Rappel sur la désexcitation des noyaux lourds

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A propos des temps de fission
Rappel sur la désexcitation des noyaux lourds
La stabilité des noyaux repose sur un équilibre entre la force nucléaire, attractive, et la force electrique, r´epulsive. Un syst`eme composite qui n’est pas li´e par un potentiel (par exemple, le syst`eme compos´e form´e au cours d’une r´eaction de quasi-fission) d´ecroˆıt tr`es rapidement vers d’autres noyaux plus stables. Il est alors inappropri´e de parler de noyau pour un tel syst`eme, il est plus rigoureux de parler d’une r´esonance. Bohr et Wheeler ont ´etabli un mod`ele [24] d´ecrivant la fission nucl´eaire comme r´esultant du franchisse-ment d’une barri`ere de potentiel appel´ee barri`ere de fission. Ils ont calcul´e `a l’aide du mod`ele de la goutte liquide l’´energie potentielle d’un noyau en fonction de sa d´eformation. Cette ´energie potentielle pr´esente, pour des noyaux li´es, un maximum `a une d´eformation qselle, appel´ee le point selle, au-del`a de laquelle le noyau va n´ecessairement ´evoluer vers la d´eformation correspondant au point de scission, le point o`u deux fragments distincts sont form´es et se repoussent. La diff´erence de potentiel entre la d´eformation correspondant `a l’´etat fondamental et le point de selle correspond alors `a la barri`ere de fission.
Pour fissionner, un noyau doit donc, s’il dispose d’une ´energie d’excitation inf´erieure `a la barri`ere de fission, franchir celle-ci par effet tunnel ou, s’il dispose d’une ´energie d’excitation suffisante, se d´eformer au del`a du point de selle. Dans tous les cas, la fission sera en comp´etition avec une ´emission de particules (neutron, proton, α, γ) qui doit ˆetre mod´elis´ee. La barri`ere de fission n’est donc pas une grandeur physique directement mesurable. Les connaissances exp´erimentales que nous en avons proviennent g´en´eralement d’une mod´elisation des probabilit´es de fission mesur´ees. En ce qui nous concerne, nous allons plutˆot nous int´eresser `a des noyaux tr`es excit´es et plus pr´ecis´ement au temps de fission du syst`eme super-lourd de Z=120 excit´ `a des ´energies bien sup´erieures `a la barri`ere de fission. Dans le cadre d’une approche purement statistique , le temps de vie du noyau `a chacune des ´etapes de sa d´esexcitation est donn´e par : fission +  particuleτ = ~ (2.1) o`u fission et particule repr´esentent respectivement les largeurs accessibles par la fission et par l’´emission de particules. Le temps de fission du noyau initial sera donn´e par les temps de vie cumul´es de chacun des noyaux transitoires form´es au cours de la cascade de d´esexcitation avant fission.
Une expression classique pour la largeur de fission a et´e propos´ee par Bohr et Wheeler [24]. Elle est bas´ee sur le rapport des densit´es de niveaux entre le noyau dans un ´etat non d´eform´ et le point selle. BW1ZE∗−Bf2πρgs(E∗)0 f = ρsd(E∗ − Bf − ²)d² (2.2)
o`u ρgs(E∗) est la densit´ de niveaux correspondant `a la d´eformation de l’´etat fondamental pour une ´energie d’excitation E∗, ρsd(E∗ − Bf − ²) la densit´ de niveaux au point selle et Bf la barri`ere de fission.
particule peut ˆetre calcul´e dans le formalisme classique de Weisskopf-Ewing [25] pour une ´emission d’une particule p d’´energie Ep `a partir d’un noyau compos´e (CN) d’´energie E, laissant un noyau d’´energie Up = E − Bp − Ep o`u Bp est l’´energie de liaison de la particule : particule = 1 (2Ip + 1)µpEp σp(Ep)ω(Up)dEp (2.3) , o`u ωCN (ECN ) est la densit´ de niveaux du noyau compos´e `a l’´energie E et ω(Up) la densit´ de niveaux du noyau fils `a l’´energie finale Up, µp et Ip sont la masse r´eduite et le spin de la particule ´emise. L’approche de Weisskopf-Ewing peut ˆetre remplac´ee par celle de Hauser-Feshbach [26], prenant ainsi en compte la conservation du moment angulaire. Pour des ´emissions de neutrons `a partir de noyaux super-lourds, les deux approches donnent des r´esultats identiques.
