Smartphone et types de communication chez les jeunes
De spectateur plus ou moins protégé par ses parents, l’enfant passe à cet âge dit de l’adolescence, où «nanti de ses nouveaux atours, [il] entre dans l’arène, recherche ses modèles, ses maîtres à penser et ses objets d’amour» (Narbel, 1998). L’adolescent « scrute [alors] l’horizon » (Narbel, 1998) qu’il va explorer de manière à prendre son autonomie et à devenir acteur du monde à son tour (Narbel, 1998).
Les outils technologiques tels que le téléphone, Internet, le mail, la messagerie instantanée ou encore les SMS/MMS participent à cette prise d’autonomie des adolescents (Fluckiger, 2008 ; Martin, 2007). Ceux-ci contactent d’ailleurs en priorité leurs amis et petit(e) ami(e) plutôt que leurs parents (Martin, 2003), car échanger pour s’intégrer est l’enjeu majeur à cet âge (Canonne, 2011) : À une période où le groupe des pairs, la sociabilité amicale, les liens tissés avec d’autres jeunes sont essentiels à la construction identitaire, les outils de communications jouent un rôle essentiel pour établir, maintenir, entretenir ces liens (Martin, 2007).
En effet, l’utilisation des outils technologiques s’accroît avec l’âge, tandis que le contrôle des parents sur leur usage diminue. On note également une individualisation grandissante des objets de communication ; l’adolescent gère alors son contrat mobile, possède son propre ordinateur ainsi qu’une adresse mail privée (Martin, 2007).
Le smartphone fait partie des outils de communication prisés des adolescents ainsi que le présente l’étude James 2014 : 98% des jeunes suisses possèdent un téléphone portable et 97% d’entre eux un smartphone. Dans leur mémoire, Roland et Ischer (2014) relèvent également que le smartphone est l’outil de communication le plus utilisé par les jeunes dans le cadre de leur vie privée (250 min/jour).
Différences de développement entre les filles et les garçons à l’adolescence
Tout comme la définition de l’adolescence, il faut faire attention aux généralisations lorsqu’on parle de différences entre les filles et les garçons. C’est pourquoi je vais esquisser brièvement des tendances sans que cela puisse exemplifier tous les comportements adolescents.
Si l’on considère les loisirs, bien que certaines pratiques soient communes aux deux sexes (télévision ou TIC), on assiste à « une communauté juvénile qui ne cherche pas la mixité ».
Les garçons sont intéressés par le sport et les jeux vidéo, tandis que les filles se passionnent pour la musique (la culture pop et les chansons étant « un élément central des sociabilités juvéniles féminines ») et les activités artistiques (Fournier, 2011).
Chez les garçons, leur forme de sociabilité consiste à discuter des prouesses, du prestige des gagnants et de la compétition s’établissant entre eux, joueurs de jeux vidéo ou de foot. Ils passent ainsi plus de temps sur Internet pour jouer en ligne ou alors publier les images de leurs performances sportives, voire plus tard « alcoolisées » (Fournier, 2011). Les garçons fonctionnent effectivement beaucoup sur un mode de rivalité et peuvent ne pas être tendres entre eux (sarcastiques, moqueurs, délateurs), toutefois ils ne s’en tiennent pas rigueur, les victimes s’imposant de ne pas s’émouvoir. Balleys (2014a) parle d’un impératif de légèreté.
Dans leurs relations à l’autre sexe, ils sont peu complices ; ils ne vont pas se faire des confidences intimes ou collaborer afin de plaire (Balleys, 2014a).
Quant aux filles, elles « se situent davantage dans l’expression de soi ». Confidences entre copines, journal intime, discussions sur la sexualité et les transformations de leur corps participent à la construction de leur image (Fournier, 2011) : C’est d’ailleurs à ces fins qu’elles se sont approprié les outils de communication modernes. Comme l’explique Pascal Lardellier, qui voit dans le Net des adolescents le reflet des stéréotypes sexués, les filles ont tendance à bloguer, « à discuter à n’en plus finir » via les messageries instantanées, à « blog-publier » des photos d’elles, de leurs amies, de leurs vedettes préférées, les plus âgées fréquentent activement les réseaux sociaux comme MySpace ou Facebook. Sur le Net comme dans la vie, elles tissent des relations plus personnelles, n’hésitent pas à se mettre en scène et à rester en interaction permanente avec leur réseau d’amis (Fournier, 2011).
Balleys (2014a) note que le principal sujet de conversation des filles est l’amour, « à la fois fédérateur dans les relations entre filles et au cœur des rivalités et des dissensions ». Ce sujet permet d’exprimer les dimensions de soutien et de solidarité qui caractérisent la sociabilité féminine. Au contraire des garçons, les filles ne se font pas de commentaires dépréciatifs et se charrient très peu. Si elles s’insultent, c’est qu’elles ne sont pas ou plus amies (Balleys, 2014a). Il y a d’un côté la performance et l’exacerbation des rites de passage et de l’autre « l’impératif de complicité » (Balleys, 2014a) peut-être comme « une manière de répondre, pour les garçons et les filles, à de puissants stéréotypes de genre » (Lardellier, 2009).
Néanmoins, un lien entre les deux sexes existe quand même et celui-ci s’opère au moyen des TIC. Les garçons seraient même loquaces et plus aptes à exprimer leurs émotions, voire leurs sentiments, via un média (Fournier, 2011) : « La médiatisation des outils de communication constitue alors une forme de protection : la distance géographique, le passage de l’écrit à l’écran, l’aspect non conventionnel des formes d’écriture (texto) rendent la déclaration moins solennelle et l’exposition des sentiments hors de la scène du collège », constate C. Metton (Fournier, 2011).
Communication verbale – messagerie instantanée sur WhatsApp
Les jeunes de l’étude passent en moyenne 81,54 minutes par jour à discuter avec un ami ou un groupe d’amis et à échanger des messages vocaux. Les filles ont une moyenne de 81,32 minutes par jour et les garçons 81,78. Les différences sont presque nulles.
En revanche, lorsqu’on regarde dans le détail des fonctions de la messagerie instantanée , les filles et les garçons se distinguent. Si la différence est minime concernant les discussions avec un seul interlocuteur, elles sont par contre un peu plus marquées pour les groupes de discussion et les messages vocaux.
Ainsi, les garçons passent en moyenne 24 minutes par jour à communiquer au moyen de discussions à plusieurs, tandis que les filles y consacrent en moyenne 20 minutes par jour. La tendance s’inverse concernant les cours messages vocaux qu’il est possible de transmettre via WhatsApp ; les filles emploient cette fonction en moyenne plus de 12 minutes par jour et les garçons 10 minutes par jour. Bien qu’il existe quelques différences entre les sexes, celles-ci ne sont pas significatives (p > 0.05).
La possession d’un smartphone et des applications
Sans surprise, 95% des jeunes de l’étude possèdent un smartphone. Ce chiffre corrobore ceux de l’étude James (2014) et du mémoire de Roland & Ischer qui s’élèvent respectivement à 95% et 87%. Pour ce dernier résultat, la différence peut s’expliquer par le type de population étudiée. Dans le cas de mon étude, il s’agit d’un établissement regroupant deux villages au niveau socio-économique élevé à très élevé. De ce fait, il n’est pas étonnant de trouver un pourcentage aussi grand. Concernant l’étude de Roland & Ischer, l’un des deux collèges se situe dans une ville multiculturelle au niveau socio-économique fortement hétérogène.
Si l’on tient compte du sexe maintenant, une faible différence apparaît. Les filles possèdent toutes un smartphone (100%) tandis qu’il s’agit de deux garçons qui n’en ont pas (10% de l’échantillon masculin). C’est également une différence dans ce sens qu’a relevé l’étude James en 2012 étant donné que 97% des filles possédaient alors un téléphone portable contre 93% de garçons. Toutefois, dans les deux cas, il ne s’agit pas d’une différence significative.
Malgré cela, il est possible d’imaginer qu’il existe une plus grande nécessité pour les filles d’être connectées en tout temps avec leurs amies en raison de l’impératif de complicité qui régit la sociabilité entre filles (Balleys, 2012a).
Concernant le téléchargement des applications, il faut tout d’abord relever qu’une élève possédant un smartphone n’a téléchargé ni WhatsApp, ni Snapchat. Ce résultat est étonnant étant donné la forte pression que subissent les jeunes concernant la sociabilité via les nouvelles technologies. De manière générale, il faut noter que WhatsApp a plus de succès auprès des jeunes de l’échantillon que Snapchat. Ceci s’explique par la plus grande offre de services que propose la première application. Bien qu’aujourd’hui les jeunes communiquent beaucoup par l’image, ils ont quand même recours aux textes pour échanger ce qui n’est pas possible via l’application Snapchat.
Le type de communication privilégié par les jeunes
Grâce à WhatsApp, les jeunes s’organisent en priorité. Après réflexion, il n’est pas étonnant de trouver ce résultat. Les jeunes d’aujourd’hui font de nombreuses activités, se retrouvent entre eux pour « traîner », voire demandent à leurs parents quand rentrer. Ils ont une vie extra-scolaire et extra-familiale bien chargée. Cela est d’autant plus vrai pour la population étudiée dans ce travail qui a, grâce au niveau socio-économique élevé des parents, accès à de nombreuses occupations. Concernant les raisons de téléchargement des applications, la presque totalité des jeunes s’accordent sur la possibilité de rester en contact avec ses amis grâce à WhatsApp et Snapchat. Ils sont un peu moins de la moitié à reconnaître que le fait de faire comme les autres les ont poussé à utiliser ces applications. Par contre, seuls trois filles et cinq garçons discutent plus volontiers par messagerie que face à face. De cette manière, ce besoin d’échanger pour s’intégrer, s’émanciper et se construire (Canonne, 2011 ; Martin, 2007) est tangible.
Il faut noter que la différence entre les deux sexes est hautement significative concernant le contenu banal des messages. Les garçons y ont beaucoup plus recours. Cela corrobore cet impératif de légèreté développé par Balleys (2012a). Les multimédias échangés ont aussi majoritairement un contenu banal, toutefois aucune tendance franche ne se révèle entre les deux sexes. Idem concernant les règles d’accès au smartphone, aucune différence entre les filles et les garçons est à noter.
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Table des matières
1. Introduction
1.1 Revue de la littérature scientifique
1.1.1 Smartphone et types de communication chez les jeunes
1.1.2 Différences entre les sexes
1.2 Différences de développement entre les filles et les garçons à l’adolescence
1.3 Justification du choix du sujet
2. Méthode
2.1 Description de la méthode utilisée
2.2 Définition de l’outil de communication smartphone et des applications WhatsApp et Snapchat
2.3 Définition des types de communication
2.4 Population étudiée
2.4.1 Caractéristiques des classes
2.4.2 Types d’élèves
2.4.3 Environnement social
2.5 Echantillonnage
2.5.1 Sélection des participants
2.6 Analyse des questionnaires
2.6.1 Conditions de passage des questionnaires
2.6.2 Saisie et codage des données
2.6.3 Analyses statistiques effectuées.
2.6.4 Interprétation des tests statistiques
2.6.5 Représentativité des résultats
3. Résultats
3.1 Possession d’un smartphone et des applications WhatsApp et Snapchat
3.2 Fréquences d’utilisation des applications
3.2.1 Communication verbale – messagerie instantanée sur WhatsApp
3.2.2 Communication non-verbale – multimédias sur WhatsApp
3.2.3 Communication non-verbale – multimédias sur Snapchat
3.3 Contenus des communications
3.3.1 Contenus des communications verbales
3.3.2 Contenus des communications non-verbales
3.4 Types de communication privilégiés
4. Discussion
4.1 La possession d’un smartphone et des applications
4.2 La fréquence d’utilisation de WhatsApp et Snapchat
4.2.1 Communication verbale – messagerie instantanée sur WhatsApp
4.2.2 Communication non-verbale – multimédias sur WhatsApp et Snapchat
4.3 Le contenu des communications
4.3.1 Communication verbale – messagerie instantanée sur WhatsApp
4.3.2 Communication non-verbale – multimédias sur WhatsApp et Snapchat
4.4 Le type de communication privilégié par les jeunes
5. Conclusion
6. Bibliographie
7. Annexes
7.1 Tableau des concepts, dimensions et indicateurs
7.2 Questionnaire
7.3 Consigne standardisée
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