La scission de copropriété avant la loi ALUR : une scission limitée
L’article 28 de la loi de 1965 fut en partie réécrit par la loi SRU33 du 13 décembre 2000 en supprimant la mention du partage des parties communes entre les copropriétaires. En parallèle, la loi SRU modifiait l’article 749A du Code général des impôts en élargissant le champ d’application pour l’exonération d’impôts en cas de partage. Cette modification permettait de faciliter sur le plan fiscal la scission de copropriété. Cependant, les conditions demandées pour permettre la scission étaient jugées trop contraignantes par de nombreux professionnels (A). Ainsi une évolution était souhaitée par la doctrine et la pratique, et c’est pourquoi des modifications de textes ont été proposées (B).
Les conditions contraignantes de l’ancien article 28 de la loi du 10 juillet 1965
« Lorsque l’immeuble comporte plusieurs bâtiments et que la division de la propriété du sol est possible », c’est ainsi que commençait l’ancien article 2836 de la loi de 1965, qui posait ainsi deux conditions cumulatives pour pouvoir procéder à une scission de copropriété : la possibilité de diviser le sol (1) et la pluralité de bâtiments (2). Ces critères étaient indispensables mais limitaient fortement l’application du texte en raison de la difficulté de leur obtention. Ils rendaient, en pratique, impossible la scission des ensembles immobiliers complexes.
La possibilité de division du sol
La scission de copropriété était envisagée si « la division de la propriété du sol est possible ». Cependant aucune autre précision n’est ajoutée. La division du sol doit-elle être seulement matériellement possible ou devait-elle l’être aussi juridiquement ? Cette ambiguïté a laissé place à différentes interprétations et de nombreux auteurs prennent position.
Dans un premier temps, il faut se demander si la division ne concerne que la division matérielle du sol. Cette dernière permet d’individualiser la propriété. Il est impératif que la division « se [fasse] sur un sol commun vierge de toute construction ou au milieu d’un mur destiné à devenir mitoyen »38. Les lots privatifs ou les parties communes ne peuvent donc pas être divisés. La limite doit être verticale et ainsi conférer au sol divisé une pleine propriété en élévation. A titre d’illustration un arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux a pu statuer en ce sens, en 2006, en indiquant qu’une « imbrication ne [rend] pas possible la division de la propriété du sol ». On le voit, l’imbrication est donc incompatible avec la scission de copropriété. Les ensembles immobiliers complexes ne sont donc pas concernés par cet article étant donné qu’ils ne pourront pas, quoiqu’il arrive, satisfaire la condition de divisibilité du sol. En effet, une limite verticale ne pourra pas être définie en raison de leurs imbrications.
Dans un second temps, il faut s’interroger sur la notion de division juridique du sol. Daniel Sizaire pensait que la division du sol devait être « administrativement possible »41 en plus de la possibilité matérielle, vue précédemment. Il faut donc obtenir les autorisations pour diviser la parcelle d’assiette et veiller à respecter les règles du droit de l’urbanisme, et ce même si un terrain bâti ne doit pas être concerné en pratique. En effet, la loi42 s’applique sur des terrains ayant vocation à être bâtis. Ainsi, en retirant un terrain déjà bâti il n’a pas lieu de penser à une opération de lotissement. Cependant l’article L442-1-2 du Code de l’urbanisme pose que « le lotisseur peut […] choisir d’inclure dans le périmètre du lotissement des parties déjà bâties ». Il est donc nécessaire de s’interroger sur une éventuelle application ou non du régime du lotissement avant d’entreprendre une scission. En effet, lorsque le régime du lotissement s’applique il faut consulter le cahier des charges de ce dernier pour savoir s’il y a des conditions de division.
A notre connaissance, la jurisprudence ne s’est pas prononcée sur la division du sol, qu’elle soit matérielle ou juridique. Il est donc nécessaire, par prudence, de vérifier que les deux divisions soient possibles pour ne pas avoir à remettre en cause le projet de scission. En plus de la division du sol, il faut s’intéresser aux différents bâtiments que l’on souhaite scinder.
La pluralité de bâtiments
L’article 28 de la loi du 10 juillet 1965 posait également que la copropriété doit « comport[er] plusieurs bâtiments ». Néanmoins, aucune précision n’était apportée sur la notion de bâtiment. D’après une réponse ministérielle, « par bâtiment, il faut entendre des constructions indépendantes les unes des autres, même si ces constructions sont desservies par des équipements ou des aménagements communs ». La doctrine émet une approche plus souple. En effet, si une construction est unique mais qu’elle a des parties techniques différentes (telles une présence de joint de dilatation ou une absence de communication interne…) alors la pluralité de bâtiments est admise. Cela tend à s’adapter aux techniques de constructions nouvelles. Cependant la Cour de cassation rejette l’hypothèse de la doctrine, elle n’admet pas qu’il y ait une pluralité de bâtiments s’il existe une « unicité du gros oeuvre ». Autrement dit, même s’il existe deux bâtiments accolés mais qu’ils ont une cage d’escalier unique, il n’y a pas pluralité de bâtiments.
La pluralité de bâtiments signifie donc la présence d’au moins deux bâtiments distincts. Cette condition évince les ensembles immobiliers complexes qui ont une structure homogène. C’est le cas, par exemple, de deux bâtiments accolés, avec chacun leur propre entrée, mais où le rez-de-chaussée des deux bâtiments ne forme qu’un seul espace de vente. De plus, de nombreux cas de construction dits sur dalles ont vu le jour à la fin des années soixante48. A la surface de la dalle nous constatons des « bâtiments » distincts ; mais, sous la dalle il n’y a qu’une structure unique. Ainsi, ces ensembles immobiliers complexes ne peuvent pas être divisés en raison de leur imbrication sous la dalle. Il était donc difficile, en pratique, de réunir la condition de division du sol et de la pluralité de bâtiment. La mise en application de la scission était donc très limitée. C’est pourquoi, une évolution du texte était souhaitée.
Une application limitée ou les nécessités d’une évolution ?
Les conditions contraignantes de divisibilité du sol et de la pluralité de bâtiments, limitent l’application de la scission de copropriété. Néanmoins si ces critères sont réunis, il faut encore que l’assemblée des copropriétaires valide les préalables matériaux, juridiques et financiers nécessaires (1). Cette étape est cruciale puisqu’elle détermine la réussite de la scission par la suite. Face à tant de facteurs réduisant la mise en pratique du mécanisme de scission, la doctrine et les professionnels ont souhaité un autre mécanisme et ainsi officialiser la scission en volumes (2). Cette dernière permettrait de procéder à la scission des ensembles immobiliers complexes.
Les préalables matériels, juridiques et financiers à anticiper minutieusement
La loi SRU du 13 décembre 2000 a introduit les préalables matériels, juridiques et financiers. Ces derniers sont indispensables à la scission de copropriété. Ils permettent de monter correctement le projet. Ils devront être approuvés en assemblée générale « à la majorité des voix de tous les copropriétaires ».
Les préalables matériels représentent l’ensemble des actes qui serviront à individualiser les futures propriétés. Pour cela, une étude minutieuse des bâtiments doit être faite. Elle permet de savoir s’il est possible de diviser le sol et si oui, où se situera la ligne divisoire entre les futures propriétés. On le sait, la définition des limites relève du monopôle du géomètre-expert et ce dernier intervient donc à cette étape pour dresser un plan représentant les délimitations des futures propriétés séparées. Cette étude permet ensuite de mettre en évidence les moyens d’accès à chaque fonds et le sort des équipements. Ces derniers peuvent être attribués à une propriété spécifique si cela est possible sinon ils resteront communs et leur gestion sera assurée par une organisation commune. La préparation de la scission commence par les préalables matériels, cette étape ne doit donc pas être négligée.
Les préalables juridiques sont la traduction du plan de division. Les servitudes résultant de la division vont être créées avec une participation aux frais des fonds dominants. Il faut rappeler qu’une servitude « est une charge imposée sur un héritage [fonds servant] pour l’usage et l’utilité d’un héritage [fonds dominant] appartenant à un autre propriétaire ». Prenons le cas des servitudes de passage, par exemple. Sur le plan, la servitude de passage est représentée par une flèche sur le fonds servant. En pratique, pour une meilleure lisibilité, cette flèche est teintée de la couleur attribuée à la propriété du fonds dominant. Cette étape est primordiale, toutes les servitudes possibles doivent être renseignées ; qu’elles soient des servitudes de vues, de passage, de tour d’échelle, de mitoyenneté… Le moindre oubli pourra créer par la suite des conflits entre les propriétaires. Le géomètre-expert les répertorie dans un premier temps et il faudra les acter par un notaire ensuite. Enfin, il faudra les publier pour qu’elles deviennent pérennes. Effectivement, la publication des servitudes, à la publicité foncière, permettra l’opposabilité aux tiers. Les servitudes sont attachées aux terrains et non à la personne, ainsi si une vente a lieu par exemple, cela permet de les faire perdurer et éviter par la suite tout conflit entre les acquéreurs.
