Approche microscopique de la dynamique nucléaire

Les expériences de Geiger et Mardsen [Gei09] de diffusion de particules α sur différentes feuilles métalliques furent à l’origine de la mise en évidence d’un noyau dense chargé positivement au cœur de l’atome par Rutherford [Rut11]. Il fallut cependant attendre 1932 et la découverte du neutron par Chadwick [Cha32] pour jeter les bases actuelles de la structure du noyau, formé de neutrons et de protons. Les recherches qui s’ensuivent poussent à modéliser le noyau comme un fluide constitué de nucléons confinés par l’interaction forte dans un volume fini de l’espace : le modèle de la goutte liquide [Wei35], qui offrait une bonne description des masses des atomes connus alors. Ce modèle permettait aussi d’expliquer le phénomène de la fission des noyaux lourds [Mei39], interprétée alors comme le mouvement collectif des nucléons au sein du noyau causé par la répulsion Coulombienne entre protons et aboutissant à la scission.

Approche microscopique de la dynamique nucléaire

Les noyaux atomiques sont des systèmes auto-organisés à nombre fini de constituants. Leur aptitude à s’exciter et se désexciter de diverses façons, ainsi que la complexité des réactions nucléaires sont autant de manifestations de leur nature quantique et composite. Il est donc nécessaire autant que faire se peut de les modéliser par des approches microscopiques. Cependant, la résolution du problème à N corps quantique est très complexe à mettre en œuvre, et nécessite, en l’absence de simplifications découlant de principes premiers, d’avoir recours à des approximations ou à des approches phénoménologiques. énoncer le formalisme de la densité fonctionnelle d’énergie dépendante du temps (TDEDF) qui nous permettra de modéliser la dynamique nucléaire. S’inspirant à la fois du formalisme de champ moyen [Har28, Foc30, Dir30] et de la théorie de la fonctionnelle de la densité [Hoh64, Koh65, Run84], les méthodes basées sur la densité fonctionnelle d’énergie sont, en physique nucléaire, sujettes à d’intenses recherches afin de faire le lien entre des principes premiers de la mécanique quantique et leurs applications effectives. Bien que la formulation actuelle de ces méthodes relève de la phénoménologie, leurs succès les rendent extrêmement attrayantes. Nous allons en énoncer les ingrédients.

L’approche TDEDF est quantique et microscopique, c’est à dire que les degrés de liberté considérés sont les degrés de liberté nucléoniques du noyau, traités comme des particules quantiques sans structure interne. Un tel traitement est nécessaire à la reproduction de la structure en couche des noyaux [May48, May49]. L’approche TDEDF permet aussi de tenir compte des aspects de déformation et d’appariement, qui sont importants pour la reproduction des caractéristiques rotationnelles, vibrationnelles et superfluides des noyaux [Boh75, Rin80]. Initialement développé en lien avec des fonctionnelles de Skyrme [Sky56, Vau72] puis de Gogny [Dec80], ce formalisme est aujourd’hui identifié comme étant le modèle théorique le plus général pour reproduire les propriétés de structure des noyaux en physique nucléaire de basse énergie. En effet, son application est possible sur une grande partie des systèmes nucléaires, permettant la description des noyaux mi-lourds jusqu’aux noyaux superlourds en passant par les étoiles à neutrons, avec un jeu de paramètres restreint et identique quelque soit le système étudié [Ben03, Hil07]. Il est enfin applicable à l’étude des réactions de basse énergie, où la nature quantique des nucléons est dominante [Neg82, Bon00]. En effet, les récents progrès des unités de calculs ont permis des applications réalistes aux réactions de fusion [Kim97, Uma05, Uma06, Uma08, Sim08a, Was08], en négligeant cependant les effets d’appariement nucléaire. La prise en compte de ces effets de manière réaliste commence seulement à être possible pour l’étude des vibrations nucléaires [Has07, Ave08].

C’est ce formalisme TDEDF incluant l’appariement nucléaire (dynamique nucléaire superfluide) que l’on se propose d’introduire dans ce chapitre. Afin de mettre en exergue la philosophie de ce formalisme, on décrira d’abord ses principes. Le formalisme lui-même sera ensuite exposé, avant d’aborder sa mise en œuvre pratique du point de vue de la fonctionnelle utilisée et de l’implémentation numérique. On étudiera également la limite d’appariement nul (dynamique « normale ») de son implémentation afin de traiter les collisions nucléaires.

Problématique et philosophie de l’approche

Approche historique : champ moyen et au delà 

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les approches variationnelles ont été à l’origine des développements des théories de champ moyen (voir [Rin80, Bla86]). Ces théories reposent sur une approximation de la fonction d’onde à N corps du noyau par des états de particules indépendantes, et aboutit aux formalismes Hartree-Fock (HF) et Hartree-Fock dépendant du temps (TDHF). Tout en restant à ce niveau d’approximation, le principe variationnel nous permet d’autoriser le système à briser les symétries du Hamiltonien initial afin d’obtenir une meilleure approximation de l’énergie de l’état fondamental du système. Cela permet ainsi d’inclure des corrélations collectives dites « statiques » induites par le Hamiltonien à plusieurs corps en restant dans un formalisme très simple à appliquer [Rin80]. Cela consiste, par exemple, à autoriser la brisure de l’invariance par rotation afin de prendre en compte des corrélations multipolaires, ou alors à utiliser le formalisme Hartree-Fock-Bogoliubov permettant de traiter des systèmes appariés via la brisure de la symétrie de jauge associée au nombre de particules. La possibilité de restaurer ces symétries en superposant des états dont la phase de la symétrie brisée diffère permet dans un second temps de travailler avec une fonction d’onde ayant les bons nombres quantiques attendus (méthodes de projection). Plus généralement, l’incorporation de fluctuations de l’amplitude de la symétrie brisée par l’intermédiaire de superpositions d’états (qu’on appelle configurations) permet également dans une seconde procédure variationnelle de prendre en compte des corrélations collectives « dynamiques ». C’est l’essence de la méthode des coordonnées génératrices [Hil53, Rin80], qui est une des méthodes dites « au delà du champ moyen ». Cette approche à deux niveaux (champ moyen puis au-delà), constitue l’approche historique du formalisme de la densité fonctionnelle d’énergie.

Problématique en physique nucléaire 

Cependant, en physique nucléaire, l’interaction nucléon-nucléon nue est complexe, en particulier du fait de la nature composite des neutrons et des protons. Par exemple, certains termes de l’interaction nucléon-nucléon contiennent une répulsion forte à courte portée (appelée traditionnellement le « cœur dur » de la force). Cela rend aussi nécessaire l’inclusion de termes à trois corps, voire plus, de l’interaction entre nucléons, qui constitue un véritable défi pour la description du noyau. Les caractéristiques des interactions entre nucléons s’adaptent, de fait, difficilement à un traitement en champ moyen. Des méthodes ont alors été développées, comme les méthodes de Brueckner-Hartree-Fock [Bru55, Bet56] (BHF) ou les méthodes d’opérateur corrélateur unitaire [Fel98, Nef03] (UCOM), afin de traiter les corrélations répulsives à courte portée de l’interaction nucléon nucléon. On peut aussi citer la méthode du groupe de renormalisation (aboutissant aux interactions « douces » Vlow−k [Bog03]), qui permettent de s’affranchir du cœur répulsif de l’interaction. Cependant, ces méthodes permettent difficilement des applications réalistes à grande échelle, en particulier de la description de la dynamique des noyaux.

Philosophie de l’approche fonctionnelle 

L’approche que nous allons aborder se détache strictement de ce type de formulation Hamiltonienne. Elle est fondée sur une approche fonctionnelle de l’énergie. Cette approche a été historiquement appréhendée par un formalisme de champ moyen utilisant des interactions effectives [Sky56, Dec80], où une partie des corrélations, notamment les corrélations à courte portée, sont incorporées lors de l’ajustement pour permettre une approche en champ moyen.

Récemment, une reformulation de ce formalisme a vu le jour partant d’une approche fonctionnelle d’énergie plutôt que d’une interaction effective. Cette reformulation reflète des analogies importantes avec la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT). Cette dernière, méthode ab initio découlant de principes premiers [Hoh64, Koh65, Run84, vL99], est utilisée de manière extensive en matière condensée et chimie théorique pour la résolution de problèmes de structure électronique, ainsi que son extension dépendante du temps (TDDFT) pour les études d’excitations et de transport électroniques. Elle permet, en principe, le calcul exact des densités locales à un corps de ces systèmes par l’intermédiaire de fonctions d’onde de particules indépendantes évoluant dans des potentiels à un corps autocohérents, dérivés à partir d’une fonctionnelle d’énergie. Le lien existant entre le formalisme (TD)EDF que nous allons exposer et la théorie (TD)DFT n’est qu’une analogie [Eng07]. Des recherches intenses ont lieu afin de trouver un possible lien formel entre ces méthodes permettant de garder les spécificités des systèmes nucléaires [Lac09, Ben09, Dug09]. Tout d’abord, les noyaux sont auto liés, contrairement aux systèmes électroniques qui sont plongés dans le potentiel coulombien des noyaux, et où la résolution du problème à N corps électronique intervient comme un raffinement -certes nécessaire- du modèle  . De plus, il est tentant de conserver la possibilité d’exploiter au maximum le concept de brisure de symétrie  (et possible restauration, non abordée dans ce manuscrit), nécessaire à la description de l’appariement, des déformations, et d’un apport énorme dans la compréhension des variables collectives à l’œuvre dans les études de la structure et de la dynamique nucléaire.

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Table des matières

Introduction
I Formalisme
1 Approche microscopique de la dynamique nucléaire
1.1 Introduction
1.2 Stratégie de l’approche
1.2.1 Approche variationnelle de la mécanique quantique
1.2.2 Problématique et philosophie de l’approche
1.3 Formalisme de la densité fonctionnelle d’énergie dépendant du temps
1.3.1 Modélisation de la dynamique nucléaire
1.3.2 Equations Hartree-Fock-Bogoliubov
1.3.3 Equation Hartree-Fock-Bogoliubov dépendante du temps
1.3.4 Constantes du mouvement
1.3.5 Limite d’appariement nul (équations TDHF)
1.4 Fonctionnelle d’énergie de Skyrme
1.4.1 Densités et courants (quasi-)locaux
1.4.2 Fonctionnelle d’énergie totale
1.5 Implémentation de la dynamique nucléaire
1.5.1 Dynamique superfluide en symétrie sphérique
1.5.2 Dynamique normale pour les collisions nucléaires
II Excitations collectives dans les noyaux
2 Structure et décroissance de la résonance géante monopolaire
2.1 Introduction : les résonances géantes
2.2 Approche théorique des décroissances de résonances géantes
2.2.1 Modèle simple
2.2.2 Approche TDEDF
2.3 Décroissance directe des résonances géantes monopolaires
2.3.1 Décroissance et structure des résonances géantes
2.3.2 Méthode d’investigation : exemples du 40Ca et du 208Pb
2.3.3 Résultats sur quelques noyaux à (sous-)couche fermée
2.4 Conclusions
3 Les vibrations d’appariement
3.1 Introduction
3.2 Approche théorique
3.2.1 Réponse linéaire et transfert de paires
3.2.2 Approche TDEDF
3.3 Vibrations d’appariement dans le formalisme TDHFB
3.3.1 Considérations numériques
3.3.2 Méthode d’analyse
3.4 Vibrations d’appariement dans les isotopes de Calcium
3.4.1 Distributions de force pour les isotopes de Calcium
3.4.2 Vibrations d’appariement de basse énergie
3.4.3 Candidats aux vibrations géantes d’appariement
3.4.4 Discussions
3.5 Exploration sur la table de masse
3.5.1 Localisation de l’appariement et distribution de force
3.5.2 Influence de la fonctionnelle de Skyrme : Cas du 208Pb
3.6 Conclusion
III Fusion d’ions lourds par voie symétrique
4 Fusion d’ions lourds presque symétriques
4.1 Introduction
4.2 Etude des mécanismes de la fusion avec TDHF
4.2.1 La fusion avec TDHF
4.2.2 Fusion de systèmes lourds presque symétriques avec TDHF
4.3 Approche expérimentale
4.3.1 Tenants et aboutissants
4.3.2 Méthode d’identification
4.3.3 Dispositif expérimental
4.3.4 Montage électronique
4.3.5 Calibrations du système de détection
4.4 Analyse
4.4.1 Détails expérimentaux
4.4.2 Reconstruction des évènements
4.4.3 Analyse statistique des corrélations
4.4.4 Section efficace de fusion-évaporation
4.5 Conclusion
Conclusion
Annexes

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