La moléculture végétale: une alternative efficace pour la production de protéines recombinantes

La moléculture végétale: une alternative efficace pour la production de protéines recombinantes

Systèmes de production classiques

Les premières protéines recombinantes destinées à des fins cliniques ont été produites dans des cellules bactériennes, notamment Escherichia coli. Ces organismes simples présentent l’avantage d’avoir été très étudiés et leur physiologie cellulaire très bien documentée. E. coli a permis, entre autres, la production efficace de protéines humaines comme l’hormone de croissance, l’insuline recombinante et l’interféron ß. D’autres bactéries ont été utilisées comme hôtes d’expression, comme le Lactoccocus lacti ou différentes espèces du genre Pseudomonas (Chen, 2012). La transformation des cellules bactériennes est réalisée en général par le biais de vecteurs plasmidiques portant un gène pour la protéine d’intérêt, communément appelé transgène. Ce transgène et un marqueur de sélection flanqués de deux régions homologues sont intégrés dans le génome bactérien par recombinaison (Richter and Gescher, 2012), après quoi les transformants sont sélectionnés grâce au marqueur de sélection.

En dépit de leurs nombreux avantages, les bactéries sont des organismes procaryotes et ne réalisent pas la plupart des modifications post-traductionnelles nécessaires au repliement adéquat et à la maturation de nombreuses protéines d’intérêt clinique. En particulier, les bactéries n’opèrent pas la glycosylation des protéines, un processus important pour la stabilité et l’activité biologique d’une majorité de protéines d’intérêt clinique. De plus, la production de protéines dans les cellules procaryotes n’est pas exempte de difficultés techniques, telles la solubilité limitée et la purification parfois difficile des produits recombinants (Berlec et al., 2013). Les protéines recombinantes exprimées fortement dans les bactéries forment souvent des corps d’inclusion dans le cytoplasme, qui rendent difficile leur extraction et compromettent leur intégrité structurale et leur activité biologique. Souvent pour ces raisons, des systèmes de production alternatifs ont été mis au point au fil des années.

Transfection des cellules végétales

La moléculture végétale consiste à produire des protéines recombinantes dans des cellules végétales, des tissus ou des plantes entières, une approche rendue possible le plus souvent par l’utilisation du vecteur de transfert bactérien Agrobacterium tumefaciens. Cette bactérie responsable de la galle du collet se distingue par sa capacité à transférer à la plante une partie de son ADN, l’ADN-T retrouvé dans le plasmide Ti (tumor-inducing), qui se dirige ultimement vers le noyau de la cellule végétale pour être intégré dans l’ADN hôte (Gelvin, 2003). Dans la nature, cette bactérie manipule la plante pour la synthèse d’analogues fonctionnels des cytokinines, des opines, dont l’action induit un appel de composés carbonés et azotés essentiels à son bon développement dans les cellules infectées. Les agrobactéries reconnaissent des molécules-signal, notamment des composés phénoliques et des sucres, émises par les tissus végétaux blessés.

Leur action post-infection induit la formation de tumeurs chez la plante par une modification des cellules cambiales, cellules précurseurs des éléments de tube criblés du phloème et des éléments de vaisseaux du xylème, dans les tissus touchés. Pour être utilisées pour la production de protéines recombinantes, des souches de cette bactérie dites « désarmées » ont été modifiées de manière à pouvoir toujours infecter la plante hôte mais à ne pas causer les symptômes de la maladie. Des sections du plasmide Ti ont été supprimées, en particulier les gènes responsables de la synthèse d’opines et de la formation de tumeur, et remplacées par des sites de clonage nucléotidiques pour l’intégration des transgènes d’intérêt et des séquences régulatrices nécessaires à leur expression. Ce plasmide modifié porte le nom de vecteur binaire, complémentaire à un plasmide « helper » inclus dans la souche, qui porte les gènes de virulence vir nécessaires au processus d’infection (Pacurar et al., 2011) (Figure 1.1).