Enfin, les préalables financiers déterminent le coût de l’opération : de l’étude du projet jusqu’à l’acte de la scission. Les copropriétaires doivent être informés de tous les frais engendrés avant le vote en assemblée générale. Les frais peuvent être à la charge du demandeur de la scission ou repartis sur la totalité des copropriétaires ; il faut compter les frais d’établissement des plans, de rédactions des actes (acte de division, et éventuels règlements de copropriété futurs) et la liquidation du syndicat entre autre. Tout cela peut s’avérer coûteux selon la complexité et la durée du travail.
A cela s’ajoute le droit de partage. Ce dernier peut être défini comme « la division qui se fait, entre plusieurs personnes, de biens qui leur appartenaient en commun en qualité de […] copropriétaires, à quelque titre que ce soit » . Le partage est donc l’acte par lequel une personne qui possède un bien en indivision, ici la copropriété, y met fin et les biens sont alors répartis. En effet, la scission « n’est pas une cession mais un partage : le syndicat des copropriétaires ne vend pas les parties communes au retrayant il les partage avec lui ». La conséquence du partage est que chaque propriétaire se voit attribuer des droits exclusifs sur un bien alors qu’auparavant il possédait des droits indivis. Le partage est bien un droit puisque dans le Code civil il est indiqué que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué […] »58. Dans le but de favoriser la scission des grandes copropriétés, la loi SRU du 13 décembre 200059 a exonéré les frais de 1% dus à l’administration fiscale. Pour ce faire, trois conditions sont requises et vérifiées par les services de la direction générale des finances publiques, pour profiter de l’exonération. Dans un premier temps, il faut constituer un partage, c’est-à-dire faire une opération qui mettra fin à une indivision. Dans un second temps, il faut vérifier que le projet est prévu sur des immeubles bâtis, un groupe d’immeubles bâtis ou des ensembles immobiliers. Enfin, il faut que ces derniers soient soumis au statut de la copropriété fixé par la loi du 10 juillet 1965. Cette exonération a été bénéfique pour faciliter la scission de copropriété, cela permettait d’éviter de rajouter des frais supplémentaires à ce mécanisme déjà coûteux. De nos jours, l’exonération est maintenue et d’autant plus appréciée puisque les frais du droit d’enregistrement ou de taxe de la publicité foncière ont été augmentés à 2.50%.
Enfin, le règlement d’une soulte est possible entre les copropriétaires. En effet, si après la division, le retrayant se retrouve avec un surplus de terrain par rapport à ce qu’il possédait auparavant, il devra alors verser une soulte au copartageant qui se retrouve lésé. Le surplus est la conséquence du partage des parties communes. En principe, il convient de répartir les parties communes selon les tantièmes de copropriété. Or, en scindant la copropriété, un déséquilibre dans l’attribution des parties communes peut être constaté. Il convient de faire une étude sur les parties commune. A titre d’illustration, prenons l’exemple de la scission de copropriété de l’ensemble immobilier complexe Gaité Montparnasse ; la ville de Paris y possède une bibliothèque. Dans un premier temps, une répartition théorique des surfaces des parties communes selon les tantièmes généraux de la copropriété est présentée. La ville de Paris possède 0,5% des tantièmes de la copropriété, elle récupère donc théoriquement 176,60 m² de parties communes. Dans un second temps, la répartition réelle des surfaces de parties communes selon l’affectation après la scission est faite. Lors de la délimitation des futures propriétés aucune partie commune n’a été attribuée à la bibliothèque. La ville de Paris est ainsi lésée de 176,60 m². En attribuant un prix au mètre carré il est possible d’obtenir la soulte qui sera versée à la ville de Paris par les autres propriétaires suite à la scission de la copropriété. Les soultes sont soumises au droit d’enregistrement63. Une taxe est donc à verser à la publicité foncière par le bénéficiaire. Cet exemple démontre la complexité de la scission. L’ensemble de ces préalables viennent alourdir le mécanisme de scission déjà limité comme on a pu le voir précédemment. C’est pourquoi, les professionnels ont souhaité que le législateur élargisse le champ d’application de la scission.
