaux porteurs de lésions dans la cavité thoracique uniquement sont supposés avoir été infectés par inhalation d’aérosols, tandis que des lésions au niveau des ganglions mésentériques laissent supposer une infection par ingestion. La principale voie de pénétration du bacille est ainsi la voie respiratoire chez les bovins (Palmer & Waters, 2006, Pollock & Neill, 2002, Perez et al., 2002b), et la majorité des lésions tuberculeuses observées dans les abattoirs sont détectées au niveau du tractus respiratoire et des ganglions associés (Francis, 1958, Francis, 1972, Menzies & Neill, 2000, Neill et al., 1988). La contamination par voie orale s’effectue par ingestion d’aliments, comme le lait ou l’herbe, contaminés par des doses bacillaires massives. Elle est considérée comme peu efficace en termes de dose infectante. En effet, la dose infectante par voie digestive est largement plus élevée que celle par voie respiratoire. Quelques bacilles contenus dans les aérosols peuvent conduire chez de nombreuses espèces à une infection tuberculeuse. Au contraire, la dose nécessaire pour infecter des veaux par voie orale est de l’ordre de 4 x 108 bacilles (Gannon et al., 2007, Goodchild & Clifton-Hadley, 2001, Menzies & Neill, 2000, Neill et al., 2001). Enfin, il existe d’autres voies de pénétration citées dans la littérature : la voie vénérienne (par l’insémination artificielle ou le transfert embryonnaire) (Roumy, 1966), cutanée (par piqûre ou souillure de plaies) (Francis, 1958) et conjonctivale (Liesegang & Cameron, 1980).
M. bovis est un agent pathogène intracellulaire des macrophages et d’autres cellules de type monocytes (de la Rua-Domenech et al., 2006a). Alors que le diagnostic de nombreuses maladies infectieuses repose sur la détection de la réponse humorale (anticorps), le diagnostic de la tuberculose est fondé sur la recherche d’une réaction d’hyper sensibilité retardée (HSR) (Ritacco et al., 1991). En effet, un bovin infecté développe une réaction immunitaire à médiation cellulaire (macrophages et lymphocytes T en particulier) trois à huit semaines en moyenne après l’infection (Francis, 1958). Cette réaction cellulaire se maintient plusieurs années avant de s’estomper définitivement quand la tuberculose est très avancée ou généralisée, l’immunité humorale remplaçant alors l’immunité à médiation cellulaire, et de ce fait, la détection de l’infection par une méthode allergique n’étant plus possible. L’évolution immunitaire de l’infection par la tuberculose bovine comporte 5 phases (Figure 1) : phase anteallergique (phase I, 3 à 8 semaines), installation de l’allergie (phase II), période d’allergie proprement dite (Phase III), diminution de l’allergie (Phase IV), et anergie (il n’est plus possible de détecter la réaction d’HSR, phase V).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1. La tuberculose bovine
1.1. Mycobacterium bovis
1.2. Symptômes
1.3. Transmission de l’infection
1.4. Dépistage de la tuberculose bovine
1.4.1. Tests ante-mortem
1.4.2. Tests post-mortem
2. Evolutions parallèles de la stratégie de lutte contre la tuberculose bovine et des structures et pratiques d’élevage
2.1. Avant 1965
2.2. Entre 1965 et 1980
2.3. Entre 1980 et 2000
2.4. Après 2000
ANALYSE SPATIO-TEMPORELLE DE L’EVOLUTION DE L’INCIDENCE CHEPTEL DE LA TUBERCULOSE BOVINE ENTRE 1965 ET 2000
1. Introduction
2. Matériel et Méthodes
2.1. Source de données
2.1.1. Incidence de la tuberculose
2.1.2. Rythme de prophylaxie
2.1.3. Structures et pratiques d’élevage
2.2. Modèle
2.2.1. Modèle spatio-temporel hiérarchique Bayésien
2.2.2. Paramétrisation du modèle
2.2.3. Exploitation du modèle
CONCLUSION GENERALE
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