Au laboratoire, les agrobactéries transformées sont sélectionnées à l’aide de gènes de résistance à différents antibiotiques, puis transférées aux cellules foliaires par diverses approches, comme par exemple par infiltration (ou agroinfiltration) sous-vide (Leuzinger et al., 2013) ou à l’aide d’une seringue dépourvue d’aiguille (D’Aoust et al., 2009). L’entrée du matériel génétique bactérien dans les cellules foliaires est un processus complexe impliquant des protéines encodées par des gènes situés dans la région de virulence du plasmide Ti (Figure 1.1C). Après adhésion de la bactérie aux cellules saines et sensibles de la plante, il y a activation des gènes de virulence vir et des endonucléases, VirD1/VirD2, ciblent les séquences bordant l’ADN-T. Ces nucléases coupent le brin complémentaire non transcrit de l’ADN-T du plasmide Ti, qui se présente alors sous une forme simple brin, le brin-T. La protéine VirD2 s’attache ensuite de façon covalente à l’extrémité 5’ du brin-T, et le conjugué protéine/ADN est alors transféré dans la cellule-cible via la paroi cellulaire, par l’intermédiaire d’un système de sécrétion composé de protéines VirB et VirD4. D’autres protéines nécessaires au processus de transformation, VirE2, VirE3, VirF et VirD5, sont exportées par la bactérie. Bien que le mode de fonctionnement du processus soit très complexe, il est généralement admis que le brin-T est assemblé dans la cellule végétale et entouré par des protéines VirD2 et VirE2, qui possèdent des signaux de localisation nucléaire et agissent comme protéines pilotes pour la migration de l’ADN-T en direction du noyau cellulaire (Lacroix et al., 2006; Pacurar et al., 2011).

Instabilité des protéines recombinantes in planta

La moléculture végétale, malgré ses avantages, n’est pas exempte de difficultés. Par exemple, certaines protéines recombinantes s’accumulent à des niveaux impressionnants chez les plantes mais d’autres subissent une dégradation rapide par protéolyse et montrent des rendements limités, sinon nuls. Plusieurs protéines étrangères sont attaquées rapidement par des protéases foliaires endogènes, avec comme résultat un faible rendement malgré des transcrits d’ARNm facilement détectables. La dégradation des protéines recombinantes dépend des sites de clivage accessibles aux protéases endogènes à leur surface (Badri et al., 2009a; Benchabane et al., 2009). Des accumulations très faibles, souvent inférieures à 0,01% des protéines solubles totales, ont été observées pour plusieurs protéines d’intérêt médical exprimées chez les plantes, incluant par exemple l’interféron ß, l’érythropoïétine et le facteur de croissance épidermique humain (Daniell et al., 2001). Des travaux ont été faits ces dernières années pour comprendre ces phénomènes de protéolyse et pour en baliser les effets, mais le problème demeure important dans plusieurs cas. Les phénomènes de protéolyse sont essentiels in vivo, notamment pour la maturation des protéines sécrétées. Ils permettent le retrait du peptide signal et des peptides régulateurs en cours de biosynthèse protéique. Ils permettent aussi à la plante de se défendre contre des agents pathogènes, ou encore de dégrader les protéines mal repliées ou endommagées qui circulent dans la cellule. Dans un contexte de moléculture, la protéolyse, bien qu’essentielle à la plante, représente souvent un frein à la production efficace de protéines recombinantes (Faye et al., 2005).

