LE MONDE RURAL
Le cadre de vie
Comme décrit dans le «guide de lecture du territoire» de la Fondation Rurale de Wallonie FRW , le cadre de vie est le lieu qui reprend toutes les fonctions vitales à l’épanouissement de n’importe quel individu. À savoir habiter, circuler, produire, consommer, se cultiver et vivre en société. Chaque individu y agit suivant ses intérêts propres, sans nécessairement faire attention à l’impact engendré sur ce cadre de vie. A fortiori, ces actes peuvent amplement transformer les caractéristiques naturelles d’un paysage. Plusieurs enjeux, liés à la protection du cadre de vie et en faveur du développement durable, sont donc nés en ce qui concerne le territoire.
Ainsi, de manière générale, le développement durable prône : Pour le cadre social : l’amélioration de la qualité de vie ; Pour le cadre écologique : la diminution des gaz à effet de serre ; Pour le cadre économique : l’amélioration de l’économie. Le Code de Développement du Territoire CoDT, entré en vigueur en 2017, assure ce développement durable via : La lutte contre l’étalement urbain; L’utilisation rationnelle des territoires et des ressources ; Le développement socio-économique et des activités ; La gestion durable du cadre de vie et la maitrise de la mobilité.
Définition
Selon la carte du Programme Wallon de Développement Rural – PWDR – qui établit la classification DGO3 des communes, il apparait que près de 80 % du territoire belge est considéré comme rural. Il s’agit donc d’une zone d’enjeux relativement importante pour appliquer les concepts du développement durable.
Plusieurs analyses, basées avant tout sur la densité, sont utilisées pour distinguer l’urbain du rural. L’analyse d’Eurostat sur le degré d’urbanisation ; L’analyse du PWDR et des Opérations de Développement Rural – ODR – sur la densité ou la superficie non bâtie. Selon celles-ci, est considéré comme rural tout lieu dont la densité de population est inférieure à 150 hab./km2 ou dont la superficie non bâtie est supérieure à 80% du territoire.
La DGO3 classe les communes en 3 catégories différentes. Une commune est : Rurale si plus de 85% de la surface est composée de territoires ruraux ; Semi rurale si 60 à 85% de la surface est composée de territoires ruraux ; Non rurale si moins de 60% de la surface est composée de territoires ruraux.
L’EFFET DONUT
Semblablement, une brève définition de l’effet donut en milieu rural nous permet d’établir un champ de base pour l’étude. Mais aussi, nous permet de relever quelques zones d’ombre à éclaircir pour le cas de sa définition/résolution en Belgique.
Roland Grüber est l’un des auteurs qui aborde la problématique de l’effet donut en Allemagne. Dans sa définition du problème, il évoque des causes générales que l’on peut facilement rapprocher aux évolutions du territoire Belge.
Dans «Stärk die innenstädte» paru en Novembre 2017 dans l’édition allemande de la revue Domus, celui-ci dit que : «Le vieillissement rapide dans les zones rurales et les décennies d’extension de lotissements monofonctionnels en bord de village donnent rapidement un effet donut» (Hilde Schröteler Brandt). Cela signifie la perte de ces noyaux qui définissent l’identité des villages. Il y a de nombreuses raisons pour que le silence apparaisse dans le centre de village et une des plus importantes est l’augmentation du recours à l’automobile au cours de ces dernières décennies, À cause de laquelle de nombreuses fonctions vitales se sont déplacées vers les périphéries et routes d’accès. Au début, de vastes zones de maisons unifamiliales ont été créées, suivies peu après par des centres commerciaux et de nos jours, des installations administratives et de santé y sont également implantées. Cet effet donut, C’est-à-dire le passage à la périphérie et la désertification conséquente de centre, détruit les villages. Il prive les lieux de leur terroir et de leur identité et les rend peu attrayants pour les générations futures.»
Les causes de l’étalement urbain
Sauf indication contraire, cette partie se base sur l’étude de Laurent Brück sur «la périurbanisation en Belgique : comprendre le processus de l’étalement urbain» réalisée par le département de géographie de l’université de Liège.
