Choc, vulnérabilité et capacité de résilience

La résilience dans la psychologie

                 La recherche de la résilience en psychologie fut initiée par Werner et Smith, et les premières publications dans ce domaine paraissaient de 1939 à 1945. La recherche consistait à observer des enfants hawaïens ayant connu des traumatismes et à rechercher des réponses sur la non linéarité des comportements de ceux-ci.
1. Les points de vue d’Emmy Werner : Pour sa part, la psychologue américaine Emmy Werner a effectué des observations au niveau d’un groupe de 698 enfants, tous nés en 1955, qui donnaient les résultats suivants : x sur les 201 enfants estimés de développer des troubles comportementaux à l’âge de deux ans, il a été remarqué que 72 de ces enfants ont évolué normalement (sans intervention thérapeutique particulière) et ont atteint l’âge adulte, à la fois intègres et compétents. D’après l’auteur, ils ont su « rebondir », bien qu’ils soient vulnérables et aient vécu une enfance difficile. Ils sont donc résilients. x environ deux tiers des sujets non résilients à l’adolescence, sont devenus résilients à l’âge adulte, soit un total de 80 % d’évolutions positives à terme.
2. Les positions de Boris Cyrulnik : En France, la résilience en psychologie fut introduite par Boris Cyrulnik, en donnant sa réflexion sur la capacité de résilience de certains individus. « Deux mots organiseront la manière d’observer et de comprendre le mystère de ceux qui s’en sont sortis et qui, devenus adultes, se retournent sur les cicatrices de leur passé. Ces deux mots étranges qui préparent notre regard sont « résilience » et « oxymoron ». Selon l’auteur, la résilience est « la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comportent normalement le risque grave d’une issue négative » et « s’agit d’un processus, d’un ensemble de phénomènes harmonisés où le sujet se faufile dans un contexte affectif, social et culturel. La résilience, c’est l’art de naviguer dans les torrents… Le résilient doit faire appel aux ressources internes imprégnées dans sa mémoire, il doit se bagarrer pour ne pas se laisser entraîner par la pente naturelle des traumatismes qui le font bourlinguer de coups en coups jusqu’au moment où une main tendue lui offrira une ressource externe, une relation affective, une institution spéciale ou culturelle qui lui permettra de s’en sortir… ».

La vulnérabilité et la pauvreté

                     Les deux notions sont liées. En effet, le fait d’être pauvre accroît la vulnérabilité (par la réduction du bien-être, la réduction du capital humain, la faiblesse du revenu, etc.) et à son tour, la vulnérabilité renforce la pauvreté. Et c’est pour cela que les ménages qui ont une plus forte probabilité de subir des chocs au niveau de leurs revenus, ont plus la probabilité d’être pauvres. On distingue quelques types de groupes de pauvres (Grosh et coll., 2008):
x Les pauvres chroniques : ce sont des personnes qui n’ont pas les atouts nécessaires pour gagner des revenus suffisants, même les bonnes années ;
x Les pauvres transitoires : ce sont les personnes qui gagnent suffisamment pendant les bonnes années, mais tombent dans la pauvreté, du moins temporairement, à la suite de chocs idiosyncratiques ou covariants, allant d’une maladie au sein du ménage ou de la perte d’un emploi jusqu’à la sécheresse ou à une crise macroéconomique ;
x Les groupes vulnérables : d’une manière non limitative, il s’agit des personnes handicapées, âgées ou déplacées, des orphelins, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des personnes affectées négativement par les réformes.
Toutefois, le lien n’est pas univoque et doit être pensé en dynamique : parce que la vulnérabilité peut enfermer des ménages dans des trappes de pauvreté, ou bien, faire glisser dans la pauvreté des ménages non pauvres. Quoi qu’il en soit, « être pauvre » c’est être « plus » exposé aux différents risques et chocs, malgré le peu de moyens (pour y faire face) en possession. C’est pour cela que les pauvres du milieu rural et des zones périphériques urbaines sont les principales victimes des effets irréversibles de chocs : santé précaire, habitat dans des zones marginales souvent inondables, moins d’accès physique et financier aux services sociaux et économiques, etc. Et ceci, en affectant leur consommation et leur bien-être. Bien que la situation diffère selon les pays, il est admis que l’impact du choc soit plus fort chez les ménages les plus vulnérables.De ce fait, l’analyse de la vulnérabilité consiste à déterminer la probabilité qu’une personne, qu’elle soit pauvre ou non, subisse une perte significative de bien-être, à la suite d’un changement de situation ou d’un choc. L’analyse se concentre autant sur la nature des forces qui agissent sur le bien être d’une personne que sur son aptitude à se protéger des risques auxquels elle fait face.

L’espace des fonctionnements (ou mode de fonctionnements)

                 L’espace des fonctionnements est défini par Sen (1985) par « tout ce qui est possible de faire dans la vie, toutes les façons d’être et d’agir des individus… regroupe toutes les possibilités d’être et de réaliser des individus en tout lieu et en tout temps. Ainsi, chaque individu aura le même espace des fonctionnements, il est universel à tous quels que soient le lieu et l’époque. » Les fonctionnements ou encore les réalisations probables d’un individu avec les biens qu’il possède, peuvent avoir un caractère élémentaire ou complexe. Ils sont élémentaires lorsqu’ils sont en rapport avec des réalisations simples telles que d’être bien nourri, ou d’être vêtu, ou encore d’être suffisamment instruit. Mais ils sont plus complexes, lorsqu’ils touchent l’intégrité de l’individu par exemple, à savoir son appartenance à un certain niveau social, ou son estime de lui-même, ou sa prise de responsabilité envers sa communauté, etc. Pourtant, certains vecteurs de fonctionnements sont dits « incompressibles », voire naturels à tous les individus, tels que de se nourrir suffisamment ou de se chauffer ou encore de se soigner. Et les besoins essentiels sont essentiellement formés par un ensemble de ces vecteurs, également appelés des fonctions vitales. Les vecteurs de fonctionnements sont en mouvement, ils évoluent en fonction du temps ainsi que de l’espace, mais aussi se différencient selon l’individu. En effet, la société, les communautés et l’environnement auxquels l’individu appartient, déterminent les propres réalisations de chacun. Jusque là, la mesure du bien-être d’un individu est rendue possible à partir du  véritable accomplissement de chaque acteur, sous la forme de vecteurs de fonctionnements réalisés. Mais la question qui doit se poser est que, est-ce que l’individu a oui ou non, la liberté de mettre en œuvre certains vecteurs de fonctionnements, voire de capabilités ; parce que sans cette liberté, aucune réalisation ne sera tangible. Sen a donné un exemple, il compare un individu qui jouit d’une certaine aisance matérielle et qui choisit de jeûner, à un autre individu qui est réduit à la famine. Il adopte le même fonctionnement pour les deux, c’est-à-dire de manger, seulement le premier dispose de capabilités nettement différentes du second ; parce que le premier peut choisir de manger à sa faim s’il le voulait, alors que cette possibilité est quasi inexistante pour le second. Avoir la possibilité de se nourrir donne en effet un sens particulier au jeûne, à savoir choisir de ne pas se nourrir quand on aurait pu le faire (Sen, 2000). Par conséquent, dans l’analyse des capabilités, il faut donc introduire cette notion de liberté, cette liberté qui offre une grande variété de droits, de possibilités et d’acquis, et donc de choix. Ainsi, pour connaître toutes les possibilités qui s’offrent à un individu à un moment donné, il est nécessaire d’introduire le concept de capabilité.

La résilience et les facteurs de protection

                Les disciplines, les âges (jeunes ou vielles) ainsi que les époques (nouvelles ou anciennes) sont tous susceptibles d’être exposés au phénomène de résilience. En effet, c’est un concept qui se développe et qui évolue dans le temps (Stroufe, 1997), mais également un processus dynamique par lequel un individu interagit avec son environnement pour produire une évolution donnée (Stein et al., 2000). Par conséquent, la résilience individuelle ne se construit pas seulement à l’intérieur de la personne elle-même, mais avec la participation de son entourage et de son milieu. Par rapport à cela, des facteurs de protection contribuent au renforcement de la résilience, pour que les individus ou les systèmes ou les milieux aient la capacité de surmonter les adversités (amélioration, dynamisme). On appelle la « résistance psychique21 », la capacité de reprendre un développement malgré l’adversité. En effet, « à chaque instant, la résilience résulte de l’interaction entre l’individu lui-même et son entourage, entre les empreintes de sa vie antérieure et le contexte du moment en matière politique, économique, sociale, humaine. Elle résulte aussi de l’interaction entre facteurs de risque et facteurs de protection. L’expérience et la recherche montrent que cette distinction est souvent artificielle, ne serait-ce que parce que le même facteur peut constituer un risque ou une protection, selon les contextes, la nature et l’intensité du stress, selon les personnes, voire les périodes de la vie du même individu. Dans les situations à risque évoquées plus haut, les facteurs de protection sont variés. Les plus souvent cités sont, en ce qui concerne le sujet résilient, l’estime de soi, la sociabilité, le don d’éveiller la sympathie, un certain sens de l’humour, un projet de vie… En ce qui concerne l’entourage, une famille unie ou au moins un parent aimant, un ou plusieurs adultes qui éveillent la conscience de l’enfant, en qui il a confiance et qui lui font confiance ; et, plus largement, le soutien social. Mais la résilience ne signifie ni absence de risque, ni protection totale. » Si les facteurs de protection sont en opposition avec les facteurs de risques, Mangham et coll. (1995) ont découvert trois grandes catégories de facteurs de protection contribuant à la résilience individuelle. Ces facteurs de protection sont d’origines individuelles, familiales et de soutien. Toutefois, Colette JOURDAN-IONESCU fait remarquer dans son récit que les facteurs de protection sont susceptibles de devenir des facteurs de risques s’ils ne sont pas maîtrisés, voire ne sont pas utilisés à bon escient. « Une variable pouvant être vue comme un facteur de protection peut devenir un facteur de risque si elle se présente avec une intensité extrême. Les facteurs de protection ne sont donc pas nécessairement l’inverse des facteurs de risque; c’est leur intensité et leur rôle à l’intérieur d’une dynamique particulière qui les caractérise. Par exemple, un certain degré d’exigence par rapport aux apprentissages scolaires peut habituellement contribuer à un déploiement d’activités qui permet à l’enfant d’accroître ses compétences. Par contre, si ce niveau d’exigence devient exagéré, il amènera un stress qui provoquera plutôt une démobilisation, un désintérêt face aux apprentissages scolaires et un échec. Mentionnons en outre que ce qui pourrait être une exigence exagérée pour un enfant en particulier ne le sera pas pour un autre. Le degré d’intensité d’un facteur ainsi que sa modalité d’interaction avec d’autres facteurs peuvent déterminer, dans plusieurs cas, sa qualité de facteur de risque ou de protection. »

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Table des matières

Introduction
Partie I. LE CADRE CONCEPTUEL DE LA RESILIENCE
Chapitre I. Le concept de résilience
Section 1. Origine du concept
I. Historique
A. La résilience dans la psychologie
1. Les points de vue d’Emmy Werner
2. Les positions de Boris Cyrulnik
B. La résilience en écologie
II. Définitions
A. Selon les disciplines
B. Selon les auteurs
III. Les notions concurrentes au concept
Section 2. Existence du choc
I. La cause à effet : le choc
A. Description
B. Les notions concurrentes
1. Le traumatisme
2. La crise
3. Le risque
II. Le choc : caractéristiques et types
A. Les caractéristiques
B. Types de choc
III. Le choc et le développement : contextes et analogies
Section 3. Résilience et vulnérabilité
I. La vulnérabilité : aspects et déterminants
A. Les aspects de la vulnérabilité
B. Les déterminants de la vulnérabilité
II. Vulnérabilité : pauvreté et risque
A. La vulnérabilité et la pauvreté
B. La vulnérabilité et le risque
1. Le risque : aspect
2. Le lien entre le risque et la vulnérabilité
III. Vulnérabilité et résilience : approche des capabilités
A. Contexte
B. Approche des capabilités : fonctionnements et capabilités
1. L’espace des fonctionnements (ou mode de fonctionnements)
2. Les capabilités (ou capacités)
a) Les capacités
b) Les potentialités
Chapitre II. Les éléments constitutifs de la résilience
Section 1. La résilience : le système et l’équilibre
I. Le système
A. Le bassin d’attraction
B. L’attracteur
II. La résilience systémique
A. L’équilibre unique ou le mono-équilibre
B. L’équilibre pluriel
Section 2. Modèles et mesures de résilience
I. Les modèles de la résilience systémique
A. Le modèle du cycle adaptatif
1. Les différentes phases du modèle
a) Croissance (r)
b) Conservation (K)
c) Destruction (Ÿ)
d) Réorganisation (Į)
2. Les variables du modèle
B. Le modèle multi-scalaire de Panarchy (ou panarchie)
1. Connexion mémoire
2. Connexion révolte
C. Le modèle de Walker & al.
II. Mesurer la résilience : les moyens
A. Les mesures disciplinaires simples
1. Cas dans la microéconomie
2. Cas dans la macroéconomie
B. La mesure systémique
1. La latitude
2. La résistance
3. La précarité
C. La mesure par les indicateurs
1. En Asie
2. En Amérique du Sud
3. Aux Pays-Bas
III. Les instruments de mesure de résilience : exemples
A. Les tests de résilience
B. La carte de résilience (u carte des capacités de résilience)
Section 3. Les facteurs de résilience
I. La résilience et les facteurs de protection
II. Les niveaux et les facteurs de résilience
A. Résilience individuelle
B. Résilience familiale
C. Résilience communautaire
D. Résilience sociétaire
III. Les facteurs de résilience économique individuelle
Partie II. LES CAS PRATIQUES
Chapitre I. Etude des impacts du choc : cas de la crise politique
Section 1. Rapprochement et validation de l’existence du choc
Section 2. Vérification de la théorie : les impacts de la crise
I. Etude macroéconomique
A. La croissance
B. L’inflation
C. Le commerce extérieur
D. Les investissements
E. L’emploi
II. L’impact de la crise : analyse sectorielle
A. Le tourisme
B. Le secteur industriel : les entreprises franches
1. Les entreprises franches : contexte
2. Les industries textiles
C. Les ménages
Chapitre II. Impacts du choc au niveau des entreprises de confection : enquête et résultats
Section 1. Les effets de la suspension de l’AGOA : contexte
Section 2. La résilience des entreprises textiles après un choc : enquête et résultats
I. Approche méthodologique et déroulement des travaux sur le terrain
II. Les résultats de l’enquête
A. Contexte actuel
1. Les entreprises n’ont pas les mêmes caractéristiques de marché
2. … c’est pour cela que les impacts du choc étaient spécifiques pour les unes et les autres
3. Et même si le choc (c’est-à-dire la suspension de l’AGOA) a été fatal pour les firmes qui exportent vers les USA, les firmes non AGOA n’étaient pas cependant indifférentes à la crise politique
B. Les conséquences directes de la suspension de l’AGOA
1. La suspension de l’AGOA a fait basculer les tendances déjà propices avant la crise
2. … car à part les baisses reconnues au niveau des indicateurs de performance (d’exploitation), la survie des firmes était très menacée
C. La résilience après un choc
1. La résilience (niveau) se spécifie d’une entreprise à une autre et est fonction de plusieurs facteurs (variables)
2. … entre autre le marché
3. … le changement de comportement
4. … et la capacité de survie
D. Résilience : dépendance des variables
1. Face au choc, les firmes ont adopté des comportements par rapport à leur part de marché américain
2. …en retour, leurs comportements définissaient leur capacité de survie… donc leur résilience
E. La résilience des entreprises : quels sont les précurseurs et les indicateurs?
1. Les facteurs de résilience
a) La modularité
b) L’ouverture, l’adhésion, le réseau et la proximité
c) La diversification du marché
d) La créativité, l’innovation, l’anticipation et l’initiative
2. Les indicateurs de résilience
a) L’indicateur de résultat net de l’exercice
b) L’indice de diversité, de modularité
c) La vitesse de reconstruction
F. Analyse de perception de la crise : complément d’enquête
1. Le choc n’a pas seulement touché que les entreprises, les individus donc les ménages en étaient aussi victimes
2. …comme l’est aussi la communauté, qui avait déjà l’habitude de voir sa situation favorable
Conclusion
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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