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Spécification en profondeur
La finalité que nous nous proposons dans cette thèse est de mettre en valeur les traditions orales qui sont les premières productions intellectuelles aux Comores. Cette littérature constitue une analyse des règles sociales, des mentalités, des croyances, des devises, des systèmes de valeur de la société pour se persuader de la nécessité de la revalorisation de l’ancien temps pour apporter la « Paix perdue » dans notre temps ; l’un des rôles de la littérature orale est de transmettre les savoirs anciens d’une génération à une autre.
À travers les mafumbo, l’éducateur, qui est ici le chanteur, a pour mission de faire réincarner la vie du groupe dans l’âme et dans l’esprit de l’auditoire, de l’apprenant ; la vie ne pourrait pas être conçue en dehors des us et coutumes, des tabous ou interdits, des bénédictions, dont la transmission analytique et synthétique contribue au bonheur du groupe d’abord, et de l’individu après.
En consacrant une étude sur la littérature traditionnelle orale, nous optons pour une manière de transmettre et perpétuer la tradition ancestrale qui mérite d’être protégé.
Il est rare de trouver, aujourd’hui, une identité culturelle propre. Tout tend à s’uniformiser et à se fondre dans la masse. Les cul tures des plus faibles, des plus petits, des plus pauvres sont étouffées par celles des plus forts, des plus grands, des plus riches. Au lieu d’un enrichissement mutuel des cultures, au lieu d’un monde évolutif, nous assistons à un monde qui va à l’envers. Ce sont les plus puissa nts, ceux qui disposent des moyens technologiques et financiers, qui dictent les règles à suivre aux pauvres. Ils leur imposent leurs goûts, leur vision du monde. Nous nous y conformons et nous nous y adaptons sans aucune forme de procès.
Ce modernisme démesuré disperse les sens, a changé le système de valeurs et a fait plonger le monde dans un désordre : l’espèce humaine est charriée dans une civilisation de masse et de l’objet qu’il a du mal à maîtriser ; l’ humanité est conviée à un festin dont tous les plats se baptisent « uniformisme ». Son seul refuge reste le repli sur soi, cette espèce d’autisme paranoïaque. D’où la prédominance d’un certain individualisme qui fait de l’homme un prédateur de son espèce. Puisque dans el temps actuel, le monde est régi par des lois dites internationales et qui prétendent libérer l’individu humain et son environnement du « barbarisme » du temps ancien pour le transporter dans l’accalmie de ce qu’on ose appeler « civilisation », il est prudent de perpétuer et consolider son propre mode de vie.
Nous estimons que, grâce à cette recherche, nous parviendrons à affleurer le visage socioculturel des Comoriens. Ce qui pourrait profiter à un développement rapide et durable. Car, « le plus beau cadeau serait celui qui est apprécié par celui à qui on le donne et non l’inverse », dit-on. Donc il sera toujours illusoire de promouvoir le bien-être d’un peuple sans connaitre au préalable sa structure et ses attentes. Le bonheur des Comoriens doit être ressenti par eux-mêmes et non élaboré par des artisans d’une « civilisation mondiale ».
Spécification verticale
Les chants et les danses sont un bon repère de la culture traditionnelle. Les mafumbo, dans leurs divers emplois, servent de couplets à toutes les chansons des différentes cérémonies et festivités traditionnelles. Ces séquences trilogiques sont très riches en sagesse et en savoir tout autant qu’en éloquence. Ils relèvent de la tradition orale autant par la vérité philosophique et la morale que par le maniement de sons et de sens. Et quelles que soient les époques, cette poésie populaire berce les petits, anime les rencontres, rythme les festivités, reçoit les hôtes, loue et conseille les mariés. Bref, elle accompagne les Comoriens dans leur quotidien, incarne les valeurs socioculturelles et assure la cohésion sociale.
La présente recherche se veut être une tentative d’appréhension du rôle que joue cette poésie dans l’éducation. La parole poétique taité destinée à assurer l’harmonie : non seulement l’harmonie vocale, la musique immédiate des sons, mais aussi l’harmonie entre les hommes, la sagesse, et l’harmonie du cosmos tout entier, le savoir du monde et des dieux.
Dans la future thèse, nous allons travailler dans le domaine folklorique17. Les danses folkloriques se transmettent d’une génération à l’autre sans qu’on puisse attribuer leur création à un chorégraphe connu et ans subir des changements considérables dans le temps. De plus, même si les créateurs des danses de société populaires (comme le shigoma), sont généralement restés anonymes, la primauté dec mode de communication est d’assurer l’intégration et l’éducation des jeunes au sein du groupe puisque ce sont des festivités liées à certaines occasions particulières de la vie communautaire. Ainsi, chacun des mafumbo qui constituent les chants et chansons qui les animent est une parole vivante qui mérite d’être examinée.
Par ailleurs, dans ces adages, il s’agit d’une form ulation apparemment syllogistique où l’énonciateur, dans une séquence trilogique et pidictique,é cherche à disqualifier et à réprimer une action regrettable.
Dans cette allocution rhétorique et orale, l’orateur a pour fin d’amener les auditeurs à examiner les faits exposés à la lumière d’un point de vue particulier, celui de la conscience collective, sous un angle spécifique. Cette littérature de l’éloquence populaire, qui peut être soit un réquisitoire soit un plaidoyer, doit êtreel plus possible éloigné de la présentation subjective des faits. Ce qui fait des mafumbo un discours manipulateur mais sincère. Ce genre, entre autres, renferme la sagesse populaire incarnée dans divers thèmes abordés dans la littérature comorienne.
Corpus
Le corpus de notre étude est constitué de textes comoriens traduits en français . Ces textes poétiques seront présentés en comorien avecleur traduction française. Ce type de présentation facilite la lecture et permet de mettre en évidence la versification des séquences en comorien qu’on ne trouve plus dans la traduction française.
Le corpus sera constitué d’une vingtaine de mafumbo. Il faut noter que la collecte des textes a commencé en 2007. Elle est essentiellement faite de mémoire. Des rajouts et des compléments nous sont apportés par AMINA AbdouBacar (22 ans), FATIMA Saïd Mansoibou (26 ans) et BOINA Riziki (63 ans), tous de Mohéli. Il s’agit d’un genre inédit qui n’a jamais été ni transcrit ni étudié. Pour notre étude, nous avons pu collecter soixante-dix mafumbo, dont voici quelques exemples.
JUSTIFICATION DU CHOIX DU CORPUS
Le choix de ce corpus résulte de l’importance que nous accordons à la tradition de notre pays. La collecte de ces mafumbo s’est essentiellement faite à Mohéli, cependant ils contiennent des éléments anjouanais, mahorais et grand-comoriens. Deux raisons primordiales motivent ce choix. D’abord, la première raison du choix des mafumbo est l’abondance des prémisses culturelles dans ces séquences textuelles qui sont utiles au fondement et à la reconnaissance de l’identité comorienne. L’étude deces axiomes nous aidera à mieux comprendre notre société. Comme toute société traditionnelle, la société comorienne est inséparable du folklore, en l’occurrence les chants et les danses. Or les mafumbo sont à la base de tous les chants et chansons traditionnels et cérémoniaux, qui constituent une part considérable de la littérature comorienne, donc desa culture. Par conséquent, cette poésie est révélatrice de la conscience collective de la ociétés. D’où le choix de ce corpus pour élaborer un travail de recherche.
Puis, une seconde raison du choix de ce corpus est que les mafumbo est un genre inédit que nous souhaitons faire connaitre au mondelittéraire. Avec le phénomène actuel de mondialisation par lequel les échanges se font de plus en plus internationaux et la culture occidentale gagne chaque jour un peu plus de terrain, notamment par l’intermédiaire du capitalisme, la diversité culturelle doit être de plus en plus présente pour que les coutumes locales se renforcent et prennent davantage de poids dans les sociétés. Aux Comores, les mafumbo sont à priori un réservoir de la culture nationale. L’analyse de ce genre permettra de perpétuer notre tradition etd’améliorer son rôle éducatif.
LA TRADUCTION
La traduction est une technique qui vise à interpréter le sens d’un texte d’une langue de départ (appelée langue source) vers une anguel d’arrivée (appelée langue cible). Le but de la traduction est de produire un texte en langue sémantiquement fidèle à celui du départ. L’opération n’est pas toujours facile mêmesi on fait un bon usage des langues concernées. A coté des compétences linguistiques,a ltraduction demande une connaissance dans le domaine où s’enracine le texte à traduire, afin de pouvoir adapter les équivalences terminologiques. On distingue deux types de traduction qui sont la traduction technique et la traduction littéraire.
La chronotopie
Le chronotope se traduit littéralement par « temps-espace » : la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature. Le sens d’un texte dépend énormément des liens qu’entretiennent les indices temporels avec ceux de l’espace. A partir des éléments temporelson peut appréhender l’importance d’un lieu et vis versa. Ainsi, Mitterrand le définit : « Dans son emploi le plus général, chronotope désigne tout univers humain déterminé consubstantiellement par une époque et un lieu, et aussi toute vision, toute représentation homogène d’un tel univers, tou tableau du monde intégrant la compréhension d’une époque et celle d’un cosmos. »
Dans le chronotope de l’art littéraire les indices spatiaux et temporels s’interpellent et se compétent. Les uns ne se comprennent pas sansles autres, et la présence des premiers révèlent l’importance des seconds. Ils sont indissociables car ils constituent un tout intelligible et concret comme le « pile » et la « face » d’une pièce de monnaie.
