Effet de la phosphorylation sur les différents types de filaments intermédiaires
Au cours des années 1980, plusieurs études ont montré que les différentes protéines de FIs étaient phosphorylées (Evans et Fink 1982, Julien et Mushynski 1982, Shecket et Lasek 1982). Il a alors été démontré que la phosphorylation des neurofilaments, de la desmine et de la vimentine affectait leur polymérisation (Inagaki et al. 1988). Par exemple, la phosphorylation de la vimentine entraîne sa dépolymérisation (Inagaki et al. 1988). En effet, au cours de la mitose, la vimentine devient phosphorylée et se désassemble (Evans et Fink 1982). Au cours de la dernière décennie, plusieurs études ont identifié la phosphorylation des FIs comme étant bien plus qu’un simple régulateur de l’assemblage et de la réorganisation du réseau de filaments (Ryder et al. 2008, Karantza 2011 , Satelli et Li 2011 , Romberg et Magin 2014, Snider et Omary 2014). En effet, la phosphorylation des neurofilaments participe également à la régulation des propriétés axonales. Par exemple, l’augmentation de la phosphorylation des neurofilaments est associée à une vitesse de transmission de l’influx nerveux axonale plus lente (Snider et Omary 2014). Quant à elle, la phosphorylation de la nestine est impliquée dans la formation de jonctions neuromusculaires . Également, la phosphorylation des FIs, tels que la vimentine et les kératines 18, 5, 7, 14 et 17, contrôle la croissance cellulaire en régulant la séquestration de la protéine 14-3-3 (Hyder et al. 2008, Karantza 2011, Satelli et Li 2011 , Homberg et Magin 2014, Mikami et al. 2015). Par exemple, la séquestration de la protéine 14-3-3 par les kératines permet l’activation de la phosphatase Cdc25 qui favorise l’ activation de la kinase mitotique CDK1 et ainsi l’induction de la progression du cycle cellulaire (Hyder et al. 2008, Pan et al. 2013, Snider et Omary 2014, Mikami et al. 2015). La phosphorylation des kératines et de la vimentine joue également un rôle dans la régulation de la migration cellulaire par la réorganisation du réseau de FIs . Dans les cellules cancéreuses, la phosphorylation des kératines entraîne une réorganisation du réseau de FIs et sa relocalisation en périphérie du noyau. Cette réorganisation rend alors les cellules plus flexibles, ce qui favorise la migration cellulaire (Kim et al. 2015). En fait, la phosphorylation des protéines de FIs a des effets divers dépendant du type de FIs impliqués, du site de phosphorylation et de l’état de la cellule. Par exemple, la phosphorylation des FIs de kératines sur des sites spécifiques, suite à un stress, jouerait un rôle protecteur pour les cellules (Fortier et al. 2010, Helenius et al. 2016).
Notamment, la phosphorylation des kératines 8 et 18 sur la sérine 73 et la sérine 52 respectivement protège les cellules contre l’ apoptose induite par les stress mécaniques et toxiques (Ku et al. 1998, Ku et Omary 2006). Le mécanisme moléculaire qui est impliqué dans cette protection cellulaire est encore mal connu.
Les kératines
Les kératines sont les prrnclpaux FIs exprimés dans les cellules épithéliales. La distribution des diverses kératines dépend du type de tissu et de l’état de différenciation cellulaire. Généralement, le dimère de K8/18 est la première paire de kératines exprimée dans les cellules épithéliales. Les hépatocytes expriment les K8118 comme seules protéines de FIs cytoplasmiques, ce qui en fait un modèle intéressant pour l’étude des kératines. En plus d’être l’un des principaux composants du cytosquelette des cellules épithéliales, les kératines jouent un rôle dans le maintien de la force mécanique des tissus via leurs liaisons aux desmosomes et aux hémidesmosomes. Ce rôle des kératines a été amplement étudié dans les cellules de la peau, de la cornée et du foie suite à l’identification de mutations des kératines fragilisant les tissus. Par exemple, une mutation des K14 ou des K5 favorise le développement de l’ épidermolyse bulleuse simple, une maladie de la peau caractérisée par l’ apparition de lésions cutanées et de vésicules épidermiques (Coulombe et al. 1991 , Knobel et al. 2015). Les kératines semblent également impliquées dans la régulation de processus métaboliques contrôlant l’ apoptose, la croissance, la prolifération et la migration cellulaire (Pan et al. 2013, Snider et Omary 2014).
Cependant, les mécanismes moléculaires qui régulent ces fonctions sont encore mal connus. Une des hypothèses les plus étudiées est que les différentes fonctions des kératines pourraient être régulées par les modifications post-traductionnelles dont principalement la phosphorylation (Ku et al. 2002, Toivola et al. 2004, Ku et al. 2010, Karantza 2011 , Busch et al. 2012, Homberg et Magin 2014, Snider et Omary 2014, Loschke et al. 2015, Snider et Omary 2016).
Les filaments intermédiaires, marqueurs de la progression tumorale
Depuis déjà plusieurs années, en oncologie, l’expression des différents types de filaments intermédiaires est utilisée pour déterminer, entre autres, l’ origine des métastases (Moll et al. 2008, Joosse et al. 2012, Dey et al. 2014, Knobel et al. 2015, Toivola et al. 2015). Les marqueurs les plus communs utilisés pour émettre un diagnostic et dans certains cas le pronostic sont les kératines et la vimentine. L’ expression des différentes kératines permet de déterminer l’origine de la tumeur puisque ces protéines sont exprimées de manière tissu-spécifique (Kim et al. 2015, Toivola et al. 2015).
Le niveau d’expression des kératines et de la vimentine permet également de déterminer le stade de la progression tumorale. Par exemple, l’expression des K17 dans les cellules cancéreuses de l’estomac, de l’ovaire ou encore de la thyroïde favorise la formation de métastases ganglionnaires (Kim et al. 2015). De même, les cellules d’hépatocarcinome exprimant les K19 sont résistantes aux traitements chimiothérapeutiques (Toivola et al. 2015). La présence de ces protéines permet donc d’orienter l’approche thérapeutique. Bien que les kératines soient pour le moment principalement utilisées à des fins diagnostiques, des études récentes montrent qu’elles jouent un rôle dans les mécanismes moléculaires qui contrôlent la progression tumorale (Karantza 2011, Loschke et al. 2015).
Les filaments intermédiaires et la transition épithéliale-mésenchymateuse
La régulation de l’expression des protéines des FIs de kératines et de vimentine représente un phénomène important dans le processus de l’EMT. Normalement, lors de cette transition, il y a dans les cellules épithéliales une diminution de l’expression des kératines et une augmentation de la vimentine, une protéine d’origine mésenchymale qui n’est pas présente dans les cellules épithéliales. En tentant de mieux comprendre le rôle de ce changement dans l’expression des FIs, des chercheurs ont mis en évidence la relation entre les FIs de kératines et de vimentine et la migration cellulaire (McInroy et Maatta 2007, Li et Zhou 2011 , Fortier et al. 2013, Kwan et al. 2015). Des études récentes montrent qu’il semble y avoir une forte corrélation entre le niveau d’expression des kératines et la motilité cellulaire. En effet, la surexpression des K8118 dans les cellules cancéreuses du sein ou des K 19 dans les cellules cancéreuses du poumon entraîne la diminution de la migration et de l’invasion cellulaire (Joosse et al. 2012, Yi et Ku 2013) alors que la déplétion des K8118 dans les cellules cancéreuses épithéliales du sein, du colon, du col de l’utérus ainsi que du foie favorise la motilité et l’invasion cellulaire (Joosse et al. 2012, Fortier et al. 2013, Homberg et Magin 2014, Kwan et al. 2015, Loschke et al. 2015). Il faut toutefois noter que l’inhibition de l’invasion cellulaire par la modification de l’ expression des kératines semble dépendre des différentes lignées cellulaires étudiées et des kératines qui y sont exprimées (Kwan et al. 2015). En effet, contrairement à ce qui est observé lors de la surexpression des K8/18, les kératines 14 exprimées dans les cellules cancéreuses du sein entraînent l’invasion de groupes de cellules, c’est-à-dire, l’invasion collective (Cheung et al. 2013, Cheung et Ewald 2014). Pour ce qui est de la vimentine, il existe une corrélation entre l’occurrence des métastases et l’expression de la vimentine (Chemoivanenko et al. 2013, Yi et Ku 2013). Il a été démontré qu’in vitro la surexpression de la vimentine entraîne une augmentation de la migration cellulaire alors que le knockdown de la vimentine, entre autres par shRNA, entraîne la diminution de la migration cellulaire (Yi et Ku 2013, Leduc et Etienne-Manneville 2015). L’ ensemble de ces études suggère donc que les kératines inhibent généralement la migration cellulaire alors que la présence de vimentine favorise celle-ci.
Régulation de l’homéostasie cellulaire par Akt
La protéine Akt, aussi connue sous le nom de protéine kinase B (PKB), est une kinase de type sérine/thréonine qui joue un rôle central dans l’homéostasie de la cellule. En effet, cette kinase participe à la régulation de la survie, de la croissance, de la prolifération et de la migration cellulaire en plus de participer au métabolisme du glucose (Gonzalez et McGraw 2009, Corum et al. 2014). L’implication d’Akt dans diverses fonctions cellulaires est le résultat des différents rôles des trois isoformes (AktlIPKBa, Akt2IPKBP et Akt3IPKBy). La plupart des tissus expriment les trois isoformes d’Akt. Cependant, le niveau d’expression de chacun des isoformes varie selon le type de tissus. Par exemple, les cellules de foie expriment majoritairement Aktl et Akt2, tandis qu’ Akt3 est faiblement exprimée (Grabinski et al. 2012). En fait, l’expression d’Akt3 est principalement observée dans le cerveau (Fortier et al. 2011). L’étude des différents isoformes d’Akt a révélé que ces protéines ont des fonctions principales distinctes. En effet, l’utilisation de souris déficientes en Aktl , Akt2 ou Akt3 a permis d’observer des anomalies spécifiques à chacun des isoformes et ainsi identifier leur principale fonction. Les souris déficientes en Aktl ont montré des signes de retard de croissance ainsi qu’une diminution de la taille de leurs organes. En absence d’ Aktl , les cellules sont également plus susceptibles à la mort par apoptose. Aktl est donc principalement impliquée dans la croissance et la survie cellulaire (Chen et al. 2001 , Cho et al. 2001). Quant à elle, l’absence d’ Akt2 chez la souris a entraîné une résistance à l’insuline proposant une fonction d’Akt2 dans le métabolisme du glucose (Cho et al. 2001). Chez les souris déficientes en Akt3, la diminution de la taille du cerveau a été observée suggérant le rôle d’Akt3 dans le développement du cerveau (Tschopp et al. 2005). L’absence d’un seul isoformes d’ Akt n’est pas létale chez les souris. Cela suggère une redondance fonctionnelle de ces protéines. Des études phénotypiques ont donc été effectuées sur des souris déficientes en deux isoformes d’Akt. La délétion d’Aktl et d’Akt2 dans les souris a causé leur mort peu après leur naissance. Quant à elle, la déficience en Aktl et Akt3 dans les souris a résulté en une létalité embryonnaire.
Au contraire, malgré une taille réduite et une intolérance au glucose et à l’insuline, les souris déficientes en Akt2 et en Akt3 sont viables (Gonzalez et McGraw 2009).
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Table des matières
CHAPITRE 1 :INTRODUCTION
1.1 Le cytosquelette de filaments intermédiaires
1.1.1 Les filaments intermédiaires et les modifications post-traductionnelles
1.1.1.1 Effet de la phosphorylation sur les différents types de filaments intermédiaires
1.1.2 Les kératines
1.2 Le cancer
1.2.1 Les filaments intermédiaires, marqueurs de la progression tumorale
1.2.2 La transition épithéliale-mésenchymateuse
1.2.2.1 Les filaments intermédiaires et la transition épithéliale-mésenchymateuse
1.3 Régulation de l’homéostasie cellulaire par Akt
1.3.1 La voie de signalisation PI3K1 Akt/NF -KB et le cancer
1.3.2 La relation entre les protéines de filaments intermédiaires de kératines et la voie de signalisation PI3K1AktJNF-KB
1.4 Hypothèse et objectifs
CHAPITRE II :KERATINS 8 AND 18 ARE ASSOCIATED WITH PI3K1AKT/NF-KB SIGNALING PROTEINS IN EPITHELIAL CANCER CELLS
2.1 Contribution des auteurs
2.2 Résumé de l’article
2.3 Article scientifique
Surnmary
Introduction
Materials and methods
Cell Culture
Construction of Aktl and 2 plasmids and Transfection
Antibodies and Reagents
Western Blot Analysis
Immunoprecipitation
Immunofluorescence Staining and FRET
Results
Analysis of the expression of K8/18, and proteins associated with PI3K1AktlNF-KB pathway in HepG2, Hep3B and Hela cells
Association between K8/18 and PI3K1AktlNF-KB signaling proteins Aktl and Akt2 associate with K8/18
FRET analysis of the colocalization ofK8/18/Akt and K8/18/NF-KB
Discussion
References
CHAPITRE III :DISCUSSION
3.1 Les kératines 8 et 18 s’associent à des protéines impliquées dans la progression tumorale
3.2 La protéine Akt se lie aux kératines lorsqu’elle est phosphorylée
3.3 La liaison d’Akt avec les kératines n’est pas spécifique à un isoforme
3.4 Les modifications post-traductionnelles comme potentiel mécanisme régulant les associations des kératines avec les protéines de la voie PI3K1AktlNF-KB
CHAPITRE IV :CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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