À l’échelle d’une plante vasculaire, le métabolisme protéolytique est particulièrement complexe. Chez A. thaliana, environ 1,900 gènes codent pour des protéines impliquées directement ou indirectement dans l’hydrolyse de liens peptidiques, et plusieurs centaines de protéases ont été décrites à ce jour (Schaller 2004). Le système protéolytique le mieux caractérisé chez les plantes est le sentier ubiquitine/protéasome, dont les composantes sont encodées par environ 5% du génome codant de la plante, soit près de 1,300 gènes (Smalle et Vierstra, 2004). Le protéasome, qui joue de nombreux rôles dans la plante, serait surtout impliqué dans la régulation du développement et la croissance de la plante, en complément à différentes protéases plus ou moins spécifiques encodées par environ 600 gènes additionnels. Ces quelque 600 protéases sont impliquées, comme le protéasome, dans une variété de processus métaboliques et cellulaires. Sur le plan biochimique, ces enzymes sont catégorisées en fonction de leur mécanisme d’action et de leur spécificité pour certains substrats. Il existe, selon la classification usuelle, des exoprotéases, ou exopeptidases, qui clivent les chaînes polypeptidiques à leur extrémité N- ou C-terminale; et des endoprotéases, ou endopeptidases, qui clivent ces chaînes de l’intérieur. Plusieurs grandes familles d’endoprotéases ont été décrites à ce jour chez les plantes, incluant les protéases de type cystéine, les protéases de type sérine et les protéases de type aspartate, nommées en fonction des acides aminés requis pour leur activité catalytique.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 Revue de littérature
1.1 La production de protéines recombinantes
1.1.1 Systèmes de production classiques
1.1.1.1. Les bactéries
1.1.1.2 Les levures
1.1.1.3 Les cellules animales
1.1.1.4 Les oeufs
1.1.2 La moléculture végétale: une alternative efficace pour la production de protéines recombinantes
1.1.2.1 Transfection des cellules végétales
1.1.2.2. Transformation stable, expression transitoire
1.2 La protéolyse, souvent un frein à l’obtention de rendements satisfaisants en moléculture végétale
1.2.1 Instabilité des protéines recombinantes in planta
1.2.2 Sénescence et protéolyse
1.3 Stratégies pour la protection des protéines recombinantes en moléculture végétale
1.3.1 Stabilisation des protéines recombinantes ex planta
1.3.2 Stabilisation des protéines recombinantes in planta
1.3.2.1 Des lignées végétales déficientes en protéases
1.3.2.2 L’expression du transgène dans un tissu ou un organe pauvre en protéases
1.3.2.3 L’adressage intracellulaire des protéines recombinantes
1.3.2.4 La co-expression d’inhibiteurs de protéases compagnons
1.3.3 Downstream processing, rendement et qualité des produits protéiques recombinants
1.3.3.1 La RuBisCO, un contaminant majeur des produits recombinants
1.3.3.1 Interactions jasmonate–salicylate in planta
Chapitre 2 Hypothèses et objectifs de recherche
2.1. Les hypothèses du projet de recherche
2.2 Les objectifs du projet de recherche
2.2.1 Objectifs relatifs à l’âge des feuilles
2.2.2 Objectifs relatifs au métabolisme de défense
Chapitre 3 Protection d’anticorps de mammifères recombinants contre la protéolyse dépendante du développement dans les feuilles du Nicotiana benthamiana
3.1 Brève mise en contexte
3.2 Résumé
3.3 Abstract
3.4 Introduction
3.5 Materials and Methods
3.5.1 Expression constructs and agroinfiltration
3.5.2 Whole-leaf and leaf apoplast proteins
3.5.3 Protease assays
3.5.4 Immunodetections
3.5.5 C5-1 quantification
3.5.6 C5-1 activity
3.5.7 Statistical analyses
3.6 Results
3.6.1 Endogenous proteolytic activities are influenced by leaf age and agroinfiltration
3.6.2 The antibody-stabilizing effect of co-expressed protease inhibitors is leaf age-dependent
3.6.3 SlCYS8-stabilized C5-1 is biologically active
3.6.4 Co-expressed SlCYS8 extends the accumulation phase of C5-1 in leaves
3.7 Discussion
3.8 Acknowledgments
3.9 Supporting information
Chapitre 4 Diversion du protéome foliaire chez Nicotiana benthamiana pour l’enrichissement pré-extraction d’une protéine recombinante exprimée transitoirement
4.1 Mise en contexte
4.1.1 Quelques résultats complémentaires
4.1.1.1 L’effet protecteur de SlCYS8 sur l’anticorps C5-1 est lié à son activité anti-protéasique et à sa présence dans le système de sécrétion cellulaire
4.1.2 En conclusion
4.2 Résumé
4.3 Abstract
4.4 Introduction
4.5 Experimental procedures
4.5.1 Plant tissue sampling and elicitor treatments
4.5.2 Gene constructs and leaf agroinfiltration
4.5.3 Protein extraction, SDS-PAGE and immunoblotting
4.5.4 Mass Spectrometry
4.5.5 Protein identification
4.5.6 Real-time RT PCR
4.5.7 Bacterial counts
4.5.8 Protease assays
4.5.9 C5-1 quantification
4.5.10 Statistical analyses
4.6 Results and discussion
4.6.1 MeJA induces a leaf proteome rebalancing in N. benthamiana
4.6.2 MeJA has little effect on the N. benthamiana–A. tumefaciens interaction
4.6.3 MeJA also has little effect on protease activities in transfected leaves
4.6.4 MeJA treatment increases the accumulation of a transiently expressed recombinant protein 83
4.7 Conclusions
4.8 Acknowledgements
4.9 Supporting information
Chapitre 5 Conclusions et perspectives
5.1. Retour sur les hypothèses
5.1.1 Hypothèse principale 1, sur l’influence du stade de développement des feuilles sur le rendement en anticorps C5-1
5.1.2 Hypothèse principale 2, sur l’influence des sentiers de défense de la plante hôte sur le rendement en anticorps C5-1
5.2. En conclusion
Références
Annexe
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