La scission en volumes : volonté d’officialisation des professionnels
La division en volumes est née de la pratique en 1962, dans le quartier de la Défense, grâce à un notaire, Maître Claude Thibierge et au directeur juridique de l’EPAD (établissement public d’aménagement de la Défense), Monsieur Jean Cumenge64. Contrairement à la copropriété, la division en volumes n’est encadrée par aucun texte de loi. C’est pourquoi, pour plus de sécurité juridique, le régime de la copropriété a été choisi pour de nombreux ensembles immobiliers complexes créés dans le début des années soixante-dix. « L’urbanisme sur dalle » est apparu à une époque où la division en volume n’était que peu pratiquée65. Pourtant, cette dernière est davantage préconisée de nos jours pour les ensembles imbriqués. En effet, la division en volumes a tout d’abord été sollicitée pour envisager l’imbrication de propriétés privées avec le domaine public et les ensembles immobiliers complexes66. Elle permettait de gérer les immeubles où le régime de la copropriété était mal ou peu adapté67. C’est ainsi que depuis plusieurs années la scission en volumes est évoquée pour sortir les ensembles immobiliers complexes du régime de la copropriété. Cette dernière permettrait de déroger aux conditions trop strictes de l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965. La jurisprudence a permis de nuancer ces conditions. En effet, un arrêt de la Cour de cassation censure la position des juges du fond qui n’apportent pas de base légale à leur décision. Ces derniers avaient rejeté la scission car « l’intégralité du sol ne pouvait être matériellement divisée »69. Monsieur Atias observe que l’arrêt « établit une corrélation entre les art. 28 et 1er, al. 2, de la loi. C’est parce qu’en l’espèce, l’immeuble constituait un ensemble immobilier et aurait donc pu être soustrait, dès l’origine, au statut de 1965 que la division de la copropriété est admise »70. Ainsi, ne pouvant pas, dans de nombreux cas, cumuler les deux conditions de l’article 28, cet arrêt marque une évolution. Par la suite, un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a pu élargir la notion de « bâtiment ». En effet, cet arrêt va autoriser la scission d’un lot transitoire. Dès lors, les notaires ont proposé une nouvelle rédaction de l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965 pour y intégrer les évolutions jurisprudentielles à propos des lots transitoires et des terrains non bâtis. L’article réécrit débutait ainsi : « Lorsque l’immeuble comprend plusieurs bâtiments, lots non bâtis ou groupes de lots et que la division du sol ou l’individualisation d’un lot ou d’un groupe de lots est possible sans contrevenir aux dispositions de l’article 1 de la présente loi […] ». Cela permettait d’élargir le champ d’application de la scission qui est jusqu’à présent trop restreint. La notion « d’individualisation d’un lot ou d’un groupe de lots » amène à la scission des ensembles imbriqués. Cette volonté de créer des propriétés indépendantes dans des volumes a été confortée par la jurisprudence. En effet, la Cour de cassation a admis par un arrêt du 17 février 199975, qu’un volume clairement défini pouvait être assimilable à un terrain s’il y avait un réel droit de propriété qui s’exerçait dans le volume. Quelques mois plus tard, fut prononcée par ordonnance77 la scission judiciaire en volumes de la résidence du parc de la Noue à Bagnolet. Ce grand ensemble immobilier fortement imbriqué ne pouvait pas remplir la condition de divisibilité du sol. La seule solution envisageable pour séparer les différentes entités de la copropriété étaient alors de les répartir dans des volumes distincts. La gestion de l’ensemble immobilier a été simplifiée en scindant la copropriété en plusieurs petites qui pouvaient être autonomes.
L’autonomie est le critère majeur de la division en volumes ; c’est une nécessité. Elle est dorénavant reconnue par la jurisprudence pour « les ensembles immobiliers complexes composés d’éléments très dissemblables »79. En principe, un seul permis de construire doit être déposé pour un bâtiment. Or, dans le cas d’ensemble immobilier unique, la Cour de cassation admet que plusieurs permis de construire puissent être délivrés pour des « éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome ». Suite à ces évolutions jurisprudentielles et à la scission judicaire en volumes de la Noue, les géomètres-experts ont renouvelé le souhait d’officialisation de la scission de copropriété en volumes. Lors de leur congrès, une table ronde regroupant professeur de droit, avocat et notaire a été organisée ; les intervenants confirmaient le besoin d’officialiser la scission en volumes. Cette dernière avait déjà été proposée lors du congrès des notaires en 2007. Ainsi, un message d’unicité de la doctrine et de la pratique sur cette volonté semblait être mis en avant. Il est rappelé que la scission en volumes ne pourra être réalisable que sous certaines conditions de création d’un ensemble immobilier de l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi de 196583. Pour cela elle se doit de créer des unités de gestion autonomes et un organisme de gestion, mais aussi de supprimer toutes parties communes.
La doctrine et la pratique se trouvent soutenues, dans leur volonté d’évolution, par l’Agence Nationale à l’Amélioration de l’Habitat, puisque Monsieur Braye, son Président, a proposé en 2012 de « supprimer la condition de divisibilité au sol »86 pour pouvoir faciliter la scission des ensembles immobiliers complexes. De plus, l’Association des responsables de copropriété avait proposé au Ministère de la Justice de permettre la scission en volumes. L’ARC souhaitait une modification de la loi pour supprimer la condition de division du sol puisque cette dernière est, en pratique, impossible pour les ensembles immobiliers complexes. Or, en pratique, c’est pour eux que la scission est préconisée puisque le régime de la copropriété très encadré ne leur correspond pas. Dès lors, la seule possibilité serait de les scinder en volumes.
Ainsi, suite aux différentes propositions, un texte a été proposé par la ministre du Logement Madame Cécile Duflot, pour la première fois en Conseil des ministres le mercredi 26 juin 2013. La loi ALUR apparait alors comme l’espérance de la scission pour de nombreux ensembles immobiliers complexes.
La scission de copropriété en volumes : nouvelle possibilité de la loi ALUR
La loi ALUR, qui a été publiée au Journal officiel le 26 mars 2014, a modifié l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965, en ajoutant le nouveau mécanisme souhaité par la pratique : la scission de copropriété en volumes. Cette avancée permet d’envisager la scission pour les ensembles immobiliers complexes qui était, jusqu’à présent, ignorée. Le législateur a prévu des conditions succinctes pour une telle réalisation (A). Cependant, nous pouvons, dès à présent, constater les limites de l’application de ce procédé (B).
Les conditions retenues par le législateur
L’introduction du paragraphe IV dans l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965, a posé les conditions que le législateur a attribuées à la scission des ensembles immobiliers complexes :
« Après avis du maire de la commune de situation de l’immeuble et autorisation du représentant de l’Etat dans le département, la procédure prévue au présent article peut également être employée pour la division en volumes d’un ensemble immobilier complexe comportant soit plusieurs bâtiments distincts sur dalle, soit plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome. Si le représentant de l’Etat dans le département ne se prononce pas dans les deux mois, son avis est réputé favorable.
La procédure ne peut en aucun cas être employée pour la division en volumes d’un bâtiment unique.
En cas de division en volumes, la décision de constituer une union de syndicats pour la création, la gestion et l’entretien des éléments d’équipements à usage collectif est prise à la majorité mentionnée à l’article 25.
Par dérogation au troisième alinéa de l’article 29, les statuts de l’union peuvent interdire à ses membres de se retirer de celle-ci »
Ce nouveau mécanisme de scission est encadré pour éviter les dérives et les sorties abusives du statut de la copropriété. Ainsi, les conditions de fond permettent de définir le champ d’application de la scission en volumes (1). Quant aux conditions de forme, qui sont peu détaillées, elles assurent le contrôle de la légalité et la bonne gestion de ce mécanisme (2).
Les conditions de fond : la configuration de l’ensemble immobilier complexe
Seul l’ensemble immobilier complexe peut bénéficier de l’évolution de la scission de copropriété, induite par la loi ALUR. Cette notion déjà introduite par la jurisprudence et la pratique est donc reprise par le législateur. Ce dernier présente deux hypothèses dans lesquelles le recours à la scission de copropriété en volumes est possible. En conséquence également, une définition légale de l’ensemble immobilier complexe est désormais donnée : c’est un ensemble composé « soit [de] plusieurs bâtiments distincts sur dalle, soit [de] plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome ».
Dans la première hypothèse, il faut être en présence de « plusieurs bâtiments distincts sur dalle »92. Selon une position doctrinale, les constructions doivent être séparées et sont situées sur un « sol artificiel »93 : la dalle. En dessous de cette dernière se trouvent, par exemple, un parking commun à chaque entité. Pourtant en surface, il n’apparait que des bâtiments individualisés. Dans l’ancienne version de l’article 28, la condition de division du sol ne pouvait pas être remplie comme nous l’avons vu. En effet, les fondations de chaque bâtiment sont ancrées dans la dalle commune. Or désormais, puisque la dalle est considérée comme le sol, la division devient possible. Mais, il conviendra de différencier la surface et la sous-face de la dalle. Pour cela il faut créer un volume par bâtiment et un volume pour le parking. En effet, ce dernier étant commun à tous les bâtiments il ne sera pas divisé mais sera un volume unique et distinct. Cette hypothèse reprend la situation du parc de la Noue à Bagnolet où la scission judiciaire fut prononcée en 200994. Sur la dalle il y avait six bâtiments d’habitation et un de bureaux, et en sous-face se trouvait un parking sur trois niveaux et des entrepôts.
