HISTORIQUE DE LA NEURO-ANESTHESIE
L’opération neurochirurgicale la plus ancienne, la trépanation, a été pratiquée par les Egyptiens, les Incas, les Grecs et les Romains. Elle était évidement effectuée sans anesthésie. Des progrès très rapides en neurochirurgie sont survenus ensuite à la fin du XIXe siècle avec la découverte de l’antisepsie. L’anesthésie était alors combinée avec des techniques raffinées de diagnostic neurologique, qui permettaient la localisation précise des lésions au niveau du système nerveux central [3]. En 1864, Sir Victor Horsley, neurochirurgien britannique, compara le chloroforme à l’éther. Il choisit finalement le chloroforme (figure1) parce qu’il avait l’impression que l’éther causait une ascension trop importante de la pression artérielle [4]. Harvey Cushing, pionnier des neurochirurgiens américains, préféra quant à lui l’éther. Sir William Macewen, un neurochirurgien de Glasgow, réalisa ensuite la première intubation endotrachéale en 1878 en utilisant du chloroforme. L’Allemand Krause souligna l’insensibilité à la douleur du tissu cérébral lui-même et l’importance que pourrait avoir l’anesthésie locale en réduisant la douleur au niveau du scalp et lors des manipulations des méninges. Cushing, très intéressé par l’anesthésie, est le premier à avoir développé le dossier anesthésiologique et le relevé quantitatif des paramètres cliniques du patient [5].Les neurochirurgiens du début du XXème siècle se sont rapidement rendus compte que les agents anesthésiques avaient de l’importance sur les conditions intracrâniennes par leur effet sur la tension cérébrale. [6] De Martel en 1913 et Cushing en 1917 ont recommandé l’utilisation d’anesthésiques locaux pour toutes les interventions neurochirurgicales pour mieux contrôler les pressions artérielle et intracrânienne [7]. En 1923, Davi-doff suggéra que le tribromoéthanol combiné à l’anesthésie locale permettrait de diminuer la pression intracrânienne (PIC [8]. Le thiopental, introduit en anesthésie clinique par Lundy et Waters en 1934, devint, après la seconde guerre mondiale, l’agent anesthésique intraveineux le plus populaire pour l’induction de l’anesthésie [9]. A la même période, était employé comme agent volatil, le tribromoéthylène. L’halothane commença à être utilisé en neuro-anesthésie à la fin des années 1950 [10]. En général, la plupart des agents anesthésiques introduits en neuro-anesthésie l’étaient pour leur sécurité d’administration plutôt que pour un avantage spécifique pour le patient neurochirurgical [11]. L’introduction d’agents anesthésiques plus maniables et puissants a rendu nécessaire le contrôle des voies aériennes et de la ventilation [12]. A la fin des années 1920, on commença à utiliser de routine les sondes d’intubation. Cela a facilité l’utilisation d’une ventilation contrôlée. Lundy écrivit en 1942 qu’il était « difficile de réduire la PIC sans ventilation artificielle » [13]. L’introduction de la curarisation en clinique par Griffith et Johnson, le 23 janvier 1942 à l’hôpital Royal Victoria de Montréal, a permis un passage plus aisé des sondes d’intubation et un meilleur contrôle de la ventilation [14]. Depuis lors,la ventilation contrôlée avec hyperventilation est devenue un élément central de l’anesthésie chez un patient avec hypertension intracrânienne. Adams, 30 ans plus tard, prouva que l’hyperventilation gommait les augmentations de la PIC causées par les agents volatils [15].Les bases scientifiques de la neuro-anesthésie moderne datent de l’introduction de la mesure du débit sanguin cérébral (DSC) et du métabolisme cérébral chez l’homme par Kety et Schmildt en 1945 ; ainsi que la mesure en continu de la PIC chez les patients neurochirurgicaux par Lundberg en 1960 [16,17]. La mise en application de ces techniques a conduit à une meilleure compréhension de l’action des agents anesthésiques, de la pression artérielle, de la PIC, de la PaCO2 et de la PaO2 sur les compartiments intracrânien et spinal [18]. Le développement des connaissances dans la dynamique du LCR, sa sécrétion, sa réabsorption et sa circulation entre le compartiment central et spinal ont également été d’un apport capital en neuroanesthésie [19]. La mesure directe en continu de la PIC a permis la première description détaillée de l’effet sur la PIC des agents anesthésiques volatils [20]. Au cours des années 1960, les groupes de recherche des universités de Pennsylvanie et de Glasgow montrèrentque l’halothane, de même que d’autres agents anesthésiques volatils, augmentaient le DSC en diminuant les résistances vasculaires cérébrales [21, 22]. Ils déduisirent de cette information que l’augmentation de la tension cérébrale (ou de la PIC) liée à l’utilisation de l’halothane était provoquée par une augmentation du volume sanguin cérébral (VSC) liée à la dilatation vasculaire cérébrale induite par l’halothane [23]. Ces recherches permirent l’établissement d’un principe fondamental : les médicaments et les changements physiologiques qui augmentent le DSC peuvent potentiellement augmenter le VSC et la PIC et vice versa [24].Ce n’est que depuis quarante ans que la relation entre une PIC augmentée et la compression cérébrale menant à un dysfonction neurologique a été évaluée et comprise. La dynamique intracrânienne était autrefois uniquement basée sur la doctrine de Munro-Kellie : « L’espace crânio-spinal intradural est constant en volume et son contenu est presque incompressible » [25]. Langfitt établit en 1960 le concept de la compliance intracrânienne pour expliquer les changements de PIC lors de l’expansion progressive d’une masse intracrânienne et créa expérimentalement la courbe de compliance ou courbe pression-volume.
Vascularisation cérébrale :
a. Vascularisation artérielle : l’encéphale est irrigué par les carotides internes (80 %) et les artères vertébrales (20 %). La carotide interne donne l’artère ophtalmique avant de se diviser en quatre branches :
– L’artère cérébrale antérieure ;
– L’artère cérébrale moyenne ;
– L’artère communicante postérieure ;
– L’artère choroïdienne antérieure.
Le système vertébrobasilaire est alimenté par les artères vertébrales, qui forment le tronc basilaire, d’où est issue notamment l’artère cérébrale postérieure. Le tronc basilaire vascularise le tronc cérébral, le cervelet, et les lobes occipitaux. Il existe trois systèmes d’anastomoses entre le système carotidien et le système vertébrobasilaire :
a.1- Le Polygone de Willis, composé de :
– L’artère communicante antérieure,
– L’artère cérébrale antérieure,
– L’artère cérébrale moyenne,
– L’artère communicante postérieure,
– L’artère cérébrale postérieure.
a.2-L’artère ophtalmique (anastomose système carotidien externe interne),
a.3- les anastomoses superficielles cortico-méningées.
– ACA – artère cérébrale antérieure
– MCA – artère cérébrale moyenne
– PCA – artère cérébrale postérieure
– AChA – artère choroïde antérieure
– LSA – artère lenticulo-striée.
b. Système veineux cérébral : les sinus veineux qui drainent le sang veineux du cerveau vers les veines jugulaires internes, sont:
– Le sinus sagittal supérieur ou sinus longitudinal supérieur,
– Le sinus sagittal inférieur ;
– Le sinus droit résulte de la réunion du sinus sagittal inférieur et de la veine de Galien confluence des sinus (Torcular herophili). C’est le point où sont en relation le sinus sagittal supérieur, le sinus droit et les sinus transverses ;
– Le sinus sigmoïdes sont la continuation des dinus transverses et aboutissent dans les veines jugulaires internes.
LCR ou LCS
La production de liquide céphalorachidien est d’environ 0,4 ml/min soit 500-600 ml/j, 70 % sont sécrétés par les plexus choroïdes. Le volume total de LCR est de 120-150 ml. Il représente 10 % du volume intracrânien total (1700 ml). Le LCR siège dans les espaces sous-arachnoïdiens et les citernes de la base. Il remplit les ventricules cérébraux, le canal rachidien et les espaces sous-arachnoïdiens. Il joue le rôle de protection l’encéphale, de nutrition du cerveau, de tampon dans les échanges sang-tissu nerveux, d’élimination des produits du métabolisme cérébral, de véhicule pour les neurotransmetteurs. Sa trajectoire passe par les ventricules latéraux, le foramen interventriculaire de Monro, 3éme ventricule, l’aqueduc de Sylvius, 4e ventricule, foramen de Magendie, de Lushka, la citerne cérébellomédullaire, granulations arachnoïdiennes périhémisphériques. Il est résorbé par le sinus veineux sagittal supérieur (villosités arachnoïdiennes) et les veines épidurales. Les 4/5 du LCR sont drainés des villosités arachnoïdiennes vers le système veineux. La vitesse de formation du LCR est égale à la vitesse de résorption (0.4ml/min). Le métabolisme cérébral est plus élevé que celui de l’organisme en général, raison pour laquelle la PO2, le pH, et la concentration de glucose dans le LCR sont inférieurs à ceux du sang. Le LCR contient peu de protéines (200-400 mg/l) ; son pouvoir tampon est donc faible. Un changement brutal de la PaCO2 produit un changement encore plus important de la PCO2 du LCR. La concentration en chlore est plus élevée que celle du sang. La gravité spécifique du LCR est de 1 005 et à l’examen microscopique, il doit y avoir 3 globules blancs/mm3 maximum. Les méninges sont constituées de 3 membranes de tissu conjonctif qui se nomment de l’extérieur vers l’intérieur :
•La dure-mère,
•L’arachnoïde,
•La pie-mère.
Elles recouvrent et protègent le SNC : l’encéphale et la moelle épinière.
Les agents anesthésiques hypnotiques intraveineux
a- Les barbituriques : Ils réduisent le DSC et la CMRO2 de façon directement proportionnelle à la dose administrée et ce jusqu’à suppression complète de l’activité électrique cérébrale. Le couplage DSC/CMRO2 reste intact. Ils diminuent la vasodilatation cérébrale induite par l’hypercapnie. Les barbituriques diminuent la PIC, probablement en conséquence de leur effet sur le DSC et sur le VSC. Ces agents réduisent le VSC de façon plus importante que le font les agents halogénés. Ils font partie intégrante du traitement de l’HTIC réfractaire. Leur effet protecteur lors d’ischémies focales a été démontré à plusieurs reprises chez les animaux de laboratoire. Ils sont des agents antiépileptiques aussi. Si leur administration sous la forme d’un bolus unique pour l’induction de l’anesthésie ne pose pas de problème en termes de durée d’action, leur utilisation en perfusion continue expose au risque de retard de réveil prolongé.
b-Propofol : le Propofol est un agent de choix pour l’induction et le maintien de l’anesthésie en neurochirurgie : il diminue la CMRO2 et la PIC tout en conservant le couplage DSC/CMRO2, l’autorégulation et la réactivité vasculaire au CO2. Son action est courte, prévisible et peu dépendante de la durée de la perfusion. l’AIVOC est le mode d’administration le plus souple et le plus adapté. Mais il faut prendre des précautions pour éviter une chute trop importante de la PPC chez les patients dont la compliance cérébrale est réduite. Son utilisation prolongée chez les enfants est déconseillé.
c- Etomidate : son principal avantage réside dans le fait qu’il a très peu d’effets cardio-vasciculaires, ce qui justifie son utilisation pour l’induction de l’anesthésie chez les patients hypovolémiques. Il faut l’éviter pour l’entretien de l’anesthésie à cause de ces effets secondaires (Dépression cortico-surrénalienne, myoclonies et les effets liés à son solvant tel que hypotension, acidose lactique, hypertension artérielle pulmonaire).
d-Benzodiazépines : leurs propriétés sur le métabolisme cérébral et sur la PIC font d’eux des bons candidats pour l’anesthésie neurochirurgicale. Ils ont un effet protecteur cérébral potentiel et ont peu de répercussions sur l’hémodynamiques systémique et cérébrale. Leur utilisation se limite à l’induction de l’anesthésie chez les patients hémodynamiquement instable, au traitement de crises comitiales et à la prémédication.
e-Kétamine : la Kétamine augmente le DSC, la CMRO2 et la PIC. La vasodilatation cérébrale et l’incertitude concernant ses propriétés anti comitiales sont autant d’arguments contre l’utilisation de la Kétamine pour la chirurgie intracrânienne. Il n’est toutefois pas exclu de pouvoir l’utiliser à faible dose comme adjuvant anesthésique pour maintenir la stabilité hémodynamique des patients et améliorer l’analgésie, sans pour autant prendre de risques inconsidérés pour le cerveau lésé.
Les halogénés :
Fluothane : à des doses anesthésiques, l’halothane diminue la CMRO2 et augmente le DSC, pour autant que la pression artérielle systémique soit maintenue. A faible dose, son effet vasodilatateur est peu important et, dans ce cas, le DSC est plutôt déterminé par son effet dépresseur du métabolisme. L’halothane augmente la PIC de façon directement proportionnelle à la dose administrée et de façon parallèle à l’augmentation du DSC. L’autorégulation est altérée par l’halothane, même à des faibles concentrations. La réactivité vasculaire au CO2 est préservée en présence d’halothane mais est moins efficace qu’en son absence, surtout en cas d’hypotension artérielle [1].
Isoflurane : l’isoflurane augmente peu le DSC. Son effet dépresseur sur la CMRO2 est plus marqué que celui d l’halothane et contrebalance son effet vasodilatateur. Il augmente la PIC de façon moindre que l’halothane et cet effet peut, lui aussi être antagonisé par une hyperventilation ou par les barbituriques. Il préserve l’autorégulation et préserve mieux la réactivité au CO2 que l’halothane. L’isoflurane est hypotenseur, il peut donc altérer la PPC, d’autant plus qu’il augmente la PIC.
Sevoflurane : parmi les halogénés, le sévoflurane est l’agent qui possède le plus de propriétés favorables à l’anesthésie en neurochirurgie. Il n’augmente que peu le DSC, même en présence de N2O et diminue la CMRO2. Il préserve l’autorégulation cérébrale, en présence ou en l’absence de N2O, et préserve la réactivité vasculaire au CO2. Il n’a que peu d’effets sur la PPC.
Enflurane : l’enflurane a des effets cérébraux comparables à ceux de l’halothane et semble avoir des propriétés proconvulsivantes plus marquées que les autres halogénés.
Desflurane : le desflurane à faible concentration augmente le DSC de façon comparable à l’halothane mais provoque une augmentation plus marquée lorsque ses concentrations sont plus importantes. Il diminue lui aussi la CMRO2. Il augmente la PIC proportionnellement plus que l’isoflurane. Il préserve la réactivité vasculaire au CO2. L’autorégulation est conservée en présence de faibles concentrations, mais probablement pas à des concentrations plus élevés. Les effets pro- convulsivants du desflurane semblent comparables à ceux de l’Isoflurane.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. OBJECTIFS
III. GENERALITES
A. HISTORIQUE DE LA NEURO-ANESTHESIE
B. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
1- Anatomie cérébrale
2- Vascularisation cérébrale
3- LCR
4- Les méninges et la barrière hémato-Encéphalique
5- Anatomie du Rachis
6- Physiologie et compartiments cérébraux
C. PARTICULARITES DE L’ANESTHESIE EN NEUROCHIRURGIE
1-Modifications physiologiques liées aux drogues
2-Les agents anesthésiques hypnotiques intraveineux
3-Les agents anesthésiques hypnotiques volatils
4-MODIFICATIONS LIEES A LA POSTURE
E. EVALUATION DU PATIENT NEUROCHIRURGICAL
F. MONITORAGE ET CONDITIONNEMENT DU PATIENT AU BLOC OPERATOIRE
1. Monitorage de base
2. Monitorage hémodynamique spécifique
3. L’évaluation des pertes
4. Monitorage neurologique
G- LES COMPLICATIONS PEROPERATOIRES
1. L’hypertension intracrânienne
2. Les troubles de l’hémostase
3. Les stimulations du tronc cérébral
4. L’embolie gazeuse
5. Les troubles métaboliques
IV. METHODOLOGIE
1. Type d’étude
2. Période d’étude
3. Cadre de l’étude
4. Population d’étude
5. Variables mesurées
6. Analyse et traitement des données
7. Notre protocole
V. RESULTATS
A. RESULTATS DESCRIPTIFS
1. DONNÉES SOCIO – DÉMOGRAPHIQUES
2. DONNEES CLINIQUES ET PARACLINIQUES
3. DONNEES SUR LA PERIODE OPERATOIRE
B. RESULTAS ANALYTIQUES
VI. COMMENTAIRES
1. Aspect méthodologique
2. Aspects épidémiologiques
3. Aspects péri – opératoire
4. Aspects per-opératoires
5. Postopératoire immédiat
6. Analyse général du service d’anesthésie
VII. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
1. Conclusion
2. Recommandations
VIII. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
IX. ANNEXES
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