Clonages des gènes des ARN polymérases

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Clonages des gènes des ARN polymérases

C’est au début des années 1970 que l’étude des ARN polymérases de levure a débuté véritablement avec l’obtention d’ARN polymérases I, II et III hautement purifiées (Buhler et al. 1974; Huet et al. 1975; Breant et al. 1983). Il a alors été vu que, par rapport à l’ARN polymérase bactérienne dont la composition sous-unitaire est relativement simple (α2 β β’ω), les ARN polymérases de levure sont beaucoup plus complexes avec un total de 31 sous-unités (Tableau 2). L’obtention d’anticorps polyclonaux contre ces sous-unités a permis d’établir que Rpb5, Rpb6, Rpb8, Rpb10 et Rpb12 sont communes aux trois ARN polymérases nucléaires, et que Rpc19 et Rpc40, quant à elles, sont communes à l’ARN polymérase I et III (Valenzuela et al. 1976; Buhler et al. 1980; Carles et al. 1991). Une antigénicité croisée entre les grandes sous-unités de l’ARN polymérase II de S. cerevisiae et celles de l’ARN polymérase d’archébactérie (Huet et al. 1983) a été également observée, indiquant pour la première fois la forte parenté de ces deux enzymes (Langer et al. 1995).
Dans les années 1980, le développement des techniques de génie génétique a rendu possible le clonage des gènes de levure codant pour les sous-unités des ARN polymérases (Young and Davis 1983; Riva et al. 1986). Dans le cas de l’ARN polymérase I qui nous intéresse particulièrement ici, ce clonage a été réalisé par trois approches décrites ci-dessous.
Crible immunologique (Rpa190, Rpa49, Rpa34 Rpa43, Rpc40). Grâce à l’obtention d’anticorps dirigés contre des sous-unités de l’ARN polymérase I, l’équipe de Andre Sentenac et de Michel Riva (Riva et al. 1986) a criblé une banque d’expression de protéines de levure à la surface du phage λgtII (Young and Davis 1983). Cette approche a permis la caractérisation des gènes codant pour les sous-unités Rpa190 (Memet et al. 1988), Rpa49 (Liljelund et al. 1992), Rpa43 (Thuriaux et al. 1995), Rpa34 (Gadal et al. 1997) et Rpc40 (Mann et al. 1987).
Crible par sonde oligonucléotide (Rpb5, Rpb6, Rpc19, Rpb8, Rpa14, Rpb10, Rpb12). Cette méthode est basée sur le criblage direct d’une banque génomique de levure avec des sondes nucléotidiques réalisées grâce à des informations de séquence peptidique obtenue sur la sous-unité purifiée. Pour l’ARN polymérase I, ces cribles ont permis d’isoler les gènes des sous-unités Rpb5 (Woychik et al. 1990), Rpb6 (Woychik et al. 1990), Rpc19 (Dequard-Chablat et al. 1991), Rpb8 (Woychik et al. 1990), Rpa14 (Smid et al. 1995) Rpb10 (Woychik and Young 1990) et Rpb12 (Treich et al. 1992).
Crible génétique des mutants rrn (ribosomic RNA) (Rpa135, Rpa12, Rpa43). Ce crible spécifique de l’ARN polymérase I a été réalisé par l’équipe de Nomura (Nogi et al. 1991a). Il repose sur l’idée que la seule fonction essentielle de l’ARN polymérase I est la synthèse de l’ARNr 35S. Un plasmide réplicatif qui porte un gène codant pour l’ARNr 35S placé sous le contrôle du promoteur inductible du gène GAL7. Le gène de l’ADNr est donc transcrit par l’ARN polymérase II en présence de galactose, mais est silencieux en croissance sur glucose. Après une mutagenèse aux UV, des mutants ont été sélectionnés pour leur incapacité à pousser en présence de glucose à température restrictive (36°C). Ces mutants portaient donc des mutations affectant spécifiquement la transcription de l’ADNr. Ils ont été classés en plusieurs groupes de complémentation, dont certains codent pour des sous-unités de l’ARN polymérase I (Rpa135, Rpa43, Rpa12) et d’autres pour des facteurs d’initiation de la transcription (UAF, CF, Rrn3) qui seront détaillés ultérieurement.

Conservation évolutive

Une des conclusions importantes tirées des clonages réalisés chez la levure a été que les 12 polypeptides (Rpb1 à Rpb12) de l’ARN polymérase II sont paralogues (ou identiques dans le cas de Rpb5, Rpb6, Rpb8, Rpb10 et Rpb12) à 12 des sous unités des ARN polymérase I et III et ont tous un équivalent chez les archées (Tableau 1). Le tableau 1 présente leur conservation avec les bactéries et les archées (Langer et al. 1995; Werner and Weinzierl 2002; Kwapisz et al. Soumis pour publication). Cinq des sous-unités sont présentes dans tous les organismes cellulaires, y compris chez les bactéries qui forment le core enzyme (α est présente en deux copies identiques) (Murakami and Darst 2003). Rappelons que la reconnaissance des promoteurs bactériens est assurée par la famille des sous-unités σ . Celles-ci n’existent pas chez les archées et les eucaryotes (Lonetto et al. 1992; Murakami and Darst 2003; Mooney et al. 2005), où, le recrutement des ARN polymérases est assuré par des complexes de pré-initiation qui s’organisent autour de la TBP et de son homologue TFA chez les archées.

L’enzyme minimale

Les polymérases bactériennes, archéennes et eucaryotes ont un ensemble de motifs conservés qui correspondent environ à 25% de la masse totale de l’enzyme (Figure 2). La distribution de ces domaines définit une polymérase minimale qui pourrait correspondre à celle de l’hypothétique ancêtre cellulaire commun aux trois royaumes bactérien, archéen et eucaryotique (LUCA pour Last Undentified Common Ancestor). Cependant un domaine invariant encore plus réduit peut être défini si on prend en compte le cas très curieux des éléments cytoplasmiques à ADN linéaire qu’on trouve dans un petit nombre de levures proches de Kluyveromyces lactis (Tommasino et al. 1988; Wilson and Meacock 1988; Schaffrath and Breunig 2000). Ces ADN codent pour un polypeptide (982 acides aminés, 114 kDa dans le cas du pGK2 dans le cas de K. lactis) qui résulte manifestement d’une fusion Rpb2 ::Rpb1, suivie d’une importante évolution régressive. On y trouve 14 blocs conservés qui définissent un domaine catalytique minimal commun à toutes les ARN polymérases (Figure 3). La majeure partie de ce domaine correspond à la structure en deux feuillets β . Iyer et al. (2003) ont montré qu’il est probablement partagé avec une classe d’ARN polymérases ARN dépendantes, dont celle impliquée dans la synthèse des micro ARNs. En outre, les motifs NADFGD (liant le Mg (A) et GDKFASRHGQKG de Rpb2.

Aspects spécifiques des ARN polymérases I, II et III

Le principal caractère spécifique de l’ARN polymérase II est le domaine C-terminal (CTD) de la plus grande sous-unité Rpb1. Celui-ci est constitué de répétitions heptapeptidiques dont la séquence consensus est YSPTSPS. Le nombre de répétitions varie entre 26 à 27 chez la levure (selon la souche) tandis qu’il est de 52 chez les humains (Allison et al. 1985; Corden et al. 1985). Le CTD n’est pas requis in vitro pour l’activité catalytique de polymérisation de l’ARN (Zehring et al. 1988) mais est essentiel à la croissance in vivo (Allison et al. 1988). Le CTD semble jouer le rôle d’une plate-forme de recrutement de nombreux facteurs maturant l’ARNm (coiffage, poly-adénylation, épissage). Il est en outre la cible de kinases (dites « CTD kinases ») qui phosphorylent principalement les sérines en position 2 et 5 de l’heptapeptide consensus. La phosphorylation différentielle du CTD au cours d’un cycle transcriptionnel laisse supposer l’existence d’un « code CTD » (Buratowski 2003) où la phosphorylation d’une sérine particulière permettrait le recrutement spécifique d’un facteur donné (Buratowski 2003).
L’ARN polymérase III possède cinq sous-unités spécifiques réparties en deux groupes. Le premier groupe est celui des sous-unités Rpc82, Rpc34 et Rpc31 qui forment un trimère dans l’enzyme. L’existence de ce trimère a été révélée par des données génétiques montrant qu’une mutation rpc160-T69N dans le domaine N-terminal de Rpc160 provoque la dissociation de ces sous-unités (Werner et al. 1992). Ces sous-unités semblent être importantes dans l’initiation de la transcription, car la délétion du domaine C-terminal de Rpc31 provoque un défaut d’initiation (Mosrin et al. 1990; Thuillier et al. 1995). De plus, le facteur d’initiation Brf1 (homologue de TFIIB) s’associe en double-hybride avec la sous-unité Rpc34 (Brun et al. 1997; Ferri et al. 2000).
La mutation rpc160-T69N se trouve dans un motif conservé spécifique de l’ARN polymérase
III (Proshkina et al. 2006). Ce motif serait donc probablement le point d’ancrage du trimère dans l’ARN polymérase III, ce que confirme une étude structurale récente (Fernandez-Tornero et al. 2007). Le deuxième groupe est composé de l’hétérodimère formé de Rpc53 de Rpc37 (Landrieux et al. 2006). Ces sous-unités interagissent avec Rpc11 et seraient impliquées dans le processus de recyclage de l’ARN polymérase III afin de faciliter la ré-initiation de la transcription (Landrieux et al. 2006). Ces sous-unités spécifiques sont également importantes dans la réponse au terminateur de la transcription, qui chez l’ARN polymérase III se ramène a un motif riche en thymines.
L’ARN polymérase I se distingue par ses sous-unité spécifiques Rpa49 et Rpa34 (Huet et al. 1975; Liljelund et al. 1992; Gadal et al. 1997). Le mutant rpa34Δ ne confère quasiment pas de retard de croissance à la cellule alors que rpa49Δ a un fort retard de croissance à 25°C, est sensible au mycophénolate et est létal en l’absence du facteur Hmo1 (Liljelund et al. 1992; Gadal et al. 1997; Desmoucelles et al. 2002; Gadal et al. 2002). Cela est en accord avec la conservation de ces sous-unités dans l’évolution. En effet, Rpa49 est fortement conservée chez l’humain alors que Rpa34 ne l’est que faiblement (Hanada et al. 1996; Panov et al. 2006b). La partie expérimentale de ce travail a précisé les rôles de Rpa34 et Rpa49.

Organisation spatiale

L’ARN polymérase II et ses partenaires

Les ARN polymérases sont des complexes de taille élevée (600 kDa), et il a donc été difficile d’obtenir leur structure cristallographique (Tableau 3). L’architecture spatiale de l’ARN polymérase II de levure a, dans un premier temps, été analysée par observation au microscopique électronique de cristaux bidimensionnels formés sur une couche lipidique (Darst et al. 1991; Jensen et al. 1998; Asturias and Kornberg 1999). Par la suite, Roger Kornberg et ses collègues ont obtenu, par cristallographie aux rayons X, la structure atomique partielle sans les sous-unités Rpb4 et Rpb7 (Cramer et al. 2000; Cramer et al. 2001), puis complète (12 sous-unités) de l’ARN polymérase II (Armache et al. 2003). Cette prouesse technique, jointe à la découverte du Médiateur associé à l’ARN polymérase II (Kelleher et al. 1990), a valu au chef de file de ce groupe le prix Nobel de chimie en 2006 (Kornberg 2007).
Différentes structures cristallographiques de l’ARN polymérase II de S. cerevisiae ont ensuite été réalisées. Elles comportent l’enzyme en élongation, associée à l’ADN, l’ARN et un nucléotide triphosphaté (NTP) (Gnatt et al. 2001; Westover et al. 2004b), ou avec les facteurs TFIIB (Bushnell et al. 2004) et TFIIS (Kettenberger et al. 2004). Néanmoins, certaines régions désordonnées de l’ARN polymérase II ne peuvent être déterminées par cristallographie. Ainsi sont absents des structures cristallographiques les extrémités N-terminales de Rpb6 et Rpb12, le domaine C-terminal de Rpb1 (CTD) et quelques boucles courtes et périphériques de Rpb1, Rpb2 et Rpb8.
On a également une première idée, bien qu’encore loin de l’échelle atomique, du complexe formé par l’ARN polymérase II avec son Médiateur (Figure 5B) (Davis et al. 2002), ainsi qu’avec les facteurs TFIIF et TFIIE (Leuther et al. 1996; Chung et al. 2003). Des données structurales assez précises pour le facteur SAGA de levure (Wu et al. 2004) et les facteurs TFIIH et TFIIE humains (Schultz et al. 2000; Jawhari et al. 2006) ont également été obtenues. L’ensemble permet (Figure 5) d’entrevoir la complexité structurale du complexe d’initiation de la transcription en admettant (ce qui loin d’être sûr) que l’ARN polymérase II soit simultanément liée à TFIIH, TFIIE, TFIIB et TBP. A terme, ces données permettront de mieux comprendre comment les ARN polymérases s’associent à leurs différents partenaires au cours du cycle transcriptionnel.

L’ARN polymérase I et l’ARN polymérase III

En ce qui concerne l’ARN polymérase I et III, il n’y a pas actuellement de structure cristalline complète obtenue par diffraction aux rayons X comparable à celle de l’ARN polymérase II. Cependant, des structures allant à 16 Å de résolution, obtenues grâce à la microscopie électronique, permettent d’avoir une idée assez précise de l’enveloppe de l’ARN polymérase I et de l’ARN polymérase III (Klinger et al. 1996; Lanzendorfer et al. 1997; Chedin et al. 1998; Bischler et al. 2002; De Carlo et al. 2003; Fernandez-Tornero et al. 2007). En outre, il existe une structure cristallographique détaillée du sous-complexe de l’ARN polymérase III correspondant aux sous-unités Rpc25 et Rpc17 (Jasiak et al. 2006).
La position spatiale de chaque sous-unité sur les structures acquises par la microscopie électronique a été obtenue en combinant deux approches:
-La première consiste à comparer les images obtenues avec l’enzyme d’une part et l’enzyme en présence d’un anticorps dirigé spécifiquement contre une sous-unité d’autre part. La localisation de l’excès lié à la présence de l’anticorps permet de situer sur l’enveloppe tridimensionnelle, la sous-unité décorée par cet anticorps.
-La seconde approche consiste à comparer l’image de l’enzyme complète avec celle d’une enzyme incomplète. Le déficit de densité électronique de la forme incomplète est alors accordé à la sous-unité manquante. Cependant, l’absence d’une sous-unité peut avoir des conséquences non-négligeables sur le reploiement ou même la présence des autres sous-unités.
Compte-tenu de la forte conservation des ARN polymérases, les structures spatiales de l’ARN polymérase I et de l’ARN polymérase II (Bischler et al. 2002; Fernandez-Tornero et al. 2007) montrent comme attendu de fortes similitudes avec celle de la structure cristalline de l’ARN polymérase II complète (Armache et al. 2003). Néanmoins, elles présentent des zones supplémentaires qu’il est logique d’attribuer au moins en partie à l’existence des cinq (ARN polymérase III) et des deux (ARN polymérase I) sous-unités qui n’ont pas d’équivalent chez l’ARN polymérase II. Au sein de l’ARN polymérase III, on retrouve ainsi, en avant de la pince (clamp) une région attribuée à Rpc82/Rpc34/Rpc31 (Figure 10). Cette position est en bon accord avec les données génétiques qui ont montré qu’une mutation rpc160-T69N dans le domaine N-terminal de Rpc160 (équivalent de Rpb1, clamp core) induit la dissociation de ces trois sous-unités de l’ARN polymérase III (Werner et al. 1992). Ces sous-unités sont importantes dans l’initiation de la transcription : la délétion du domaine C-terminal de Rpc31 provoque un défaut d’initiation (Mosrin et al. 1990; Thuillier et al. 1995) et Brf1, homologue de TFIIB s’associe en double hybride avec la sous-unité Rpc34 (Ferri et al. 2000). Enfin, la sous-unité Rpc17 appartenant au stalk de l’ARN polymérase III interagit à la fois avec Rpc34 et Brf1 (Ferri et al. 2000; Geiduschek and Kassavetis 2001). Il se peut donc que Rpc34 se positionne près du stalk afin d’établir un lien pour Brf1 entre le stalk et le sous-complexe Rpc82/Rpc34/Rpc31.
Une autre zone spécifique de l’ARN polymérase IIII, positionnée à l’extérieur de la mâchoire supérieure, à coté de Rpc11 (équivalent de Rpb9) est attribuée à Rpc53 et Rpc37 (Figure 10). D’après cette position, ces sous-unités pourraient être un senseur de l’ADN entrant. Cette localisation est en accord avec le rôle de ce complexe dans la reconnaissance du terminateur de la transcription (Landrieux et al. 2006).
L’utilisation d’anticorps contre les deux sous-unités spécifiques (Rpa49 et Rpa34) de l’ARN polymérase I a permis de les situer de part et d’autre du canal. Rpa49 est positionnée du côté du clamp, près du domaine de fixation de l’ADN (Figure 11). Rpa34, quant à elle, se situe à l’entrée du canal (Bischler et al. 2002). Néanmoins, des données plus récentes (Patrick Cramer, communication personnelle) suggèrent au contraire que ces sous-unités forment un hétérodimère au sein de l’ARN polymérase I. Lors cette étude, l’équipe de Patrick Cramer a utilisé une approche différente qui a consisté à comparer l’image de l’enzyme complète avec celle d’une enzyme dépourvue des sous-unités Rpa49 et Rpa34. Le déficit de densité électronique de la forme incomplète se situant en arrière de la polymérase a été expliqué par les sous-unités manquantes, suggérant ainsi qu’elles s’associent l’une à l’autre. Nous verrons, plus loin que nos données sont également en accord avec cette hypothèse.

TRANSCRIPTION DE l’ADNr PAR L’ARN POLYMERASE I

Présentation générale du nucléole et de la biogenèse de ribosome Le nucléole

Le noyau contient un territoire aisément reconnaissable en microscopie électronique et optique, le nucléole, déjà connu des cytologistes au 19e siècle. On sait aujourd’hui que le nucléole est le siège de la biogenèse des ribosomes, bien qu’il ait sans doute d’autres fonctions notamment dans la régulation du cycle cellulaire pour sa capacité à séquestrer la phosphatase Cdc14, et dans la maturation des ARNt (Pederson 1998; Bachant and Elledge 1999; Boisvert et al. 2007). Ce n’est pas un organite, car il n’est pas entouré d’une membrane, mais un territoire dynamique à forte concentration en protéines et en ARN, d’où une haute densité photonique et électronique, qui permet de le visualiser aisément. L’observation électronique (Jordan 1984; Thiry et Lafontaine 2005) du nucléole de mammifères met en évidence un empilement concentrique de trois domaines structuraux (Figure 12): On distingue plusieurs centres fibrillaires (CF) entourés de composant fibrillaire dense (CFD, vert). Ces structures sont enchâssées dans le composant granulaire (CG). Les centres fibrillaires contiennent l’ADN et L’ARN polymérase I. La synthèse des transcrits primaires se fait à l’interface entre la zone fibrillaire et la zone fibrillaire dense (Thiry et Lafontaine 2005). Les transcrits naissants s’accumulent dans le composant fibrillaire dense (CDF). La maturation, les modifications des pré-ARN ainsi que l’assemblage des ribosomes se feraient entre le composant fibrillaire dense et le composant granulaire.
La levure est, ici encore, un bon modèle général de la cellule eucaryotique. Thiry et Lafontaine ont cependant suggéré que l’acquisition de la compartimentation tripartite nucléolaire avec un Centre Fibrillaire (CF) est apparue chez les amniotes, donc à une étape tardive de l’évolution animale (Leger-Silvestre et al. 1999; Thiry et Lafontaine 2005). Chez ces derniers l’ADNr contient un très grand espace intergénique entre deux unités de transcription et ces auteurs ont spéculé que ces grands espaces intergéniques organiseraient le Centre Fibrillaire (CF) en un lieu de stockage d’ARN polymérase I.
Une deuxième différence importante avec les cellules de mammifères est due au fait que les champignons ont une « mitose fermée » sans rupture de la membrane nucléaire, alors que celle-ci est détruite (avec disparition apparente du nucléole) à la mitose des cellules animales ou végétales, ce qui suppose un processus de reconstitution du nucléole après la mitose. Enfin, contrairement aux cellules de mammifères qui contiennent généralement plusieurs nucléoles, une cellule de S.cerevisiae contient un nucléole unique formant un croissant gris accolé à la membrane nucléaire (Yang et al. 1989). Cette forme est fortement dépendante de la transcription par l’ARN polymérase I. En effet, l’inactivation de la transcription par l’ARN polymérase conduit à un nucléole très compact (Oakes et al. 1993; Trumtel et al. 2000) (Figure 13).
Figure 12 : Organisation nucléolaire de la cellule humaine et de la levure S. cerevisiae. L’observation a été réalisée par la microscopie électronique. (A) Nucléole humain. (B) Noyau et nucléole de S. cerevisiae. Echelle : 0,2μm. (C) et (D) représentation schématique de l’organisation nucléolaire de la levure et de la cellule humaine. F : composant fibrillaire ; FC : centre fibrillaire ; CFD : composant fibrillaire dense ; G : composant granulaire ; l’ARN polymérase I est représentée par le point rouge ; le pré-ARNr 35S est représenté par barre une verticale ; sur la partie (d) l’enveloppe nucléaire est représentée par une ligne grise (Thiry and Lafontaine 2005).

Biogenèse des ribosomes

Rappelons que les ribosomes sont des particules ribonucléoprotéiques de très grande taille (4.2 MDa chez les eucaryotes, 2.5 MDa chez les bactéries) dont la structure atomique a été établie chez les bactéries et les archées (Ban et al. 2000; Yusupov et al. 2001). Les ARNr (5S, 5,8S, 18S, 25S) y occupent environ 50 % de la masse moléculaire. Chez S. cerevisiae, l’ARN 18S forme avec 32 protéines (ARNr 16S et 21 protéines chez E. coli) la petite sous-unité ribosomique, responsable de l’activité du décodage de l’information génétique. L’ARN 25/28S, 5,8S et 5S ainsi que 46 protéines chez les eucaryotes (ARNr de 23S er 5S avec 34 protéines chez les procaryotes) forment la grande sous-unité qui porte l’activité peptidyl transférase.
Les ribosomes ont une biogenèse largement conservée au cours de l’évolution, où la production des ARN ribosomiques matures requiert une série d’étapes post-transcriptionnnelles contrôlées dans le temps et l’espace. Cette maturation a lieu de concert avec l’assemblage de quelque 75 protéines composant le ribosome, elles-mêmes importées depuis le cytoplasme (Figure 14).
Chez les eucaryotes, la biogenèse des ribosomes commence dans le nucléole avec la transcription par l’ARN polymérase I d’un long précurseur (le pré-ARNr 35S chez la levure). Celui-ci contient les séquences des ARNr de 18S, 5,8S et 25S. Ce précurseur va subir un ensemble de modifications ciblées qui font intervenir un grand nombre de snoARN. La plupart de ces modifications sont des méthylations de l’oxygène en position 2’ des riboses et des conversions d’uridines en pseudouridines (Lafontaine and Tollervey 1998). Ce précurseur va aussi être la cible d’une série d’exo et d’endonucléases (à laquelle appartiennent l’exosome et la nucléase MRP) aboutissant à la production des formes matures des ARN ribosomiques de 18S, 5,8S et 25S (Figure 15). La production de l’ARNr 5S est indépendante de la maturation du pré-ARNr de 35S. Il est en effet indépendamment transcrit par l’ARN polymérase III et sa maturation ne semble requérir que l’élimination d’une dizaine de nucléotides à son extrémité 3’ (Piper et al. 1983).
Les pré-ARN ribosomiques sont associés dès les premières étapes de la maturation à de nombreuses protéines ribosomiques. De plus ces particules contiennent aussi des enzymes et des protéines chaperonnes requises pour les étapes de modification et/ou de production des ARNr matures, ainsi que pour leur assemblage avec les protéines ribosomiques. Le pré-ARNr 35S associé avec des protéines ribosomiques et non-ribosomiques formerait une particule de 90S (Udem and Warner 1972) (Figure 14). Ce pré-complexe va être ensuite converti en précurseurs des sous-unités de 40S (contenant l’ARNr 18S) et 60S (les ARNr 25, 5,8 et 5S). Les dernières étapes de maturation du pré-complexe de 40S auront lieu dans le cytoplasme alors que le pré-complexe de 60S est majoritairement maturé dans le noyau avant d’être exporté dans le cytoplasme. Les deux sous-unités matures ainsi produites pourront s’associer sur l’ARNm pour former les ribosomes.
Une présentation plus détaillée du nucléole et de la biogenèse des ribosomes sort du cadre de cette thèse (Voir Lafontaine and Tollervey 2001), et je me contenterai donc de discuter le couplage entre la transcription et la maturation de l’ARNr auquel participe le processome, une RNP requise pour la production de l’ARNr 18S. Ce complexe se caractérise par la présence du snoARN U3. Ce petit ARN ne semble pas guider la modification des bases mais, agirait comme un ARN guide s’appariant à l’ARNr 35S pour former un pseudonoeud qui faciliterait les premiers clivages requis pour la formation de l’ARNr 18S (Figure 16). En 2002, l’équipe de Susan Baserga a réalisé la purification de complexes à partir des protéines Nop58 et Mpp10 connues pour être associées à U3. Cette analyse a mis en évidence 17 autres protéines appelées Utp (U three protein), qui s’associeraient à U3 (Dragon et al. 2002). Ces protéines se localisent dans le nucléole et sont également importantes pour la formation de l’ARNr 18S (Granneman et Baserga 2005). La même équipe a montré dans une autre étude que la déplétion d’une catégorie d’Utps (t-Utps, pour Utps requis pour la transcription (t)) réduit la transcription de l’ARNr 35S, suggérant une forte dépendance entre la transcription et la maturation de l’ARNr 35S (Gallagher et al. 2004).

Organisation de L’ADNr chez la levure et chez les mammifères

Comme nous l’avons vu ci-dessus, la synthèse des quatre ARNr d’eucaryotes est obtenue par la maturation de deux transcrits primaires, les pré-ARNr, synthétisés respectivement par les ARN polymérase I (ARNr 25S, 28S et 5,8S) et III (ARNr 5S) (Figure 15). Leur taille (exprimée en Svedbergs) n’est pas la même chez tous les eucaryotes, d’où une certaine confusion dans la nomenclature puisqu’on parle ainsi de pré-ARNr 35S chez la levure et pré-ARNr 47S chez les mammifères. Dans cette thèse, je parlerai d’ADNr pour le locus transcrit par l’ARN polymérase I et d’ADNr 5S pour celui transcrit par l’ARN polymérase III.
L’ADNr a une grande diversité d’organisation chez les eucaryotes mais je me limiterai ici aux ARNr de levure et de mammifères (Figure 17) qui diffèrent par la taille du transcrit et de la région intergénique. Chez S. cerevisiae, l’unité de base de l’ADNr a une taille de 9,1 kb (Figure 17) avec un transcrit de 6,7 kb (l’ARNr 35S) et une séquence intergénique de 2,4 kb. Chez les mammifères, l’ADNr est de 43 kb, avec une séquence codante de 13,7 kb et une séquence intergénique de 29,3 kb.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : STRUCTURE ET FONCTION DES ARN POLYMERASES EUCARYOTIQUES
Préambule
1. Présentation générale des ARN polymérases
2. Les ARN polymérases de S. cerevisiae
2.1. Spécificité transcriptionnelle
2.2. Clonages des gènes des ARN polymérases
3. Conservation évolutive
3.1. L’enzyme minimale
3.2. Aspects spécifiques des ARN polymérases I, II et III
4. Organisation spatiale
4.1. L’ARN polymérase II et ses partenaires
4.2. L’ARN polymérase I et l’ARN polymérase III
CHAPITRE II : TRANSCRIPTION DE l’ADNr PAR L’ARN POLYMERASE I
1. Présentation générale du nucléole et de la biogenèse de ribosome
Le nucléole
Biogenèse des ribosomes
2. Organisation de L’ADNr chez la levure et chez les mammifères
2.1. L’unité de transcription de l’ARN polymérase I
3. Le cycle de transcription par l’ARN polymérase I
3.1. Le complexe de pré-initiation chez S. cerevisiae : Core Factor et UAF
3.2. Recrutement de l’ARN polymérase I sur le Complexe de pré-initiation :
3.3. Le complexe de pré-initiation de l’ARN polymérase I chez les mammifères
Le Facteur SL1/TIF-IB
UBF
Quels sont les homologues d’UBF et de SL1/TIF-IB chez Saccharomyces cerevisiae ?
3.4. Elongation
Rappel sur l’ARN polymérase II
Quels sont les facteurs d’élongation de l’ARN polymérase I ?
Spt5-Spt4
TFIIH
CSB/Rad26
Assemblage co-transcriptionnel de la machinerie de maturation des ARNr
3.5. Terminaison de la transcription
PARTIE EXPERIMENTALE
CHAPITRE III : RESULTATS
CHAPITRE IV : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
MATERIELS ET METHODES
I MATERIELS
1. Milieux de cultures
2. Souches et plasmides
II METHODES EXPERIMENTALES
1. Immuno-précipitation chromatinienne
2. Clonage Gateway™
3. Immuno-précipitation des protéines
ANNEXE I
BIBLIOGRAPHIE

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