La seconde hypothèse de la scission en volumes requiert d’avoir « plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome »96. L’imbrication des ensembles immobiliers complexes est mise en avant97. Une entité ne correspond pas forcément à un bâtiment indépendant. Elle possède une description foncière indépendante où il s’exerce des droits réels98. Chaque future entité devra être autonome. Comme nous l’avons évoqué c’est un principe même de la division en volumes99. Cependant il est nécessaire de nuancer ces propos puisqu’un lien est perpétuellement créé, entre les entités, en raison du réseau de servitudes ou même des charges inhérentes à la gestion des éléments restant en communs. De plus, pour que la scission soit applicable il est nécessaire d’avoir des usages différents, tels que les habitations, les commerces, les bureaux… En effet, un ensemble immobilier uniquement composé d’habitations ne pourra pas être scindé car la copropriété est un régime efficace quand les copropriétaires ont des intérêts communs, on ne doit donc pas y déroger, en principe. Or si leurs usages sont différents, ils n’auront pas les mêmes priorités sur les travaux à voter en assemblée générale des copropriétaires, par exemple. Les commerçants ne se sentiront pas concernés par les travaux sur les logements et inversement. Dès lors les règles contraignantes de la copropriété empêcheront l’ensemble d’évoluer ; la scission semblera alors être le remède à cette situation.
Ces conditions de fond représentent la configuration de l’ensemble immobilier complexe. Si ces hypothèses ne sont pas remplies alors la scission en volumes ne pourra pas se faire. En théorie, ces deux hypothèses semblent limiter le champ d’application, mais cela ne sera pas le cas puisqu’en pratique elles sont caractéristiques des ensembles immobiliers complexes. Une fois les conditions de fond validées, il est nécessaire de s’intéresser aux conditions de forme. En effet, elles permettront la mise en pratique de la scission.
Les conditions de forme
Le législateur pose des conditions qui permettent le contrôle de la légalité de la scission mais aussi la gestion du mécanisme. En effet, dans un premier temps il est demandé d’avoir l’avis du maire de la commune et l’autorisation du préfet. Si le préfet ne se prononce pas dans les deux mois suivant la demande alors son avis est réputé favorable. La teneur de l’avis et de l’autorisation sont très vagues et peu explicites. A la lecture de la loi, nous savons qu’il est impératif d’avoir l’avis des personnes publiques. Mais aucune précision n’est donnée sur la méthode à suivre. Pouvons-nous les questionner simultanément ? Faut-il attendre le retour de l’avis du maire avant de demander l’autorisation au préfet ? Si oui, quel est le délai de réponse du maire ? Est-ce que l’avis sera réputé favorable si aucune réponse n’est donnée dans un délai d’un mois comme c’est le cas pour la demande de permis ? A ce jour, nous ne possédons aucun texte de jurisprudence pour nous guider. Selon la pratique, il faudra présenter un dossier clair et précis du projet de scission au préfet. S’il refuse il devra motiver sa réponse en expliquant quelles en sont les raisons. Elles peuvent être de plusieurs sortes : le projet ne respecte pas les règles d’urbanisme ou bien lors de la scission certains copropriétaires ont été lésés. Comme tout acte administratif, un recours pour excès de pouvoir peut être déposé dans les deux mois suivant la notification du refus1. Si le recours aboutit il aura pour conséquence d’annuler la décision du préfet. En pratique, l’intervention de l’Etat permettra de contrôler s’il n’y a pas d’abus – en voulant diviser un bâtiment unique par exemple – ou de conséquences négatives – comme l’exclusion de « copropriétaires plus fragiles ». Cependant l’intervention de l’Etat dans un contrat privé est abusive d’après de nombreux auteurs. En effet, la scission est une décision prise en assemblée générale de copropriétaires. Seuls les copropriétaires doivent s’exprimer sur l’application ou non du mécanisme. Ceci nous amène à penser que cette condition de forme est une contrainte de l’application du nouveau mécanisme.
Dans un second temps, les copropriétaires sont tenus de se prononcer sur la création d’un organe de gestion. Ce dernier devra assurer la gestion et l’entretien des équipements communs qui n’auront pas pu être divisés. C’est le cas, par exemple, du local du transformateur EDF, ou bien du parvis qui dessert différentes entités. La loi ALUR propose une union de syndicat. Cependant elle n’interdit pas pour autant les autres organes comme une association syndicale libre ou une association foncière urbaine libre. Ces organes requièrent l’adhésion de tous les copropriétaires. Il faut donc l’unanimité. Or la création d’une union de syndicat se fait à la majorité de l’article 25108 en cas de scission de copropriété en volumes. Lors d’une scission dite « classique » la constitution de l’union de syndicat se fait à la majorité de l’article 24109. Cette différence de majorité s’explique par le dernier alinéa du paragraphe IV de l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965. En effet, il est précisé que les statuts de l’union de syndicat peuvent interdire à ses membres de se retirer. Ainsi la majorité est augmentée puisque l’adhésion peut être définitive.
Les conditions de fond et de forme retenues par le législateur seront indispensables pour pouvoir appliquer le mécanisme de la scission en volumes. Cependant les limites du procédé sont déjà décelables.
