Le contrôle fiscal peut-il assurer une meilleure équité fiscale ?
Le système fiscal marocain constitue le poumon de l’économie, il représente, d’une part, le vecteur du développement économique et social à travers les différents politiques d’investissement et redistribution, les recettes fiscales représente plus que 65 % du budget de l’Etat, d’autre part, il est indicateur de transparence et de démocratie, tenant sa contribution en matière de réduction des inégalités et de la promotion de l’activité économique.
En revanche le système fiscal marocain se base principalement sur le système déclaratif, qui a donner en contrepartie le droit du contrôle à l’administration fiscale, afin d’assurer le bon respect de la réglementation en vigueur, et la collecte des recettes du trésor.
Néanmoins, l’exercice du droit de contrôle révèle plusieurs défaillances, provenant en premier lieu du décalage qui existe entre le texte et le contexte, de fait que la population fiscale marocaine est hétérogène, conséquence du secteur informel qui touche toutes les activités économiques, ce qui la réalisation d’une équité fiscale entre l’ensemble des contribuables une mission complexe, prennent en considérations les spécificités du tissu économique et social.
Le système fiscal moderne
Le système fiscal marocain a connu une profonde réforme depuis le milieu de la décennie 80. L’objectif essentiel attendu de cette réforme était l’élaboration d’un système fiscal moderne, Cohérent, efficient et plus universaliste. La fiscalité marocaine s’est donc rapprochée dans son Architecture globale des grands systèmes d’imposition connus dans le monde occidental.
En effet, depuis cette date, le Maroc a entrepris un vaste chantier de modernisation de son économie, d’ouverture vers l’extérieur, et de démantèlement douanier par la signature d’accords de libre-échange avec de nombreux pays ou de zones économiques importantes. Aujourd’hui, les droits de douane ayant été fortement réduits, l’impôt constitue l’essentiel des recettes sur lesquelles s’adosse le budget de l’Etat.
En plus, cette refonte a permis de donner de meilleures garanties au contribuable. Toujours dans ce cadre, l’administration fiscale a opté, depuis quelques années, pour une modernisation, une simplification et une harmonisation des dispositions fiscales.
Cette réforme, dont les principes ont été énoncés par la loi-cadre 12 n° 3-83 relative à la réforme fiscale adoptée par la chambre des représentants le 20 décembre 1982 et promulguée par le dahir n° 1-83-38 du 23 Avril 1984, s’est fixée pour principaux objectifs :
• La mise en place d’un système qui assure d’une part une meilleure répartition de la charge fiscale et un élargissement de l’assiette et la réduction des taxes, et d’autre part un renforcement des garanties que la loi accorde aux contribuables ;
• Le remplacement de la taxe sur les produits et les services par la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) en 1986;
• La suppression des impôts catégoriels appliqués par nature de revenu 13 et leur remplacement par l’impôt sur les sociétés (IS) en 1988 et de l’Impôt Général sur le Revenu (IGR) en 1990.
En dépit des efforts accomplis dans le sens de la simplification et de la mise en place d’un système synthétique, la cédularité n’a pas totalement disparu. En effet, d’autres taxes, comme la Taxe sur le produit des actions et parts sociales (T.P.A), la Taxe sur les Produits de Placements à Revenus Fixes (T.P.P.R.F.), la Contribution sur les Revenus Professionnels et Fonciers Exonérés (C.R.P.F.E.) et la Taxe sur les Profits de Cession de Valeurs Mobilières (T.P.C.V.M.) ont été créées.
On assistera, au début des années quatre-vingt-dix, à une tentative de rationalisation des avantages fiscaux par la mise en place d’une charte des investissements en 1996. Cette charte remplace les différents codes sectoriels qui couvraient précédemment l’essentiel des activités économiques du pays. Les avantages fiscaux maintenus sont orientés vers des activités prioritaires (L’Export) ainsi que vers des régions défavorisées et sont introduits dans le droit commun (sans nécessité de l’obtention d’une autorisation préalable).
L’organisation des premières assises nationales sur la fiscalité en 1999 a été l’occasion de disposer d’un diagnostic commun et concerté sur le système fiscal et a permis d’arrêter de manière collective une feuille de route pour moderniser davantage le système fiscal marocain. On assiste, ainsi, à partir de 1999 à une évolution qui a permis d’introduire des changements concrétisant les principes directeurs fixés par la réforme fiscale. Pour simplifier le système et réduire sa cédularité, certaines taxes ont été abrogées (P.S.N., la C.R.P.F.E.) et d’autres intégrées dans l’I.S. ou l’I.R. (T.P.A., T.P.P.R.F., T.P.I, T.P.C.V.M.), et ce bien que le maintien des impositions à des taux libératoires ne permette pas de répondre totalement à l’objectif d’une imposition globale considérée plus équitable .
De nombreuses réformes ont été introduites par les lois de finances successives de 2000 à 2011 qui se sont traduites par la mise en place d’un ensemble de mesures de simplification, de rationalisation et d’harmonisation du système fiscal et dont le résultat a été :
• Réforme des droits d’enregistrement en 2004
• Amorce de la réforme de la TVA en 2005
• Élaboration du livre des procédures fiscales en 2005
• Élaboration du livre d’assiette et de recouvrement en 2006
• Regroupement des textes fiscaux dans un même volume : le Code Général des Impôts édité en 2007
• Intégration de la taxe sur les actes et conventions dans les droits d’enregistrement en 2008 ;
• Élaboration de la note circulaire globale publiée finalement en 2011.
Fonctionnement du système déclaratif
Le système fiscal marocain repose essentiellement sur le régime déclaratif. À ce titre, ce sont les contribuables qui établissent leurs déclarations fiscales et procèdent à la liquidation et au paiement de l’impôt sous leur propre responsabilité. Le régime déclaratif comportant par la force des choses des risques d’erreurs et d’omissions, ne peut limiter les tentatives de fraude, en plus des divergences d’interprétation devant la diversité des situations nées de l’application des dispositions fiscales. C’est la raison pour laquelle, le législateur a doté l’administration fiscale d’un droit de contrôle de ces déclarations, comme présenté plus haut dans le présent document.
Le contrôle fiscal est donc la contrepartie logique et objective du régime déclaratif. La loi fiscale reconnaît à l’administration fiscale certains droits dont la nature et l’étendue ont pour objet de faciliter à celle-ci le contrôle fiscal, regroupant les droits de contrôle, de constatation, de communication et de préemption. En parallèle, l’administration fiscale dispose également d’un pouvoir d’appréciation et d’un droit de contrôle des prix et déclarations estimatives.
Contrôle fiscal : concepts et typologies
Généralités sur le contrôle fiscal
Le contrôle fiscal peut être défini comme le pouvoir dévolu, en vertu de la loi, à l’administration fiscale pour procéder au contrôle des déclarations auxquelles la loi soumet les contribuables.
Ceci, sous entend, dans le cadre du système fiscal marocain qui repose sur le principe déclaratif, que les contribuables dont la bonne foi est présumée, souscrivent des déclarations réputées sincères jusqu’à preuve du contraire.
Ce principe qui attribue au système fiscal marocain le qualificatif de libéral, a été institué dans les années quatre vingt (1984) lors de la restructuration de ce système et son fondement, par là, sur la déclaration. Ainsi, les plus importants impôts qui le composent, à savoir l’IS, l’IR et la TVA font de la déclaration du chiffre d’affaires, du revenu professionnel et du résultat fiscal, la base sur laquelle l’administration assoit l’impôt. Dans ce cadre, le contrôle fiscal intervient comme étant la contrepartie logique et nécessaire du système déclaratif et se concrétise par le pouvoir dévolu à l’administration de réparer les éventuelles omissions, insuffisances ou erreurs commises par les contribuables.
Le contrôle fiscal peut consister en une vérification de comptabilité couvrant la totalité des opérations effectuées et tous les impôts auxquels est soumis le contribuable (contrôle dit global) ou couvrant uniquement une opération, un impôt ou une période donnée (contrôle dit ponctuel). Aussi, il convient de noter que l’administration peut procéder à l’examen de l’ensemble de la situation fiscale des contribuables ayant leur domicile fiscal au Maroc, compte tenu de l’ensemble de leurs revenus déclarés, taxés d’office ou bénéficiant d’une dispense de déclaration et entrant dans le champ d’application de l’impôt sur le revenu (procédure de vérification de l’ensemble de la situation d’un contribuable personne physique).
Il convient de relever que l’approche adoptée par l’administration fiscale a gagné en efficacité sur ces dernières années, grâce notamment à la digitalisation, à la dématérialisation, au raffermissement des capacités en termes de systèmes, de bases de données et de contrôle, en qualité et en nombre, et à l’amélioration des délais d’exécution.
Néanmoins, la pratique du contrôle et la gestion de la relation entre la population des contribuables qui y sont soumis et les agents de l’administration fiscale n’ont pas encore permis de dépasser le sentiment que l’objectif de ce contrôle reste la collecte de recettes fiscales, et qu’il conduit encore à contrôler majoritairement les contribuables les plus ‘apparents’ et ‘transparents’, auprès desquels il serait plus facile d’opérer des redressements. Le sentiment dominant, même s’il a eu tendance à être atténué en 2018, reste que le contrôle n’est pas encore suffisamment orienté vers les contribuables opérant dans l’informel ou l’opacité, et n’encourage ainsi pas à la transparence. Si la pratique sur le terrain, la transparence des règles et leur application stricte et la gestion de la relation entre contribuable et administration fiscale, n’avance pas au rythme de la volonté affichée, le contrôle continuera à être remis en cause dans son efficacité et comme moyen de sanction contre les fraudeurs.
Aussi, le règlement des litiges fiscaux continue à se caractériser par un recours massif à l’accord amiable, qui ne permet pas de disposer de positions jurisprudentielles constantes permettant de clarifier la règle fiscale. Il ne se traduit pas nécessairement non plus par la rectification par les contribuables des situations objet des redressements retenus au titre de la période post contrôle.
De nombreuses critiques restent donc formulées à l’égard du contrôle fiscal et des voies de recours mises en place jugées parfois non efficaces, dépendantes de l’administration fiscale et entravées par le manque de moyens nécessaires à leur application.
Les initiatives de contrôle et de son utilisation comme levier pour l’élargissement du nombre de contribuables et de l’assiette, notamment celles prises en 2018 pour intégrer à l’IR professionnel, davantage les fonctions libérales, puis début 2019 pour intégrer le gros commerce, si elles sont menées jusqu’au bout avec transparence, équité et justice fiscale et sans retours en arrière, constitueraient un changement dans la réalité de la pratique fiscale et impacteraient favorablement les perceptions et les comportements des contribuables.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Système fiscal Marocain : définitions et concepts
Section 1 : Le système fiscal au Maroc
1-le contexte du système fiscal Marocain
2- Le système fiscal moderne
3- Fonctionnement du système déclaratif
Section 2 : Contrôle fiscal : concepts et typologies
1-Généralités sur le contrôle fiscal
2-les différentes modalités d’exercice du contrôle fiscal
3-Facteurs susceptibles de déclencher un contrôle fiscal
Section 3 : Equité et civisme fiscal
1-L’équité fiscale
1.1 Généralités sur l’équité fiscale
1.2- lien entre l’équité et les principes de l’égalité et de la capacité contributive
2-Le civisme fiscal
2.1-Généralités sur le civisme fiscal
2.2-Civisme fiscal et relation administration – contribuable
Chapitre 2 : Démarches et procédures du contrôle fiscal
Section 1 : Présentation de l’entité d’accueil
1-La direction générale des impôts
2-La direction régionale des impôts
Section 2 : Aperçu juridique et programmation du contrôle fiscal
1-Aperçu juridique sur le contrôle fiscal
2-Programmation du contrôle fiscal
Section 3 : Procédure et application du contrôle fiscal
1-Procédure du Contrôle sur pièces
2- Procédure de la déclaration rectificative suite à contrôle sur pièces
3-Procédure normale de rectification suite à la vérification de comptabilité et l’examen de l’ensemble de la situation fiscale
4-Procédure de droit de constatation ; examen d’ensemble de la situation fiscale ; et de taxation d’office
Chapitre 3 : Contrôle fiscal : pratiques et considérations d’équité
Section 1 : Déclaration rectificative et son impact sur l’équité fiscale
1- Cadre juridique d’exercice de la procédure
2-Clarification de la procédure : Cas pratiques
3- L’apport de la déclaration rectificative en matière de l’équité fiscale
Section 2 : Contrôle fiscal entre efficacité et considérations d’équité
1- La phase pré-contrôle : vers l’instauration d’une équité anticipé
2- Le contrôle fiscal : Entre efficacité fiscale et économique
3- les avantages fiscaux : source de non-équité
Conclusion générale
Discussions des résultats et recommandations
1-Discussions des résultats
2-La vérification des hypothèses
3-Apports de la recherche
4- Recommandations
5-Limites de la recherche
6-Perspectives de la recherche
Annexes
Références bibliographiques