Il รฉtait admis avant le milieu des annรฉes 1980 que les jeunes enfants n’รฉtaient pas sujets ร la perception douloureuse. En effet ยซ la question ne se posait mรชme pas. Le petit enfant, disaitโ on, รฉtait trop immature, la douleur ne pouvait pas รชtre ressentie et, mรชme sโil la ressentait, il nโen souffrait pas comme un adulte, et sรปrement lโoubliait trรจs vite ยป (1). C’est grรขce au travail de Anand KJS que la reconnaissance de la douleur chez l’enfant a รฉtรฉ permise (2)(3). En 1987, il rรฉalisa une รฉtude randomisรฉe sur des nouveauโnรฉs opรฉrรฉs. Le groupe des nouveauโnรฉs opรฉrรฉs du thorax recevant des antalgiques morphiniques, en plus de curare et de protoxyde d’azote, montrait une amรฉlioration clinique ร court terme ainsi qu’une stabilisation contrairement ร ceux ne recevant pas les morphiniques.
La douleur est une notion subjective et propre ร chacun avec d’รฉnormes variabilitรฉs interindividuelles de son ressenti et de l’expression selon un mรชme stimulus. Elle dรฉpend de lโรขge, du sexe, du vรฉcu, des souvenirs et expรฉriences passรฉes, du contexte social et environnemental, dโinfluences culturelles ou religieusesโฆ La douleur a donc une part physique mais รฉgalement psychologique, รฉmotionnelle ou mรฉmorielle.
En France, la douleur est l’un des trois premiers motifs de consultation aux urgences pรฉdiatriques (4)(5) avec 40 ร 50 % des consultations (jusquโร 75% selon d’autres รฉtudes). Il est nรฉcessaire de rรฉaliser dรจs l’admission, une รฉvaluation pour une prise en charge rapide et adaptรฉe. L’รฉvaluation la plus prรฉcoce possible permet de quantifier la douleur et de rรฉaliser rapidement une thรฉrapeutique mรฉdicamenteuse et non mรฉdicamenteuse adaptรฉe. Lโobjectif recherchรฉ est d’abaisser la douleur en dessous d’un seuil dรฉfini et permettre ร l’enfant une reprise des activitรฉs (6) tout en รฉvitant une mauvaise expรฉrience risquant d’entraรฎner une aggravation de la perception douloureuse et une diminution de l’analgรฉsie lors d’un prochain รฉpisode par un phรฉnomรจne de mรฉmorisation de la douleur.
DEFINITION ET PHYSIOPATHOLOGIEย
Dรฉfinitionย
Selon la dรฉfinition de l’organisation mondiale de la santรฉ (OMS) et de l’International Association for the Study of Pain (IASP), la douleur est dรฉfinie comme ยซ une expรฉrience sensorielle et รฉmotionnelle dรฉsagrรฉable en rรฉponse ร une atteinte tissulaire rรฉelle ou potentielle ou dรฉcrit en ces termes ยป .
Les composantes de la douleur
La douleur est un ensemble de phรฉnomรจnes subjectifs et multifactoriels, intriquรฉs les uns avec les autres. Il existe diffรฉrentes composantes de la douleur (13) (14). Une premiรจre sensoriโ discriminative correspond ร notre capacitรฉ d’analyser la nature et le siรจge d’un stimulus ainsi que son intensitรฉ et sa durรฉe. Une deuxiรจme affective et รฉmotionnelle. Celleโci traduit la sensation de douleur par un caractรจre pรฉnible et dรฉsagrรฉable pouvant mรชme se prolonger jusqu’ร l’anxiรฉtรฉ ou la dรฉpression en cas de chronicisation. Ensuite, une composante cognitive regroupe l’ensemble des processus mentaux susceptibles d’influencer la perception de la douleur et les rรฉactions comportementales qu’elle dรฉtermine. On retrouve ainsi des phรฉnomรจnes de diversion ou d’attention, d’anticipation, d’interprรฉtation et de dรฉcisions sur le comportement ร adopter faisant rรฉfรฉrence ร d’autres expรฉriences douloureuses vรฉcues ou observรฉes. Enfin, une quatriรจme composante comportementale regroupe les manifestations verbales ou non verbales observรฉes chez le patient percevant un stimulus douloureux. Cette composante dรฉpend des caractรจres socio environnementaux du patient et des expรฉriences passรฉes vis ร vis de la douleur.
