La structure d’un texte : comment en tirer profit?
La vulgarisation scientifique : différents textes pour aborder les savoirs de la science
En somme, les auteurs s’entendent sur les principaux textes littéraires que sont le documentaire, l’hybride et le narratif et leur place dans l’apprentissage des sciences. Les différentes façons de catégoriser les variantes textuelles de la littérature jeunesse ont permis d’en dresser un éventail, mais la diversité des ouvrages disponibles sur le marché dépasse largement ces caractéristiques, ou catégories. Nous l’avons exposé en introduction; la littérature jeunesse ayant fait l’objet de travaux de recherche bien documentés, nous avons décidé de nous pencher sur elle afin d’évaluer les différentes variantes textuelles. Au sein même de la littérature, les trois textes identifiés peuvent adopter un genre (album, bande dessinée, conte, légende, roman, poésie, etc.) et se présenter sur un support (livre papier ou audionumérique). Mais la diversité des productions de VS dépasse largement la littérature jeunesse. En effet, les magazines, journaux et sites Internet élaborés par des vulgarisateurs scientifiques fournissent différentes occasions aux jeunes d’aborder la science. Au Québec, les magazines Les Débrouillards (pour les 9 à 14 ans) et Les Explorateurs (7 à 9 ans), aux Éditions Bayard Canada, proposent différents textes de VS à leurs jeunes lecteurs. Entre une chronique sur un désastre écologique qui bouleverse l’actualité, un dossier sur une réalisation technologique, un reportage sur le travail d’une chimiste, l’histoire illustrée d’un husky du Grand Nord, une bande dessinée inspirée de la vie d’un chercheur canadien ou une expérience à réaliser, l’exploration emprunte différentes variantes textuelles, au grand bonheur des jeunes curieux.
Comment comprendre un texte ou apprendre de celui-ci?
Devant autant de variété dans les publications de VS, il importe de se demander comment le lecteur traite les différents textes. La compréhension de texte, qui a engendré de nombreux modèles en didactique de la lecture, se distingue de l’apprentissage inhérent à la lecture. Tel que l’évoque le psychologue Kintsch (1986) : « it is one thing to write a chapter in a geography book (or a verbal problem statement, an operating manual, etc.) that is easily comprehended and memorized, but another to write it in a way that a given student is able to learn from it effectively» (p. 88). Dans cette recherche, nous nous intéressons à l’évolution des conceptions alternatives de jeunes lecteurs par la médiation de textes de VS. Bien que l’apprentissage de concepts scientifiques soit au coeur des préoccupations de cette recherche, le texte doit d’abord être compris par le lecteur. En ce sens, la compréhension et l’apprentissage apparaissent donc indissociables. Mais sont-ils équivalents pour autant?
Afin d’y voir plus clair, Van Dijk et Kintsch proposent une théorie sur les représentations mentales dans leur ouvrage Strategies of Discourse Comprehension (1983), qui permet de décrire le niveau de compréhension d’un texte. Ainsi, les chercheurs distinguent deux niveaux de représentation mentale : un niveau qui est inhérent à la base du texte30, et un autre qui est propre au contenu véhiculé par le texte et qui intègre les connaissances, appelé « modèle de situation »31. Van Dijk et Kintsch (1983) insistent sur le fait que le lecteur peut avoir accès à l’une ou l’autre de ces représentations mentales, ou à une combinaison des deux. Le premier niveau implique l’organisation de l’ensemble des propositions pour permettre au lecteur de se bâtir une représentation mentale à mesure qu’il édifie sa compréhension. Ce niveau permet au lecteur de se remémorer l’idée générale, en utilisant quelques mots tirés du texte. Le deuxième s’intéresse plus spécifiquement au sujet traité par le texte, et il implique les connaissances du lecteur. Il se distingue du premier niveau, car il fait appel aux connaissances antérieures du lecteur pour que ce dernier se construise une représentation personnelle des éléments véhiculés dans le texte. Reconnaissant que ces deux niveaux de représentation mentale se complètent, mais que le deuxième niveau est celui qui favorise une meilleure compréhension chez le lecteur
Le niveau de formulation des concepts scientifiques