Le dialogisme
Le dialogisme, comme le nom l’indique, est la rencontre de deux voix qui sont celle de l’émetteur (le narrateur ou l’auteur) et celle du lecteur. Selon Jenny, « Le « dialogisme » est l’interaction qui se constitue entre le discours propre de l’énonciateur et les discours qui lui sont extérieurs, les diverses formes du discours d’autrui. Le concept peut être rapproché à celui d’intertextualité. Il ne veut pas que l’œuvre soit uniquement un matériau; pour lui, c’est une rencontre entre langage, forme et contenu orchestrée par l’auteur».
En ce sens, le dialogisme serait un besoin esthétique (une valorisation) venant de l’extérieur, car la valeur du texte exige le regard extérieur du lecteur. Il est la rencontre du texte à lire et celui du lecteur qui crée la personnalité extérieure de l’œuvre.
L’ethnotexte
« L’ethnotexte est donc ce texte oral. Mais il est aussi un discours oral ; il faut bien faire la distinction entre ce qui est texte et discours. [… ] L’ethnotexte est le discours que le groupe tient sur sa propre réalité, son histoire, son présent, les permanences de sa culture et les mutations qu’elle connaît. En un mot, c’est toujours un discours d’identité qui permet à un groupe de se définir, de s’affirmer, de se reconnaître. ».
L’ethnotexte est un ensemble des textes oraux portant sur l’histoire, les traditions, la culture d’un groupe. Nous tenons à souligner que ce sont de textes « attestés » qui diffèrent de ceux de la communication orale quotidienne. L’ethnotexte est une forme de témoignage sur l’expérience d’une société.
L’intertextualité
L’intertextualité est l’ensemble des relations (ou des rapports) qu’un texte, et notamment un texte littéraire, entretient avec un autre ou avec d’autres, tant au plan de sa création (par la citation, le plagiat, l’allusion,le pastiche, etc.) qu’au plan de sa lecture et de sa compréhension, par les rapprochements qu’opère el lecteur. Pour Julia Kristeva l’intertextualité se définit comme une « interaction textuelle » qui permet de considérer « les différentes séquences (ou codes) d’une structure textuelle précise comme autant de transforms de séquences (de codes) prises à d’autres textes. »34 Le texte littéraire se serait donc comme la transformation et la combinaison de différents textes antérieurs compris comme des codes utilisés par l’auteur.
La polyphonie
La polyphonie désigne un discours où s’exprime unepluralité de voixqui implique une pluralité de consciences et d’univers idéologiques. Dans un fumbo, cette pluralité de consciences se combine dans l’unité d’un événement pour traduire la vision du monde des Comoriens ; là, nous assistons à une possession tot ale et collective du langage dans tous ses aspects, et un maniement aux intentions du peuple. Chaque mot exprime spontanément et directement le dessein de la collectivité; il n’existe aucune distance entre la conscience collective et les mots. Il s’agit de relier ou de couronner une « intrigue », pour parvenir à une conclusion morale ou idéologique
Le symbole
Le symbole est un « signe figuratif, être animé ou chose, qui représent un concept, qui en est l’image, l’attribut, l’emblème.»35 Il est une représentation de la mémoire collective, qui parle à ceux qui partagent la même conception spirituelle, et qui permet d’éveiller une idée.
« Le symbole permet de percer l’essence des choses, de retrouver des repères sur la voie initiatique. Chacun peut y puiser selon sa conception du moment, selon son propre degré de réalisation spirituelle. »
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Table des matières
PREMIERE PARTIE : THEMATIQUE ET CADRE CONCEPTUEL
I. PRESENTATION DU SUJET DE RECHERCHE
1.1. Objet et question de recherche
1.2. Hypothèses de recherche
II. METHODOLOGIE DE RECHERCHE : L’Approche ethnocritique
III. Spécification de la recherche
3.1. Cadre de la recherche
3.2. Spécification en profondeur
3.3. Spécification verticale
IV. Corpus
V. JUSTIFICATION DU CHOIX DU CORPUS
VI. LA TRADUCTION
VII. DEFINITIONS DE CONCEPTS CLES
7.1. La chronotopie
7.2. Le dialogisme
7.3. L’ethnotexte
7.4. L’intertextualité
7.5. La polyphonie
7.6. Le symbole
DEUXIEME PARTIE : PLAN DE LA THESE
I. PLAN DETAILLE DE LA THESE
II. EXPLICATION ET JUSTIFICATION DES GRANDES PARTIES
1.1. Première partie : la présentation des mafumbo
1.2. Deuxième partie : l’étude du système énonciatif des mafumbo
1.3. Troisième partie : le rôle des mafumbo dans l’éducation
TROISIEME PARTIE : BIBLIOGRAPHIE COMMENTEE
I. SUR LA LITTERATURE ORALE
II. SUR L’APPROCHE
III. SUR LA PEDAGOGIE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
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