Les caractéristiques et principes de la NGP
Comme précédemment expliqué, les principes et les règles de mise en place des NGP sont largement inspirés des principes du marché privé ou marchand. Il convenait de transformer l’administration pour la rendre plus performante et garantir l’utilisation efficiente de l’argent des contribuables. Il y a donc des principes nouveaux qui sont encouragés au sein des organisations sociales, il faut permettre la flexibilité et encourager la concurrence entre les organisations. Quelle organisation peut proposer la prestation au coût le plus bas ? Le citoyen se transforme en client et on s’accorde pour le satisfaire individuellement, plus que de maintenir l’appareillage administratif pour qu’il réponde de manière uniforme à la masse. La NGP tend alors à prôner la concurrence comme une condition nécessaire à l’efficience et introduit des principes de compétition au sein des structures. Elle suggère de privatiser plusieurs tâches de l’Etat et cherche à libéraliser les secteurs publics. (De Visscher et Varone, 2004) L’Etat devient régulateur, assurant la coordination de structures privées ou de services mis en concurrence qui cherchent à prouver leur légitimité.
Dans le tableau ci-dessous, emprunté à De Visscher et Varone, on retrouve les principes fondamentaux de la NGP et de quelle manière ils sont transcrits dans des outils distincts, concrets et applicables.
La GMEB
La gestion par mandat et enveloppe budgétaire (GMEB) est un outil s’inscrivant dans la droite ligne des NGP. Comme le suggère De Visscher dans son tableau, elle permet d’orienter les activités administratives en fonction des produits à fournir donc les ressources sont allouées de manière globale aux organisations qui disposent de marges de manoeuvre pour satisfaire leurs propres critères de rendement. Cette démarche est largement répandue dans les milieux socioculturels, principalement dans les organisations associatives qui remplissent un mandat pour la collectivité. Nous l’avons vu, les réformes visent de façon générale à tirer un trait sur la bureaucratie et ses contraintes, au profit d’une gestion publique souple, mieux adaptée aux exigences de l’économie et aux besoins des citoyens. L’Etat se concentre sur le pilotage et le contrôle de la mise en oeuvre des objectifs stratégiques et non plus sur la mise en place. La GMEB est un outil qui comporte des caractéristiques qui visent directement l’application des NGP :
moins de règles bureaucratiques
les objectifs sont axés sur les résultats
plus de flexibilité et de liberté dans la gestion
meilleures conditions cadres
système susceptible d’évoluer
augmentation de la qualité prestations
prise de conscience des coûts
vivifie l’esprit d’entreprise
avantage principal de la GMEB : grande marge de manoeuvre au niveau des finances et la politique du personnel.
Les outils de la GMEB décrits par la Confédération
Sur son site Internet, le gouvernement suisse communique les principes de la GMEB en argumentant sur les avantages que procure cette application. Le communiqué de presse correspondant porte le nom éloquent « Pour une administration efficace », ou comment axer davantage l’action de l’Etat sur le service public et la mener de façon aussi efficace qu’économique.11 « Les offices fédéraux soumis à ce nouveau régime seront gérés non plus, comme jusqu’ici, par le biais des ressources allouées (les « intrants »), mais à l’aide d’objectifs. »
Une définition rapide et « efficace » des outils principaux de la GMEB y est détaillée et vulgarisée pour la bonne compréhension des lecteurs, dont voici les idées phares.
Le mandat de prestations : Il est conclu entre l’Etat et l’unité administrative pour une durée déterminée. Il définit les prestations attendues pour les tiers. Il précise les objectifs en matière d’efficacité et de prestations. Ceux-ci sont examinés régulièrement pour voir s’ils sont atteints.
L’accord sur les prestations : Issues du mandat de prestations, les consignes sont concrétisées et ajustées annuellement. Il s’agit de préciser les indicateurs, comment ils seront évalués et sur quelle périodicité.
L’enveloppe budgétaire : Considérée comme un avantage fort de la GMEB, celle-ci est allouée en lieu et place du budget. Elle permet une affectation des ressources plus souple et mieux ciblée. Les ressources ne sont plus distribuées en fonction des rubriques spécifiques. Le budget est fait avec le mandat de prestations et porte sur la durée du contrat, il garde une valeur indicative. L’enveloppe est distribuée annuellement.
Principaux inconvénients de la forme municipale
Les contraintes liées à une forme municipales sont mentionnées par les protagonistes de la municipalité montheysanne mais également par les personnes en charge de direction ou par les municipaux qui agissent dans le cadre des organisations indépendantes sous la forme d’hypothèses. Les contraintes formulées sont :
Rigidité
Fonctionnariat
Bénévolat
Financement
La structure communal est rigide, lente et avec un lot de procédures peu adaptées aux besoins de réactivité nommés par les directions. Qualifiée de machine de guerre, l’administration communale semble avoir eu raison de la spontanéité des professionnels. La taille des organisations en faveur de la jeunesse dépasse rarement les 5 ept en Valais. Le dispositif municipal reste démesuré pour un petit service.
« Au niveau administratif, c’est une machine de guerre. Il y a des structures administratives avec beaucoup de rigueur et quelques fois pour des petites structures comme la nôtre c’est compliqué (…) nos besoins sont quelque peu marginaux par rapport au reste de la commune. Pour certaines directives c’est assez difficile de prendre en compte tous ces facteurs là. » Senta Gillioz – cheffe de service – Monthey
« Je pense que dans une structure communale c’est difficile à faire de l’expérimentation, je pense que l’on devra rendre plus de compte vis-à-vis de la ville qui doit se justifier au niveau du citoyen » Yvan Forclaz – directeur – Sion
« … cette souplesse est bien, je ne dis pas qu’un service communal ne pourrait pas le faire. Tout de suite cela prendrait une structure administrative plus lourde que l’état actuel ». Olivier Salamin – conseiller communal – Sierre
Le spectre du fonctionnaire plane sur la forme d’organisation communale. Le fonctionnariat est perçu comme un fonctionnement qui enlève l’expertise des professionnels qui sont réduits à appliquer des principes décidés plus haut dans l’organigramme. Le fonctionnaire ne réagit plus, exécute dans le cadre de son cahier des charges et ne se dépasse pas pour trouver les solutions adéquates.
« Il y a le risque que cela soit la commune qui nous dise où est-ce que l’on doit aller et ce que l’on doit faire. Il va y avoir des impuls qui ne vont plus être de notre regard sur ce qui se passe et de voir comment nous nous articulons et nous nous investissons. » Yvan Forclaz – directeur – Sion
« Si on est tous des fonctionnaires je ne vais pas pouvoir dire à l’équipe de bouger et de trouver des solutions pour être plus sur le terrain (…) je pense que lorsque c’est communal c’est usé, on a droit à tant de semaines, j’ai déjà fait mon week-end, non, je ne peux pas » Yvan Forclaz – directeur – Sion
« Pour un service communal il y a le risque d’avoir des inerties administratives liées au fonctionnariat, et puis pour le travail qu’ils font à l’ASLEC, ils supporteraient mal le fonctionnariat car c’est des heures plutôt en soirée ou en week-end, le fonctionnement est autre » Olivier Salamin – conseiller communal – Sierre
La perception de la prestation en faveur de la jeunesse est perçue comme un dû par la population en général. Cela devient compliqué de faire appel au bénévolat dans la phase de réalisation des projets. La structure communale ne permet pas ou peu à des personnes externes à la municipalité d’intégrer les organes stratégiques, sauf si ils y sont élus.
« Comme il y a cette idée que c’est un dû, et bien que ce que l’on fait c’est normal, alors des fois en termes d’applications lorsqu’on parle d’animation socioculturelle c’est difficile d’impliquer les gens au niveau de la structure. D’une part nous avons toute la procédure communale et comme cela paraît normal cela peut mettre des barrières au niveau du bénévolat. La notion de bénévolat est compliquée à aborder » Senta Gillioz – cheffe de service – Monthey.
Enfin, l’inclusion de la prestation jeunesse au niveau communal ne permet pas de faire appel à des financements extérieurs comme des recherches de fonds ou des demandes de dons à des fondations ou dans le secteur privé.
« Lorsque l’on rentre dans un fonctionnement communal nous avons besoin d’un certain montant car nous ne pouvons pas nous appuyer sur du sponsoring privé » Senta Gillioz – cheffe de service – Monthey
Récapitulation des éléments émergents des études de cas
Nous avons parcouru en détails plusieurs notions à travers les propos des protagonistes municipaux ou en charge de direction. Avant de passer aux conclusions de cette recherche, nous allons retracer les idées fortes et les principes émergents de manière synthétique.
1. L’intégration à la prise des décisions politiques et la marge de manoeuvre dans l’implication de celles-ci sont deux éléments essentiels à la création d’un partenariat solidaire reconnu comme étant la forme la plus propice à l’expression des organisations.
2. La maîtrise de la communication sous toutes ses formes, des outils, du cadre et la notion de confiance sont des éléments communément admis, soit par les municipalités, soit par les directions pour développer un partenariat positif.
3. Une relation positive aura comme conséquences le développement de l’organisation, le maintien de la subvention, de la reconnaissance de la part de la municipalité et une amélioration de la qualité. Une relation négative aura pour conséquences un déficit d’image, une diminution de la subvention, voire une ingérence communale dans l’organisation.
4. Les municipalités imposent des éléments de contrôle qui sont : la présence d’un conseiller municipal dans le comité de l’organisation, les rapports d’activités et des outils pour vérifier et suivre la prestation. Les directions développent, quant à elles, d’autres éléments qui sont : la communication, les éléments statistiques, l’expertise et les méthodologies professionnelles.
5. Dans la forme déléguée de la prestation, les avantages sont : la liberté d’action, le lien avec le terrain, l’accès à des mannes financières extérieures à la municipalité, des leviers de motivation pour les employés, l’expérimentation de nouveaux concepts et des projets pilotes. Les principaux inconvénients sont : les risques liés à la survie, voire au fonctionnement du comité, la dépendance financière qu’a l’organisation vis-à-vis de la municipalité, la perception confuse par les citoyens et les dérives professionnelles.
6. Dans la forme municipale les avantages sont au nombre de trois. La légitimité officielle de l’organisation, l’accès direct à l’administration et aux infrastructures municipales et une autonomie importante. La rigidité de l’administration, le spectre du fonctionnariat, l’impossibilité d’accéder au bénévolat et la difficulté à profiter de financements extérieurs sont les principaux désavantages.
VERIFICATION DES HYPOTHESES
Les études de cas traversées, et grâce aux données récoltées, nous pouvons croiser les hypothèses formulées avec les indicateurs extraits des études de cas. Nous pouvons donc affirmer un certain nombre d’éléments.
« Les organisations socioculturelles sont pilotées à distance par l’Etat », « La gouvernance à distance s’opère à travers les caractéristiques de la NGP et les objectifs de la GMEB dans les organisations »
Oui, elles sont pilotées à distance selon un certain nombre de principes présents, issus des NGP.
Dans le cas des quatre organisations observées, les organisations sont pilotées par les municipalités selon les principes théorisés dans le chapitre sur les gouvernances à distances ou les NGP. Une gouvernance à distance s’opère à travers ces caractéristiques dans les organisations. Principalement sous une forme de partenariat solidaire, les municipalités versent une enveloppe globale aux associations qui définissent les priorités et définissent les charges, en fonction des besoins identifiés. Cette notion de pilotage est clairement identifiable. En revenant sur le tableau des principes et des outils de la NGP nous pouvons affirmer qu’un certain nombre de caractéristiques de la NGP sont présentes dans le cas des organisations observées. Les données empiriques récoltées confirment bien qu’un certain nombre de principes de la gouvernance à distance sont présents.
Sierre dispose d’un contrat de prestation intitulé comme tel. Il comprend les caractéristiques de ce type de contrat avec des indicateurs de performance.
La part stratégique est séparée de la gestion opérationnelle qui est déléguée aux organisations.
Des budgets globaux sont attribués aux organisations qui choisissent à travers leur comité et les professionnels comment ils seront attribués.
Le principe de subsidiarité s’applique dans le cas des organisations. Les organisations reconnaissent plus de flexibilité par rapport à une forme municipale.
Les prestations sont orientées vers les besoins des usagers par la présence de comités associatifs qui réfléchissent et valident les orientations des professionnels mais aussi par les principes même de l’animation, qui impliquent les citoyens à tous les niveaux et à tous les âges.
La responsabilité de l’enveloppe budgétaire est celle de l’organisation à travers les personnes en charge de direction.
Nous ne pouvons pas identifier un principe de concurrence car il n’y a pas de benchmarking34 entre les organisations. Les municipalités ne mettent pas au concours les prestations socioculturelles.
« Les organisations socioculturelles et les municipalités ont une relation de partenariat solidaire. »
Oui, pour la plupart des organisations et c’est pour cela que ça en fait des partenaires fiables sur lesquels se développent de nouveaux partenariats dans d’autres municipalités ou régions périphériques.
Le partenariat solidaire est une forme très présente de relation entre les organisations et les municipalités dans le cas des organisations observées. Les principes clefs du partenariat solidaire sont identifiés, soit dans les propos des personnes en charge de direction, soit dans celles des municipalités. Toutes les personnes interrogées reconnaissent la participation des organisations à la prise de décision politique dans les champs directement concernés. Généralement cette consultation est suivie d’actions qui sont menées par les organisations, ou en collaboration avec elles, selon les principes du travail en réseau. L’exemple le plus concret issu des entretiens est celui de l’intervention faite en ville de Sion dans les espaces publics, pour prévenir les risques d’addiction chez les jeunes et pour la propreté de ces espaces à la suite de soirées festives.
« Les outils de la NGP et les objectifs de la GMEB n’assurent pas à eux seuls la relation positive, la coopération entre les organisations et la municipalité. »
Non, si les outils et les objectifs sont la porte et la serrure pour entrer dans une forme positive, la confiance en est la clef.
Les municipalités mettent en place une série de mesures pour maîtriser le travail des organisations : la présence d’un conseiller municipal, le rapport d’activité et des outils sous diverses formes.
Les organisations développent des stratégies qui viennent compléter l’arsenal de mesures pour légitimer et argumenter l’action sur le terrain : La communication, les outils statistiques et l’expertise professionnelle.
Les deux parties s’accordent sur l’importance de la communication et des outils, et sur la notion de confiance.
La notion de communication est apportée par les directions tandis que les outils et le cadre sont des éléments imposés par les municipalités. La notion de confiance est nommée par les deux protagonistes, par contre elle ne figure pas dans les principes, soit de la NGP, soit de la GMEB. Nous pouvons affirmer que si la NGP et la GMEB assurent des mesures qui cadrent le partenariat, elles n’assurent pas encore un partenariat qualifié de positif car il y a absence de confiance.
Les principes fondamentaux de l’animation socioculturelle sont compatibles avec les principes d’une gouvernance à distance.
Oui, la compatibilité existe de manière théorique et c’est ce qui fait des organisations socioculturelles des partenaires de choix.
Dans le cas des organisations, elles fonctionnent selon des valeurs professionnelles issues principalement de l’animation socioculturelle. Dans la définition du métier, plusieurs caractéristiques affirment une compatibilité avec les principes d’une gouvernance à distance. Le professionnel en animation socioculturelle dispose d’une formation et de compétences compatibles avec une délégation des prestations.
Concevoir un projet d’action qui réponde à des objectifs et un mandat dûment établi. Dans le cas de cette compétence on retrouve la question du mandat proposé par la municipalité et la délégation du problème à l’organisation. L’animateur imagine ensuite les moyens à mobiliser grâce à une autre compétence, celle de l’animateur-concepteur.
Favoriser l’information et la communication à tous les niveaux, tous les acteurs. Dans le cas de cette compétence, on retrouve le besoin de communication qui est nommé par toutes les personnes rencontrées comme étant un point essentiel au développement de partenariats positifs.
Programmer une action, trouver les ressources financières, mettre sur pied des équipes professionnelles, concevoir de la publicité, gérer le personnel et les équipements et rendre des comptes aux différents partenaires sont des compétences de l’animateur-organisateur, qui permettent à un professionnel de gérer un mandat et une enveloppe budgétaire. On retrouve dans ces compétences les principes même de la GMEB.
Les avantages perçus par les directions dans une forme déléguée que sont la liberté d’action, le lien avec le terrain, la recherche de fonds, les leviers RH ou l’expérimentation sont des principes directement en lien avec les principes évoqués dans la gouvernance à distance et justement les avantages que devraient procurer les NGP. On peut donc affirmer une compatibilité théorique entre le métier de l’animation et le principe de gouvernance à distance.
Gouverner à distance oui, mais…
Je ne pense pas qu’une forme de gouvernance à distance soit un mal réel pour les organisations socioculturelles valaisannes, mais tout dépend de la manière dont elle est orchestrée, d’une part par les municipalités mais également comment elle est perçue par les organisations. A l’origine, ces organisations ont été mandatées par les municipalités et si elles existent encore à ce jour dans la forme qu’on leur connaît, c’est grâce à cette délégation.
Par contre, les divers outils et le cadre de la relation, qui tendent à être de plus en plus inspirés des pratiques de l’entreprise privée et du marché, sont susceptibles de mettre à mal les relations entre les organisations et les municipalités. Les indicateurs demandés par le financeur pour légitimer la prestation peuvent obstruer le travail des professionnels. Le risque d’observer des faits qui ne font pas sens dans la pratique d’une action sociale est important, particulièrement dans le cas de contrats de prestations rigides dont les indicateurs ne sont pas discutés et ajustés en fonction de l’évolution de la prestation.
Comment peut-on évaluer l’encadrement des adolescents le temps d’un week-end? La tentation pourrait être forte d’inscrire des indicateurs de fréquentation ou de durée. Cela permettrait de diviser le coût de l’encadrement par le nombre de personnes présentes. On pourrait alors comparer si l’organisation de Martigny est plus efficiente que celle de Sierre et si une organisation qui fonctionne encore à travers le bénévolat serait celle qu’il faudrait privilégier. Au final, c’est cette dernière qui serait la moins coûteuse. Or l’activité sociale, l’encadrement et la relation avec les personnes sont des éléments qui sont difficilement évaluables avec les mêmes indicateurs que ceux du monde marchand. Il convient de traduire la pratique sociale dans un vocabulaire acceptable par les deux acteurs de la relation partenariale. Il convient d’ajuster régulièrement les indicateurs et les contrats de prestations pour garder la flexibilité de la réponse aux situations problématiques. Il convient de maintenir un dialogue et une compréhension mutuelle de l’environnement, du contexte et des enjeux de chacun, en évitant de tomber dans des démarches de benchmarking ou de comparaison.
Nous avons découvert que les organisations et les municipalités collaborent dans une forme de partenariat solidaire, la plus favorable au bon fonctionnement associatif dans la durée lui permettant de jouer pleinement son rôle sociétal sans se cantonner à un rôle gestionnaire. J’affirme également que cette forme de partenariat est celle qui aujourd’hui est la plus propice en Valais même si elle tend à être mise à mal dans le cadre de restructurations communales. Il existe une tension dans ce que j’observe aujourd’hui. D’un côté, un cadre théorique démontre que la confiance est l’élément essentiel pour la réussite d’un partenariat positif et pour l’évolution heureuse de la relation. D’un autre côté, l’Etat cherche à piloter à distance des prestations en ajoutant des outils contraignants qui sont susceptibles de mettre à mal la notion de confiance dans la relation. La gouvernance à distance est un élément qui apporte de nombreux avantages aux deux partenaires mais elle doit se faire de manière intelligente et dans un climat de confiance qui amène à la coopération et non uniquement à une coordination générale des deux entités. Le partenariat solidaire est la forme qui doit être défendue, car elle implique les organisations dans les prises de décisions politiques en tant qu’experts et représentants du terrain. La marge de manoeuvre dans la mise en place d’une action doit être laissée au partenaire terrain qui agira en respectant la vision commune et l’objectif commun qui a été fixé. Tout est lié car la relation ne pourrait pas rester positive uniquement en se référent au principe de confiance. Les outils, la communication, la technique, voir l’expertise professionnelle sont des éléments qui restent prépondérants dans le maintien de la relation. Il n’y a finalement pas de hiérarchie dans ces notions. Toutes doivent être articulées avec minutie et considérées au même niveau d’importance et utilisées de manière ciblée selon les contextes et les situations.
L’efficacité ou l’efficience des actions tient dans la qualité de la relation entre la municipalité et l’organisation. La qualité de la relation tient dans le capital confiance qui existe entre les deux parties. Le capital confiance tient dans la manière dont la relation est orchestrée par les deux partenaires, chacun ayant des attentes différentes dans le contexte qui les rassemble. La formation des directions devient alors essentielle pour que les organisations deviennent des partenaires de choix.
Forts de cette recherche, nous disposons d’un outil qui permet de favoriser la création de nouveaux partenariats positifs en appliquant les principes clefs qui ont émergés de cette analyse. La réussite de l’ambition associative serait donc liée à la capacité des organisations à articuler la confiance, la maîtrise des outils et le cadre de la relation ainsi que la communication dans plusieurs de ses formes. L’organisation, dans son évolution, traverserait des stades qui vont de la sous-traitance au partenariat, jusqu’au partenariat solidaire qui en est la forme la plus aboutie.
L’importance de la formation des directions
La capacité des professionnels en charge de direction à comprendre ce qui se joue dans la relation est fondamentale. Nous savons que le développement d’une relation positive tient sur des éléments clefs qui sont : la communication, les outils, le cadre et la confiance. Il est communément admis que ces éléments favorisent le maintien d’une relation positive. Les directions doivent être expertes dans la gestion de ces éléments. Aussi, les personnes en charge de direction doivent dépasser leur formation de travailleur sociaux pour accéder à des éléments nouveaux et acquérir de nouvelles compétences dans le pilotage de la relation avec les municipaux, particulièrement dans des organisations professionnalisées dans lesquelles les membres des comités ne sont plus eux-mêmes experts de cette relation avec les municipalités. Aujourd’hui, grâce au développement des organisations, les directions sont confrontées à de nouveaux défis qui sont liés aux champs dans lesquels elles opèrent, mais également de nouveaux défis dans la manière de vivre la relation avec les municipalités.
Vers un développement positif
Forts des éléments abordés tout au long de ce travail nous pouvons proposer un modèle, un concept qui, de manière théorique, favorise l’émergence de partenariats positifs en prenant en compte les attentes de chacun et capable d’évoluer au fil du temps, toujours de manière positive.
Nous l’avons affirmé, la maîtrise de la communication, des outils, du cadre et des méthodologies professionnelles sont des éléments qui développent la confiance. La confiance permet des opportunités qui sont : le développement, le maintien de la prestation, la reconnaissance et l’augmentation de la qualité de la prestation. Les deux entités concernées, les organisations et les municipalités coopèrent alors dans la réalisation d’un objectif commun.
La non-maîtrise de la communication, des outils, du cadre et des méthodologies professionnelles sont des éléments qui amènent de la méfiance. Cette méfiance est destructrice pour la relation. Elle amène un déficit d’image pour l’organisation, une diminution financière et même de l’ingérence de la part de la municipalité. L’organisation est remise en question et celle-ci sombre dans l’incompréhension, voire dans le jugement vis-à-vis de la municipalité.
Il est évident que le premier schéma doit être défendu et qu’il peut être utilisé comme marche à suivre dans la construction d’un nouveau partenariat. La mise en place de la communication, la réflexion commune autour des outils utilisés pour le contrôle de la prestation et la valorisation des méthodologies professionnelles sont des éléments fondamentaux qui doivent être considérés et cernés au départ de la relation.
Le développement d’une organisation et sa force du point de vue politique, ou comment elle existe dans la cité, est intimement lié à la maîtrise de trois principes clefs et aux opportunités que cette maîtrise peut engendrer. Dans le tableau ci-dessous, nous pouvons accompagner ce mouvement circulaire qui construit la relation d’une notion de temps et d’une notion de « force de l’organisation ». Un mouvement d’aller-retour construit la confiance et, par le même principe contribue au développement de l’organisation. Plus le temps passe et plus l’organisation devient forte si elle maîtrise les principes essentiels à la construction de la relation, elle se crée de nouvelles opportunités et passe d’une relation de sous-traitance à une relation de partenariat.
Nous avons abordé ce travail à travers une question de recherche qui était « Quelles sont les conditions qui permettent un partenariat positif entre les municipalités et les organisations socioculturelles dans un contexte de gouvernance à distance en Valais romand ? » Dans cette partie conclusive nous avons rappelé les divers principes qui ont émergés de l’analyse de quatre études de cas et comment les articuler.
Les personnes en charge de direction, coordinateurs de projets, responsables sont garants de l’application de principes essentiels, d’outils favorisant et permettant la pleine expression des compétences des deux partenaires. Forcément, la réussite de la relation tient à la confiance et aux liens étroits qui se constituent avec le temps entre les deux acteurs, mais cette réussite passe également par la maîtrise des outils et par la maîtrise des écrits. Les organisations socioculturelles en faveur de la jeunesse sont confrontées à ce défi, celui de digérer, d’intégrer les nouveaux principes de gestion pour légitimer leur action et produire des prestations pertinentes en lien avec les besoins émergents. Ce contexte nouveau impose, aujourd’hui, des compétences gestionnaires nouvelles, pour valoriser et traduire les pratiques sociales. La maîtrise de ces éléments devient un élément clef dans la réussite des partenariats existants ou futurs.
Les objectifs de la GMEB
Une stratégie de gestion qui vise à piloter par objectif n’est rien si elle-même ne poursuit pas un certain nombre d’objectifs. Ci-dessous et de manière synthétique nous en retrouvons les principaux. (Jenzer, 2002)
Objectifs de prestations : les objectifs sont axés sur les résultats, ils tiennent compte des éléments du marché, de la concurrence
Objectifs de flexibilité : de par l’enveloppe budgétaire qui offre une autonomie plus importante dans la gestion de la prestation.
Objectifs de gestion : élargissement des responsabilités de gestion et remplacement de la réglementation par des mandats.
Objectifs culturels : orientation qualité en fonction des besoins du client, la culture de l’entreprise est basée sur la confiance.
Objectifs d’économie : meilleure prise de conscience des coûts et réalisation d’économies sans diminuer la prestation.
Objectifs de décentralisation : délégation des tâches, de la responsabilité, pilotage central de la décentralisation.
Objectifs de transparence : plus de compétences contre plus de transparence et augmentation de la crédibilité avec beaucoup de transparence.
Limite à la contractualisation, limite de la NGP
Dans leur article, Battaglini et Dunand (Battaglini et Dunand, 2005) confirment les profonds changements dans la manière d’agir de l’Etat entre la fin du 20ème et le début du 21ème siècle. Les auteurs parlent également de révolution associative. Ils font référence à l’auteur Rosanvallon12qui s’est penché sur la révolution de l’Etat post-providence. « Avec la fin de l’Etat providence, les associations reprennent un rôle central dans la prise en charge des nouveaux problèmes collectifs (exclusion, chômage, VIH, etc.…) » (Cattacin, Tattini et Battaglini, 1999).
Les normes mises en place dans le cadre d’une gouvernance à distance et particulièrement dans la contractualisation limiteraient l’action des associations qui oeuvrent pour des missions qui ne sont pas quantifiables de la même manière que des biens ou des services. « … limiter la marge de manoeuvre associative par des contrats de prestations basées uniquement sur la production de biens et de service, en omettant de considérer d’autres apports associatifs essentiels comme la contribution à la cohésion sociale, l’exercice de la démocratie ou l’expertise du travail sur le terrain, peut avoir des conséquences considérables » (Battaglini et Dunand, 2005) .p12. Nous découvrirons plus bas dans le document que la cohésion sociale et l’exercice de la démocratie sont des valeurs essentielles, défendues par les organisations socioculturelles en Valais. Les mêmes auteurs observent que la forme de relation entre l’Etat et les organisations à une influence considérable sur l’autonomie de celles-ci, et donc indirectement sur la prestation destinée à la collectivité. « En chemin, ces organisations peuvent perdre leur capacité à fournir des prestations spécifiques à la société, ce qui est l’essence de leur existence aux côtés des services publics et des entreprises à but lucratif. » (Battaglini et Dunand, 2005). P13
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Table des matières
1.INTRODUCTION
1.1 Questions de recherche
1.2 Mes motivations
1.3 Précisions de vocabulaire
2.LA GOUVERNANCE A DISTANCE
2.1 La fin de l’Etat providence
2.2 Une réponse dans la nouvelle économie institutionnelle
2.3 Le néolibéralisme
2.4 La relation entre Etat et association ou la délégation du problème
2.5 Définition du partenariat
2.6 La sous-traitance
2.7 Le partenariat
2.8 Collaborer, coopérer, coordonner
2.8.1 Coordination
2.8.2 La coopération
2.8.3 Détour dans les origines de la coopération
2.8.4 Caractéristiques de la coopération
2.8.5 Conclusion du chapitre
3 LA NOUVELLE GESTION PUBLIQUE (NGP)
3.1 Trois modèles de NGP
3.2 Les caractéristiques et principes de la NGP
3.3 La GMEB
3.4 Les outils de la GMEB décrits par la Confédération
3.5 Les objectifs de la GMEB
3.6 Limite à la contractualisation, limite de la NGP
4.L’ANIMATION SOCIOCULTURELLE
4.1 L’animation socioculturelle, ses origines
4.2 Evolution de l’animation socioculturelle en Valais
4.3 L’animation socioculturelle, vers une définition impossible
5 HYPOTHESES DE RECHERCHE
6 ETUDES DE CAS
6.1 Les démarches de récolte de données
6.2 Les municipalités
6.3 Les organisations socioculturelles
6.4 Contexte valaisan de la délégation: état des lieux
6.5 Choix et description de l’échantillon
7 RESULTATS DES ENTRETIENS
7.1 La forme de la relation
7.1.1 Intégration à la prise de décisions politiques
7.1.2 Marge de manoeuvre
7.2 Notions pour développer un partenariat considéré comme positif
7.3 Conséquences d’une bonne et/ou d’une mauvaise relation
7.4 Les outils et les stratégies
7.4.1 Les éléments imposés
7.4.2 Les stratégies développés par les directions
7.5 Avantages et inconvénients de la délégation
7.5.1 Principaux avantages de la délégation
7.5.2 Principaux avantages de la forme municipale
7.5.3 Principaux inconvénients de délégation
7.5.4 Principaux inconvénients de la forme municipale
7.6 Récapitulation des éléments émergents des études de cas
8 VERIFICATION DES HYPOTHESES
9 CONCLUSIONS
9.1 Gouverner à distance oui, mais
9.2 L’importance de la formation des directions
9.3 Vers un développement positif
10 BIBLIOGRAPHIE
11 Annexes
Annexe 1 – Questions des entretiens – pour les organisations
Annexe 2 – Questions des entretiens – pour les municipalités
Annexe 3 – Entretien organisation – Sierre
Annexe 4 – Entretien organisation – Sion
Annexe 5 – Entretien organisation – Fully
Annexe 6 – Entretien organisation – Monthey
Annexe 7- Entretien municipalité – Sierre
Annexe 7- Entretien municipalité – Sion
Annexe 8 – Entretien municipalité – Martigny
Annexe 9 – Entretien municipalité – Monthey
Annexe 10 – Entretien Steve Chambovey – Avalts
Annexe 11 – Charte de l’animation socioculturelle valaisanne
12 DECLARATION DU CANDIDAT
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