Méthodologie
L’ambition méthodologique première de ce travail est bien d’appréhender les représentations des enseignants sur les processus de l’évaluation en éducation physique, dans le cadre de l’école primaire vaudoise, et pour ce faire, nous avons choisi d’employer une méthode résolument qualitative en allant à la rencontre d’enseignants, de futurs enseignants (étudiants en fin de formation), ainsi que d’un formateur de la HEP et d’un conseiller pédagogique du canton.
Echantillon
La rédaction de mémoires professionnels requis dans le cadre de la formation initiale au sein de la HEP, dans le canton de Vaud, est régulée par la décision 102 (relative à l’accès aux données du système scolaire à des fins de recherche), qui a été énoncée par la conseillère d’Etat et cheffe du département de la formation et de la jeunesse le 1er mai 2006. Cette décision limite nos recherches aux élèves de nos classes de stage, ainsi qu’aux enseignants de notre établissement, réduisant fortement les ambitions que nous pouvions avoir au départ du projet.
Compte tenu du but de notre recherche, nous avons limité notre analyse aux enseignants, les élèves n’entrant pas significativement en ligne de compte.
Avec la contrainte de la décision citée ci-dessus, nous avons donc interrogé en premier lieu les enseignants primaires dans nos établissements de stage respectifs puis, nous avons pris la liberté (puisque notre recherche se base sur des adultes) d’ouvrir notre panel à d’autres collègues dans les établissements fréquentés pendant nos stages de troisième année.
Notre échantillon s’est donc centré sur :
-‐ Deux étudiants, inscrit dans le cursus de l’enseignement primaires avec formation en éducation physique à la HEP.
-‐ Deux enseignants primaires, sur le terrain avec formation en éducation physique à la HEP ou à l’Ecole Normale.
-‐ Un formateur en éducation physique de la HEP.
-‐ Un conseiller pédagogique du service de l’éducation physique et du sport du canton de Vaud (SEPS).
Techniquement, il s’agit donc d’un échantillonnage dirigé, les participants de l’échantillon ayant été sélectionnés au préalable et en fonction de renseignements pertinents, tels que leurs années d’expérience dans le monde de l’enseignement, leur formation ou encore leur poste à responsabilité.
Outil de recueil des données
Pour notre étude, nous avons privilégié l’entretien comme outil de recueil des données, afin de nous approcher au plus près des ressentis des enseignants face à l’évaluation en éducation physique et sportive.
Cette méthode qualitative, souvent utilisée en sciences sociales et comportementales, permet l’analyse d’un grand nombre d’éléments des biographies des personnes interrogées, les actions passées, les représentations sociales ou encore le fonctionnement de l’organisation psychique. Souhaitant étudier les représentations d’individus sur leur pratiques professionnelles – en l’occurrence l’évaluation en éducation physique –, cette méthode nous paraissait la plus appropriée.
La méthode de l’entretien comme outil de recueil de données, ayant fait ses preuves dans la recherche, présente de nombreux avantages : comme le choix du degré de profondeur des analyses ainsi que la souplesse et une faible directivité. Mais en revanche, il possède également certaines limites : comme la souplesse même de la méthode, le fait de devoir concevoir les méthodes de recueil sur une base presque individuelle et les biais que la relation au chercheur peuvent induire sur les résultats.
Avant la rédaction de notre projet, nous
Résultats
Pour répondre à nos hypothèses, nous avons donc interviewé 6 personnes. Notre échantillon se compose de : deux étudiantes en fin de formation HEP (E1 et E2), deux enseignantes régulières, l’une ayant suivit l’école normale (5-6H), l’autre la HEP (7-8H) (EnN et EnH), un formateur responsable de l’éducation physique à la HEP (F) et un conseiller pédagogique du SEPS (C).
Au terme (ou presque) de votre formation à la HEP/Ecole Normale, pensez-vous avoir acquis les compétences nécessaires pour évaluer vos élèves en éducation physique et sportive ?
Nous avons tout d’abord posé cette question à E1-2 et EnN-H. EnH qui soulève tout d’abord que cela dépend de la manière d’évaluer « si on met des notes ou pas », pense avoir acquis les compétences en question. Elle précise ensuite en disant qu’elle ne pense pas que ce soit la HEP qui ait fait qu’elle soit capable d’évaluer mais qu’elle lui a tout de même appris à mettre des critères et à savoir les observer. EnH n’a pas l’impression d’avoir moins de capacités à évaluer en EPS qu’ailleurs et une fois que le travail à faire est observé et analysé elle est capable de poser des critères et d’évaluer.
EnN dit avoir les compétences d’évaluer si un élève est sportif « s’il y met du sien ».
Elle ajoute qu’ « il n’y a pas besoin d’être enseignant spécialiste en EPS, on peut très bien en tant que généraliste ». Elle précise toutefois que c’est son expérience sur le terrain qui lui a apporté les compétences et pas l’école normale. EnN confie également que lors de sa formation, elle a appris à donner des leçons de gym (et ceci lui a été très utile) mais elle n’a pas appris à évaluer « c’est quelque chose que tu vois à la longue (…), avec l’expérience, avec le temps ».
E1 se positionne de manière légèrement différente en répondant à la même question.
Pour elle, les cours dispensés à la HEP ne lui permettent pas de se sentir prête à évaluer en EPS. Elle ajoute toutefois, pour sa part, que lors de la formation pratique (stage) elle a pu assister à une séance de présentation sur l’évaluation en EPS et que cette dernière lui a permis de se sentir « plus ou moins prête, au niveau du matériel et de ce qui est attendu… ». Comme E1, E2 dit avoir reçu des « pistes » mais insuffisamment. Les séminaires d’EPS restaient très théoriques. Elle avoue que c’est surtout lors d’un de ses stages, au cours duquel sa praticienne formatrice était spécialiste en éducation physique, qu’elle a appris le plus. Elle confie toutefois que c’est lorsqu’elle pratiquera vraiment le métier qu’elle pourra « évaluer et voir de quoi on est capable ».
Quels sont, pour votre cycle, les moyens d’enseignement à disposition pour l’éducation physique et sportive ?
EnH, E1 et E2 nous ont toutes parlé des « gros classeurs gris » jugé comme largement « insuffisants » par les étudiantes et « pas très précis » par l’enseignante. Cette dernière utilise également un livre qu’elle a reçu de sa praticienne formatrice de l’époque et elle « pompe beaucoup dedans ». E1, pour sa part, dit avoir pu découvrir en stage « un autre moyen d’enseignement lié à celui-ci qui sont en fait des cartes, des petites fiches didactiques ». Elle a également découvert, par elle-même « mobilesport », le document de la Confédération. E2 confie connaître et utiliser les petites fiches de sport ainsi qu’un classeur orange qu’elle qualifie de « beaucoup plus complet ».
EnN utilise les nouveaux moyens d’enseignement et d’évaluation pour lesquels elle qualifie les objectifs de « plus clairs ». Elle ajoute d’ailleurs que « c’est la première année que les objectifs sont clairs en gym ».
Quels sont, pour votre cycle, les moyens dont vous disposez pour évaluer l’éducation physique et sportive chez vos élèves ?
En ce qui concerne les moyens à disposition pour l’évaluation de l’EPS, cette fois-ci, nos interviewées ont toutes connaissance des carnets de gym à remplir en fin de semestre pour leur cycle (même si les étudiantes soulignent le fait qu’ils n’ont jamais été présentés à la HEP). Toutefois, si EnH et EnN disent se sentir à l’aise avec les carnets et avec les autres moyens d’évaluation propres à leur établissement, E1 avoue, à l’heure actuelle, « ne pas tellement savoir comment s’y prendre », si elle doit évaluer l’année prochaine. E2 dit, quant à elle, ne pas savoir comment ces moyens fonctionnent : « on ne m’a pas expliqué, j’ai juste vu ». EnN confie que même si elle a reçu les moyens d’évaluation et leur présentation relativement tard dans l’année (n.d.l.r : fin octobre – début novembre), elle les utilise volontiers actuellement.
Lorsque vous évaluez vos élèves, sur quoi vous basez-vous pour fixer les objectifs ?
EnH confie alors qu’elle se base « sur rien… car les objectifs de gym ne sont pas fixés à l’avance ». E1, quant à elle, dit avoir eu rarement l’occasion d’évaluer en EPS mais pense se baser sur le PER dans le futur exercice de sa profession. Même si elle avoue ne pas savoir ce qu’il y a dans le Plan d’Etudes concernant l’évaluation.
E2 pense décortiquer les mouvements et faire des catégories afin de ne pas devoir tout évaluer en même temps.
Finalement, EnN se laisse guider par les nouveaux moyens d’enseignement en disant s’être « prise au jeux ».
Qu’est-ce-qui est difficile dans l’évaluation de l’éducation physique et sportive ?
Qu’est-ce-qui est particulier à cette discipline ?
Ensuite, notre intérêt s’est porté sur la difficulté d’évaluer en EPS, nous avons soulevé la question de la particularité de la discipline et nos interlocuteurs avaient beaucoup à dire sur le sujet.
E1 a répondu directement que la difficulté se situait dans le fait que la gymnastique est une branche subjective à évaluer car il faut avoir des critères précis et qu’ils sont également subjectifs. Elle avoue : « c’est tellement vague que l’on est perdu ».
E2 trouve la tâche difficile car elle ne se sent pas « spécialiste du sport » et se pose également beaucoup de questions : « est-ce que je suis vraiment capable ? Est-ce que je suis vraiment qualifiée ? Est-ce que je verrai les détails ? ».
Les deux enseignantes (EnH et EnN), elles, comparent l’EPS au dessin, aux ACM et à la musique. En effet, chacune nous dit que pour ces trois branches « c’est difficile de dire si c’est juste ou faux…c’est subjectif » ou alors « Pourquoi est-ce qu’on évalue les ACM ? (…) il y a des enfants qui sont artistes, qui ont plus de facilité que les autres, et d’autres pas ».
EnN dit d’ailleurs que les ACM sont une branche évaluée depuis longtemps et que donc, selon elle, cela devient légitime de faire pareil en sport.
EnH souligne le fait que, selon elle, « ce n’est pas juste d’évaluer le dessin et la musique mais pas la gym. Cela devrait être soit aucun, soit tous ». En effet, le fait que la musique et le dessin soient évalués et présentent une note dans l’agenda de l’élève lui pose problème car ce n’est pas le cas de l’éducation physique et elle juge que ces branches présentent la même subjectivité.
« L’élève qui excelle en gymnastique ne sera pas forcément valorisé. Ce même élève qui rentre à la maison avec un 2 en musique dans son agenda aura beau dire qu’il est monté jusqu’en haut des perches, ses parents ne retiendront que le 2 en musique ». Cette enseignante rapporte également ce qu’elle a pu entendre dans les salles des maîtres : « Non mais il ne faut pas évaluer parce que les pauvres qui sont gros ils auront des mauvaises notes ». Elle confie entendre cela souvent et trouver ces réflexions regrettables car, au même titre que la phrase citée ci-dessus, « nul en chant » n’est