Optimisation de la prescription médicamenteuse chez la personne âgée

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Modifications physiologiques liées à l’âge

Le vieillissement correspond à l’ensemble des processus physiologiques qui modifient la structure et les fonctions de l’organisme à partir de l’âge mûr. Il est la résultante de facteurs génétiques et environnementaux auxquels est soumis l’organisme tout au long de sa vie.
D’une façon générale, le vieillissement entraîne une diminution des capacités fonctionnelles, dont l’intensité est très variable d’un organe à l’autre. De plus, à âge égal, l’altération d’une fonction donnée varie très fortement d’un individu à l’autre. Pour la plupart des fonctions, vieillir correspond à une limitation de l’aptitude de l’organisme à s’adapter à une situation mettant en jeu les réserves fonctionnelles (effort, stress, maladie aiguës).
La connaissance des effets du vieillissement est nécessaire pour comprendre la physiopathologie et/ou les manifestations particulières de certaines maladies chez les sujets âgés. Enfin, les effets du vieillissement sur l’organisme modifient les propriétés pharmacocinétiques ou pharmacodynamiques des médicaments et il est important de bien les connaître pour optimiser la prescription médicamenteuse en gériatrie.

Les altérations acquises du matériel génétique

Au cours du vieillissement les systèmes cellulaires de réparation de l’ADN sont de moins en moins efficaces, alors que les agressions (radicaux libres, rayonnements, …) altérant son intégrité se multiplient, ce qui conduit à des mutations par délétions ou expansions. De plus, au cours de chaque division cellulaire, l’extrémité des chromosomes (télomère) perd une partie de son matériel génétique et se raccourcit, ce qui pourrait être une sorte d’horloge biologique de la cellule. Il est à noter que l’enzyme qui permet d’éviter cette perte de matériel, la télomérase, est de moins en moins efficace chez la personne âgée. Ces différents processus conduisent à des modifications de l’expression de certains gènes et du contrôle de la division cellulaire. (5)

Les défenses cellulaires contre le stress oxydatif

Les radicaux libres sont formés au cours du métabolisme cellulaire de l’oxygène, notamment dans les mitochondries. Ces substances réactives se combinent avec des molécules de la cellule (acides nucléiques, lipides, protéines) et entraînent des lésions, notamment membranaires. Les cellules se défendent contre ces agressions par des enzymes antioxydantes capables d’inactiver les radicaux libres (catalase, superoxyde dismutase) et par des substances anti-oxydantes capables de les piéger (vitamine E, vitamine C, carotène), mais aussi par les systèmes de réparation des dégâts occasionnés.
Le vieillissement est associé à une augmentation de production des radicaux libres et à une diminution des capacités de défense anti-oxydante et de réparation, conduisant à un état de stress oxydatif. Il est intéressant de noter que les radicaux libres sont aussi impliqués dans la physiopathologie de plusieurs maladies fréquentes chez le sujet âgé comme l’athérosclérose, le cancer, le diabète… Toutefois, l’intérêt de l’administration de médicaments antioxydants n’a pas été établi chez l’être humain.
Un autre système de protection contre le stress biologique, les Heat Shock Protein (HSP), est impliqué dans les processus de vieillissement. Des agressions très diverses (thermiques, infectieuses,…) induisent la production des HSP. Ces protéines rendent les cellules plus résistantes vis-à-vis des agressions, protègent les macromolécules, stimulent les processus de réparation cellulaire et le catabolisme des protéines endommagées. Au cours du vieillissement, on note une forte diminution de la production des HSP ; ainsi les conséquences biologiques d’une agression sont plus prononcées chez les individus âgés. (5)

Les effets cliniques du vieillissement sur l’organisme

Au niveau de la composition corporelle

Alors que le poids reste stable ou diminue légèrement au cours du temps, la masse maigre diminue de façon importante et la masse grasse augmente.
La dépense énergétique de repos diminue d’environ 2% par décennie principalement du fait de la diminution de la masse maigre. Les besoins énergétiques de la personne âgée sont donc légèrement inférieurs à ceux des adultes jeunes ayant le même niveau d’activité physique.
L’augmentation de la masse grasse aura pour conséquence une accumulation plus importante des médicaments liposolubles, ce qui augmente leur durée d’action (ex : les benzodiazépines).

Au niveau du système nerveux

Le vieillissement du système nerveux central (SNC) est principalement marqué par un ralentissement de la transmission synaptique et par une augmentation du temps de réaction, ce qui influence toutes les fonctions du SNC.
On constate également une réduction des performances mnésiques, portant notamment sur la mémoire immédiate. Le poids du cerveau et le nombre de neurones diminuent au cours de l’avancée en âge. De plus, le nombre de dendrites et de connexions entre neurones diminue.
La durée du sommeil diminue avec l’avancée en âge et son organisation est modifiée, avec une fragmentation, des micro-éveils et des altérations qualitatives du sommeil paradoxal. La sécrétion de mélatonine par l’épiphyse est diminuée, contribuant à une moins bonne organisation des rythmes circadiens.
La sensibilité des osmorécepteurs hypothalamiques est diminuée au cours de l’avancée en âge et explique la baisse de la sensation de soif chez les sujets âgés déshydratés.
Le temps de conduction nerveuse des nerfs périphériques augmente, et la principale conséquence est une baisse de la sensibilité proprioceptive qui favorise l’instabilité posturale.
Le système nerveux autonome est aussi modifié : l’activité du système sympathique est accrue, avec une augmentation des taux plasmatiques des catécholamines et une augmentation des décharges des nerfs sympathiques. D’autre part, les réponses sont réduites du fait d’une diminution de la sensibilité des récepteurs β-adrénergiques.
L’ensemble de ces modifications concourt à majorer la vulnérabilité cérébrale des personnes âgées à l’égard des agressions et, notamment, le risque de syndrome confusionnel.

Au niveau du système cardio-vasculaire

Le débit cardiaque au repos et à l’effort ne diminue pas au cours du vieillissement.
Néanmoins le coeur subit des modifications importantes.
– La masse cardiaque est légèrement augmentée avec hypertrophie ventriculaire gauche concentrique modérée et augmentation de taille de l’oreillette gauche.
– La réponse cardiaque à l’effort d’un sujet âgé est très différente de celle d’un sujet jeune. Pour le même effort, l’accélération de la fréquence cardiaque est moins importante chez le sujet âgé que chez les adultes plus jeunes.
– Le système artériel devient moins compliant au cours du vieillissement du fait de l’altération des fibres élastiques et de la rigidification du collagène. L’accroissement de la rigidité artérielle entraîne une augmentation de la pression artérielle systolique et pulsée.

Au niveau du système respiratoire

Au cours du vieillissement la capacité ventilatoire diminue. La capacité de diffusion du CO est altérée, ce qui traduit une diminution des échanges gazeux de la barrière alvéolocapillaire.
La pression partielle en oxygène du sang artériel diminue avec l’avancée en âge alors que la pression en gaz carbonique est inchangée.

Au niveau de l’appareil locomoteur

On constate au cours du vieillissement une diminution de la masse (sarcopénie) et de la force musculaire. Sur le plan histologique, cela se traduit par une diminution de la densité des fibres musculaires. La masse osseuse diminue avec l’avancée en âge. Chez la femme, cette perte osseuse est amplifiée par les modifications du contexte hormonal liées à la ménopause. Par ailleurs, on constate une diminution de la résistance mécanique de l’os de façon indépendante du degré d’ostéoporose. Enfin les articulations et le cartilage sont l’objet de remaniement de type arthrosique, altérant considérablement la congruence articulaire.

Au niveau de l’appareil urinaire

En vieillissant, le nombre de néphrons fonctionnels diminue de façon importante, induisant une réduction du débit de filtration glomérulaire. La clairance de la créatinine des sujets âgés de 80 ans est d’environ la moitié de celle des sujets âgés de 20 ans ayant le même poids.
Toutefois les différences interindividuelles semblent importantes.
– La capacité du rein à concentrer ou au contraire à diluer les urines est diminuée chez les personnes âgées, entraînant une réponse moins efficace de la régulation du bilan hydrique et sodé, notamment en cas de surcharge hydrosodée ou au contraire de déshydratation.
– La fonction rénale endocrine chez le sujet âgé est aussi altérée, comme en témoigne la diminution de la sécrétion d’érythropoïétine et la capacité d’hydroxylation de la vitamine D.
– La capacité de la vessie diminue avec l’âge. Chez les hommes et les femmes âgés, la vidange de la vessie est moins complète que chez les adultes plus jeunes et le résidu post-mictionnel augmente avec l’âge.

Au niveau de l’appareil digestif

Le flux salivaire n’est pas modifié en l’absence de facteurs pathologiques. Chez les sujets âgés autonomes et en bonne santé, le temps de transit intestinal est semblable à celui des sujets jeunes, mais l’exonération des selles est plus difficile du fait de modifications de l’innervation et de la compliance rectale. La fonction exocrine du pancréas est altérée au cours du vieillissement, sans que cela ait de conséquence clinique.
De façon physiologique, environ 30% des sujets âgés de 80 ans et plus ont une gastrite atrophique, entraînant une réduction de la sécrétion acide et une hypochlorhydrie. Il en résulte une diminution des défenses anti-infectieuses et une diminution de l’absorption du fer et de la vitamine B12.
La masse hépatique diminue progressivement au cours du vieillissement sans conséquences sur les fonctions physiologiques du foie. Toutefois, le vieillissement hépatique peut influencer la pharmacocinétique de certains médicaments.

Au niveau de la peau et des phanères

Le vieillissement cutané est caractérisé par une altération du tissu élastique, un épaississement fibreux du derme, un aplatissement de la jonction dermo-épidermique et une diminution du nombre de mélanocytes. Les modifications en zones exposées à la lumière sont plus marquées.
La peau du sujet âgé est plus fine, plus ridée, plus sèche, plus lâche, et plus sujette aux lésions dégénératives. Par ailleurs, on note au niveau de la peau une diminution avec l’âge de la fonction barrière, de la capacité de cicatrisation et de la production de vitamine D.
Les modifications de la peau participent à l’altération de la thermorégulation observée chez les sujets âgés.
Le taux de croissance des ongles diminue avec l’âge, ainsi que la vitesse de croissance des cheveux.

Au niveau du système immunitaire

La réponse immunitaire humorale est globalement conservée chez les personnes âgées. L’immunisation conférée par la vaccination n’est pas altérée chez les personnes âgées en bonne santé. En revanche, les réponses immunitaires à médiation cellulaire sont modifiées.
La réaction d’hypersensibilité cutanée à un panel d’antigènes est diminuée. Le nombre et les fonctions des différentes populations de lymphocytes T sont modifiés par le vieillissement.

Au niveau de l’appareil génital

Chez la femme la ménopause est responsable de modifications de la sécrétion des hormones sexuelles, avec arrêt de la production ovarienne d’oestrogènes et de progestérone. Les glandes mammaires, l’utérus et les ovaires involuent progressivement, et la muqueuse vaginale s’atrophie et devient plus sèche.
Le vieillissement chez l’homme s’accompagne d’une diminution de la sécrétion de testostérone.

Au niveau des capacités de perception

Les effets du vieillissement sur l’oeil et les voies nerveuses concernées sont complexes. Les principales conséquences sont la diminution de l’acuité visuelle et de la sensibilité au contraste, et un rétrécissement du champ visuel. Le seuil visuel et la perception des couleurs sont altérés. La production du film lacrymal est diminuée et peut conduire à une sécheresse oculaire, notamment en cas d’utilisation de médicaments favorisants.
Le vieillissement entraîne une perte auditive appelée presby-acousie. Cette perte auditive est bilatérale.
La sensibilité gustative semble diminuer au cours du vieillissement.
On note également une diminution de la capacité olfactive. (4)

Limiter ou ralentir les effets du vieillissement

Si le vieillissement est un processus complexe, naturel et inéluctable, certains travaux de recherche récents montrent qu’il est possible de l’influencer par certaines modifications de l’environnement, de mode de vie, ou encore par des interventions biologiques.
La pratique régulière de l’exercice physique a des effets positifs sur les fonctions cardiovasculaires, respiratoires et musculaires : augmentation du débit cardiaque, de la capacité ventilatoire, ralentissement de la perte de masse musculaire (voire augmentation de celle-ci), augmentation de la capacité aérobie maximale. On décrit également des effets favorables sur le plan métabolique (moindre insulinorésistance) et sur le plan cognitif et psychologique.
La malnutrition protéino-énergétique représente un facteur de morbidité et mortalité bien établi en gériatrie. Une alimentation riche en sodium pourrait jouer un rôle favorisant le vieillissement artériel et notamment l’augmentation de rigidité de la paroi artérielle.
La correction des déficits hormonaux observés au cours du vieillissement est une autre approche proposée. Les effets positifs du THS (traitement hormonal substitutif) de la ménopause par des oestrogènes sur le vieillissement chez la femme, notamment sur le plan de l’os, sont bien établis. D’autres supplémentations hormonales font l’objet de recherches (hormone de croissance [GH], déhydroépiandrostérone [DHEA], testostérone, mélatonine) mais leurs effets sont en cours d’évaluation.
L’inhibition de la glycation non enzymatique des protéines pourrait retarder certains effets du vieillissement cardiovasculaire. (5)

Modifications pharmacocinétiques liées à l’âge

L’âge est un facteur essentiel de variations des paramètres pharmacocinétiques des médicaments.
Les changements dus à l’âge obligent à modifier le traitement. En effet :
– L’incidence des maladies chroniques augmente avec l’âge, et les personnes âgées consomment d’avantage de médicaments que les plus jeunes. Il en résulte que la compétition entre médicaments pour les isoformes du cytochrome P-450 est plus fréquente.
– La concentration plasmatique d’albumine diminue de sorte que les sites de liaison diminuent également. Il peut en résulter une augmentation de la fraction libre du médicament en circulation.
– La masse maigre du corps diminue, et le changement du volume de distribution de certains médicaments peut obliger à modifier la posologie.
– Le poids du foie diminue, entraînant une baisse de l’élimination présystémique des médicaments.
L’expression des isoformes de cytochrome P-450 change quand l’âge augmente, d’où une iminution de la capacité à oxyder les médicaments.
L’induction enzymatique peut être maintenue ou diminuée chez le sujet âgé, selon le médicament concerné.

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Table des matières

INTRODUCTION
Partie 1 : Etat des lieux
I. La personne âgée
A. Définitions
B. Démographie
C. Modifications physiologiques liées à l’âge
1. Les altérations acquises du matériel génétique
2. Les défenses cellulaires contre le stress oxydatif
3. Les effets cliniques du vieillissement sur l’organisme
a. Au niveau de la composition corporelle
b. Au niveau du système nerveux
c. Au niveau du système cardio-vasculaire
d. Au niveau du système respiratoire
e. Au niveau de l’appareil locomoteur
f. Au niveau de l’appareil urinaire
g. Au niveau de l’appareil digestif
h. Au niveau de la peau et des phanères
i. Au niveau du système immunitaire
j. Au niveau de l’appareil génital
k. Au niveau des capacités de perception
4. Limiter ou ralentir les effets du vieillissement
D. Modifications pharmacocinétiques liées à l’âge
1. Absorption
2. Distribution
3. Excrétion urinaire
4. Métabolisme
II. La polymédication
A. Causes de la polymédication
1. Raisons liées au patient : la polypathologie
2. Raisons liées au prescripteur
3. Raisons liées à l’entourage
B. Conséquences de la polymédication
1. L’iatrogénie
a. L’iatrogénie inévitable
b. L’iatrogénie évitable
c. Une vigilance accrue
2. La mauvaise observance
III. Optimisation de la prescription médicamenteuse chez la personne âgée
A. Savoir déprescrire
1. Arrêt des traitements prescrits pour des symptômes ou des maladies aigues temporaires
2. Arrêt des traitements ayant perdu leur cible initiale
3. Arrêt en raison d’une espérance de vie courte
B. Les prescriptions suboptimales
1. L’insuffisance de traitement : L’underuse
2. L’excès de traitement : L’overuse
3. La prescription inappropriée : Le misuse
C. Les outils pour détecter les prescriptions inappropriées chez la personne âgée
1. Les outils développés à l’étranger
a. Les critères de Beers
b. Les critères de Zhan
c. Les critères de McLeod
d. Les critères STOPP and START (Irlande).
e. Echelles d’évaluation de l’effet anticholinergique des médicaments
ü L’échelle du risque anticholinergique (ARS)
ü L’échelle du risque cognitif lié aux anticholinergiques (ACB)
ü L’échelle des médicaments anticholinergiques (ADS)
2. Les outils développés en France
a. Une liste adaptée à la pratique française
b. La prescription médicamenteuse chez le sujet âgé : outil de la HAS
Partie 2 : Etude
I. Analyse pharmaceutique des prescriptions à l’EHPAD St Joseph
A. Objectifs
B. Méthode
1. Contexte et patients
2. Variables recueillies et outils
3. Analyse pharmaceutique des prescriptions
a. Méthode et outils d’analyse
b. Identification et classification des problèmes liés à la thérapeutique médicamenteuse
C. Résultats
1. Description de la population
a. Patients
b. Prescriptions
c. Médicaments
2. Analyse pharmaceutique des ordonnances
II. Discussion
A. Description de la population étudiée et données de la littérature
B. MPI : comparaison avec les données de la littérature
C. Intérêts et limites de l’étude
D. Perspectives
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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