La place de l’orthophonie dans la prise en charge de la dysphonie spasmodique et du tremblement essentiel de la voix

La dysphonie spasmodique est une dystonie focale laryngée qui se caractérise par des spasmes de la musculature du larynx lors de la phonation. La dysphonie spasmodique est dite en adduction lorsque les spasmes provoquent une fermeture glottique inappropriée, et en abduction lorsqu’ils provoquent une ouverture glottique involontaire. On retrouve également des formes mixtes mêlant dysphonie spasmodique en adduction et en abduction. La voix produite est spasmée, serrée, étranglée dans les formes en adduction, et soufflée et peu intense dans les formes en abduction. Le tremblement essentiel de la voix correspond à la présence d’un tremblement de l’appareil phonatoire dans toutes les tâches vocales en l’absence d’un autre trouble neurologique. Ainsi, la qualité vocale des patients atteints de dysphonie spasmodique ou de tremblement essentiel de la voix est fortement altérée, générant un retentissement important sur les plans personnel, social et professionnel, et donc sur la qualité de vie globale. Ces deux pathologies peuvent être traitées par une injection de toxine botulinique dans les muscles affectés. Bien qu’ayant prouvé son efficacité en ce qui concerne la diminution des symptômes, la toxine botulinique demeure un traitement uniquement symptomatique, avec une durée d’efficacité de 3 à 6 mois. De plus, elle engendre régulièrement certains effets secondaires concernant la déglutition et la phonation, et l’impact psychosocial d’un tel traitement est important à prendre en considération. En tant que professionnel de santé et plus particulièrement de la voix, l’orthophoniste est à même de fournir aux patients atteints de dysphonie spasmodique et de tremblement essentiel de la voix divers conseils et techniques dans le but de mieux gérer les répercussions de leur pathologie et d’optimiser l’efficacité qualitative et temporelle des injections de toxine botulinique. Cependant, la littérature scientifique n’offre pas à l’heure actuelle de directives complètes et précises concernant les modalités de cette prise en charge orthophonique très spécifique.

La dysphonie spasmodique : une dystonie focale laryngée

Les dystonies

Les dystonies font partie des syndromes hyperkinétiques, qui se manifestent sous la forme de mouvements excessifs et/ou involontaires. Elles sont ainsi caractérisées par des contractions musculaires intenses et involontaires de groupes musculaires agonistes, avec une co-activation des muscles antagonistes. Cette activation musculaire pathologique engendre des mouvements répétitifs ou des postures anormales, et peut donner une impression de tremblement. La dystonie est souvent initiée ou augmentée par l’action volontaire (1–3). La dystonie est dite focale lorsqu’elle concerne une seule région du corps, comme la main ou le larynx, et segmentaire lorsqu’elle atteint plusieurs régions adjacentes. Elle peut également être multifocale. On parle de dystonie généralisée lorsque les deux membres inférieurs et une autre région du corps sont concernés, ou bien d’hémidystonie lors de l’atteinte d’un hémicorps. Si les dystonies de l’enfant sont souvent généralisées, les dystonies survenant à l’âge adulte restent focales ou segmentaires, débutant souvent dans la région cranio-cervicale. On différencie les dystonies primaires des dystonies secondaires à une autre pathologie (4). La dystonie peut également être à l’origine d’une diffusion de l’activation musculaire, ce qui engendre un recrutement de groupes musculaires additionnels, non nécessaires au mouvement. Ce phénomène a pour conséquence le ralentissement du passage d’un mouvement à l’autre dans une activité complexe : c’est le cas des dystonies d’action ou de fonction, survenant uniquement lors de mouvements particuliers. Les dystonies d’action s’opposent aux dystonies posturales, survenant lors du maintien de postures. Les dystonies sont donc favorisées par l’action et l’effort postural, mais aussi le stress, l’émotion et la fatigue. De ce fait, la relaxation est bénéfique pour les patients dystoniques. Les symptômes disparaissent pendant le sommeil et peuvent être contrés par un geste antagoniste : par exemple, un simple attouchement du menton peut aider à contrer une dystonie cervicale (3,5,6). En revanche, plus le patient essaye de contrôler sa dystonie et plus elle devient proéminente (7). Les dystonies sont le troisième trouble du mouvement le plus fréquent après la maladie de Parkinson idiopathique et le tremblement essentiel (8). Elles sont à l’origine de troubles moteurs et d’un handicap physique, et engendrent des conséquences dans la vie sociale, professionnelle et affective (9).

La dysphonie spasmodique

La dysphonie spasmodique est une dystonie focale laryngée causée par un trouble du contrôle moteur central. Elle se caractérise par des contractions irrégulières et incontrôlables de la musculature laryngée lors de la phonation, affectant la fluidité de celle-ci (10–12). La dysphonie spasmodique est qualifiée de dystonie de fonction car elle affecte seulement la phonation, la respiration et la déglutition étant préservées (13). La parole devient laborieuse, lente, dysfluente, et nécessite un effort considérable pour la production, pouvant aller de la difficulté occasionnelle à l’incapacité soutenue de parler. De ce fait, la voix produite est rendue très désagréable à l’écoute (2,13,14). Les vocalisations non verbales, le pleurer et le rire sont cependant normaux (13).

Pour tenter de compenser les spasmes, des mécanismes sont mis en place spontanément par les patients, tels que le forçage vocal, la voix chuchotée ou la phonation inversée (15). Un comportement d’effort associé aux spasmes peut être observé. Il se caractérise par une perte de verticalité, une protraction du menton et une crispation faciale et cervicale intéressant en particulier la musculature extrinsèque du larynx avec une tension du plancher buccal (16). La dysphonie spasmodique est classée comme maladie rare par la National Institues of Health avec une prévalence estimée entre 5,9 et 14 pour 100 000 habitants. Il s’agit d’un trouble vocal hétérogène, multifactoriel, incurable, toujours sous ou mal diagnostiqué. Sa prédominance est féminine avec une incidence majoritaire entre 30 et 50 ans (17,18). La dysphonie spasmodique est la plus fréquente des dystonies laryngées, mais il existe également d’autres manifestations dystoniques laryngées telles qu’un stridor, une respiration désordonnée, une toux paroxystique, des hoquets et ou encore des éternuements (19).

Les formes de dysphonie spasmodique

La dysphonie spasmodique en adduction représente 87% des cas et se traduit par une voix serrée, étranglée, forcée, hachée et éraillée, résultant d’une fermeture spasmodique involontaire, imprévisible et intermittente des cordes vocales, autrement appelée arrêt vocal ou arrêt glottique (10,20). Cet arrêt vocal est associé à un effort de pression phonatoire et à des changements soudains de hauteur et d’intensité (2,13,21). Du point de vue aérodynamique, lors d’un arrêt vocal on peut observer une pression sous-glottique élevée, liée à la soudaine adduction des cordes vocales, suivie par un débit d’air élevé (11). La dysphonie spasmodique en abduction représente 13% des cas et se traduit par une hypophonie pouvant aller jusqu’à l’inaudibilité et par des ruptures vocales soufflées, résultant d’une ouverture spasmodique involontaire des cordes vocales (10,13,20). Le défaut d’accolement cordal est la conséquence de spasmes dans les muscles abducteurs des cordes vocales, les muscles cricoaryténoïdiens postérieurs. Il occasionne également un essoufflement à la parole (18,22). La dysphonie spasmodique mixte mêle les caractéristiques des formes en adduction et en abduction (18). Dans 26 à 60% des cas, un tremblement vocal dystonique est associé, se caractérisant par une voix serrée et tremblée causée par des mouvements d’hyperadduction rythmique, des altérations de la hauteur et de l’intensité, notamment sur les voyelles, et une incapacité à tenir une voyelle plus de quelques secondes (23,24).

Le syndrome de Meige 

Bien que généralement focales, les dystonies laryngées peuvent également survenir dans le cadre d’une dystonie segmentaire ou généralisée (12). A ce titre, la dysphonie spasmodique peut faire partie d’un syndrome de Meige. Ce dernier est une dystonie crâniale segmentaire, c’est-à-dire qu’il implique plus de deux groupes musculaires crâniaux : il associe un blépharospasme à une dystonie oro mandibulaire, cervicale ou laryngée, dans 10% des cas. La symptomatologie et la réponse aux traitements sont les mêmes que dans une dysphonie spasmodique isolée. Le syndrome de Meige représente 22% des dystonies crâniales avec une prédominance féminine (1,5 femme pour 1 homme) et un âge de début entre 50 et 60 ans. Il peut également être associé à un tremblement essentiel de la base de langue, de la paroi pharyngée postérieure ou du voile du palais, en l’absence de dysphonie (25).

La dystonie du chanteur 

Des formes de dystonie du chanteur ont été rapportées comme variantes de la dysphonie spasmodique. Elle survient chez les chanteurs pratiquant à une intensité soutenue, professionnellement ou pour leur loisir. Une petite série de patients montre une prédominance féminine, avec un âge de début moyen de 35 ans. L’hyperfonction, adductrice ou abductrice, se manifeste dans les notes moyennes et dans les changements entre les mécanismes 1 et 2 de la voix, avec un serrage, une fatigue vocale, un éraillement et une perte de vibrato. Certains patients évoluent vers une dysphonie spasmodique en voix parlée, avec des conséquences non négligeables sur leur carrière et leur stabilité psychologique, liée à la capacité à performer : il est important d’avoir conscience de cette entité pour pouvoir la diagnostiquer et la traiter correctement. En outre, ces patients ont un seuil de tolérance très faible aux effets secondaires de la toxine botulinique car elle entraîne une perte d’intensité, de vibrato et d’aigus délétère pour le chant (26).

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Table des matières

SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I – DONNEES DE LA LITTERATURE ; CONTEXTE SCIENTIFIQUE
I. Physiopathologie
A. La dysphonie spasmodique : une dystonie focale laryngée
1. Les dystonies
2. La dysphonie spasmodique
3. Aspects linguistiques et acoustiques
B. Le tremblement essentiel de la voix
C. Substrats neurologiques
1. La dystonie
2. La dysphonie spasmodique
D. Facteurs de risque
1. Facteurs de risque endogènes
2. Facteurs de risque environnementaux
II. Diagnostic
A. Diagnostic positif
1. La dysphonie spasmodique
2. Le tremblement essentiel de la voix
B. Diagnostics différentiels
1. La dysphonie spasmodique et le tremblement essentiel de la voix
2. La dysphonie spasmodique et la dysphonie dysfonctionnelle
III. Impact psychosocial
A. Troubles vocaux et qualité de vie
1. Généralités
2. La perception de la maladie – Locus of Control
3. Les stratégies de coping
4. Stratégie de coping et Locus of Control dans la dysphonie
B. Qualité de vie liée à la voix chez les patients avec dysphonie spasmodique
1. Facteurs contribuant à la qualité de vie liée à la communication
2. Auto-perception de la dysphonie spasmodique
3. Perception du locuteur dysphonique par les autres
4. L’impact de la dysphonie spasmodique sur la vie professionnelle
C. Comorbidités psychiatriques : anxiété et dépression
1. Définitions et prévalence
2. Facteurs de risque dans le cadre de la dysphonie spasmodique
IV. Traitements actuels
A. Toxine botulinique
1. Généralités
2. Modalités d’injection de la toxine botulinique
3. Efficacité des injections de toxine botulinique
4. Inconvénients des injections de toxine botulinique
5. Impact psychosocial des injections de toxine botulinique
B. Traitements alternatifs
1. Chirurgies
2. Réponse à l’alcool et traitements médicamenteux
3. Neuromodulation
C. Les rééducations : thérapie physique et thérapie vocale
1. La thérapie physique
2. La thérapie vocale
D. La problématique de l’accès aux soins
1. Les retards de diagnostic
2. Les difficultés d’accès à la rééducation
V. Objectifs de ce travail
PARTIE 2 – LA PLACE DE L’ORTHOPHONIE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA DYSPHONIE SPASMODIQUE ET DU TREMBLEMENT ESSENTIEL DE LA VOIX
I. Matériel et méthode
II. Résultats
A. Evaluation
1. Anamnèse, auto-évaluation et examen moteur
2. Evaluation de la parole
B. Éducation du patient
1. Éducation du patient : généralités et contenu
2. Stratégies de parole
3. Information en ligne
4. Thérapies alternatives
C. Thérapie vocale
1. Introduction à la thérapie vocale
2. Objectifs de la thérapie vocale
3. Techniques diverses de thérapie vocale
4. Thérapie vocale de groupe et traitements combinés à la thérapie vocale
5. Techniques inspirées de la prise en charge des dystonies
D. Articulation de la thérapie vocale et des injections de toxine botulinique
III. Discussion : proposition de pistes orthophoniques pour la prise en charge de la
dysphonie spasmodique et du tremblement essentiel de la voix
A. Evaluation orthophonique de la dysphonie spasmodique et du tremblement essentiel de la voix
1. Anamnèse et auto-évaluation
2. Evaluation motrice de la parole
B. Axes de prise en charge orthophonique de la dysphonie spasmodique et du tremblement essentiel de la voix
1. Éducation du patient et de son entourage
2. Thérapie vocale dans le cadre de la dysphonie spasmodique et du tremblement essentiel de la voix
3. Articulation de la thérapie vocale et des injections de toxine botulinique
IV. Limites
CONCLUSION
ANNEXES

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