CARDIOPATHIE CONGENITALE CHEZ LES FEMMES GESTANTES

Anatomie du système cardiovasculaire

                  Le système cardiovasculaire est composé du cœur, des vaisseaux sanguins et du système lymphatique. Le cœur est situé dans le thorax, au niveau du médiastin antérieur, entre le sternum en avant et la colonne vertébrale en arrière. Il sert de pompe rythmique et automatique. Il bat environ 100 000 fois et chasse 7 200 litres de sang par jour. A chaque contraction cardiaque (systole), le sang part des ventricules droite et gauche à travers leur orifice respectif pulmonaire et aortique pour arriver au niveau des poumons et des différents organes de l’organisme. A chaque relâchement (diastole), les valves tricuspide à droite et mitral à gauche s’ouvrent et laissent passer le sang de l’oreillette vers le ventricule [15]. Il est formé de 4 cavités cardiaques : 2 oreillettes au niveau supérieur et 2 ventricules au niveau inférieur (voir figure 1). Il existe des communications entre ces 4 cavités cardiaques. Les communications atrio-ventriculaires sont assurées par la valve tricuspide et la valve mitrale qui sont constituées d’anneau, de valves, de piliers et de cordages. La valve mitrale mesure 3,7 à 4 cm2 à l’extrémité des feuillets, la valve tricuspide fait 10 à 12 cm2. Les communications entre les ventricules et les gros vaisseaux sont assurées par l’orifice aortique qui est de 3,14 cm2 et l’orifice pulmonaire de 4,5 cm2 [15].

Les étiologies des cardiopathies congénitales

                La littérature rapporte la participation de deux grands groupes de facteurs : les facteurs génétiques (10%) et les embryofœtopathies ou facteurs environnementaux (5%). Dans 85% des cas, la cause est donc imprécise [1]. Parmi les facteurs génétiques nous noterons :
– les aberrations chromosomiques (les trisomies 13, 18 et 21, la microdélétion du chromosome 22) ;
– les pathologies syndromiques (Turner, klinefelter) et
– les affections génétiques à transmission héréditaire (Marfan, Ehler-Danlos, pseudo xanthome élastique).
Parmi les embryofœtopathies (causes exogènes), nous pouvons citer :
– des causes infectieuses (rubéole maternelle, hépatite, coxsackie B) ;
– des maladies systémiques (diabète, lupus érythémateux disséminé) ;
– des causes toxiques et médicamenteuses (isotretinoine, thalidomide, anticonvulsivant et tranquillisant, éthylisme maternel) et
– une anoxie chronique [1].

Les cardiopathies cyanogènes

               Le passage de sang désoxygéné dans l’aorte, c’est à dire un shunt droite-gauche explique la survenue d’une cyanose. Les cardiopathies cyanogènes sont à haut risque de morbidité matérno-fœtale quand la cyanose est persistante. Cette morbidité maternelle est de l’ordre de 30% et est constituée principalement de décompensation cardiaque, d’accident vasculaire cérébral, d’embolie pulmonaire et de troubles du rythme. En outre, le pronostic fœtal est péjoratif avec seulement 43% de naissances vivantes. Il existe plusieurs variétés de cardiopathies à shunt : la tétralogie et la trilogie de Fallot, le syndrome d’Eisenmenger, l’atrésie tricuspidienne, la maladie d’Ebstein avec défaut septal, le ventricule unique, la transposition des gros vaisseaux, le tronc artériel commun, l’anévrisme arterio-veineux pulmonaire [11, 18]. La tétralogie de Fallot (figure 6) est la plus fréquente de ces anomalies. Dénommée dans l’ancien temps par « maladie bleue », elle est caractérisée par l’association de 4 critères :
– une sténose pulmonaire infundibulaire ;
– une communication interventriculaire peri-membraneuse haute sous-aortique ;
– une dextroposition aortique chevauchant le septum interventriculaire et
– une hypertrophie du ventricule droit [20].
La cyanose survient généralement le matin suite à des facteurs déclenchant qui sont les pleurs, la douleur, la peur, l’effort, la fièvre ou des traitements contre-indiqués (diurétique, digoxine, inotrope positif, atropine). Chez l’enfant, il apparait en deux phases d’abord hypertonique avec agitation puis la phase hypotonique avec diminution de la vigilance, tachycardie, polypnée et disparition du souffle cardiaque. Le risque létal est élevé. Si la pathologie n’est pas réparée, la chirurgie est recommandée avant la conception [21].

Les changements hémodynamiques

                  Les modifications hémodynamiques tournent autour de la variation du volume sanguin, du débit cardiaque, de la fonction d’éjection ventriculaire et de la consommation en oxygène qui s’observent dès le premier mois de grossesse et ne disparaissent que tardivement dans le post partum . Elles peuvent changer d’allure et d’intensité en fonction de l’âge de la grossesse. Ce sont : la dyspnée, la lipothymie, l’œdème ou la turgescence jugulaire, un dédoublement des bruits du cœur ou un souffle secondaire à l’hyperdynamisme cardiaque. Elles peuvent simuler une grossesse normale. Il conviendra alors de faire une échographie cardiaque qui évaluera l’existence ou non d’une cardiopathie. Les premier et second trimestres de la gestation sont principalement marqués par une baisse de la résistance vasculaire périphérique, l’activation du système rénine angiotensine aldostérone avec une légère diminution de la concentration du facteur natriurétique et une élévation du volume sanguin. La hausse du volume d’éjection ventriculaire et de la fréquence cardiaque qui accompagnent la chute de la résistance vasculaire périphérique, entrainent une importante élévation du débit cardiaque jusqu’à 50% de sa valeur avant la grossesse. Tous ces phénomènes ainsi que la rétention hydrosodée qu’ils entrainent vont contribuer à une importante élévation de la volémie d’où un surplus de travail pour le cœur. Lors du troisième trimestre de la gestation, l’augmentation du débit cardiaque sera maximale à la 25ème semaine d’aménorrhée et le volume sanguin augmente encore plus pour arriver à un plateau de 140 à 150% de sa quantité avant cette grossesse. Il y a également une croissance rapide de la taille du fœtus ainsi qu’une importante dilatation de l’utérus. Le tout va contribuer à la compression de la veine cave inferieur et donc à la chute du retour veineux et par là-même du débit cardiaque. Cette compression sera exagérée par la position en décubitus dorsal. Aussi, un simple changement de position en décubitus latéral gauche aidera à lever la compression permettant ainsi d’augmenter le volume d’éjection systolique de 25 à 30% ainsi que du débit cardiaque [10, 26, 27]. Au cours du travail, il y a une augmentation du débit cardiaque à cause des contractions utérines qui font revenir environ 300 à 500ml de sang dans la circulation maternelle. Un accouchement par voie basse assisté par l’utilisation de péridurale, de forceps ou de ventouses attenue ces modifications. Par contre, la césarienne qui élimine le stress hémodynamique au cours du travail peut s’associer à une grosse perte sanguine et d’importantes variations du volume sanguin [27]. Immédiatement après la délivrance, la vasoconstriction splanchnique fait passer 500ml de sang du lit utero-placentaire dans la circulation maternelle. Ce phénomène d’autotransfusion s’accompagne d’une levée de compression de la veine cave qui va accroitre la pression veineuse centrale, la pré-charge ventriculaire ainsi que le débit cardiaque. [27]. La diurèse et la natriurèse se feront dans les 48h après accouchement tandis que le retour du volume sanguin, des résistances vasculaires périphériques et du débit cardiaque à leur valeur antérieur avant la grossesse ne se verront que dans les 4 à 12 semaines post partum [27].

Discussion par rapport aux types de la cardiopathie et leurs incidences

                       D’après la littérature, les 4 cardiopathies (tétralogie de Fallot, CIA, CIV, PCA) figurent parmi les pathologies les plus fréquentes de l’âge adulte avec une prévalence globale de 2,8 à 4,09/1000 [2, 4]. La fréquence de la cardiopathie congénitale est de 1% des naissances vivantes et dont 30 à 40% sont de formes sévères [17]. Tous les types de cardiopathies congénitales peuvent se voir à l’âge adulte mais les plus prédominantes sont la persistance du canal artériel (10 à 15%), la communication inter auriculaire (40%), la communication inter ventriculaire (10%) et la tétralogie de Fallot (10%) [9]. Ce qui est retrouvé dans notre étude, car nous avons trouvé 2 cas de cardiopathies mixtes: tétralogie de Fallot associée à une CIA et 1 cas de CIV associée à une PCA ainsi que 8 cas de malformations isolées: 3 cas de CIA isolée, 5 cas de PCA isolée dont un cas compliqué d’insuffisance tricuspidienne et mitrale minime. Par ailleurs, il a été prouvé et expliqué physio pathologiquement que les parturientes porteuses de cardiopathies à shunt gauche–droite tolèrent mieux une grossesse [11]. C’est pourquoi dans notre étude, nous avons pu recenser 9/10 cas de cardiopathies à shunt gauche droite contre un cas de cardiopathie à shunt droite-gauche représenté ici par la tétralogie de Fallot qui a été réparée chirurgicalement. Nous pensons que les autres pathologies qui ont un risque élevé et qui n’ont pas toujours la possibilité d’être réparée se font rares chez nous. A Fès, la malformation cardiaque est retrouvée dans 3,84 % des grossesses présentant une cardiopathie [29]. A Madagascar, l’incidence de la cardiopathie congénitale est de 3.600 pour 720.000 naissances, la prévalence est de 5 pour 1.000 naissances [13]. A l’HUGOB entre février 2007 et juin 2008, on a recensé 2 parturientes sur 1.000 porteuses de cardiopathies (acquise et congénitale confondue) [14]. Dans notre étude, nous avons recensé 10 cas de cardiopathies congénitales sur une période de 7 ans pour 56.320 accouchements soit une incidence de 0,12 pour 1.000 accouchements. Ce taux relativement très bas reflète l’absence de données épidémiologiques nationales, l’insuffisance de prise en charge, l’incapacité à faire le diagnostic dans les centres reculés de l’île. Cela justifie l’un de nos objectifs à atteindre dans ce travail. A ce stade, nous suggérons :
– un dépistage précoce en renforçant la capacité technique de nos agents exerçant dans toutes les formations sanitaires à faire le diagnostic de cette malformation, et à référer les cas détectés et
– d’implanter plusieurs centres de chirurgie cardiaque pour augmenter la chance de survie de nos enfants porteurs de cardiopathie congénitales pour suppléer l’aide octroyée par les ONG qui les évacuent à l’étranger.

Discussion par rapport à l’évolution de la cardiopathie

                 Selon la littérature, un malade porteur de cardiopathie congénitale peut mener une vie comme ses paires normalement constitués. Par exemple, la réparation d’une tétralogie de Fallot offre un taux de survie de l’ordre de 94 % à 25 ans et elle peut rester asymptomatique dans 85 % des cas. Effectivement, les cardiopathies congénitales peuvent être latentes et ne montrer des signes de décompensations que très tardivement ou lors de certaines situations déclenchantes qui nécessitent un surplus de travail pour le cœur tel que les efforts physiques intenses, la grossesse ou encore l’hypoxie [2, 4, 19]. D’après Almange, le degré de gravité des complications est fonction du type de la cardiopathie, de l’état fonctionnel, de la fonction ventriculaire gauche, des résistances vasculaires périphériques, des antécédents d’arythmie et des autres évènements cardiaques [34]. D’après Silversides, l’évolution d’une CIA non réparée est imprévisible. On peut trouver: une intolérance à l’effort (dyspnée, fatigue), une arythmie supra ventriculaire, une embolie paradoxale et une défaillance cardiaque [19]. L’incidence de ces complications à l’âge adulte est similaire que la CIA soit réparée ou non [27]. Dans notre étude, les complications trouvées ont été des troubles du rythme, des souffles cardiaques, de dyspnée NYHA II et des blocs de branche. Ainsi, seule l’embolie pulmonaire n’a pas été trouvée dans notre étude. Ceci pourrait être expliqué par le peu de nombre de cas recrutés. L’évolution de la PCA quant à elle est fonction de la sévérité de la clinique. Elle peut aller d’un souffle ou d’une dilatation des cavités gauches à une dyspnée, une HTAP ou un syndrome d’Eisenmenger [19]. Dans notre étude, des décompensations ont été vues dans un cas de PCA réparé et un autre cas non réparé qui ont présentés des signes de gravité depuis l’enfance. Le dernier cas de décompensation devant une PCA non réparée est en rapport avec le jeune âge de la parturiente. Par contre, un cas de PCA opérée a pu atteindre le terme soit 38SA 4 jours sans qu’aucun signe de décompensation ait apparu. Aucun cas de HTAP n’a été retrouvé durant notre étude quel que soit le type de la PCA. D’après Magalie Ladouceur, la CIV est souvent isolée et la plupart se complique de pré-éclampsie et rarement d’endocardite quand la malformation n’est pas opérée. En outre, il y a surtout un grand risque de menace d’accouchement prématuré chez celles qui ont été réparées [27]. Dans notre étude, nos deux cas de CIV mixte (l’une associée à une tétralogie de Fallot et l’autre à une PCA) réparées ont effectivement conduit à une naissance prématurée. La tétralogie de Fallot se complique souvent de fuite pulmonaire et de dilatation du ventricule droit exposant à un risque accru d’insuffisance cardiaque droite et de trouble du rythme. Malgré tout, elle tolère bien la grossesse [27]. Dans notre étude, le cas de tétralogie de Fallot (associée avec une CIA) s’est compliqué de dyspnée NYHA III et de bloc de branche droite qui pourrait avoir comme origine une dilatation ventriculaire droite ainsi qu’une asystolie et choc à vacuo en peropératoire. Cet incident per opératoire serait probablement rattachable à la CIA dont l’évolution est imprévisible. Dans notre étude, 3 cas sur les 4 cardiopathies réparées n’ont présenté aucun signe de décompensation en dehors de la grossesse. Alors que 3 patientes parmi les 6 qui n’ont pas été réparés chirurgicalement ont manifestés des complications allant d’une simple sensation d’essoufflement à des dyspnées NYHA II et des épisodes fréquentes de gingivorragies à répétition lors des toilettes au cours de leurs existences. En effet, les troubles de l’hémostase figurent parmi les complications les plus fréquentes des cardiopathies congénitales [29]. Ainsi, nous ne pouvons pas prévoir l’évolution à court et/ou à long terme de telle ou telle cardiopathie. Par conséquent, la surveillance continue est nécessaire pour avoir une qualité de vie comparable à celle des individus qui n’ont pas d’anomalie cardiaque et afin de bien gérer les complications ultérieures. Dans tous les cas, aucune notion d’hypertension artérielle pulmonaire ni de syndrome d’Eisenmenger n’a été rapportée. Ceci peut s’expliquer par le fait que la césarienne prophylactique a été réalisée avant terme pour les patientes à risque. Une amélioration progressive de la santé maternelle a été énoncée après accouchement dans 9cas sur 10, dans l’immédiat pour les cas moins graves ou durant le séjour à l’hôpital. Les patientes symptomatiques avant la grossesse ont recouvert leur statut pré-gestationnel. Une consultation chez le cardiologue a cependant été prescrite pour toutes les patientes avant leur sortie. Plus haut nous avons vu qu’une de nos patientes a présenté une pré-éclampsie. Cependant, l’absence de données complémentaires ne nous permet pas d’identifier la relation cause à effet de la cardiopathie à la pré-éclampsie. Nous allons donc considérer la pré-éclampsie comme étant une pathologie associée à la cardiopathie existante.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I – Le système cardiovasculaire
I-1- Organisation fonctionnelle et anatomique du système cardiovasculaire
I-1.1- Physiologie du système cardiovasculaire
I-1.2- Anatomie du système cardiovasculaire
I-2- L’embryologie du système cardiovasculaire
I-3- Les cardiopathies congénitales
I-3.1- Généralités
I-3.2- Les étiologies des cardiopathies congénitales
I-3.3- Les classifications des cardiopathies congénitales
I-3.3.1-Classification selon la lésion présentée
I-3.3.2-Classification selon le risque de grossesse
I-3.3.3-Classification selon l’existence ou non de la cyanose
I-3.3.3.1- Les cardiopathies non cyanogènes
I-3.3.3.2- Les cardiopathies cyanogènes
I-3-4- La classification NYHA
I-4- La prise en charge
I-4.1- Le diagnostic
I-4.2- Le traitement
II- Les modifications physiologiques au cours de la grossesse
II-1-Les modifications physiques
II-2- Les changements hémodynamiques
II-3- Les modifications paracliniques
III- La grossesse et les cardiopathies congénitales
III-1-La décision de grossesse
III-1.1- La contraception
III-1.2- La surveillance materno-fœtale
III-1.2.1- La période pré-concéptionnelle
III-1.2.2-La surveillance de la gestation
III-2- Devenir de la grossesse et du fœtus
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I- Méthodes
I-1-Le cadre de l’étude
I-2- Le type d’étude
I-3- La période d’étude
I-4- La durée de l’étude
I-5- La population d’étude
I-6- Les critères d’inclusion
I-7- Les critères d’exclusions
I-8- Le mode d’échantillonnage
I-9- Les variables étudiées
I-10- Les outils de collecte de données
I-11- Les limites de l’étude
I-12- Les considérations éthiques
II- Outils de travail
III- Nos résultats
IV- Tableaux récapitulatifs des cas observés
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
Discussion par rapport aux types de la cardiopathie et leurs incidences
Discussion par rapport aux critères sociodémographiques
Discussion par rapport à la prise en charge de la réparation chirurgicale de la cardiopathie
Discussion par rapport au suivi de la cardiopathie
Discussion par rapport à l’évolution de la cardiopathie
Discussion par rapport Discussion par rapport aux suivis de la grossesse
Discussion par rapport Discussion par rapport à l’issu de la grossesse
Discussion par rapport à la prise en charge anesthésique
Discussion par rapport au devenir du bébé
Discussion par rapport aux méthodes contraceptives
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *