PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL
Patrimoine culturel immatériel ou patrimoine ethnologique
Le patrimoine culturel immatériel consistant en la reconnaissance des « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire »8 des communautés, cette nouvelle définition du patrimoine concerne directement les ethno-anthropologues. D’où parfois son appellation de patrimoine ethnologique. Toutefois, à la différence de ce qu’aurait pu laisser entendre cette dernière, la convention de 2003 ne place pas les communautés en tant que sujet d’études ethnologiques, dont la reconnaissance se ferait par le seul cachet apporté par l’influence d’un ethnologue en particulier. En effet, la convention permet aux communautés d’entrer dans le processus de patrimonialisation par leur fait et selon leur propre définition d’elles-mêmes. Elles ne sont pas des sujets culturels, mais actrices de leur reconnaissance.
La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel se situe dans le prolongement de la Convention de 1972 sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. Par ailleurs, elle précède la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui « parachève l’édifice normatif élaboré par l’Unesco »9.
La convention de 2003 constitue donc un maillon de la politique patrimoniale adoptée par l’Unesco, et le patrimoine culturel immatériel est un élément du patrimoine général de l’humanité. Cependant, il est un peu plus que cela. En effet, la patrimonialisation de l’immatériel invite à repenser le patrimoine. Il n’est plus fondé sur la reconnaissance d’un territoire, mais sur la reconnaissance de pratiques vivantes et évolutives, portées par des communautés humaines.
On assiste ainsi à « une évolution notable de la conception de l’ensemble des phénomènes patrimoniaux, y compris matériels »10. La création de la notion de patrimoine culturel immatériel permet de nommer et d’identifier plus facilement ce qui auparavant était considéré comme des cultures, actuelles ou passées, liées à l’existence de groupes ou communautés.
L’article le plus important de la convention est certainement l’article 2 car il pose les fondements de ce qui est reconnu comme patrimoine culturel immatériel. C’est celui qui donne les définitions des termes « patrimoine culturel immatériel » et « sauvegarde ».
Sa mise en oeuvre
La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a été publiée en 2003, et est entrée en vigueur en 2006, soit lorsque 24 Etats parties, dont la France, l’ont ratifiée.
Aujourd’hui, le nombre d’Etats parties s’élève à 120. Elle comprend deux listes : la « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité »11 et la « Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente »12. Cette deuxième liste a été la priorité de l’Unesco dès son entrée en vigueur.
Les dossiers de candidature sont présentés au comité intergouvernemental, composé des 24 Etats parties, par les Etats signataires de la convention. Conformément à cette dernière, ce sont les Etats qui présélectionnent les candidatures. En France, dès la ratification de la convention, le Ministère de la Culture a mis en place un comité d’examen et d’évaluation des dossiers de candidature13. Selon la convention, la demande d’inscription sur l’une des deux listes doit se faire à l’initiative des communautés. Celles-ci déterminent ce qui doit être reconnu en tant que patrimoine culturel immatériel. Pour ce faire, et aussi afin d’acquérir une certaine légitimité dans le dossier de candidature, les communautés recourent à des spécialistes de la question ethnologique.
« Une anthropologisation progressive de la notion de patrimoine »
Il est intéressant de remarquer que la plupart des auteurs traitant du patrimoine culturel immatériel sont ethnologues ou anthropologues. De fait, les cinq critères de l’article 2 de la convention qui définissent le patrimoine culturel immatériel sont cinq domaines ethnologiques15 : les traditions et les expressions orales ; les arts du spectacle ; les pratiques sociales, rituels et événements festifs ; les connaissances et les pratiques concernant la nature et l’univers ; les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. En effet, selon J-L. Tornatore16, l’immatérialité est dissoute dans la conception anthropologique de la culture, et le patrimoine culturel immatériel est défini sous l’autorité de la connaissance ethnologique. En France, la Mission ethnologie conserve une grande part d’influence dans l’examen et l’évaluation des dossiers de candidature. L’auteur pose ainsi la question de savoir quel est réellement le rôle du chercheur dans la détermination du patrimoine. Littéralement, d’après l’article 2 de la convention, les communautés s’autodéterminent en tant que patrimoine. Cependant, il arrive que certaines communautés, comme les compagnons du devoir17, fassent appel à un ethnologue.
Celui-ci prend alors la fonction de médiateur, entre la communauté et le comité d‘examen et d’évaluation.
La reconnaissance en tant que patrimoine culturel immatériel n’impose pas une expertise scientifique. Le rôle des ethnologues attribués par certaines communautés ne le permettrait d’ailleurs pas. Ceux-ci sont davantage utilisés en tant que « porteurs »18 de patrimoine. Il ne s’agit donc pas pour eux d’exercer une expertise technique de façon objective, mais de collaborer avec les membres de la communauté dans le dessein d’optimiser la valorisation de ses savoirs, de sa culture. L’engagement de l’ethnologue est différent des usages habituels. Si auparavant il était responsable de la validation patrimoniale et de la production de la connaissance, il devient, dans le cadre du concept de patrimoine culturel immatériel, l’instrument garant d’une légitimité scientifique. Il est même avancé que son expertise patrimoniale aurait valeur d’ « onction scientifique »19. D’où l’effet controversé que pose la convention dans le milieu de l’ethnologie.
Cependant, la proximité entre les chercheurs et les porteurs de projets patrimoniaux peut être bénéfique. L’ethnologue n’est plus distant avec son sujet d’étude, mais en devient lui aussi un acteur à part entière. Le patrimoine culturel immatériel a par conséquent donné naissance à une anthropologie collaborative.
|
INTRODUCTION GENERALE
LES ENJEUX DE LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL
INTRODUCTION
1. PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL OU PATRIMOINE ETHNOLOGIQUE
2. LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL PAR LA DEMOCRATIE CULTURELLE ..
3. SAUVEGARDER OU CONSERVER LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL ?
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES D’ETUDE
BIBLIOGRAPHIE
ETAT DES SOURCES
LE CENTRE DE LA MEMOIRE DE L’ASSOCIATION OUVRIERE DES COMPAGNONS DU TOUR DE FRANCE (AOCDTF) : L’ARCHIVAGE ET LA TRANSMISSION DE SAVOIRS ET SAVOIR-FAIRE DU COMPAGNONNAGE
INTRODUCTION
1. LES COMPAGNONNAGES EN FRANCE : UN « RESEAU DE TRANSMISSION DE SAVOIRS ET DES IDENTITES PAR LE METIER »
2. LE CENTRE DE LA MEMOIRE D’ANGERS
3. LA TRANSMISSION DES SAVOIR-FAIRE ET SAVOIR-ETRE PAR LES ARCHIVES
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
Télécharger le rapport complet