Le choix résidentiel des ménages
Le développement de l’habitat périphérique – surtout situé dans la zone périurbaine et rurbaine – s’est amplifié au cours des dernières décennies par les choix résidentiels des ménages. Ces choix ont été motivés par 3 aspects primordiaux quant à la décision de s’implanter ou non, dirigés par un modèle culturel type et rendu possible par l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages. Le premier aspect de ce choix réside dans le type de logement proposé : La plupart des ménages souhaite accéder à une villa quatre façades avec jardin dont ils peuvent devenir propriétaire. «Travailler en ville et habiter à la campagne», c’est le modèle phare diffusé à tout-va par les médias et la politique. La mondialisation, suite à la seconde guerre mondiale, engendre la diffusion du modèle américain des villas quatre façades. On en voit partout : à la télévision, dans les pubs… Il s’agit aussi, par extension, du modèle culturel de réussite. Dans un second temps, le cadre de vie joue un rôle primordial : le foyer doit se situer dans un espace calme, verdoyant, avec de l’espace pour les enfants. L’accessibilité intervient aussi : se situer à proximité du travail, des services, de la ville… permet aux ménages de profiter d’un confort particulier. Suite aux évolutions des moyens de transport cette distance devient relative.
La mobilité
À partir des années 50-60’, on constate une généralisation de l’usage de la voiture et par conséquent, un accroissement de la mobilité individuelle. Le mode d’organisation du territoire s’en trouve transformé puisque le champ d’établissement des populations ne se limite plus à un mode volontairement compact, capable de répartir des habitants qui se déplacent principalement à pied, à vélo ou en train.
La voiture est l’un des premiers facteurs – pour ne pas dire LE premier facteur de l’urbanisation diffuse à travers l’espace. Le développement du réseau routier et plus particulièrement autoroutier – un des plus denses du monde -en sera une des conséquences, mais aussi une des causes de la dispersion de l’habitat. Le recours quotidien aux transports – individuel et en commun – pour effectuer le déplacement périphérie-ville provoque un fort taux d’embouteillage du système routier. Ces embouteillages ralentissent l’efficacité et la rapidité de certains transports en commun. Dès lors, beaucoup d’usagers préfèrent faire appel à l’usage d’un véhicule personnel. Ce qui augmente encore plus le flux routier et provoque un engorgement de celui-ci… L’engorgement routier au départ de tous les influx, – à savoir le centre urbain – par les habitants périphériques et leurs voitures, provoque des nuisances dans l’agglomération.
La détérioration des dynamiques économiques
Avec le processus de l’étalement urbain, on a pu constater que la ville était devenue la zone pourvoyeuse de travail, dans le secteur secondaire et puis tertiaire, suite à l’efondrement de l’activité agricole et des reconversions dues à la PAC et aux avancées techniques. On a pu aussi constater un exode urbain vers les zones périphériques. Cet exode engorge le réseau et amène également à déplacer l’emploi en périphérie. Cette nouvelle délocalisation de la zone d’emploi vers la périphérie est à confronter avec le zonage des fonctions du plan de secteur. De cette manière, la plupart des fonctions économiques – travail, commerces, supermarchés… – se sont retrouvées dans une zone définie par le plan de secteur en dehors des zones d’habitat. Dans un monde où le mode de consommation des personnes favorise le «tout, tout de suite» on se rend bien compte que les petits commerces des centres ruraux n’ont pas pu faire face.
Imaginons un habitant lambda, Mr. Pressé. Il réside dans la zone de périurbanisation et travail dans un zoning non loin, à plus ou moins 20 minutes de chez lui. Ce zoning industriel est proche d’un grand centre commercial. Monsieur Pressé termine sa journée à 17h30. Le centre commercial comprend un magasin du type Colruyt qui ferme à 19H30. Le village ou Mr. Pressé habite possède une boucherie, un petit primeur et une boulangerie fermant à 18H. Il apparait clairement que Mr. Pressé ira faire ses courses, en sortant du travail, chez Colruyt puisqu’il n’aura pas le temps de faire 3 magasins locaux en 10 minutes.
C’est cette dynamique de zonage et de mouvements du phénomène «métro-boulot-dodo» qui nuit à la dynamique économique des villages. Les villages, vides la journée, ne sont pas en demande de services… Ce qui entraine la relocalisation de nombreuses activités économiques là où la demande est plus forte.
LES IMPACTS DE L’EFFET DONUT
Impact sur le territoire
Foncièrement, l’impact sur le territoire en vient surtout à la formation de paysages mitigés. L’étalement urbain, avec le recours à la voiture et l’étendue de son réseau, le développement des villas quatre façades en couronne de village et le déplacement des activités agricoles également en couronne de village, conduisent à étaler l’urbain mais aussi la structure du village qui se charge d’ajouts tentaculaires. L’étalement du bâti conduit à des «paysages mitigés, composés de volumes isolés les uns des autres, produisant des multiples points d’appels, sans hiérarchie» ou logique sous-jacente en lien avec le lieu dans lequel ils s’implantent. (DAWANCE, Sophie. (2018-2019)) Or l’homme a besoin de points de repère. D’après Kevin Lynch «Une bonne image du milieu donne à son détenteur un sens de profonde sécurité émotive», qualité du milieu qui protège l’homme de l’égarement. (OCCHUITO, Rita. (2016- 2017)). Cet étalement mène aussi à manger les terrains alloués aux terres agricoles. (PEDD. (2019)) De sorte qu’il devient aujourd’hui difficile pour les agriculteurs d’étendre leurs activités. Ce qui, nous allons y revenir, peut engendrer des dépendances à d’autres pays et l’impossibilité pour nos régions d’être autosuffisantes.
Impact sur l’écologie
Le trio composant l’effet donut – l’étalement urbain, les changements de mentalité et l’évidement des centres – a un impact écologique. Il est responsable de pollutions, de productions de gaz à effet de serre et d’une baisse de la biodiversité.
Le modèle du tout à la voiture, qui est la base de presque tous les déplacements d’un ménage, engendre, en plus d’une congestion du réseau routier, une pollution énorme. Les villas quatre façades, modèle phare du logement en Belgique, diffusées dans l’espace grâce au recours à un véhicule, sont grandes consommatrices de territoire avec une emprise au sol énorme pour peu d’usagers. (GAUZIN-MÜLLER, Dominique. (2012)) De plus, cette emprise au sol entraine une consommation d’énergie importante. La consommation des ménages représente 23% de la consommation d’énergie globale et 67,5% de celle-ci sont consacrées au chauffage. (BOURGEOIS, Matthieu, BRONCHART, Sophie et RIXEN, Jean-François. (2010)).
Impact sur l’économie
Économiquement parlant, la réduction de la surface agricole suscite une diminution de la capacité de production locale. Car «L’urbanisation se fait surtout au détriment de la zone agricole qui est souvent considérée comme une réserve foncière. Or, contrairement à une idée reçue, notre agriculture est loin d’être excédentaire : nous ne produisons plus tout ce dont nous avons besoin. L’Europe importe en effet 70% de ses protéines végétales (tourteaux de soja ou de colza, …) surtout en provenance des USA. Notre production de protéines animales ne compense pas ce déficit puisque la majeure partie de celles-ci est produite à partir des protéines végétales importées.» (DAWANCE, Sophie. (2018-2019)) Dans le cadre du village de Malempré, un agriculteur tente de développer un lait de foin, qui peut être utilisé pour nourrir le bétail. À cause de la réduction des terres qu’il peut utiliser, il n’est pas possible pour lui de prendre plus d’ampleur. Il n’est donc pas en mesure de proposer un nouveau marché, plus local, qui comblerait les imports d’autres pays. Sans parler de l’énergie grise nécessaire à l’import et son impact écologique, il apparait qu’en plus, au niveau économique, nous ne sommes plus capables de produire de quoi être auto-suffisants et la réduction de la zone agricole ou encore la multiplication des monocultures ne nous permet pas d’y remédier.
Impact sur le social
Mais ces répercussions bénéfiques sont actuellement un doux rêve, car on assiste de nos jours à une dégradation des espaces publics, qui deviennent presque uniquement des lieux consacrés à la circulation automobile et non plus aux piétons.
Il n’est plus question de flâner dans un cœur de village pour passer de boutique en boutique, les gens se rendent le plus souvent dans un endroit précis – souvent dans un zoning hors de la zone d’habitat – où ils pourront trouver presque tout ce qu’ils cherchent sans devoir changer d’endroit. Un autre exemple est celui des lieux sacrés, tels que les églises de villages. Bien souvent, ceux-ci étaient des lieux de rencontre, de réunion du village entier autour d’une croyance commune. Actuellement, par perte du culte religieux, des églises sont détruites ou déplacées, ce qui a pour conséquence une modification radicale de l’agencement du village mais surtout la perte d’édifices transmettant un savoir technique passé. (FRW. 2018)) À une échelle moins symbolique, les écoles étaient, avant, le lieu de rassemblement des enfants du village. De nos jours, les parents favorisent une école à proximité de leur lieu de travail, où ils peuvent déposer leurs enfants le matin et les reprendre en rentrant. Les nouvelles formes d’urbanisation sont des lieux de non-mixité fonctionnelle : les lotissements sont uniquement résidentiels, les zonings uniquement économiques ou commerciaux, … Cela correspond à une demande des habitants qui craignent que la mixité fonctionnelle n’engendre des nuisances.
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Table des matières
INTRODUCTION
LE MONDE RURAL
CONCEPTS GÉNÉRAUX
1. Le cadre de vie
2. Définition
3. Dans l’imaginaire collectif
4. En réalité
4.1. Historique du monde urbain
4.2. Historique du monde rural
L’EFFET DONUT
PRÉAMBULE
1. Définition sommaire
1.1. Questionnement sur la définition
LES PRÉMICES
1. Le processus de l’étalement urbain
1.1. La subdivision de l’espace belge
1.2. Les causes de l’étalement urbain
1.2.1. Le choix résidentiel des ménages
1.2.2. La mobilité
1.2.3. La politique d’aménagement territorial et le plan de secteur
1.2.4. Le foncier
1.2.5. La politique d’accès au logement
1.2.6. En résumé
2. Les processus liés à la population
2.1. La répartition modale de la population
2.2. Les ménages
2.2.1. La structure des ménages
2.2.2. La mentalité des ménages
2.2.3. Le choix résidentiel des ménages selon leurs âges
2.3. Le vieillissement de la population rurale
3. Le processus d’évidement des centres
3.1. La détérioration des dynamiques économiques
3.2. L’appauvrissement du cadre social et démographique
3.3. La chute du contexte immobilier et foncier
3.4. Le cercle de dégradation du cœur de village
LES IMPACTS DE L’EFFET DONUT
1. Impact sur le territoire
2. Impact sur l’écologie
3. Impact sur l’économie
4. Impact sur le social
THÈSE DE L’EFFET DONUT
TENTATIVE DE DÉFINITION POUR LA WALLONIE
1. La thèse de l’effet donut
1.1. Essai de cartographie
2. Remarques
PISTES DE RÉSOLUTION
LE CHAMP D’ACTION
1. Les objectifs
1.1. La question du développement durable
1.2. Les objectifs liés au développement durable
2. Les enjeux
2.1. Les enjeux principaux
2.2. Les enjeux secondaires
3. Les acteurs
3.1. L’union Européenne
3.2. Les acteurs en Wallonie
LES PISTES DE RÉSOLUTION
1. Questionnement sur le champ d’action établi
1.1. Le cas de Haag – Une action lancée par une demande citoyenne
1.2. Le cas des Grisons – Une approche plus profonde des architectes
1.3. Le cas du Vorarlberg – Une réflexion durable de tous les acteurs
1.4. Le cas de Pesmes – Des petites actions qui font méditer
1.5. L’atelier ruralité – Un espace de prospection
CONCLUSION
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