Les limites de la scission en volumes
Le législateur a posé ces conditions pour la réalisation de la scission. Cependant il a aussi tenu à fixer une limite expresse. La scission en volumes ne pourra en aucun cas être appliquée à un « bâtiment unique » (1). De plus, en étudiant les conditions de forme posées à l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965, une autre limite ressort. En effet, le contrôle de l’état dans un « contrat privé » est contesté (2).
Une scission exclue sur un « bâtiment unique »
La scission en volumes est strictement réservée aux ensembles immobiliers complexes tels que définis par le législateur. En effet, l’alinéa 2 précise que « la procédure ne peut en aucun cas être employée pour la division en volumes d’un bâtiment unique » . Le législateur est catégorique et évince la possibilité de la scission lorsqu’il n’y a qu’un bâtiment. Ainsi, cet alinéa pose légalement ce que la doctrine avait préconisé en réservant la division en volumes aux ensembles imbriqués ou dans l’hypothèse de la cohabitation du domaine public et de propriété privée. Cette mesure se justifie au regard du caractère impératif de la loi du 10 juillet 1965. La division en volumes reste une exception lorsque le régime de la copropriété est mal ou peu adapté. Dès lors, il faut clairement justifier son choix de déroger à la copropriété dans l’état descriptif de division en volumes115. La notion de « bâtiment unique » s’oppose ainsi à celle de la « pluralité de bâtiments », retenue auparavant dans l’article 28. Pour la jurisprudence c’est l’unicité du gros oeuvre116 qui doit être constatée. Cependant, il est important de distinguer les ensembles immobiliers complexes des bâtiments uniques. Dans le premier cas, il se peut qu’il y ait une unicité du gros oeuvre. Nous sommes en présence d’une seule construction mais la forte imbrication requiert la division en volumes. Dans le second cas, la situation est toute autre. Nous avons, par exemple, un bâtiment avec au rez-de-chaussée un local commercial et dans les étages des habitations. Ceci est caractéristique des divisions en volumes « artificielles ». Leur seul but est de sortir du régime de la copropriété jugé trop contraignant. Or, la loi du 10 juillet 1965 encadre et gère comme il se doit ce type d’immeuble. Ainsi en interdisant la scission en volumes sur les bâtiments uniques, le législateur pose le principe qu’il est impossible de sortir une partie de la copropriété juste parce que ce régime ne convient pas aux copropriétaires du bâtiment. Ceci permettra, en principe de limiter les dérives et les abus. Ces derniers avaient été condamnés, par la doctrine et la pratique, puisqu’ils allaient à l’encontre de la volonté du législateur. Toutefois, certains auteurs, dont Daniel Sizaire, pensent que la volumétrie est une alternative à la copropriété et qu’il n’y a pas lieu de l’interdire sur un immeuble unique. En théorie, cela serait possible à condition qu’aucune partie commune en indivision ne soient présentes et qu’il y ait une organisation différente de prévue. Cela permettrait de sortir du 1er article alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 qui pose le champ d’application de la loi. Cependant, en pratique, la division d’un immeuble unique est compliquée. Chaque volume doit avoir, en principe, son propre accès indépendant des autres. Cette réalité est nuancée par la création de servitudes de passage si cela n’est pas possible. Or dans un immeuble où chaque volume représente un étage ou bien un local il n’est pas possible que tous les volumes soient indépendants. Dès lors le réseau de servitude deviendrait bien trop complexe.
En censurant la scission de copropriété en volumes aux bâtiments uniques, le législateur a posé une limite au champ d’application du mécanisme. L’interdiction a pour but d’éviter de déroger à la loi du 10 juillet 1965. Cette position se justifie et espérons qu’elle limite les dérives. Ainsi nous ne verrons pas naître des volumétries trop complexes et donc peu gérables. Le législateur souhaitait poursuivre dans cet objectif de contrôle en donnant un droit de regard aux personnes publiques.
L’intrusion des personnes publiques dans la scission en volumes
Les nouvelles conditions de forme de la scission en volumes de l’article 28, de la loi du 10 juillet 1965, requièrent d’obtenir l’avis du maire et l’autorisation du préfe. Le principe et l’absence d’indications pratiques sur les modalités sont critiqués. L’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, qui est d’ordre public, pose l’obligation d’un « règlement conventionnel de copropriété». Néanmoins il peut également naître d’une décision judiciaire comme le dispose l’article 3 du décret du 17 mars 1967. Il a pour objectif de définir les droits et les obligations des copropriétaires. Le règlement de copropriété est donc « un contrat d’adhésion qui constitue la loi entre les parties ». Ce principe est aussi applicable au cahier des charges et des servitudes dans la division en volumes. Lors de la vente d’un lot les acquéreurs doivent être en possession du règlement. De plus les copropriétaires se réunissent lors d’assemblées générales et votent les dispositions qu’ils souhaitent selon les règles de majorité prévues par la loi. En principe, une personne extérieure ne peut pas interférer sur ces décisions. Or, le législateur impose d’avoir l’avis de personnes publiques : le maire et le préfet. La poursuite de la scission dépendra de la portée de l’avis. Si l’avis est défavorable, il se peut que des modifications soient demandées dans le projet de scission pour correspondre davantage à l’intérêt général. Cela engendra des contraintes supplémentaires.
De plus, le défaut d’informations complémentaires sur la méthodologie à appliquer va alourdir le mécanisme de la scission. Prenons le cas de la scission en volumes de l’ensemble immobilier Maine-Montparnasse. Le syndic de copropriété, aidé par des juristes et notamment des notaires, a envoyé, avec l’accord des copropriétaires, une lettre pour avoir l’avis du maire. Ils attendent le retour du maire avant de contacter le préfet pour avoir son autorisation. Il est à noter que la Ville de Paris est propriétaire d’un complexe sportif et du passage de la ligne 6 du métro dans l’emprise de la copropriété. Le régime de la copropriété étant trop contraignant pour une personne publique, il ne devrait pas avoir d’opposition du maire. Cependant, le temps de recevoir une réponse écrite est long et retarde ainsi l’avancée de la scission. De même dans l’opération Gaité-Montparnasse, la Ville de Paris est propriétaire d’une bibliothèque. Ces deux opérations souhaitent mettent en avant les difficultés du régime de la copropriété actuelle qui sont en partie liées à la cohabitation du domaine public et de la propriété privée. De plus, elles développeront l’objectif de rénovation de leur projet pour moderniser et dynamiser le quartier. En effet, le souhait des élus est de « ré-humaniser » le quartier de Montparnasse. Dans le plan local d’urbanisme de Paris figure les orientations d’aménagement du quartier Maine-Montparnasse. En conformant les projets au document d’urbanisme le préfet pourra constater les intentions des copropriétaires par rapport à l’urbanisme. Il ne lui restera plus qu’à contrôler qu’aucun d’entre eux n’est lésé dans la scission. A la suite de ce contrôle, il pourra soumettre son autorisation et ainsi la scission pourra enfin se déclencher.
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Table des matières
Remerciements
Liste des abréviations
Table des matières
Introduction
PARTIE 1. LA SCISSION EN VOLUMES : NOUVEAU MECANISME ATTENDU, INTRODUIT PAR LA LOI ALUR DU 24 MARS 2014
I. LA SCISSION DE COPROPRIETE AVANT LA LOI ALUR : UNE SCISSION LIMITEE
A. Les conditions contraignantes de l’ancien article 28 de la loi du 10 juillet 1965
1. La possibilité de division du sol
2. La pluralité de bâtiments
B. Une application limitée ou les nécessités d’une évolution ?
1. Les préalables matériels, juridiques et financiers à anticiper minutieusement
2. La scission en volumes : volonté d’officialisation des professionnels
II. LA SCISSION DE COPROPRIETE EN VOLUMES : NOUVELLE POSSIBILITE DE LA LOI ALUR
A. Les conditions retenues par le législateur
1. Les conditions de fond : la configuration de l’ensemble immobilier complexe
2. Les conditions de forme
B. Les limites de la scission en volumes
1. Une scission exclue sur un « bâtiment unique »
2. L’intrusion des personnes publiques dans la scission en volumes
PARTIE 2. LA MISE EN PRATIQUE DE LA SCISSION EN VOLUMES ET LA PERENNITE DU NOUVEAU REGIME
I. QUELLES SONT LES ETAPES INDISPENSABLES ?
A. La demande de retrait
1. Les décisions prises en assemblée générale
2. La liquidation du syndicat
B. La création d’un organisme de gestion des équipements communs
1. Le choix entre l’union de syndicat et l’association syndicale libre
2. La gestion des charges, des servitudes et des droits à construire
II. LA SCISSION EN VOLUMES PERMETTRA-T-ELLE DE RESOUDRE LES DEFAILLANCES DE LA COPROPRIETE ?
A. Un encadrement méticuleux du montage de la scission pour éviter les difficultés futures
1. La complexité des actes : prévoir et décrire la vie de l’ensemble
2. Le cas particulier des volumes
B. Une copropriété réduite mais toujours présente dans un volume
1. Adaptation de la copropriété à la division en volumes
2. La copropriété ne devra-t-elle pas évoluer pour permettre la pérennité de l’ensemble ?
Conclusion
Bibliographie
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