Si l’organisation du texte intervient dans la sollicitation des conceptions des jeunes lecteurs, le niveau de formulation proposé a également une influence majeure. Ainsi, dans le texte classique, Diakidoy et al. (2003) attirent d’abord l’attention du lecteur en formulant une première définition du concept d’énergie : « From today’s lesson we conclude that a body has energy when it has the capacity to do something. » (Diakidoy et al., 2003, p. 351). Par la suite, elles présentent quelques manifestations de cette énergie : « People, for example, have energy because thay can move, push, or lift things. » (Diakidoy et al., 2003, p. 351). Dans le texte de réfutation, les auteures reprennent la même introduction en présentant, en plus, l’utilisation du concept de force dans le langage courant : « In everyday conversation, when we say that people have force we mean the same thing. We also say that whoever can lift heavier things has more force. » (Diakidoy et al., 2003, p. 351). Après, les auteures posent le problème suivant : « Are energy and force the same thing? » (Diakidoy et al., 2003, p. 351). Dans leur texte de réfutation, les auteures souhaitent d’abord dissocier les concepts d’énergie et de force, puis réaffirmer qu’une énergie n’est pas un objet physique. En misant sur ces deux conceptions alternatives d’élèves, les auteures ont voulu amener le lecteur à distinguer l’utilisation courante de ces concepts physiques de leur définition scientifique. Afin d’y parvenir, elles interrogent le lecteur : « Suppose that an adult and a child lift a heavy bag. Do they exert the same force? » (Diakidoy et al., 2003, p. 351). Trois conceptions alternatives sont alors mises en évidence : pour certains, l’adulte exerce moins de force, pour d’autres, il exerce plus de force ou encore une force égale à celle de l’enfant. Puis, on explique l’éventail de ces idées par l’usage répandu qu’on fait du mot « force ». Par la suite, on présente la définition scientifique d’énergie et de force, afin d’aider le lecteur à formuler une réponse au problème posé en préambule. Plus loin, on explique que l’adulte et l’enfant, puisqu’ils soulèvent un objet de même masse, déploient une même énergie.
De son côté, le texte classique ne présente pas ces distinctions au lecteur. On se contente d’y aborder les thèmes de la consommation et du recyclage d’énergie dans le fonctionnement de machines, et ce, à la suite des questions formulées par les auteures. Ainsi, on mentionne que les piles qui permettent de faire fonctionner les jouets des enfants contiennent de l’énergie qui est consommée lors de l’utilisation. Le texte de réfutation aborde le thème de la consommation d’énergie sous l’angle de la problématique soulevée : « Will the adult and the child consume different amouts of energy in order to lift the bag? » (Diakidoy et al., 2003, p. 352). Reprenant l’explication formulée précédemment, on répond par la négative en rappelant que s’ils exercent une même force, ils doivent nécessairement consommer une même quantité d’énergie. Du même souffle, on en profite pour insister sur une autre conception alternative d’apprenants. Bien qu’on dise couramment qu’on « perd » son énergie en effectuant un travail et qu’on se nourrisse pour la retrouver, il serait plus exact d’affirmer que notre énergie se consume pendant la journée et que pour refaire le plein d’énergie, on consomme l’énergie qui est contenue dans les aliments.
Par la suite, le texte de réfutation reprend l’exemple d’utilisation de l’énergie dans les machines dont nous venons de traiter. Puis, les deux textes présentent une troisième section en tout point identique, qui introduit les lecteurs aux différentes formes d’énergie (cinétique, chimique, élastique, thermique et lumineuse).
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INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE
1.1 Les différentes approches en matière de culture scientifique et technique
1.2 L’école : un acteur majeur de la promotion d’une culture scientifique?
1.2.1 Deux pionniers qui ont ouvert le champ de la vulgarisation
scientifique
1.2.2 Une multitude de publications pour diffuser la science
1.2.3 Des ressources d’éducation non formelles pour combler
des lacunes à l’école
1.3 Les publications de la littérature jeunesse : pertinentes pour aborder
les sciences?
1.3.1 Les représentations de la science au sein de la littérature de
vulgarisation scientifique
1.3.2 Les fausses conceptions, l’anthropomorphisme et les faits scientifiques
erronés
1.3.3 Le lien d’autorité, les conceptions scientifiques et la construction de
savoirs
1.3.3.1 Le premier niveau d’autorité : le texte documentaire sur le fictif
1.3.3.2 Le deuxième niveau d’autorité : le choix du livre exposé
1.3.3.3 Comment aider l’enfant à s’approprier le langage scientifique?
1.4 L’apprentissage de la science dans les textes scientifiques
1.4.1 Les conceptions alternatives des lecteurs
1.4.2. La structure d’un texte : comment en tirer profit?
1.4.2.1 Des textes scientifiques qui confrontent les conceptions
des apprenants
1.4.2.2 L’apprentissage par la réfutation des conceptions erronées
1.4.2.3 Un texte informatif ou narratif peut-il favoriser
un changement conceptuel chez un jeune lecteur?
1.4.2.4 Un texte peut-il amener plus d’un changement
conceptuel?
1.4.2.5 Un texte peut-il faire évoluer différents niveaux de
conceptions?
1.4.2.6 Un texte peut-il amener un changement conceptuel
durable?
1.4.2.7 Un texte peut-il amener un changement conceptuel
chez des apprentis lecteurs?
1.5 Un texte scientifique susceptible d’influencer des publications de vulgarisation
scientifiqu
1.6 Question générale de recherche
1.7 Postulat de recherche
CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL
2.1 Culture scientifique et technique : les premiers balbutiements de la
littérature scientifique pour enfants au Québec
2.2 Culture scientifique et technique : mais quelle science au juste?
2.3 Culture scientifique et technique : quand la science se fait culture
2.4 Culture scientifique et technique : les choix du Québec
2.5 Culture scientifique et technique à l’école québécoise
2.6 Culture scientifique et technique : le champ de la vulgarisation scientifique
2.7 Culture scientifique et technique : le vulgarisateur scientifique
2.8 Culture scientifique et technique : la transformation du discours scientifique
2.9 Culture scientifique et technique : une structure textuelle pour
permettre une meilleure appropriation des concepts?
2.10 Trois textes littéraires pour aborder les sciences
2.11 La vulgarisation scientifique : différents textes pour aborder les
savoirs de la science
2.12 Comment comprendre un texte ou apprendre de celui-ci?
2.13 Des concepts didactiques au coeur des textes de réfutation
2.14 Des concepts didactiques au coeur d’un modèle didactique de VS
2.15 Sous-question de recherche
CHAPITRE 3 : CADRE MÉTHODOLOGIQUE
3.1 La recherche et le développement
3.2 La R&D en éducation
3.3 Les étapes d’une R&D en éducation
3.3.1 L’analyse de la demande
3.3.2 Le cahier des charges
3.3.3 La conception
3.3.4 La préparation
3.3.5 La mise au point et la mise à l’essai
3.4 Les apports et les limites des modèles de R&D dans le contexte de cette recherche
3.5 Le modèle Design Experiment
3.6 Les contributions du modèle DE au modèle de R&D
3.7 Le déroulement de la recherche
3.8 La cueillette des données
3.8.1 Les vulgarisateurs scientifiques
3.8.2 Les jeunes lecteurs
3.9 Des questionnaires pour évaluer l’évolution des conceptions des
jeunes lecteur
3.10 Des entrevues de groupe pour bonifier un modèle de VS en construction
CHAPITRE 4 : PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS
4.1 L’étude de faisabilité du modèle didactique de VS
4.2 La mise à l’essai du modèle didactique de VS
4.3 L’analyse des entrevues et des questionnaires
4.3.1 Groupes « texte informatif »
4.3.2 Groupes « texte narratif »
CHAPITRE 5 : INTERPRÉTATION ET DISCUSSIONS
5.1 La confrontation du modèle didactique de VS au postulat de départ
5.2 Notre modèle prend forme
CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS
6.1 Un modèle didactique de VS ancré dans la réalité du vulgarisateur scientifique
6.2 Les retombées de la recherche
6.3 Les limites associées à cette recherche
6.4 D’autres perspectives de recherche
BIBLIOGRAPHIE
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