La place de l’Enseignement Moral et Civique (EMC)

“On ne naît pas femme, on le devient” (De Beauvoir, 1949, p. 303). Simone DE BEAUVOIR illustre parfaitement toute la problématique du genre. Cette construction culturelle produite par l’homme, qui domine la société, faisant ainsi de la femme un être inférieur et inégal. Un tel sujet m’intéresse d’une part grâce à la formation que j’ai suivie : diplôme de sciences de l’éducation. Ces questions concernant les différences entre filles et garçons ont émergé au XIXème siècle grâce à la sociologie et plus particulièrement grâce aux travaux précurseurs de Margaret MEAD. Il s’agit d’une notion de plus en plus étudiée dans chaque société par de nombreux chercheurs et qui est toujours sujet à des controverses. Ce sujet m’a interpellée lors de ma formation, et notamment grâce à divers sociologues qui ont étudié les inégalités de genre dans les écoles et le rôle que les enseignants peuvent jouer. Il est aussi démontré que ces inégalités sont présentes et ancrées dès la maternelle. C’est plus précisément l’œuvre « Filles et garçons à l’école : approches sociologique et psycho-sociales » de Marie DURU-BELLAT (Duru-Bellat, 1994) qui m’a questionnée lorsqu’elle observe une cour de récréation extrêmement genrée dès la maternelle. D’autres auteurs se sont aussi intéressés à la classe en elle-même et y ont pointé le rôle de nombreux professeurs des écoles dans la construction de ces inégalités.

La place de l’Enseignement Moral et Civique (EMC)

L’acte d’enseigner nécessite pour son initiateur une entrée par les programmes quel que soit le sujet et le concept. Il permet de définir ce qui est précisément attendu, et ainsi, ajuster au plus près la séquence. Le sujet intervient auprès des programmes d’enseignement moral et civique (EMC), il est alors important d’en comprendre l’évolution et de déterminer ce qui est attendu aujourd’hui.

L’historique de l’EMC

Dans un premier temps, commençons par définir et retracer l’historique connaît par l’EMC pour comprendre tous les enjeux actuels. Ces évolutions sont corrélées avec l’évolution de la société. L’EMC tel que nous le connaissons aujourd’hui a constamment évolué au cours des deux derniers siècles pour arriver à la forme qu’il possède actuellement. En effet lors de sa création en 1880, cette discipline se nommait « instruction morale et civique ». Initiée par Pierre LALOI et Ernest LAVISSE, deux défenseurs de la république, leur but était d’enraciner cette dernière. Pour ce faire, ils utilisent l’école et notamment l’instruction morale et civique. Le premier manuel publié « La première année d’instruction civique » a une dimension idéologique : il souhaitait transmettre des savoirs professionnalisants, et dans le même temps transmettre la compréhension et l’attachement au régime républicain et à la troisième république. Cette discipline est donc enseignée à des fins politiques : « Il faut donner à la république de bons citoyens, de bons travailleurs et de bons soldats » (Laloi, 1880, p. 7). On souhaite aussi à l’époque remplacer l’instruction religieuse : en 1882 grâce aux lois Ferry l’école publique devient laïque. Sous le régime de Vichy, elle est un instrument de propagande et devient « l’éducation morale, civique et patriotique ».

L’évolution majeure qu’elle subit va s’initier après la Seconde Guerre mondiale avec l’inspecteur Louis FRANÇOIS. On cherche alors avec cette discipline à enseigner la citoyenneté et les valeurs que la société souhaite transmettre. En effet, nous sommes, à l’époque, dans un contexte d’après-guerre : la France est ruinée et divisée. Il est nécessaire de créer une conscience collective, et réaffirmer la république et ses valeurs. Les années 80 sont construites sur le même principe d’enseigner la citoyenneté. On essaye d’en faire un remède contre la crise que subit la société : la fracture sociale. La société à cette période se paupérise, le chômage augmente fortement et nous observons une diminution des traditions culturelles. (Galichet, 2005) .

L’EMC dans les programmes actuels

L’enseignement moral et civique apparaît sous cette forme en 2015 dans les programmes (Eduscol, 2015). Il remplace alors l’instruction civique et morale des années 2000. Les thèmes abordés restent similaires, la nouveauté se trouve principalement dans le temps accordé à la discipline. Elle dispose cette fois d’une heure par semaine pour les élèves d’élémentaire. L’organisation du programme est revue, et est partagé en trois thèmes principaux : « respecter autrui », « acquérir et partager les valeurs de la république » et « construire une culture civique ». Ces thèmes correspondent aux finalités de l’EMC. (Eduscol, L’enseignement moral et civique dans la classe, dans l’école et dans l’établissement – cycles 2-3-4, 2018) .

Les programmes d’EMC de 2018 sont explicites quant à l’égalité filles-garçons dès le cycle 2. Au sein de la partie concernant le respect d’autrui, il est proposé aux enseignants de s’intéresser au sexisme et aux stéréotypes. Pour le cas du cycle 1 qui ne propose pas d’EMC en tant que tel, l’égalité filles-garçons y est tout de même mentionnée. On relève que « L’école maternelle construit les conditions de l’égalité, notamment entre les filles et les garçons ». (Eduscol, Programmes, ressources et évaluations, 2015). Il s’agit donc d’un sujet à aborder tout au long de la scolarité. Nous en déduisons que l’égalité entre les filles et les garçons est une des missions fondamentales de l’école. Elle réapparaît dans la loi d’orientation de l’école de 2013 et va de pair avec « la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif». Cette dernière, signée elle aussi en 2013, se donne pour but de tendre au maximum vers l’égalité des sexes. Elle charge l’école d’agir sur la société. Ainsi elle est mentionnée dans la charte de la laïcité à l’école. (Eduscol, Textes de référence, 2013). Nous pouvons enfin trouver cette notion d’égalité des sexes dans le parcours citoyen qui est à mettre en œuvre sur l’ensemble de la scolarité. Avec tous ces éléments nous cherchons à éduquer les élèves à la citoyenneté, l’égalité des sexes est alors un des thèmes abordés. Aborder cette notion d’inégalités des sexes comprend pour l’enseignant d’explorer quelques concepts et notamment celui du genre et des inégalités qui en découlent.

La construction du genre en occident 

Le concept de genre 

Le genre est un concept à part entière qui a connu une lente évolution. Les premières manifestations féministes ont eu lieu au XVe siècle avec Christine DE PISAN. Cette poétesse a fait le choix de vivre de sa plume pendant le Moyen-Age alors qu’à l’époque les femmes étaient dépendantes d’un mari ou d’un père. Elle profite de son savoir pour théoriser les premières idées féministes, dans lesquelles, les femmes sont des êtres humains à qui on doit le respect. (Piron, 2015) S’en suivent quelques écrits où l’on imagine l’égalité des sexes. La volonté de cette égalité ne s’affirme qu’avec la révolution et ne se « constitue en mouvement social qu’à partir du XIXe siècle ». (Guionnet & Neveu, 2004, p. 42) Émile DURKHEIM fut ensuite l’un des premiers à exposer, en 1897, que la division entre hommes et femmes n’est pas réductible à une différence biologique (Durkheim, 1896-1897, p. 68). Margaret MEAD, anthropologue, explicitait de son côté un concept ascendant direct au concept de genre en 1963 : celui de « rôles sexués » dans lequel elle distingue le sexe du rôle social des individus. Il s’agit ici de montrer que le féminin et le masculin dépendent des cultures et des rapports sociaux. Cependant, un problème existait avec ce terme qui impliquait une relation de pouvoir et d’inégalité. Une nouvelle notion s’imposait donc (Mead, 1963).

C’est au XIXe que les “gender studies” apparaissent qui vont réellement mettre ce phénomène en lumière et permettre la reconnaissance du concept de “genre”. Ce sera seulement à partir des années 1980 que ce concept va prendre de l’ampleur en France sous l’impulsion de Michel FOUCAULT. Le genre se distingue donc du sexe biologique et fait référence « au masculin » et « au féminin » à l’aide des représentations qui leur sont couramment associées. Il se caractérise par des attitudes, des comportements, des rôles. Il s’agit finalement d’une construction sociale dépendante des traditions culturelles où chacun subit une socialisation genrée (Oakley, 1972).

Nous pouvons également ajouter que la notion de genre est bien à différencier de celle de stéréotype. En effet, un stéréotype correspond à « l’action par laquelle une personne est associée à une catégorie particulière ». « Sa fonction est de rationaliser notre conduite par rapport à une catégorie de personnes. » (Gaborit, 2009, p. 8). Les stéréotypes sont des éléments nécessaires pour intégrer les différences entre les individus. Ils peuvent alors se présenter de deux manières : une qui serait positive dans la mesure ou l’individu dans sa quête d’identité a besoin de créer diverses catégories pour se différencier des autres. Cela est aussi nécessaire pour affirmer l’homogénéité au sein d’un groupe. Cependant, les stéréotypes peuvent aussi être présentés sous une forme beaucoup plus négative. Ils deviennent alors des préjugés lorsqu’ils sont à l’origine de catégories antagonistes dans lesquelles le « je » est perçu comme positif et est opposé « aux autres » qui est perçu comme le négatif. Ces stéréotypes dont sont victimes les individus, et notamment les femmes sous l’angle du genre, sont alors à l’origine de nombreuses inégalités (Gaborit, 2009, p. 15) Les stéréotypes que nous avons présentés sont alors source d’idées préconçues, de préjugés. Selon le dictionnaire Larousse il s’agit « de jugement sur quelqu’un, quelque chose, qui est formé à l’avance selon certains critères personnels et qui oriente en bien ou en mal les dispositions d’esprit à l’égard de cette personne, de cette chose. ». Si l’on prend l’exemple des stéréotypes de genre actuellement en vigueur dans notre société, les femmes sont représentées comme devant posséder des traits de caractère tels que la délicatesse ou la sensibilité. A l’école, elles sont souvent caractérisées comme « sages » et « travailleuses ». Les hommes, quant à eux, devraient posséder des qualités telles que le courage et l’ambition. A l’école, les enseignants leur laissent plus de libertés car les garçons seraient plus énergiques et auraient davantage besoin de se dépenser. Ce sont l’ensemble de ces stéréotypes qui sont à l’origine de nombreuses inégalités dans nos sociétés occidentales. (Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes, 2019).

Les inégalités de genre

L’histoire scolaire met en évidence ces inégalités dont sont victimes les filles. Pendant longtemps, elles ont été exclues du système éducatif, puis séparées des garçons. Elles étaient alors formées à être “de bonnes ménagères”, tandis que les garçons devaient être “de bons professionnels”. Bien que la mixité scolaire se soit généralisée dans les années soixante, et qu’une convention soit écrite en 1989 pour agir sur l’orientation des filles, elles sont toujours désavantagées dans le système scolaire. (Morin-Meassbel, 2013, p. 30). D’ailleurs, BAUDELOT et ESTABLET se sont largement penchés sur ce sujet et ont mis de nombreux phénomènes en lumière dans l’ouvrage “Allez les filles” ((Beaudelot & Establet, 1998), principalement dans le milieu scolaire. Tout d’abord, ces auteurs montrent que les filles sont meilleures que les garçons d’un point de vue scolaire à tous les niveaux de scolarité. Les différents articles de Marie DURU-BELLAT (1994-1995) complètent cette idée en précisant que depuis le milieu des années 2000, les inégalités sexuées ont connu un renversement. Les filles ont rattrapé et devancé les garçons dans l’enseignement secondaire. En effet, elles répondent mieux aux attentes de l’école quel que soit leur milieu social, et malgré un accès au baccalauréat depuis seulement 1924, elles sont plus nombreuses à être bachelières que les garçons depuis 1971. Elles ont aussi un meilleur déroulement de leur scolarité avec en proportion moins de redoublement que leurs congénères. On observe cependant que leurs choix en termes de filière leurs sont défavorables puisqu’on les retrouve davantage dans les filières littéraires (et ce depuis l’école primaire). Cela signifie que ce sont les garçons qui obtiennent le baccalauréat le plus avantageux (bac scientifique) et le constat est le même lors des études supérieures (Beaudelot & Establet, 1998, pp. 19-45). Marie DURU-BELLAT a aussi montré que les enseignants participent pleinement à ces phénomènes. Ils ont tendance à opposer les garçons et les filles en termes de comportement dans le but de gérer la classe et utilisent aussi beaucoup de mots fortement sexués. Enfin, nous pouvons citer le fait qu’ils ont une attention plus grande portée aux garçons : ils passent en moyenne deux tiers de leur temps avec eux, pour les encourager, ou leur donner plus d’explications. (Duru-Bellat, 1994, p. 76) .

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Table des matières

Introduction
Première partie : le genre
I.La place de l’Enseignement Moral et Civique (EMC)
I.1. L’historique de l’EMC
I.2. L’EMC dans les programmes actuels
II.La construction du genre en occident
II.1. Le concept de genre
II.2. Les inégalités de genre
II.3. L’égalité entre les hommes et les femmes
III.La place du genre à l’école
III.1. La cour de récréation : une micro-société
III.2. Constats en matière d’inégalités filles-garçons
III.3. Les pratiques enseignantes
Deuxième partie : ma pratique de classe
I.Mon terrain d’enquête
I.1. Mon école
I.2. Mon recueil de données
I.Les constats de stéréotypes de genre
II.1. Un espace réparti de façon genrée
II.2. Des activités genrées sur la cour
II.3. La composition des groupes de pairs
II.La séquence d’enseignement moral et civique
III.Les évolutions sur la cour après la sensibilisation aux stéréotypes
III.1. Un espace mieux réparti
III.2. Des activités moins genrées
III.3. Une composition différente des groupes de pairs
Conclusion
Bibliographie
Table des annexes

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