Le Tétanos post chirurgical au service des maladies infectieuses et tropicales du CHNU de Fann (Dakar) à propos de 50 cas

Le tétanos est une toxi-infection aiguë grave, non contagieuse, non immunisante souvent mortelle due à une neurotoxine extrêmement puissante produite par Clostridium tetani. Ce bacille anaérobie à Gram positif est ubiquitaire. Il est occasionnellement présent dans le tube digestif des animaux, persiste dans les déjections animales et le sol sous forme de spores très résistantes. Selon l’OMS, un million de cas par an sont recensés dans le monde avec une létalité de 50% voire 70% dans certaines zones [1, 2]. Dans les pays développés, l’amélioration de l’hygiène, l’élévation du niveau socio-économique, sanitaire et surtout la vaccination devenue systématique ont rendu le tétanos rare [3]. Celuici y demeure aujourd’hui une affection du sujet âgé [3, 4]. Par contre dans les pays en développement, notamment en Afrique, le tétanos reste toujours un problème de santé publique par sa fréquence et sa gravité malgré l’existence d’une vaccination efficace [5]. Le Sénégal fait partie des pays africains où le tétanos de l’enfant et de l’adulte demeure préoccupant et ceci malgré les efforts entrepris dans le cadre du Programme Elargi de Vaccination [6, 7, 8, 9]. Malgré la forte expérience acquise dans la prise en charge en milieu hospitalier du tétanos à Dakar [8], la létalité reste élevée (20 à 30%) [6, 8], à cause de l’impact de plusieurs facteurs méconnus et qui influenceraient le pronostic de la maladie [10]. Les portes d’entrée du tétanos sont multiples. Parmi elles, on a la porte d’entrée chirurgicale qui est rarement décrite. Cette rareté est probablement liée au développement des moyens de stérilisation et d’asepsie. Ce tétanos peut compliquer toute intervention chirurgicale et est de pronostic très réservé à cause de sa gravité et de sa forte mortalité pouvant atteindre 50% [11]. Malgré les différentes études réalisées sur cette voie d’inoculation, il n’existe pas de définition universelle quant au terme de « tétanos post chirurgical ». En effet, les controverses sur le sujet portent généralement sur l’exclusion ou l’inclusion de certaines portes d’entrée à savoir la circoncision, les avortements, les brûlures, les ulcérations chronique de jambe, les otites suppurées etc…

DEFINITION

Du point de vue étymologique le mot « tétanos » provient du grec (tetanos = tension) et est dérivé du verbe teinen qui signifie tendre (teino = tendu), faisant allusion au symptôme majeur de l’affection, la rigidité musculaire [17]. Le tétanos est une toxi-infection, non contagieuse et non immunisante, commune à l’homme et aux animaux, due à un agent microbien anaérobie strict : le Clostridium tetani ou bacille de Nicolaier.

HISTORIQUE

Le tétanos est une maladie connue depuis la plus haute antiquité. En effet, elle était déjà bien décrite par Hippocrate entre 460 – 377 ans avant Jésus Christ [18]. En 1854, la présence d’une plaie fut désignée comme cause première par Sir James Young Simpson. En 1884, Arthur Nicolaier identifia le germe, il reproduisit la maladie chez l’animal en injectant des tissus d’animaux malades et des particules de terre. Mais ce n’est qu’en 1889 que le germe fut cultivé et purifié par Shibasaburo Kitasato [18]. La découverte de la toxine en 1890 par Knud- Faber, suivie par celle de G. Tizzani et G. Gatani, Albert Frankel et Emil Von Behring notamment permirent de commencer dès 1897 des productions de sérum de manière intensive. En 1897, Nocard réalise l’immunisation passive par sérum. Mais c’est pendant la première guerre mondiale (1914-1918) que le sérum antitétanique fut largement utilisé chez les blessés de guerre [18]. En 1923, Gaston Ramon découvre l’anatoxine tétanique [9]. Le vaccin lui-même fut inventé par Pierre Descombey en 1924 à base de l’anatoxine tétanique, qui l’applique sur l’animal domestique avec la collaboration de Gaston Ramon. Celui-ci avec l’aide de Christian Zoeller mettra au point le vaccin pour l’homme en 1926. La constitution chimique de la toxine est connue depuis 1948 et le site récepteur spécifique dans le tissu nerveux depuis 1959. Ultérieurement, de nombreux travaux se poursuivirent sur la physiopathologie, la clinique et la thérapeutique [18]. En 1975 lors de la quatrième conférence internationale sur le tétanos à Dakar fut établi le score pronostic de Dakar [11]. Enfin en 2003, la séquence complète du génome de Clostridium tetani fut dévoilée récemment par Bruggemann et al. [18].

EPIDEMIOLOGIE

Morbidité

Données globales 

Le tétanos est une maladie infectieuse cosmopolite. Il est devenu exceptionnel dans les pays industrialisés du fait d’une bonne couverture vaccinale. Dans ces pays, il représente moins de 1% des cas répertoriés à travers le monde.
– En Europe de l’Ouest, seule l’Italie garde une incidence annuelle plus élevée que la France avec 1 cas pour 100 000 habitants entre 2006 et 2009 [19].
– En France, l’incidence annuelle en 2004 de 0,33 cas pour 100 000 habitants [20] est passée à 0,05 – 0,14 cas /100 000 habitants en 2008 et 2011 [19].
– Les Etats Unis d’Amérique, le Canada ainsi que les pays de l’Europe du Nord ont des incidences comprises entre 0 et 0,3 cas pour 100 000 habitants [20].

Les pays qui payent le plus lourd tribut du tétanos se trouvent en Afrique, dans le sous-continent indien en Asie [21] :
– En Asie, notamment en Inde, le taux de morbidité est de 10 à 50 pour 100 000 habitants par an [22].
– En Amérique latine, la morbidité est moins élevée de l’ordre de 4,6 cas pour 100 000 habitants par an [23].
– En Afrique noire, la morbidité du tétanos varie selon les pays de 10 à 50 cas pour 100 000 habitants par an [24].La prévalence hospitalière varie considérablement en fonction des pays :
● A Bamako au Mali, 119 cas de tétanos ont été admis dans la période du 1ier Janvier 2004 au 31 Décembre 2009 sur 1839 hospitalisations soit une prévalence de 6,5% [25].
● Au Togo, la prévalence hospitalière au Service des maladies infectieuses et de pneumo-phtisiologie du CHU de Tokoin est passé de 5,8% entre le 1ier Août 2006 et le 30 Juin 2007, à 3,3% entre le 15 Juillet et le 31 Décembre 2007 [26, 27].
● Au Burkina Faso, 130 cas de tétanos ont été admis dans le service de Maladies Infectieuses du CHUO de Ouagadougou entre le 1ier Janvier 2000 au 31 Juillet 2011 sur 5047 hospitalisations soit une fréquence hospitalière de 2,6% [28].
● En Côte d’Ivoire, 221 cas de tétanos ont été hospitalisés au service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Treichville à Abidjan entre janvier 2003 et décembre 2007 sur un total de 3497 malades, soit une prévalence hospitalière de 6,3 % [16].
● A Dakar au Sénégal, la prévalence hospitalière varie entre 9 et 12% au service des maladies infectieuses et tropicales du CHNU de Fann à Dakar [29, 30].

Répartition selon l’âge

Grâce à la mise en place du programme élargi de vaccination (PEV) et l’amélioration de conditions d’accouchement, l’incidence du tétanos néonatal a considérablement régressé dans le monde. Plusieurs pays d’Afrique et d’Asie dont le Sénégal ont éliminé le tétanos néonatal et maternel. Celui-ci étant défini par une incidence à moins de 1 cas pour 1000 naissances vivantes dans tous les districts d’un pays. Par contre, l’incidence du tétanos juvénile reste d’actualité dans les pays en développement avec 50% des personnes atteintes de tétanos qui ont moins de 10 ans et 70% moins de 20 ans [31]. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les rappels vaccinaux ne sont pas faits après la période du PEV. En revanche dans les pays développés, du fait de la vaccination rendue obligatoire, la plupart des sujets jeunes sont vaccinés. En effet, en Europe comme aux EtatsUnis plus de la moitié des tétaniques ont dépassés la cinquantaine. Le tétanos est devenu dans ces contrées une maladie rare, survenant essentiellement chez les sujets âgés qui ont échappé à la vaccination, ou qui sont insuffisamment immunisés [32]

Répartition selon le sexe

Quel que soit l’âge de survenue, la majorité des travaux effectués en Afrique et en Asie ont observé que le tétanos est plus fréquent chez le sujet de sexe masculin [15, 26]. Dans les pays développés notamment en France ce sont les femmes qui sont les plus touchées. Celles-ci, sont moins bien protégées que les hommes jusque-là revaccinés lors du service militaire [33].

Mortalité

Le tétanos reste une maladie grave potentiellement mortelle. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime à un million le nombre de décès par tétanos dans le monde [21]. Le taux de mortalité reflète les degrés d’endémie qui varient en fonction du niveau économique. Elle est beaucoup plus élevée aux âges extrêmes. Le taux de mortalité est de 7 à 15 pour 100000 habitants par an en Afrique noire, 40 à 60 pour 100000 habitants par an en Inde ; 0,72 pour 100000 habitants par an en France et seulement 0,13 pour 100000 habitants par an aux Etats unis [18].

– Au Togo, les études réalisées au CHU de Tokoin ont révélé une létalité variant entre 35,7% et 52,8% [26, 27].
– Au Mali, la létalité était de 38,9% dans une étude publiée par Dao S et al. [34].
– En Côte d’Ivoire, la mortalité est globalement élevée à l’instar des pays d’Afrique variant entre de 31,9% et 45% [15, 35].
– A Dakar (Sénégal) la létalité représentait 30,3% des cas colligés de 1990 à 1996 [6], 22% des cas de tétanos de l’enfant et de l’adulte colligés de 2001 à 2003 [8] et 21% des cas entre 2009 et 2012 [29].

ETIOPATHOGENIE

Agent pathogène

Clostridium tetani est un bacille à Gram positif, anaérobie strict, mobile, sporulé à spore ronde terminale. Il est également nommé bacille de Nicolaier

Taxonomie
Le genre Clostridie appartient à la famille des Clostridiaceae (ordre des Clostridiales, classe des « Clostridia », division ou phylum des « Firmicutes », domaine ou empire des « Bacteria »).

Habitat
Clostridium tetani est une bactérie ubiquitaire. C’est un germe tellurique répandu largement dans les sols surtout agricoles (terres fertilisées par fumier animal). Par contre, il est rare dans les zones non habitées et les forêts [36]. Il peut également se retrouver à l’état commensal dans le tube digestif de nombreux mammifères (chevaux, bovins, ovins, chiens, chats, rongeurs, volailles) et plus rarement dans le tube digestif de l’homme. Il est éliminé par les selles et se trouve sous forme de spores dans le sol [37]. Il peut arriver de retrouver Clostridium tetani dans l’air et dans les situations extrêmes, à l’intérieur des salles d’opération non stériles ou à ventilation défectueuse, sur les vêtements et parfois au niveau des substances à usage chirurgical, médical ou cosmétique telles que plâtre, gélatine, coton, poudre de talc, produits pharmaceutiques [4].

Caractères bactériologiques

Clostridium tetani se présente sous 2 formes :
– Une forme végétative (bacille).
– Une forme sporulée

La forme végétative (bacille)
Clostridium tetani est un bacille à Gram positif en phase de croissance exponentielle, généralement très mobile grâce à ses flagelles. Cette bactérie mesure 0,3 à 0,6 μm de longueur. Une extrémité du bacille est très élargie du fait de la présence d’une spore ronde de grande taille qui déborde largement le diamètre de la bactérie et qui a une position terminale (figure 1). Ainsi, le Clostridium tetani est souvent comparé à une «baguette de tambour» ou «bacille en tête d’épingle». Les bacilles tétaniques sont facilement inactivés et sont sensibles à plusieurs antibiotiques (métronidazole, pénicilline…) [38].

La forme sporulée
Clostridium tetani est un bacille présent dans le sol sous forme de spore très résistante (bacille « tellurique») [36]. Les spores peuvent vivre plusieurs années. Elles résistent à la chaleur, à la dessiccation et aux désinfectants [38]. Elles sont détruites en 20 minutes à 121°Celsius à l’autoclave [40].

Caractéristiques biochimiques 

La plupart des tests biochimiques classiques pour l’identification des Clostridiums sont négatifs puisqu’ils n’acidifient pas les glucides, n’induisent pas de protéolyse ni de production de lipase ou de phospholipase, par contre la gélatine est liquéfiée lentement, en 2 à 7 jours, et les peptones du milieu influencent l’activité gélatinasse. Le C.tetani produit généralement de l’indole et du sulfure d’hydrogène H2S [42]. Les cultures de C.Tetani sont gazogènes et dégagent une odeur de corne brulée. Les produits du métabolisme sont les acides acétique, propionique et butyrique, ainsi que du butanol, ils sont caractérisés par la production d’exotoxines : la tétanolysine, une hémolysine oxygénolabile, et la tétanospasmine qui est la toxine tétanique .

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Table des matières

INTRODUCTION
1. DEFINITION
2. HISTORIQUE
3. EPIDEMIOLOGIE
3.1. Morbidité
3.1.1. Données globales
3.1.2. Répartition selon l’âge
3.1.3. Répartition selon le sexe
3.2. Mortalité
4. ETIOPATHOGENIE
4.1. Agent pathogène
4.1.1. Taxonomie
4.1.2. Habitat
4.1.3. Caractères bactériologiques
4.1.4. Caractéristiques biochimiques
4.1.5. Culture du Clostridium tetani
4.2. Portes d’entrée
4.2.1. Porte d’entrée chirurgicale (tétanos post chirurgical ou tétanos post opératoire)
4.2.2. Autres portes d’entrée
4.3. Terrain de survenue
5. PHYSIOPATHOLOGIE
6. MANIFESTATIONS CLINIQUES
6.1. Type de description : Tétanos aigu généralisé du jeune enfant circoncis non vacciné
6.1.1 Période d’incubation
6.1.2. Phase d’invasion
6.1.3. Phase d’état
6.1.4. Evolution – pronostic
6.1.4.1. Evolution
6.1.4.1.1. Eléments de surveillance du tétanos
6.1.4.1.2. Modalités évolutives
6.1.4.2 Pronostic
6.1.4.2.1. La classification en stade de MOLLARET
6.1.4.2.2. Classification internationale « score pronostique de Dakar»
6.2. Formes cliniques
6.2.1. Formes symptomatiques
6.2.1.1. Formes frustes
6.2.1.2. Formes hypertoxique de Roger
6.2.2. Formes selon le terrain
6.2.2.1. Tétanos néonatal
6.2.2.2. Tétanos du sujet âgé
6.2.3 Formes topographiques
6.2.3.1. Tétanos des membres
6.2.3.2. Les tétanos céphaliques
7. DIAGNOSTIC
7.1. Diagnostic positif
7.2. Diagnostic différentiel
7.3. Diagnostic étiologique
8. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
8.1. Traitement curatif
8.1.1. Buts
8.1.2. Moyens
8.1.2.1. Moyens à visée étiologique
8.1.2.2. Moyens à visée symptomatique
8.1.3. Indications
8.1.3.1. Forme commune non compliquée
8.1.3.2. Formes compliquées
8.2. Traitement préventif
8.2.1. Prévention individuelle
8.2.1.1. Programme élargi de vaccination
8.2.1.2. Traitement des plaies tétanigènes
8.2.2. Prévention collective
8.2.3. Prévention du tétanos post chirurgical
8.2.3.1. Stérilisation du matériel
8.2.3.2. Hygiène au bloc opératoire et organisation du programme
8.2.3.3. Préparation cutanée du patient au bloc opératoire
8.2.3.4. Hygiène des mains au bloc opératoire
8.2.3.5. Vaccination antitétanique et chirurgie
CONCLUSION

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