Il est `a noter que ces calculs d´ependent de plusieurs param`etres, notamment des densit´es de niveaux et des ´energies de liaison.
Les barri`eres de fission utilis´ees par Bohr et Wheeler sont uniquement calcul´ees `a l’aide du mod`ele macroscopique de la goutte liquide. Cependant, `a partir de l’observation d’une diff´erence entre les masses mesur´ees et celles pr´edites par le mod`ele de la goutte liquide (formule de masse de Bethe-Weizs¨acker), il a et´ propos´e que des corrections quantiques, li´ees `a l’organisation en couches des nucl´eons, doivent ˆetre apport´ees aux pr´edictions de la goutte liquide et donc aux barri`eres de fission calcul´ees `a partir de ce mod`ele [1, 2]. Dans le but d’explorer l’importance des corrections li´ees au mod`ele en couches sur les barri`eres de fission sur les el´ements super-lourds, il a et´ propos´e de mesurer les temps de fission des el´ements super-lourds.
Il est possible de favoriser la fusion-fission par rapport `a la quasi-fission en choisissant des ´energies de bombardement bien sup´erieures `a la barri`ere coulombienne. Il est cepen-dant pr´edit que l’effet de la structure en couches des noyaux est progressivement att´enu´ avec l’´energie d’excitation E∗ [28] conduisant `a une d´ependance de la barri`ere Bf avec E∗ de la forme : B f = B LDM − exp( −E∗ )ΔE (2.4) o`u ΔE est la correction `a la barri`ere de fission macroscopique BLDM (par d´efinition n´egative ici) et Ed un param`etre d’amortissement, fix´e empiriquement `a 18,5 MeV par A. Ignatyuk [28] grˆace `a un ajustement effectu´ sur l’ensemble des noyaux stables. Nous avons donc choisi d’´etudier le temps de fission de noyaux de Z=120 form´es `a une ´energie d’excitation d’environ 80 MeV. Pour de tels noyaux (voir section 3.1) la correction due `a la structure en couches ne repr´esente plus qu’environ 1% de la correction `a temp´erature nulle. Cependant l’´emission de particules refroidissant progressivement le noyau form´e, les temps de fission, suite `a l’´evaporation de plusieurs neutrons, seront de plus en plus sensibles aux effets de couches. De plus, des calculs microscopiques r´ecents [29] montrent que l’´evolution des barri`eres de fission avec l’´energie d’excitation est beaucoup plus complexe que ce que sugg`ere l’´equation 2.4. Notre choix correspond `a un compromis entre l’augmentation de la section efficace de fusion et la diminution des effets de couches, ce choix ayant d´ej`a et´ valid´e lors des exp´erience de blocage..
L’´emission rapide de neutrons avant la fission est d’autant plus probable qu’il a et´ montr´e que la probabilit´e de fission devait ˆetre r´eduite pendant un temps transitoire au d´ebut de la r´eaction [31]. Cette suggestion a et´ faite pour permettre de reproduire les multiplicit´es de particules ´emises avant la scission du noyau [32].
La pr´esence d’un temps transitoire met en exergue la nature dynamique du processus de fission, l’importance de l’aspect dynamique de la fission ayant d´ej`a et´ pr´edit plusieurs ann´ees plus tˆot par H. A. Kramers dans un article traitant d’une mani`ere g´en´erale de la friction [33]. Dans cet article H. A. Kramers propose une r´eduction des largeurs de fission pr´edites par Bohr et Wheeler en raison de la friction pr´esente dans le milieu nucl´eaire [33, 34] : @β2βA f ission = ~ωgs 0s 1 + µ 2ωsd ¶ − 2ωsd 1 BW (2.5)
o`u ωsd et ωgs sont respectivement les fr´equences de l’oscillateur harmonique au point selle et dans l’´etat fondamental, β un param`etre de friction et BW la largeur de Bohr et Wheeler d´efinie `a l’´equation 2.2. La cons´equence de la friction sera donc double ; d’une part la largeur de fission `a l’´equilibre est en r´ealit´ inf´erieure `a celle de Bohr et Wheeler, d’autre part elle est r´eduite durant le temps transitoire.
Durant le temps transitoire, l’´emission de particules sera grandement favoris´ee, ce qui contribue `a diminuer la temp´erature et donc `a restaurer les effets de couches. Les barri`eres de fission pour les el´ements super-lourds seront donc augment´ees par cette ´emission rapide, conduisant `a des temps de fission de plus en plus longs. La pr´esence d’´ev`enements ayant atteint un temps de fission tr`es long est ainsi un indicateur de l’existence de barri`eres de fission relativement elev´ees pour tous les noyaux transitoires form´es au cours de la cascade de d´esexcitation avant fission. La suite du chapitre pr´esentera diff´erentes m´ethodes qui ont et´ appliqu´ees `a la mesure des temps de fission d’´el´ements super-lourds, ainsi que la technique de fluorescence X que nous allons utiliser. Le chapitre se terminera par une comparaison de ces diff´erentes m´ethodes.

Mesures de multiplicite de particules de pr´e-scission

La m´ethode la plus souvent utilis´ee pour mesurer les temps de fission est la mesure du nombre de particules ´emises avant et apr`es la scission [35, 36]. Dans la limite o`u l’´emission des particules peut ˆetre d´ecrite de mani`ere statistique et o`u l’´emission simultan´ee de plusieurs particules demeure n´egligeable, le nombre de particules ´emises est cens´ee fournir une horloge. Le temps mis par le noyau depuis sa formation et l’´equilibration de tous ses degr´es de libert´ est alors tir´e d’un calcul de la comp´etition entre la fission et l’´emission de particules.
Pour calculer le temps `a partir des multiplicit´es de particules, il est n´ecessaire de cal-culer les largeurs d’´emission et de fission `a partir d’un mod`ele statistique. Ces calculs sont d´ependants de nombreux param`etres parmi lesquels figurent les densit´es de niveaux et les ´energies de liaison des particules ´emises. L’´evolution de ces param`etres est g´en´eralement mod´elis´ee, conduisant `a de grandes incertitudes avec l’augmentation de l’´energie d’exci-tation, la d´eformation ainsi que le rapport N/Z. Il est `a noter que des noyaux exotiques peuvent ˆetre cr´e´es lors de la d´esexcitation rendant ainsi les diff´erents param`etres utilis´es encore plus incertains. De plus, les r´esultats de ces mod`eles sont tr`es d´ependants des conditions initiales suppos´ees. Par exemple, une premi`ere analyse effectu´ee sur une s´erie de mesures de neutrons de pr´e-scission faites par Hinde et al. conduit, pour l’ensemble des syst`emes etudi´es, `a des temps de fission compris entre 2 × 10−20s et 6 × 10−20s [37] alors qu’une analyse ult´erieure des mˆemes donn´ees, prenant en compte des effets dynamiques dans la r´eaction, conduit `a des temps plus longs allant de 5 × 10−20s `a 10−18s..
Dans la r´egion des super-lourds, pour le noyau Z=110, la mesure de multiplicit´e de neutrons de pr´e-scission a et´ appliqu´ee [39, 40] et perfectionn´ee grˆace `a la technique dite de backtracing (retour aux sources) qui permet la meilleure reproduction possible des donn´ees, grˆace `a la corr´elation entre les observables [41]. Cette analyse a permis de mettre en ´evidence les distributions de multiplicit´es de neutrons pr´esent´ees sur la figure 2.1. La distribution de neutrons de pr´e-scission pr´esente 3 maxima, `a 4, 6 et 8 neutrons, le maximum `a 6 neutrons ´etant interpr´et´ par les auteurs comme ´etant un artefact r´esultant des effets pairs-impairs. Les auteurs associent le maximum `a 4 neutrons `a la quasi-fission et celui `a 8 neutrons `a la fusion-fission du Z=110 (figure 2.1). A partir d’un calcul dynamique coupl´e `a un mod`ele statistique, Y. Aritomo et al. [42] ont d´eduit, pour ces donn´ees, les distributions de temps pr´esent´ees `a la figure 2.2.
Mesures par m´ethode de fluorescence X
L’utilisation de la fluorescence X pour mesurer les temps de vie nucl´eaires a et´ pro-pos´ee initialement par Gugelot [44] en 1962.
Lors des collisions entre un ion et un atome, du fait de l’excitation coulombienne (ionisation directe) et de la r´eorganisation des orbitales ´electroniques, des lacunes sont cr´e´ees dans les couches profondes [45, 46]. Ces lacunes seront ´eventuellement combl´ees par des ´electrons venant de couches sup´erieures, ´emettant alors des rayonnements X dont les ´energies correspondent aux diff´erences des ´energies de liaison des ´electrons : EX = Ui − Uf (2.6) o`u EX est l’´energie du rayon X ´emis, Ui et Uf les ´energies de liaison de l’´electron dans son ´etat initial et final. Pour les couches ´electroniques internes, les ´energies des X va-rient approximativement comme Z2, rendant alors les ´energies de ces rayonnements ca-ract´eristiques du num´ero atomique des noyaux ´emetteurs. En consid´erant que les temps de vie du noyau ´emetteur et des lacunes sont donn´es par des exponentielles d´ecroissantes non corr´el´ees alors il peut ˆetre montr´e que la probabilit´e d’´emettre un rayon X caract´eristique est en lien avec les deux constantes de temps :
τnuc PX = Plac τnuc + τlac ω(E) (2.7) o`u PX est la probabilit´e que le noyau ´emette un X, Plac la probabilit´e pour qu’une lacune soit pr´esente, τnuc et τlac respectivement les temps de vie nucl´eaire et des lacunes et finalement ω(E) le rendement de fluorescence. Consid´erant qu’il y a plusieurs ´electrons sur chaque couche ´electronique, Plac peut ˆetre sup´erieure `a 1. Par exemple, la couche la plus interne, la couche K, a 2 ´electrons, donc pour un rayonnement de type Xk , Plac vaut au maximum 2.
La mesure du nombre d’X caract´eristiques r´esultant de la d´esexcitation des lacunes cr´e´ees lors de la collision fournit donc des informations ind´ependantes de tout mod`ele nucl´eaire sur la dur´ee de vie nucl´eaire. Il convient de noter que dans le cas plus g´en´eral, des X caract´eristiques peuvent ´egalement r´esulter de processus de conversion interne d’un γ ou de capture ´electronique, constituant une des principales limitations de cette technique.
La probabilit´e de cr´eer des lacunes dans le cort`ege ´electronique d’un noyau com-pos´e issu d’une r´eaction de fusion est g´en´eralement estim´ee `a partir du nombre d’X ca-ract´eristiques d´etect´es en co¨ıncidence avec un noyau diffus´e ´elastiquement `a grand angle. En effet, le param`etre d’impact mis en jeu dans n’importe quelle r´eaction nucl´eaire peut ˆetre consid´er´ comme ´equivalent `a l’´echelle atomique `a celui d’une diffusion ´elastique `a grand angle. Nous reviendrons sur cette question `a la section 3.3.
La largeur naturelle des raies X caract´eristiques d’un el´ement a et´ mesur´ee et tabul´ee (figure 2.5). Le temps de vie des lacunes tlac est tir´e de ces largeurs grˆace au principe d’incertitude de Heisenberg : τlac = ~ (2.8)
Dans le cas des noyaux super-lourds, le temps de vie de lacunes est inconnu, ainsi que nous le verrons `a la section 3.2.1.
L’observation d’X caract´eristiques d’un noyau compos´e et de ses descendants a et´ faite par Chemin et al. pour les r´eactions p+106Cd [48] et p+112Sn par R¨ohl et al. [49]. Le processus principal de cr´eation des lacunes pour ces r´eactions est l’ionisation directe par le projectile lors de la fusion. Ces exp´eriences ont mesur´ le temps de vie de noyaux compos´es form´es par des r´eactions amenant peu de moment angulaire au syst`eme.
La mesure d’X en co¨ıncidence avec un noyau compos´e form´e lors de fusion avec un projectile plus lourd a longtemps et´ vou´e `a l’´echec `a cause des importants moments an-gulaires mis en jeu et du fond γ inh´erent. La mesure de temps de fission pr´esente une difficult´e suppl´ementaire car, en plus des γ statistiques venant de la relaxation du mo-ment angulaire du noyau compos´e, une composante importante venant de la d´esexcitation des fragments de fission est pr´esente. En revanche, lorsque la technique de fluorescence est appliqu´ee `a la fission, ni la conversion interne, ni la capture ´electronique ne posent de probl`emes, ces m´ecanismes intervenant `a des temps bien sup´erieurs `a celui de la fission.
La technique de fluorescence X a et´ appliqu´ee `a la mesure de la composante longue de la fission de l’uranium dans la r´eaction profond´ement in´elastique 238U + 238U `a 7,5 MeV par nucl´eon menant `a des temps de fission du quasi-uranium plus grands que ou ´egaux `a 4×10−18s pour une ´energie d’excitation de 105 MeV et `a 8×10−18s pour une ´energie d’excitation de 40 MeV [50]. Derni`erement, Wilschut et al. ont tent´ de mesurer les temps de fission des noyaux form´es lors de r´eactions de transfert induites `a l’aide d’un faisceau de 20Ne `a 30 MeV par nucl´eon sur une cible de 232Th. Ils ont d´eduit un temps plus court que 3, 2 × 10−18s pour la fission de Z=92 `a 120 MeV d’´energie d’excitation et 1, 9 ± 1, 5 × 10−18s pour Z=93 `a une ´energie d’excitation de 145 MeV [51]. Dans tous les cas, la pr´esence d’un fond important a et´ la limitation principale `a la mesure des X en co¨ıncidence avec une r´eaction nucl´eaire.

Comparaison des m´ethodes

H. Wilschut et V.L. Kravchuk [51] ont effectu´ une comparaison des temps de fission de noyaux d’uranium qui ont et´ obtenus `a l’aide des deux techniques ne mettant en jeu aucun mod`ele nucl´eaire, `a savoir la technique de fluorescence X et la technique d’ombre dans un monocristal. La comparaison des r´esultats est pr´esent´ee sur la figure 2.6. Les donn´ees U+Si ont et´ obtenues par Goldenbaum et al. `a l’aide de la m´ethode d’ombre appliqu´ee `a la mesure des temps de fission s´equentielle de l’uranium lors de la diffusion sur une cible de silicium [30]. Les donn´ee U+U proviennent des mesures de fluorescence X par Molitoris et al. [50]. Les derniers points not´es This work r´ef`erent aux temps de fission obtenus par fluorescence X par Wilschut et al. [51] lors de r´eactions de transfert sur une cible de thorium produisant un noyau d’uranium. Tous les points de la figure 2.6, malgr´e de larges barres d’erreur, montrent un bon accord entre eux mais sont difficilement compatibles avec les temps obtenus avec les multiplicit´es de neutrons de pr´e-scission. De nombreuses valeurs de temps d´eduits des multiplicit´es de neutrons sont trouv´ees dans la litt´erature pour les noyaux d’uranium. A titre d’exemple, pour des noyaux d’uranium, on trouve des valeurs moyennes de temps de fission de 5,8×10−21s `a une ´energie d’excitation de 97 MeV [52], 1,2×10−20s `a 80 MeV [53], 5×10−19s `a 40 MeV[54], soit des valeurs plus courtes par quelques ordres de grandeur que celles de la figure 2.6. Mˆeme les ordres de grandeur obtenus apr`es r´eanalyse des donn´ees en incluant des effets dynamiques [38] conduisent pour les noyaux dans la r´egion de l’uranium `a des temps moyens de l’ordre de 10−19s pour des ´energies d’excitation entre 80 et 120 MeV, temps qui doivent ˆetre compar´es aux quelques 10−18s tir´es `a partir des techniques directes. Ce d´esaccord s’explique ais´ement grˆace `a la figure 2.3, d´ej`a pr´esent´ee, qui met en ´evidence l’absence de sensibilit´ des ´emissions de neutrons aux temps longs dans la fission.
Approche experimentale
Puisque la technique de blocage cristallin dans les monocristaux a et´ appliqu´ee avec succ`es aux mesures de temps de fission de super-lourds, il est int´eressant de poursuivre ces mesures sur d’autres syst`emes, permettant ainsi de d´efinir d’´eventuels ˆılots de stabilit´e. Cependant, le nombre de cibles monocristallines compatibles avec la m´ethode d’ombre est relativement limit´e. Un certain nombre de syst`emes (pr´esent´es `a la section 2.3) ont d´ej`a et´ etudi´es mais il est maintenant difficile, voire impossible, d’´etudier de nouveaux syst`emes. La comparaison des temps de fission effectu´ee par H. Wilschut et V.L. Kravchuk (figure 2.6) montre que les temps obtenus `a l’aide de la technique d’ombre et la fluorescence X sont compatibles. La m´ethode de fluorescence X est donc une m´ethode appropri´ee `a la mesure de composantes longues des temps de fission. Dans le but de s’affranchir des limitations inh´erentes `a la m´ethode d’ombre dans les monocristaux, nous avons choisi d’appliquer la m´ethode de fluorescence X aux mesures de temps de fission de noyaux super-lourds.
Choix du syst`eme et rappel sur le syst`eme 238U + Ni `a 6,6 MeV/A
Choix du syst`eme
Pour d´evelopper la m´ethode de fluorescence X en l’appliquant aux mesures de temps de fission des el´ements super-lourds, nous avons choisi un syst`eme tr`es proche du syst`eme 238U + Ni `a 6,6 MeV/A [23, 22] qui a d´ej`a et´ etudi´ par la technique d’ombre dans les monocristaux. Cette ´etude avait permis de mettre en ´evidence l’existence de noyaux com-pos´es de Z=120. Lors de cette exp´erience la cible ´etait compos´ee de nickel naturel. Cette composition de cible ´etait impos´ee en l’absence de monocristaux minces enrichis isotopi-quement. Pour l’application de la m´ethode de fluorescence X il est possible de travailler avec des cibles amorphes enrichies isotopiquement. Nous avons donc choisi d’´etudier le syst`eme 238U+ 64Ni `a 6,6 MeV/A conduisant au noyau compos´e 302Z120 avec une ´energie d’excitation (pour un noyau compos´e form´e `a mi-cible) de 79 MeV. Nous avons bombard´e une cible de 64Ni de 2,0 mg/cm2 par une faisceau d’uranium `a 6,6 MeV/A acc´el´er´ par le cyclotron CSS1 du GANIL. Pour ce syst`eme l’angle d’effleurement du projectile est de 14,3 et de 49,7 pour la cible. Pour rappel, l’´energie d’excitation est bien sup´erieure `a la barri`ere de fission pr´edite qui se situerait aux alentours de 7 MeV, selon P.Moller, J.R. Nix, W.D. Myers et W.J. Swiatecki [3] (voir chapitre 1). La cible de 64Ni a et´ choisie pour se rapprocher de la fermeture de couche de neutrons pr´edite `a N=184. Il est en effet attendu que la proximit´e de la fermeture de couche augmente la stabilit´e du noyau cr´e´.
Rappel sur le syst`eme 238U + Ni `a 6,6 MeV/A
Dans la suite de ce manuscrit, nous allons souvent nous r´ef´erer aux r´esultats obtenus pour le syst`eme 238U + Ni `a 6,6 MeV/A [23, 22] lors d’une exp´erience utilisant la tech-nique d’ombre dans un monocristal. Dans cette exp´erience, les produits issus des r´eactions nucl´eaires ´etaient d´etect´es et identifi´es par le multid´etecteur INDRA [55], couvrant un angle solide voisin de 90% de 4π, ainsi que par un t´elescope dit de «blocage» situ´e `a 20 et permettant une mesure tr`es pr´ecise de la distribution angulaire afin de d´eterminer les creux de blocage. Pour tous les d´etecteurs, une identification en Z tr`es pr´ecise des produits de r´eaction a et´ obtenue grˆace `a un ´etalonnage `a l’aide de plusieurs faisceaux (U, Pb, Xe, Kr) `a diff´erentes ´energies couvrant les domaines des ´energies d´etect´ees. Le t´elescope `a 20 fournissait une identification en Z et en ´energie des fragments lourds (Z > 15) tandis que INDRA fournissait en plus de l’identification en Z et en ´energie, la multiplicit´e des fragments de masse interm´ediaire (3 ≤ Z ≤ 15) et des particules l´eg`eres. Tous les produits de r´eaction ´etaient ainsi d´etect´es en co¨ıncidence et identifi´es, permettant une d´etermination sans ambigu¨ıt´e des m´ecanismes de r´eaction mis en jeu.
La figure 3.1 donne le num´ero atomique des produits de r´eaction d´etect´es dans le t´elescope de blocage en fonction de l’´energie `a mi-cible, c’est-`a-dire l’´energie lors de l’´emission du fragment en supposant que la r´eaction s’est produite `a mi-cible. 4 zones sont indiqu´ees sur la figure. Elles s´electionnent 4 groupes de fragments issus de diff´erents m´ecanismes de r´eaction. La s´election I est centr´ee sur Z=92 entre E=800 et E=1100 MeV. Le Z et l’´energie de ces ´ev`enements permettent de conclure qu’il s’agit de diffusion in´elastique du projectile. La statistique sur ces ´ev`enements est cependant trop faible pour permettre de d´eterminer les multiplicit´e de particules. La s´election II (27 ≤ Z ≤ 28, 9) est centr´ee sur le Z de la cible. Les faibles multiplicit´es de particules l´eg`eres et de fragments de masse interm´ediaire mP LC =3×10−3 et mIMF =4×10−4 sont compatibles avec la faible excitation du projectile et de la cible lors de la diffusion quasi-´elastique.
La nature des fragments observ´es dans les zones III et IV a et´ d´etermin´ee `a l’aide de la somme des Z des fragments d´etect´es et des multiplicit´es de particules l´eg`eres. La figure 3.2 montre la somme des Z (Ztot) des fragments lourds (Z > 15) d´etect´es dans INDRA et dans le t´elescope de blocage en fonction du Z d´etect´ dans le t´elescope de blocage (ZT 2) pour les multiplicit´es de particules lourdes (Z>15) m=2 et m=3. Le ZT 2 permet de d´ecouper la figure pour retrouver les s´elections III (35 ≤ Z ≤ 60) et IV (65 ≤ Z ≤ 85) d´efinies `a la figure 3.1. Pour les ´ev`enements de multiplicit´e 3 on observe une distribution d’´ev`enements ayant, en moyenne, Ztot = 122,1. Ces ´ev`enements peuvent ˆetre interpr´et´es comme des ´ev`enements pour lesquels un fragment de fission s´equentielle de l’uranium a et´ d´etect´ dans le t´elescope de blocage et le fragment partenaire ainsi que la cible de recul quasi-´elastique ont et´ d´etect´es dans INDRA. Il est important de noter que pour ces ´ev`enements de fission s´equentielle de l’uranium quasiment aucun des fragments d´etect´es n’a un ZT 2 sup´erieur `a 65. Pour les ´ev`enements de multiplicit´e 2 on observe, quelque soit le ZT 2, une distribution d’´ev`enements ayant un Ztot d’environ 120. Ztot de 120, pour une multiplicit´e de 2, indique la s´eparation binaire d’un syst`eme compos´e de la totalit´e des protons du projectile et de la cible. Les fragments proviennent donc soit d’un m´ecanisme de quasi-fission, soit d’un m´ecanisme de fusion suivie de fission d’un syst`eme de Z proche ou ´egal `a 120. Un deuxi`eme groupe de fragments est observable pour une multiplicit´e m=2, caract´eris´ par un Ztot moyen de 94,6, tr`es semblable au Z du projectile 92. La distribution en Z de ces fragments associ´ee `a une multiplicit´e m=2 est semblable `a celle des fragments avec une multiplicit´e m=3. Il est donc raisonnable de supposer que ces fragments proviennent d’´ev`enements de fission s´equentielle pour lesquels le recul ´elastique de la cible n’a pas et´ d´etect´.
Les fragments d´etect´es `a 20 avec ZT 2 ≤ 65 ont donc 2 origines, soit une fission s´equentielle d’un noyau d’uranium, soit une (quasi-)fission d’un syst`eme de Z=120. En revanche, une simple s´election de ZT 2 > 65 permet de supprimer la fission s´equentielle de l’uranium et de s´electionner des fragments de (quasi-)fission du syst`eme Z=120. La pr´ecision de la d´etermination des num´eros atomiques ne permet cependant pas de conclure que le syst`eme composite ayant ´emis les fragments a effectivement un Z=120. N´eanmoins, les faibles valeurs des multiplicit´es de particules l´eg`eres charg´ees et de fragments de masse interm´ediaire mP LC = 5,9×10−2 et mIMF =3,8×10−3, en co¨ıncidence avec les fragments pour 65 ≤ Z ≤ 85 indique que pour la quasi-totalit´e des ´ev`enements de (quasi-)fission aucune particule charg´ee autre que les fragments n’a et´ ´emise avant ou apr`es la fission. Malgr´e la r´esolution limit´ee et les erreurs sur la d´etermination du Z, il est donc tout `a fait justifi´e d’affirmer que les fragments observ´es pour un Z > 65 proviennent de la (quasi-)fission du syst`eme composite Z=120.

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Table des matières

1 Motivations 
2 A propos des temps de fission
2.1 Rappel sur la desexcitation des noyaux lourds
2.2 Mesures de multiplicit´e de particules de pr´e-scission
2.3 Mesures par la technique d’ombre dans un monocristal
2.4 Mesures par m´ethode de fluorescence X
2.5 Comparaison des m´ethodes
3 Approche exp´erimentale 
3.1 Choix du syst`eme et rappel sur le syst`eme 238U + Ni `a 6,6 MeV/A
3.1.1 Choix du syst`eme
3.1.2 Rappel sur le syst`eme 238U + Ni `a 6,6 MeV/A
3.2 Technique de fluorescence X appliqu´ee au syst`eme 238U + 64Ni
3.2.1 Energies caract´eristiques et temps de vie des lacunes
3.2.2 Elargissement des raies caract´eristiques r´esultant du temps de vie nucl´eaire ; ´ influence des processus mol´eculaires
3.2.3 Elargissement dˆu aux configurations ´electroniques
3.2.4 Elargissement par effet Doppler
3.2.5 Simulation de l’´elargissement total des raies
3.3 Cr´eation des lacunes en couches profondes
4 Dispositif exp´erimental 
4.1 Les t´elescopes FLUOX
4.2 D´etecteurs germanium
4.3 VAMOS
4.4 Circuit ´electronique de d´ecision
5 Analyse des donn´ees 
5.1 T´elescopes FLUOX
5.1.1 Etalonnage en ´energie des t´elescopes FLUOX
5.1.2 Identification en num´ero atomique (Z)
5.1.3 R´esolutions obtenues
5.2 D´etecteur germanium
5.2.1 Etalonnage en ´energie
5.2.2 Efficacit´e
5.3 Traitement des co¨ıncidences fortuites
5.3.1 Origine des co¨ıncidences fortuites
5.3.2 Exemples simples
5.3.3 Algorithme de d´econvolution
5.3.4 Spectres d’´ev´enements fortuits
5.4 Soustraction du fond
6 R´esultats exp´erimentaux 
6.1 Identification des m´ecanismes de r´eactions
6.2 Spectres en ´energie des photons
6.2.1 Spectre en inclusif
6.2.2 Spectre en co¨ıncidence avec des fragments lourds
6.3 Erreurs et incertitudes sur les spectres
6.4 Etude de la r´egion des raies ´ XK caract´eristiques du Z=120
6.4.1 Evolution des pics `a 200 keV avec le Z d´etect´e
6.4.2 Recherche de l’origine des pics `a 200 keV
6.5 Multiplicit´e
6.6 Probabilit´e de cr´eation de lacunes K
6.7 Interpr´etation des r´esultats et discussion
7 Conclusions et perspectives 
Bibliographie 

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