HUMANISME DE LA PRATIQUE POLITIQUE

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

DÉFINITIONS DES PRINCIPAUX CONCEPTS-CLÉS OU DES TERMINOLOGIES À PRÉCISER

Pour comprendre le moindre rouage de la façon de gouverner dans les écrits de Machiavel, il appartient aux lecteurs de bien saisir le sens exacte des termes de l’auteur, sachant qu’il n’a jamais donné de définitions exactes de ses propres concepts, et de bien préciser d’autres notions utiles.

LES CONCEPTS DANS L’INTITULÉ QUI EST D’ABORD MACHIAVEL ?

Machiavel : de son vrai nom, Niccolo Machiavelli (en italien), Nicolas Machiavel (en français), est un penseur politique du XVIe siècle. Il a vécu durant la Renaissance ; né le 04 mars 1469 à Florence et mort le 22 juin 1527, sous le régime des Médicis, Fils de Bernardo Totto, il est de famille noble. C’est un notaire (du latin, notarius, scribe) : un fonctionnaire chargé de la rédaction des actes administratifs, durant quinze ans d’exercice politique et diplomatique. « À vingt-neuf ans, il commença une brève carrière officielle à la deuxième chancellerie »3. Cette contribution lui avait donné maintes occasions de rencontrer de nombreux dirigeants étrangers, tout en assurant plusieurs missions diplomatiques. Il n’avait pas manqué de faire l’analyse de l’histoire à travers l’interprétation des textes philosophiques de grands politiciens comme Tite-Live et Cicéron, et la lecture des livres des anciens qui résumaient leurs expériences. Le fruit de sa haute culture le poussait à détenir des titres : écrivain politique, penseur, etc. « Machiavel devient historiographe de Florence ; et il est l’auteur du Prince, un ouvrage traitant de politique et publié en 1531 (quatre ans après sa mort) ».4
C’est un terme-clé du vocabulaire machiavélien. La virtù et la fortune sont deux forces antagonistes, mais aussi complices ; la virtù, en particulier, est le principe actif qui rassemble l’énergie humaine.
Elle constitue la force des grands hommes. Dans le Discours, il est écrit : « Partant, il importe assez peu qu’un chef choisisse l’un ou l’autre de ces procédés pour qu’il soit homme d’assez grande virtù pour faire un grand nom parmi les hommes. »(5)
Et Sami NAÏR affirme que : « La virtù est sans doute comprise ici comme force, mais aussi comme lucidité, intelligence de la situation, conscience de la supériorité qui rend possible l’inouï d’un champ de bataille : tranquillité dans le massacre. »(6)
Le talent et l’art de convaincre constituent la manifestation de la virtù, et celle-ci a particulièrement trait à l’art de la guerre, à l’art de parler et à l’art de juger. Dans ce sens, Machiavel écrit : « J’aurais du moins montré le chemin à autres qui, avec plus de virtù d’éloquence et de jugement, pourront mieux que moi remplir mes vues. »(7)
Où se manifeste quotidiennement la virtù ?
1- Toute activité humaine renferme de la virtù.
2- La virtù se manifeste dans tous les grands actes à travers l’Histoire.
3- La virtù anime les grands hommes, les hommes d’État et les héros.
4- La virtù de chacun est à l’origine de tout conflit et de perturbation et constitue un élément catalytique animant l’homme dans la positivassion de ses situations problématiques.
5- Elle se manifeste dans tous les arts, par exemple, les arts martiaux face au combat.
Machiavélisme, nom masculin, machivellismo (en italien) : notion qui désigne la doctrine de Machiavel, l’idée selon laquelle le pouvoir politique est l’objet de conquête. L’auteur définit la politique comme une lutte pour le pouvoir. Il se pose des questions sur la théorie que le prince doit adopter pour acquérir, maintenir et conserver ce pouvoir.
Cela nécessite au moins de la force et de la ruse, et surtout de la volonté. Par cette dernière, la première moitié de l’activité humaine est arbitrée, et l’autre moitié est réglée par la chance.
À son époque, l’objectif majeur du Florentin reposait sur l’unité de l’Italie morcelée. Il pense que le regroupement des citoyens avec leurs propres moyens d’existence donne la puissance active, avec toutes ses conséquences, en vue de montrer la valeur morale du patriotisme. C’est de là qu’est née sa célèbre affirmation : « J’aime ma patrie plus que mon âme ».
Le machiavélisme nous indique la vision très nette et objective de la gestion et l’administration des affaires de l’État, où se trouve l’autonomie politique ou le nouvel ordre social laïc. C’est pourquoi le fondement de cette doctrine s’appuie solidement sur le réalisme politique.
Humanisme, nom masculin, position philosophique qui met l’homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs. L’humanisme de la pratique politique signifie que toute action politique doit servir les besoins de l’humanité. L’objectif suprême est de créer de nouveaux dispositifs politiques, visant l’idéal de servir le peuple. L’absence de cruauté, de meurtre et de violence, dans la pratique politique, fait preuve du respect des valeurs et de la dignité humaine. C’est la pratique politique basée sur le réel ou l’humanisme réel, contrairement au rêve de l’État parfait.
Selon cette position, l’être humain est donc un être apte à produire, et chacun a sa petite part d’action.
L’humanisme dans l’histoire : un mouvement
intellectuel de la Renaissance qui est né en Italie au XVe siècle. Il s’est progressivement étendu en France, en Allemagne, en Angleterre et aux Pays-Bas. Son âge d’or est le XVe siècle. L’humanisme est donc un mouvement d’idées qui fonde une philosophie, plaçant l’homme au-dessus de tout. Selon Pic de Mirandole (disciple de Marsile Ficin) dans son Discours sur la dignité de l’homme : « on ne peut rien voir de plus admirable dans le monde que l’homme. » Et Erasme, un théologien et poète hollandais, surnommé le « prince de l’humanisme »
Politique, nom féminin, vient du mot grec « polis » qui signifie la « cité ». La cité nous indique la ville bien organisée du point de vue financier, administratif et du pouvoir. « Politikés » désigne l’art de gouverner, de diriger, d’administrer ou de présider la cité, pour assurer l’émancipation ou l’épanouissement de tous citoyens, dans tous les domaines.
La conception aristotélicienne de la politique se rapporte à cette définition étymologique, car pour lui, un gouvernant doit être un homme compétent (élite). Dans ce sens, la politique est une science qui consiste à commander les membres de la cité vers le bien commun, la justice, le droit, le bien-être de tous les citoyens, par l’intermédiaire de la loi. Il s’agit d’une loi qui regarde ce qui est légitime.
Politique (le), nom masculin, terme qui désigne la chose politique ou l’objet même de la politique, y compris l’homme politique.

LES AUTRES CONCEPTS À UTILISER

Humanité, nom féminin ; le terme désigne l’homme en général, il reflète le double sens de ce qui est humain et l’ensemble des hommes, le « Grand être »social, composé de plus de morts et de vivants, et de la société future, autant que des sociétés passées.
Machiavéliens, nom masculin, désignant des penseurs qui étudient la théorie et le système de Machiavel, ses adeptes. On les appelle souvent les défenseurs de la liberté, de l’autonomie politique. Le prince machiavélien est souvent un impitoyable tacticien. Ce prince inspiré doit comprendre le moindre rouage de la façon de gouverner, celui qui a juste ce qu’il faut d’humain, un homme non seulement doué, mais forgé par l’éducation. Il doit savoir que le bonheur et le malheur de l’homme dépendent de leur virtù en tant que valeur absolue de la volonté.
Pour les machiavéliens une situation particulière demande une décision spécifique dans toutes les activités humaines.
Machiavélique, adjectif qualificatif, son apparition désigne celui qui est impie, scélérat et athée. Machiavel est critiqué par une foule de gens, entre autres les partisans de l’Église qui l’ont mal compris et jugé, malgré un bon nombre d’admirateurs.
Ce terme désigne également le procédé du cynisme politique. L’homme politique machiavélique est perçu comme celui qui agit à la manière des animaux, un contrevenant. C’est à partir de cette idée que Jean GIONO, lors de sa présentation des Œuvres complètes de Nicolas Machiavel, affirme : « Il n’est plus possible de mélanger la politique et les sentiments.»(8)
De ce fait, provient la formule très connue et le sens commun du terme « machiavélisme », doctrine selon laquelle, on ne considère pas la morale, on n’a besoin que des résultats. La signification de la conception de Machiavel est devenue ordinairement « la fin justifie le moyen» (9), selon certains commentateurs. Il en est de même du sens péjoratif de l’adjectif machiavélique. On ne réfléchit pas aux moyens, c’est la fin qui est importante, même si cela débouche à la violence extrême ou la mort.
Force, nom féminin, puissance en général : la force peut être les forces armées, la capacité intellectuelle, le grand nombre et l’argent. Il faut que le prince marche toujours derrière la force, surtout ses forces propres. C’est la raison pour laquelle Machiavel écrit : « Pour revenir à mon sujet, je dis qu’il faut être fort soi-même pour commander des actions fortes, et que ce n’est point par la douceur que cet homme peut faire exécuter de pareils ordres. »(10)
De plus, il est beaucoup plus important d’être fort, tout le temps, car le bien n’efface pas le mal : « Le gouvernant-type est généralement fort ; fort martialement. »
Selon Machiavel, le lion symbolise la force. Le roi des animaux peut produire le mal, dans n’importe quelle circonstance, pour prévoir les intentions de l’ennemi ou pour effrayer le loup, parce qu’il doit toujours lutter contre les crimes. En outre, le renard présente le symbole de la subtilité intellectuelle pour manœuvrer la méchanceté humaine, car l’homme est en général méchant. C’est pour cette raison qu’Inné Marodady écrit : « Partant de l’idée selon laquelle l’homme est l’animal le plus complexe, nous constatons que dans son milieu social, il aspire toujours aux meilleures conditions pour son bien-être ». (11)
Il parle également d’un autre symbole de l’homme expéditif et puissant, l’Orque. C’est un animal aquatique, gigantesque et très vorace. Elle a le pouvoir de manger la langue et la mâchoire inferieure de la baleine, surtout des baleineaux.
Nécessité, nom féminin, (du latin nécessitas) : caractère de ce qui est nécessaire, indispensable et condition sine qua non. Si Thomas HOBBES a soutenu l’absolutisme de la force, dans sa théorie politique, d’un autre côté, Machiavel parle de la nécessité de la force ou de la violence justifiée, c’est-à-dire que la violence est justifiée, si elle est nécessaire, visant l’intérêt général. Aucun pouvoir ne saurait être exercé sans peuple; il est donc nécessaire de le protéger. Le prince ne doit pas hésiter à éliminer un terroriste qui menace de passer à l’action de meurtre, d’attentat ou de destruction, car l’action des terroristes vise à anéantir la société tout entière. Le dessein de troubler les organisations du public, la perturbation de l’ordre social, la tentative de révolte et toutes formes d’attitude déloyales nécessitent la force. Au nom de l’intérêt commun et des droits de chacun, l’Etat doit réagir suivant la loi qu’il a établie.
Nécessaire fait partie des concepts fondamentaux d’ontologie d’Aristote, sans quoi, pris comme condition, il n’est pas possible de vivre : par exemple, la respiration et la nourriture sont nécessaires à l’animal, car sa vie matérielle en a besoin, en dépend. –Le nécessaire est aussi le contraint et le forcé ; toute action imposée par la nécessité est relativement fâcheuse-. La force est également une nécessité, selon la parole de Sophocle. C’est la force qui m’oblige, dit-il, à accomplir cela.
Terme qui désigne la qualité de tout ce qui ne peut pas ne pas être. Malgré cette nécessité de la force, le Florentin la considère comme le dernier recours, d’où vient l’expression « nécessité fait loi»
Loi, nom féminin, (du latin, lex,) : prescription établie par l’autorité souveraine de l’État, applicable à tous, définissant les droits et les devoirs de chacun. La loi donne l’appui à la force. Il existe deux manières de combattre en politique : la force et les lois. Un État ne peut pas être gouverné sans lois établies.
Les législateurs font et légifèrent les lois en tant qu’autorité compétente en la matière. Les lois établies donnent force à l’ordre pour éviter la ruine de l’État, parce qu’il existe toujours des tentatives contre l’ordre, en le diffamant par l’effet de la virtù d’un citoyen. Selon son degré, elle peut entraîner de plus grandes perturbations et des troubles dans la cité.
Pour donner plus de crédibilité à la lutte perpétuelle contre les crimes tentés par certains terroristes et des ennemis, la loi joue un rôle beaucoup plus important dans la gestion du pouvoir. Cette idée va de pair avec la proposition de Montesquieu, selon laquelle : « Parce que les hommes sont méchants, la loi est obligée de les supposer meilleurs qu’ils ne sont » (12). En effet, « méchanceté » tournée vers le mal, renferme une certaine idée de force qui s’appliquerait, outre mesure, dans le cadre du pouvoir.
Les hommes gardent donc des caractères très complexes, à cause de leur attitude psychologique, l’égoïsme et l’égocentrisme, selon la constatation de Inné Marodady en affirmant que : « l’homme est l’animal le plus complexe par excellence » (13). Cela veut dire que d’une façon générale, chacun a ses représentations mentales, traduites en termes de vision allégorique et/ou vision analytique difficiles à décrypter.
État, nom masculin, étymologiquement, l’État vient du mot latin : status qui signifie le statut, désignant tout ce qui est debout, tout ce qui est établi.
C’est l’organisation sociale, politique et juridique d’un pays. La sécurité des personnes et de leurs biens, l’assurance de justice et de l’ordre public constituent des rôles de l’État. Le chef d’État doit dire qu’il faut défendre la patrie et attaquer les ennemis. La défense assure le développement du bien-être de tous, l’attaque donne plus de confiance aux troupes. Pour ce faire, les armes sont parmi les moyens importants. Les trois fonctions de l’État sont : la fonction législative, la fonction exécutive et fonction juridictionnelle, quand il y a séparation de pouvoir.
Arme, nom féminin (du latin, arma) : objet, appareil, engin servant à attaquer ou à se défendre, par nature ou par usage. Les armes sont des moyens mortels afin de protéger et conserver l’État. Tout peut être transformé en arme. Les armées sont des institutions qui détiennent les armes, par exemple, les Armées Nationales. En milieu militaire, c’est l’ensemble des hommes réunis sous un commandement militaire unique : l’armée de terre, l’armée de mer et l’armée de l’air. Sans arme, on ne peut pas se défendre. Par extrapolation, un État mal armé risque d’être facile à assiéger, et que, sur un plan de pure logique, l’efficience d’une arme dépend de sa qualité et de sa robustesse.
Armés ou armées : Machiavel désigne par ces termes la puissance militaire, il existe quatre types d’arme:
1- Armes propres : c’est l’arme qui appartient à soi-même : la grande virtù, la puissance individuelle, le courage, le désir et la fortune (la chance ou l’opportunité). C’est en quelque sorte des dispositions d’esprit que l’individu aurait pu puiser de l’emprise de la société. Ainsi, le désir d’acquérir est naturel, de même le talent exceptionnel d’éloquence, de jugement, le reflexe et la grande habileté de « bons archers » (Le Prince chapitre VI), habileté en arts martiaux.
Aussi, on dit souvent l’arme propre à la disposition d’un pays : la milice nationale. Ici, on avait la première proposition de l’institution d’une armée nationale, à une époque où seules étaient en place les troupes mercenaires.
2- Armées mercenaires : ils sont payés à prix d’argent pour exercer leurs activités néfastes; les mercenaires sont souvent dangereux pour le prince en exercice, dans la mesure où l’arme à sa disposition n’est pas suffisante et efficiente.

LA VİRTÙ EST UNE COMPOSANTE ESSENTIELLE ET DYNAMIQUE DANS LE MACHIAVÉLISME

L’étude que nous allons entreprendre sur la pratique politique humaniste doit prendre comme propédeutique la composante essentielle et dynamique dans le machiavélisme, à savoir la virtù.
La virtù est un mot italien ; nous transcrivons ce terme selon son orthographe originale, afin de garder sa valeur et le mettre en relief. En effet, Machiavel n’a pas donné une définition rigoureuse de ce concept. Il convient cependant de signaler la fréquence répétitive de ce terme à travers les différentes œuvres de Machiavel. Ce terme est donc riche de sens et mérite d’être approfondi. Qu’est-ce en effet la virtù ?
Elle constitue l’un des indices qui forge les hommes, surtout les hommes d’État, dans toutes leurs activités. Elle désigne la valeur absolue de la volonté humaine, car la volonté est la base de la première moitié de l’activité humaine, l’autre moitié étant réglée par la chance. En bref, la virtù, c’est le principe dynamique et rapide dans la conception et dans l’action.
Dans la pratique politique, le succès de l’homme d’État dépend, de prime abord, de ce principe. Il ne dépend guère des autres conditions, comme les vertus, les bontés et l’esthétique de la pensée classique.
En définitive, Machiavel ne nie pas la notion de bien, de vertu et d’esthétique, mais il les juge incapables, à eux seuls, pour permettre d’acquérir le pouvoir et administrer la cité. La virtù donne donc plus de possibilité en tant qu’élément de base pour une sérénité supérieure, associée à une assurance et dynamique doublée de lucidité de l’esprit.
Elle fait la différence entre les grands hommes et la multitude. C’est ainsi que Machiavel écrit: « Partant, il importe assez qu’un chef choisisse l’un à l’autre de ces procédés, pourvu qu’il soit homme d’assez grande virtù pour se faire un grand nom parmi les hommes. » (33)
De plus, la virtù anime l’homme d’État dans toute pratique politique, comme l’âme qui fait bouger le corps humain. L’homme d’État dépourvu de la virtù est synonyme de corps sans âme, c’est-à-dire qu’aucune force intérieure ne l’anime, il se refroidit, sans réaction devant n’importe quelle circonstance, accumulant l’échec sur échec devant tous les problèmes. L’homme animé par la virtù est par contre perspicace (clairvoyant) et courageux. La virtù facilite ainsi toute recherche de solutions aux problèmes réels des hommes, là où se trouve l’efficacité dans l’action politique. C’est dans ce sens que Sami NAÏR écrit : « La virtù est sans doute comprise ici comme force, mais aussi comme lucidité, intelligence de la situation, conscience de la supériorité qui rend l’inouï d’un champ de bataille : tranquillité dans le massacre. »(34)
En bref, la virtù est un principe actif dans les activités humaines, elle détermine diverses formes de qualités exigées dans la pratique politique. Par la suite, la question est de savoir s’il existe une dialectique engendrée par la virtù.
En effet, cette dialectique existe. C’est un produit engendré par l’alternance de deux virtùs différentes, comprises comme des conflits ou crises politiques. Il s’agit de mouvement cyclique, une lutte des contraires entre l’ordre et le désordre dans la société. Elle se manifeste par l’affrontement entre deux forces antagonistes, deux consciences de supériorités antagonistes ou prétendantes en conflit pour conquérir le pouvoir politique. C’est l’âme de la guerre avec ses fléaux. Mais, après tout combat, ce sera le calme. C’est dans ce sens que Vladimir Grigorieff écrit :
« En effet, si en ayant utilisé la bombe, qui a fait plus ou moins trois cent victimes, on a mis fin à une guerre qui, continuée avec des armes conventionnelles, aurait coûté davantage de victimes, alors qu’on a bien fait d’y recourir. »(35)
C’est ainsi que de l’ordre, on passe au désordre, et du désordre à l’ordre, symbole de l’alternance de différents régimes politiques qui se succèdent et se combattent. Abondant dans ce sens, Machiavel déclare : « La virtù engendre le repos, le repos l’oisiveté, l’oisiveté le désordre, et le désordre la ruine des Etats ; puis bientôt, du sein de leur ruine, renaît l’ordre, de l’ordre la virtù, et de la virtù la gloire et la prospérité. »(36)
C’est ainsi que la virtù constitue le premier indice pour la fondation et la perte d’un État. Mais à cet indice principal s’ajoute un autre indice, non moins important, la fortuna.
La fortune ou la fortuna est définie comme une opportunité, une mauvaise ou une bonne chance, une bonne ou une mauvaise occasion. L’homme opportuniste en politique, c’est-à-dire celui qui est capable de prendre des mesures adéquates, adaptées aux circonstances, ne peut qu’être pragmatique. On accède à ce pragmatisme soit à la faveur que les autres vous accordent, soit par talent. C’est le moment du choix qui est ici important : favorable ou non. Dans la perspective de Machiavel, la perspicacité du prince ne peut qu’être positive. D’où cette réflexion de Paul JAGOT : « Choisissez des jours où vous ayez votre maximum de lucidité d’esprit, d’énergie, d’assurance et d’imperturbabilité » (37). Cette attitude fournit le maximum d’efficacité réalisatrice dans la pratique politique.
Quant au rapport de la virtù avec la fortune, il est indispensable de comprendre que l’évolution de l’être humain est généralement guidée par différents concepts. Ces derniers sont la « fortuna »et la
« virtù ». Ici apparaît un couple de concepts qui permet d’analyser l’action humaine, dans le cas d’une circonstance heureuse ou défavorable. L’homme utilise sa virtù comme modèle, pour la mise en forme de la matière qui lui est donnée. L’homme ne maîtrise pas la fortune, mais ce dernier peut exploiter les différentes circonstances, par le talent et le génie.
Le talent du Prince ou d’un chef traduit le caractère intrinsèque qui prend fondamentalement le sens du concept de virtù. Il indique le chemin de la sagesse, pratique nécessaire pour un chef d’État. Cela exige trois éléments essentiels : les diverses visions de l’homme face au monde : vision sociologique, scientifique et philosophique, l’explication de l’être ou l’intelligibilité de la chose, par rapport au paraître et la personnalité. Cette dernière est observable, car chacun a son propre dynamisme qui le définit naturellement. Ce principe dynamique n’est rien d’autre que le talent exceptionnel. Dans l’idée du talent exceptionnel, il y a l’idée de la virtù. Cette vue est bien soulignée par Jean Claude Filloux, dans son analyse de la personnalité et du comportement de l’enfant Œdipien. En effet, ce dernier écrit: « L’organisme ayant une tendance fondamentale à persévérer dans son être qui le définit comme énergie interne. […], que l’enfant Œdipien soit exagérément fixé à son père, il pourra plus tard, s’identifier à sa classe, en transférant sur le nouvel objet, tout le corps d’attitudes lié au premier. »(38)
Le talent ou vision anticipatrice permet à un dirigeant de maintenir un climat d’équilibre, de tranquillité, de mesure et de confiance en soi. C’est ainsi que le Prince peut assurer pleinement ses fonctions régaliennes : protection des biens et des personnes, maîtrises des affaires militaires, défense de la patrie face à des éventuelles attaques perpétrées par des ennemis ou des barbares.
En principe, plus le chef d’État possède du talent, plus sa maîtrise des circonstances est assurée, et il est mieux préparé pour les affronter ; moins il en possède, plus il se trouve à la merci des circonstances. Le talent forme les grands hommes dont les illustres figures émaillent l’Histoire de l’humanité, et c’est par la force intérieure qui les anime. Cette force propre donne l’efficacité politique pour réaliser des actions énergiques et dynamiques. Cette énergie se manifeste par la sérénité supérieure, associée à une assurance dynamique, doublée de lucidité d’esprit. Dans cette perspective, James Burnham écrit : « Le gouvernant-type est généralement fort, fort martialement. »(39)
De plus, la prudence est la droite règle pour tout ce qu’on peut faire ; même en temps de paix, la « guerre » est permanente. Dans l’ordre des choses, les humains ne peuvent échapper au mal, mais il faudrait choisir le moindre mal, pour éviter le mal tout entier. Ce qui revient à dire que Machiavel conseille aussi au Prince d’utiliser son talent et d’être prudent, ce qui sous-entend, en cas de conflit, la possibilité pour le Prince d’aboutir à un compromis raisonnable.
Jusqu’ici, nous avons focalisé notre analyse sur la compréhension de la composante essentielle et dynamique de la personnalité du Prince, à savoir la virtù, liée à sa complice, la fortune, et en rapport avec le talent. Suite à ce qui précède, nous allons maintenant observer l’attitude de l’homme face aux deux visages alternatifs de la fortune, à savoir la bonne ou la mauvaise fortune. Comme nous l’avons déjà signalé plus haut, la virtù fournit à l’homme le dynamisme, dans la conception, et la rapidité dans l’action. C’est par ce biais que la virtù soutient la vision anticipatrice du Prince, tout en impliquant qu’il est conscient de sa supériorité.
Cette conscience inhérente à toute individualité et qui se manifeste de façon évidente ou non, s’observe à travers le cas isolé des comportements de chaque être humain. Ainsi, la virtù d’éloquence se manifeste par l’art de discourir ou la rhétorique. La virtù de jugement se présente dans les procédés adoptés pour trouver la vérité certaine, et pour éviter l’erreur ou les aberrations. La virtù militaire peut être imaginée à partir de la volonté d’attaque contre les ennemis et du système d’armure (l’armée de terre, l’armée de mer et l’armée de l’air) dans la fureur maîtrisée, et sortir de l’impasse. Le courage qui attaque est supérieur au courage qui se défend, car il donne plus de confiance aux troupes.
Sur la même tracée, la virtù d’Orque (40) désigne le symbole d’un homme expéditif, fort et dynamique, dans la conception et rapide dans l’action. L’Orque est un animal gigantesque aquatique, très vorace et synonyme d’épaulard. Elle a le pouvoir de manger la langue et les mâchoires inferieures de la baleine et surtout des baleineaux. C’est l’image d’un homme d’État dynamique, imperturbable, équilibré et apte pour la gestion et l’administration de la cité. Il faut signaler ici que si la manière expéditive est parfois nécessaire, elle n’est pas toujours opportune. Dans ce cas, comment garder toute forme d’équilibre devant chaque disfonctionnement, et prendre des décisions dynamiques, associées à l’efficience des moyens concrets existants ?
Pour le bon déroulement de nos affaires, il suffit de trouver les techniques efficaces, en vue de transformer les obstacles en moyens. En effet, l’existence de ces derniers constitue, pour nous des sources potentielles de déboires. C’est ici que la volonté joue un rôle déterminant. Par sa volonté, en effet, l’homme ne se laisse pas écraser par la force des choses. Par la puissance de notre action, nous devons analyser les forces qui tentent de nous asservir, pour ainsi les amener à nous servir. La résolution approximative et/ou intégrale des problèmes réels et l’amélioration des conditions de vie des citoyens dépendent de cette démarche. Mais sur ce point, Machiavel a précisé, dans Le Prince chapitre XVIII que : « Ne pas quitter le bien quand il faut, mais savoir entrer dans le mal, quand cela est nécessaire » (41)
Une fois identifiée, la virtù constitue une composante essentielle et dynamique dans le machiavélisme. À ce niveau, une question cruciale et capitale se pose : le machiavélisme pourrait-il déboucher sur la pratique d’une politique humaniste ? Cette section constituera la toile de fond de la troisième et dernière partie de ce mémoire.

COMMENT LE MACHIAVÉLISME PEUT-IL PRENDRE UN SENS HUMANISTE ?

L’humanisme est une position philosophique qui fait prévaloir l’homme et sa valeur. La réponse pour Machiavel est claire, parce que la pratique politique doit s’intéresser à la vérité effective de la chose dans la cité, en traitant l’homme dans sa vérité existentielle. Les idées proviennent, dès le début, de la réflexion sur l’idée de l’État, en se référant à saint Augustin concernant la « cité de Dieu ». Cette référence à la « cité céleste » fait implicitement appel, et par analogie, à la « cité terrestre », sous-entendant en même temps, de nouveau, l’autonomie politique et l’autonomie de la volonté humaine, face à la volonté et à la toute-puissance divine. L’objectif est ici de créer une institution purement humaniste.
L’humanisme de la pratique politique est très collé au réel et place l’homme au centre de tout, en le situant entre les biens du soleil {le symbole de vénération des êtres ou d’un Être surnaturel(s)} et la flore et la faune de la Terre (42) (la devise de la satisfaction de la corporéité). Ce système respecte l’homme concret et considère que toute activité humaine est une valeur suprême. Cela implique que chaque être humain a sa petite part d’action, et il est capable de produire, c’est-à-dire c’est un être virtuellement créateur, habile et pensant. La formule-clé stipule que l’homme est un être agissant dans son existence réelle. En fait, nous pensons à ce que les gens font exactement, dans leur individualité ou leur particularité, dans ce monde où nous vivons, jusqu’à leur supériorité générale, dotée de multiples accès et de dimensions universellement humaines. En effet, toute action politique doit faire preuve de respect de l’être de l’homme et des valeurs humaines. Or, respecter l’être de l’homme concret ou palpable, c’est également respecter l’indépendance de l’homme. Pour cette même raison, comment gouverner humainement l’homme ?
L’esprit d’examen fait partie de la méthode rigoureuse en philosophie, car selon le philosophe allemand Karl Jaspers, les questions sont plus importantes que les réponses. Pour respecter l’indépendance de l’être de l’homme concret et afin de mieux distinguer l’accessoire et l’intelligibilité de la chose, dans la vie réelle, les questions posées sont les suivantes :
Quels sont les points positifs des activités individuelles des gens c’est-à-dire leurs bonnes œuvres?
À quel degré du mal correspondent leurs attitudes et agissements?
Quels sont exactement les actes irrationnels et inhumains que chacun aurait commis ?
L’humanisme de la pratique politique prévoit, comme finalité, la maîtrise, par le prince, de la mouvance quasi permanente de la fortune, afin de mieux gérer et mieux organiser la cité. C’est ainsi que ce dernier pourra entretenir un rapport social plus harmonieux avec son peuple, maintenir la stabilité de son royaume ; ce qui lui permettra de pratiquer une politique de fermeté ou de sang-froid et d’efficacité à la place d’une politique des forteresses et de la violence.
Il convient cependant de souligner que l’idée politique de Machiavel n’est pas une ex nihilo : n’est pas une idée sortie du néant et deus ex machina : une idée qui tomba du ciel. En effet, toute pensée est fille de son temps, voire des temps antérieurs. C’est par ce biais que Machiavel, nourri de culture antique et médiévale, nanti par la riche moisson culturelle, artistique et scientifique de la Renaissance, va devenir,- en puisant chez ses devanciers et en observant attentivement les problèmes de son époque-, va devenir le véritable fondateur de la science politique moderne, rivée sur le réel et l’existence : une véritable révolution, un tournant décisif dans l’Histoire de la pensée politique de l’Occident -Avec comme prolongement logique, l’utilisation de nouveaux concepts ( prince, fortune, talent et virtù), et surtout l’avènement d’un nouvel humanisme de la pratique politique.

VUE D’ENSEMBLE SUR LE TOURNANT DÉCISIF DANS LE PARCOURS DE L’HISTOIRE

Comme nous l’avons écrit plus haut, toute pensée est fille de son temps ; la pensée politique de Machiavel n’échappe pas à cette règle. La prise en compte de ce paramètre rend impérative la connaissance de l’Histoire de l’humanité, notamment de son histoire politique, car toute pensée (philosophique ou politique) présente toujours des relations originales avec des événements historiques. La connaissance de ces connexions des faits avec l’Histoire constitue l’une des exigences de la science politique moderne. À titre d’illustration, voici des tableaux synoptiques de l’Histoire, aux cours des siècles passés.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
Première partie : LA VİRTÙ DANS LE MACHIAVÉLISME IMPLIQUANT LA PRATIQUE POLITIQUE DE SENS HUMANISTE
Chapitre 1 : LA PRATIQUE POLITIQUE BASÉE SUR L’AMBITION MAL PLACÉE
I.1.1 : Les élites ferventes de la terreur
I.1.2 : Les dictateurs et leurs agissements
I.1.3 : Le machiavélisme comme origine du banditisme politique
I.1.4 : Le totalitarisme
Chapitre 2 : LA VİRTÙ EST UNE COMPOSANTE ESSENTIELLE ET DYNAMIQUEDANS LE MACHIAVÉLISME
I.2.1 : Définition de la virtù
I.2.2 : La dialectique engendrée par la virtù
I.2.3 : La fortuna
I.2.4 : La virtù, le talent ou la vision anticipatrice et sa manifestation
Chapitre 3 : COMMENT LE MACHIAVÉLISME PEUT-IL PRENDRE UN SENSHUMANISTE ?
I.3.1 : Qu’est-ce que l’humanisme ?
I.3.2 : Qu’entend- on par humanisme de la pratique politique ?5
I.3.3 : Les jugements sur les activités individuelles
I.3.4 : Vue d’ensemble sur le tournant décisif dans le parcours de l’histoire
I.3.4.1- Périodes historiques
I.3.4.2- Les faits marquants
Deuxième partie : HUMANISME DE LA PRATIQUE POLITIQUE
Chapitre 1 : RECONNAISSANCE DE L’HOMME COMME VALEUR SUPRÊME
II.1.1 : L’homme concret et l’esprit progressiste
II.1.2 : L’action humaine et la vérité concrète
II.1.3 : L’homme à l’égard des autres hommes
II.1.4 : L’humanisme de la pratique politique et le principe de l’O.N.U (cf. : Traité de Versailles en 1919)
Chapitre 2 : LES CONDITIONS DE L’HUMANISME DE LAPRATIQUE POLITIQUE
II.2.1 : Les expériences, le vécu et la lucidité de l’esprit comme sources de l’imperturbabilité et l’énergie d’assurance
II.2.2 : La considération de la volonté humaine et ses activités
II.2.3 : La pratique politique sans cruauté à l’extrême
II.2.4 : Le portrait de l’homme d’État humaniste et l’homme dans l’univers
Troisième partie : LE CHEMIN D’UNE SAGESSE PRATIQUE POUR UN CHEF D’ÉTAT HUMANISTE ou UN SOCIO- ORGANISATEUR
Chapitre 1 : VIATIQUE MINIMUM POUR BIEN GOUVERNER
III.1.1 : Les conditions d’animation et d’agir avec compétence et scientifiquement en politique
III.1.2 : L’observation de certaines réalités vécues par les hommes6
III.1.3: Résolutions partielles ou totales des problèmes réels des citoyens
III.1.4: Transformation de la nature par l’action pour les besoins fondamentaux de l’homme
Chapitre 2 : LES CHOIX DE QUELQUES MOYENS EFFICIENTS ET LES QUALITÉS NÉCESSAIRES
III.2.1 : Le paraître et l’art de la séduction
III.2.2 : Caresser le peuple et s’aligner au grand nombre
III.2.3 : Les désirs du grand nombre et le recours à la religion
III.2.4 : Le talent du fondateur : être rassembleur et être stratège en chef
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE :

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *