L’inceste appréhendé par le droit

Le refus d’institutionnaliser l’inceste – les prohibitions à mariage

Au fur et à mesure de l’Histoire, les prohibitions à mariage édictées permettent de dessiner précisément les contours de la famille à une époque considérée. Au Moyen-Âge par exemple, les interdits à mariage s’étendaient jusqu’au quatorzième degré, et concernaient ce que l’on appelait «la parenté spirituelle» : une union entre un parrain et sa filleule était par exemple considérée comme incestueuse, tout comme l’union entre le parrain et sa «commère» – c’est-à-dire celle qui tenait avec lui le filleul sur les fonts baptismaux. Par ailleurs, il existait même un crime d’ «inceste spirituel» entre un prêtre et la personne à qui il administrait le sacrement de confession. Ces exemples attestent bien de l’influence chrétienne sur la notion de famille. À l’époque contemporaine, on peut noter depuis l’édiction du Code civil de 1804 qu’une évolution a lieu dans le sens d’un plus grand respect envers la liberté sexuelle, et donc envers les mariages incestueux ; ce ne sont en effet pas moins de quatre lois qui sont intervenues depuis le XIXe siècle dans le but d’assouplir la législation civile en matière d’inceste, respectivement en 1832, 1914, 1938 et, plus récemment, en 1975 – cette loi du 11 juillet 1975 ayant supprimé la prohibition relative aux unions entre beaux-frères et belles-sœurs.
Aujourd’hui, il existe donc un nombre relativement réduit d’empêchements à mariage. Toutefois, tous ces types d’empêchements ont la même conséquence : en cas de célébration d’un mariage allant à l’encontre d’un des empêchements présentés, l’union pourra faire l’objet d’une action en nullité absolue, action ouverte à tous ceux qui y auraient intérêt et soumise à la prescription trentenaire. Par ailleurs, si un ascendant ou le Ministère Public a connaissance de la future célébration d’un mariage incestueux, il pourra former une action en opposition à celui-ci, qui, si elle s’avère fondée, interdira la célébration du mariage. Ces conséquences envisagées, il s’agit désormais de présenter plus précisément les empêchements à mariage du droit français, en distinguant schématiquement les empêchements à mariage classiques des empêchements à mariage liés à l’adoption . Dans les deux cas, l’état du droit positif méritera certaines remarques.

Le refus d’officialiser les effets de l’inceste – l’interdiction de l’établissement de la filiation incestueuse

Au-delà du refus de consacrer l’union juridique incestueuse, le droit français appréhende l’inceste en ce qu’il va essayer de maintenir le secret de ses effets. Cette orientation du droit va se retrouver dans les règles relatives à la filiation de l’enfant incestueux ; l’établissement du double lien de filiation en cas d’inceste va être refusé par la loi. Interdiction en apparence incontournable , elle connaît cependant des limites .
Principe :L’interdiction de l’établissement du double lien de filiation d’un enfant incestueux se trouve posée clairement par l’article 310-2 du Code civil, dont la rédaction actuelle est la conséquence d’une jurisprudence relativement récente (A) ; l’opportunité d’un tel article se devra cependant d’être questionnée (B).
Il s’agit ici d’étudier les situations où une relation sexuelle incestueuse a d’ores et déjà donné lieu à la naissance d’un enfant. Dans ce cas, l’article 310-2 du Code civil, situé dans le chapitre «Dispositions générales» du titre sur la filiation, est très clair : «s’il existe entre les père et mère de l’enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l’égard de l’un, il est interdit d’établir la filiation à l’égard de l’autre par quelque moyen que ce soit». En effet, il est vrai que si l’on permettait l’établissement de la double filiation incestueuse, «l’admission officielle d’un tel désordre familial semblerait d’abord indirectement légitimer l’union dont l’enfant est issu, tant il est vrai que l’institution de l’état civil est à forte charge symbolique : et une telle légitimation ébranlerait l’ordre social, fortement lié à l’interdit matrimonial. En outre la paix familiale risquerait d’être troublée, en fait, par l’affirmation publique de la violation en son sein d’un tel interdit» .
La justification de cet article se comprend donc aisément ; sa rédaction actuelle est quant à elle issue de l’ordonnance du 4 juillet 2005. L’ancien article 334-10 du Code disposait en effet simplement que «s’il existe entre les père et mère de l’enfant naturel un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 ci-dessus pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l’égard de l’un, il est interdit d’établir la filiation à l’égard de l’autre». Or, cet article a donné lieu à une jurisprudence abondamment commentée, qui concernait la possibilité pour le géniteur d’un enfant issu d’une union incestueuse d’utiliser l’institution de l’adoption simple afin de faire établir le double lien de filiation de ce dernier.

L’inceste envisagé à travers les atteintes sexuelles sans violence

L’atteinte sexuelle sans violence peut se définir comme l’ «atteinte volontaire à l’intégrité physique et psychique d’une personne de l’un ou autre sexe commise sans violence». Selon l’article 227-25, une telle atteinte qui s’effectue sans violence, contrainte, menace ni surprise n’est incriminée pénalement que lorsqu’elle est effectuée par un majeur sur un mineur de 15 ans. En cas de relation incestueuse entretenue entre un majeur et un mineur de 15 ans, le droit pénal interviendra donc et une telle relation sera réprimée pénalement. On peut toutefois noter que le caractère incestueux ou non des relations n’a aucune incidence sur la répression mais l’inceste entrera en pratique dans le champ d’appréhension du droit pénal.
Les choses sont toutefois différentes lorsqu’il s’agit d’un mineur de plus de 15 ans. En effet, le Code pénal ne peut incriminer les relations sexuelles entre un majeur et une personne dont l’âge est situé entre 15 et 18 ans, conformément au respect du principe de liberté sexuelle. Toutefois, de telles relations sont dans un cas particulier appréhendées par le droit pénal et donc réprimées : l’article 227-27 dispose en effet que «les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur âgé de plus de quinze ans et non émancipé par le mariage sont punies de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait». Dans ce cas là, on remarque que «le lien de parenté joue un rôle beaucoup plus important, puisque c’est lui qui rend punissable un acte qui, en règle générale, ne l’est pas, parce que les deux partenaires sont censés avoir agi librement».
On peut par ailleurs souligner que cette version de l’incrimination ne date que d’une loi de 1980 ; avant cela, une loi de 1863 n’incriminait l’atteinte sexuelle sur un mineur de plus de 15 ans uniquement si celle-ci était le fait d’un ascendant légitime, naturel ou adoptif. Dès lors, Marie-Laure Rassat estimait que par cet ancien article 331, «on avait voulu, en réalité, réprimer l’inceste et le délit était d’ailleurs caractérisé même quand il était établi que la victime s’était prêtée volontairement aux actes impudiques ou même les avait provoqués ».

L’inceste envisagé à travers l’abandon moral d’enfant mineur

Quand on envisage l’inceste en droit pénal, on peine à imaginer cette notion en dehors du cadre des infractions sexuelles. Il est vrai ce sont majoritairement les infractions sexuelles qui sont concernées, mais l’inceste peut également être appréhendé en droit pénal à travers l’article 227-17 du Code pénal, lequel incrimine l’abandon moral d’enfant mineur. Cet article dispose en effet que «le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende». Située dans la section intitulée «De la mise en péril des mineurs», cette qualification va pouvoir être retenue pour le cas d’un parent qui connaît l’existence de faits incestueux commis sur son enfant mineur et qui ne fait rien pour agir. Dans un arrêt du 28 mars 1997, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lyon avait par exemple retenu cette qualification dans une affaire où une mineure avait été abusée sexuellement par son père, alors que la mère connaissait la situation – et parfois même assistait aux abus. Pour cette mère, l’incrimination de l’article 227-17 s’imposait plutôt que de la désigner comme complice de son mari ; selon le Professeur Mayaud, ce choix de qualification ne peut être qu’approuvé «et pour ce que la complicité suppose d’effectivité en cas d’omission, et pour ce que l’inceste représente de péril pour les mineurs qui y sont physiquement ou moralement confrontés».
Outre cette appréhension de l’inceste à travers la relation incestueuse entretenue par un majeur avec un mineur, le droit pénal envisage et réprime la relation incestueuse lorsqu’elle celle-ci n’est pas consentie, c’est-à-dire lorsqu’elle est imposée par une personne à une autre.

Le caractère incestueux d’un acte sexuel non consenti envisagé en tant que circonstance aggravante

Il s’agit de constater que l’inceste va être pris en compte pour aggraver la répression en cas d’agression sexuelle constatée. Ici, l’inceste constituera une circonstance aggravante, c’est-à-dire un «fait dont la survenance liée à la commission d’une infraction augmente la peine dont est passible son auteur». Pour le viol, l’article 222-24 du Code pénal dispose que celui-ci est puni de vingt ans de réclusion criminelle (au lieu de dix dans le cas d’un viol simple) «lorsqu’il est commis par un ascendant par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait». Pour les autres agressions sexuelles, on distingue celles commises sur un mineur de 15 ans et les autres ; pour les premières, c’est l’article 222-30 qui augmente la répression, en la faisant passer de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque de telles agressions sont commises «par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait». Pour les secondes, l’article 222-28 du Code Pénal prévoit une réclusion criminelle d’une durée de sept ans et 100 000 euros d’amende en cas de commission de l’agression par un ascendant ou toute personne ayant autorité sur la victime, au lieu de cinq ans de réclusion et 75 000 euros d’amende quand le caractère incestueux de l’agression n’existe pas.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 :L’inceste appréhendé par le droit
Titre 1 :L’inceste en droit civil
Section 1 : Le refus d’institutionnaliser l’inceste – les prohibitions à mariage
1 : Les empêchements à mariage classiques
A) Présentation
B) Appréciation
2 : Les empêchements à mariage fondés sur l’adoption
A) Présentation
B) Appréciation
Section 2 : Le refus d’officialiser les effets de l’inceste – l’interdiction de l’établissement de la filiation incestueuse
1 : Principe
A) Présentation
B) Appréciation
2 : Exceptions
A) L’action à fins de subsides de l’enfant incestueux
B) L’action civile de l’enfant incestueux né d’un viol
C) La théorie du mariage putatif
Titre 2 :L’inceste en droit pénal
Section 1 : La relation incestueuse avec un mineur
1 : L’inceste envisagé à travers les atteintes sexuelles sans violence
2 : L’inceste envisagé à travers l’abandon moral d’enfant mineur
Section 2 : La relation incestueuse non consentie
1 : Le caractère incestueux d’un acte sexuel non consenti envisagé en tant que
circonstance aggravante
2 : Le caractère incestueux d’un acte sexuel non consenti envisagé à travers
l’absence de consentement de la victime
Partie 2 :L’inceste ignoré par le droit
Titre 1 :L’insouciance du droit en matière d’inceste
Section 1 : La tolérance du droit civil face à certaines situations incestueuses
1 : La question du concubinage incestueux
2 : La question épineuse des adoptions atypiques
A) Les adoptions intrafamiliales
B) L’adoption entre partenaires sexuels
Section 2 : Les approximations du droit quant à l’utilisation du terme « inceste » 
l’exemple du droit pénal
1 : L’inceste en droit pénal noyé dans la notion d’abus d’autorité
2 : L’inceste et la loi du 8 février 2010
Titre 2 :La nécessité d’une meilleure prise en compte de l’inceste par le droit
Section 1 : Un droit positif contestable
1 : L’état du droit positif en matière pénale
2 : L’état du droit positif en matière civile
Section 2 : Les évolutions envisageables
1 : Les évolutions en droit pénal
2 : Les évolutions en matière civile : l’influence de la Cour européenne des droits de
l’homme
A) Sur le mariage
B) Sur la filiation
Conclusion

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