Caractรฉristiques de la douleurย
La douleur, voire mรชme les douleurs, peuvent รชtre regroupรฉes selon diffรฉrents aspects. Nous pouvons les dissocier part leurs mรฉcanismes physiopathologiques, leurs durรฉes d’รฉvolution et d’installation ou mรชme part la pathologie inaugurale.
Classification physiopathologique
Il existe trois grands mรฉcanismes physiopathologiques de la douleur.
Douleurs par excรจs de nociception
Une douleur par excรจs de nociception est le mรฉcanisme le plus frรฉquemment rencontrรฉ dans les douleurs aiguรซs. Elle peut sโexprimer de deux diffรฉrentes maniรจres. D’une part, selon un rythme mรฉcanique, augmentant ร la mobilisation et ร l’activitรฉ, et donc principalement le jour. D’autre part, inflammatoire, rรฉveillant la nuit. Il est souvent possible de provoquer la douleur par manipulation au cours d’un examen clinique. On retrouve, par exemple, les douleurs post traumatiques. La douleur est activรฉe en pรฉriphรฉrie par stimulation des fibres nerveuses au niveau de nocirรฉcepteurs avant d’รชtre transmise vers les structures centrales. Sur le plan thรฉrapeutique, il convient donc d’agir ร la fois au niveau de l’รฉtiologie de la douleur en limitant les effets excitateurs produits mais aussi de bloquer les messages des voies pรฉriphรฉriques et centrales. Elles rรฉpondent aux traitements antalgiques usuels et aux antiโinflammatoires non stรฉroรฏdiens (AINS).
Douleurs neuropathiques
Les douleurs neuropathiques (anciennement douleur de dรฉsaffรฉrentation) sont liรฉes ร une atteinte du systรจme nerveux entraรฎnant un dysfonctionnement au niveau pรฉriphรฉrique ou central. Elles peuvent rรฉsulter d’une compression ou d’une section nerveuse (sciatique par hernie discale, amputation et membre fantรดme), de complications de maladies ou mรชme รชtre d’origine toxique ou iatrogรจne comme certaines chimiothรฉrapies. Les douleurs neuropathiques sont une cause frรฉquente de douleur chronique. Elles sont caractรฉrisรฉes par des troubles ร type d’hypo ou dโhypersensibilitรฉ. Les paresthรฉsies, dysesthรฉsies, allodynies, brรปlures ou autres dรฉcharges รฉlectriques dominent le tableau. Les traitements de premiรจre intention, antidรฉpresseurs et antiรฉpileptiques, ont une action centrale.
Douleurs psychogรจnes et sine materia
Ces douleurs rรฉsultent de l’intrication de facteurs somatiques et psychosociaux. Elles sont sans lรฉsion apparente, รฉtiquetรฉes comme des douleurs ยซ fonctionnelles ยป aprรจs un bilan clinique et paraclinique nรฉgatif. Ces douleurs peuvent รชtre dรฉcrites comme idiopathiques devant unย tableau au mรฉcanisme physiopathologique peu รฉlucidรฉ (cรฉphalรฉe de tension, fibromyalgie…). Dans d’autres cas, la sรฉmiologie de la douleur imprรฉcise, variable ou atypique oriente vers une origine psychogรจne (hypochondrie, hystรฉrie…). Chez lโenfant, elles peuvent sโexprimer par des pleurs, des cris, une agitation, des cauchemars et rรฉvรฉler une angoisse.
Classification selon la durรฉe dโรฉvolution
Douleur aiguรซย
La douleur aiguรซ est dรฉfinie comme une douleur d’apparition rรฉcente. Elle est admise comme รฉtant un signal d’alarme, douleur gรฉnรฉralement brutale et intense. Plus globalement, elle correspond ร une douleur disparaissant en quelques heures ou quelques semaines selon le temps nรฉcessaire ร la guรฉrison (moins de trois mois). Chez l’enfant, la douleur aiguรซ se manifeste par de nombreuses faรงons pas forcรฉment spรฉcifiques. On retrouve les pleurs, cris, grimaces et visages contractรฉs. Egalement, toute position antalgique peut reflรฉter une douleur. Un refus de jouer ou une agitation peuvent รฉgalement รชtre le tรฉmoin d’une douleur aiguรซ. Aussi, des manifestations physiologiques (tachycardie, hypertension, tachypnรฉe, dรฉsaturation) sont des signes de douleur aiguรซ.
Douleur chroniqueย
Une douleur chronique par dรฉfinition dรฉpasse trois mois. La douleur chronique, considรฉrรฉe inutile et destructrice est souvent plurifactorielle. Cโest une douleur qui persiste malgrรฉ un traitement antalgique ou aprรจs disparition de la cause initiale. Elle peut รชtre difficile ร comprendre car n’a pas toujours de cause visible. La douleur chronique est une maladie ร part entiรจre nรฉcessitant un traitement ร long terme avec le recours ร des spรฉcialistes. Cette douleur va pour l’enfant avoir des consรฉquences physiques et morales et impacter sa qualitรฉ de vie : enfant inexpressif, perte d’autonomie, handicap, dรฉsintรฉrรชt pour le monde extรฉrieur, isolement, dรฉpression.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
DEFINITION ET PHYSIOPATHOLOGIE
I. Dรฉfinition
1. Les composantes de la douleur
2. Caractรฉristiques de la douleur
A. Classification physiopathologique
a. Douleurs par excรจs de nociception
b. Douleurs neuropathiques
c. Douleurs psychogรจnes et sine materia
B. Classification selon la durรฉe dโรฉvolution
a. Douleur aiguรซ
b. Douleur chronique
II. Physiopathologie
1. Dรฉveloppement chez le fลtus
2. Les voies de la douleur
A. Systรจme nerveux pรฉriphรฉrique (SNP)
a. Les rรฉcepteurs pรฉriphรฉriques de la douleur ou ยซ nocicepteurs ยป
b. Les stimuli nociceptifs
c. Les fibres nerveuses affรฉrentes primaires et les nerfs pรฉriphรฉriques sensitifs
B. Systรจme nerveux central
a. La jonction radiculoโmรฉdullaire
b. Les voies spinales ascendantes
c. Les voies nociceptives cรฉrรฉbrales
d. Les voies descendantes
EVALUATION ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR CHEZ L’ENFANT AUX URGENCES
I. Evaluation de la douleur aux urgences
1. Echelles d’autoโรฉvaluation
A. Echelle visuelle analogique verticale (EVA)
B. Echelle numรฉrique (EN)
C. Echelle verbale simple (EVS)
D. Echelle des visages
E. Echelle des jetons
F. Schรฉma du bonhomme
2. Echelles dโhรฉtรฉro รฉvaluation
A. EVENDOL
B. Echelle Alder Hey
II. Mรฉthodes de prise en charge de la douleur
1. Traitements antalgiques mรฉdicamenteux
A. Antalgiques de palier I
B. Antalgiques de palier II
C. Antalgiques de palier III
D. Les antalgiques adjuvants
E. Le Mรฉlange Equimolaire OxygรจneโProtoxyde dโAzote (MEOPA)
F. Les anesthรฉsiques locaux
G. Kรฉtamine
2. Les traitements non mรฉdicamenteux
A. Prรฉsence des parents pendant les soins
B. Cadre agrรฉables des urgences
C. Confiance et termes employรฉs
D. La distraction
E. Lโhypnose
F. Massage et contact tactile
G. Les solutions sucrรฉes et les succions
3. Le traitement รฉtiologique
4. Recommandation HAS aux urgences
A. La traumatologie
B. Les douleurs abdominales
C. Les brรปlures
D. Les Infections ORL
E. E. Les gingivostomatites
MATERIEL ET METHODES
I. Objectif
II. Type d’รฉtude
III. Population รฉtudiรฉe
IV. Donnรฉes recueillies
V. Analyse statistique
RESULTATS
I. Caractรฉristiques de la population
II. Evaluation de la douleur
III. Administration thรฉrapeutique
IV. Rรฉรฉvaluation de la douleur
DISCUSSION
I. Evaluation de la douleur
II. Utilisation dโune รฉchelle adaptรฉe
III. Rรฉรฉvaluation de la douleur
IV. Administration thรฉrapeutique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES