La professionnalisation du juge

Lorsque des individus sont en conflit, il arrive qu’ils ne parviennent pas à le résoudre eux-mêmes. L’intervention d’une ou plusieurs personnes tierces au litige est nécessaire à sa résolution. La démarche se fait de plusieurs manières. Cette pluralité de méthodes inclut : les modes alternatifs de règlement des conflits, la sentence arbitrale rendue par une juridiction arbitrale et le jugement ou l’arrêt rendu par une juridiction étatique. Les modes de règlement des litiges — qu’ils soient alternatifs à la Justice étatique ou pas — déterminent la mission de ceux qui les exercent et le rôle occupé par les parties au contentieux.

Si un phénomène d’ « (…) autojuridication (…) » est observé — reflet de la volonté des justiciables d’éviter le recours aux professionnels du Droit — il semble que la saisine des juridictions étatiques en cas de litige civil augmente : 811 613 demandes en 2004 ont été introduites par devant les Tribunaux de grande instance hors procédure de référés tandis qu’en 2014, l’on en comptait 880 565 malgré le fait que « [c]hacun s’accorde à dire que l’affaire [d’] Outreau au milieu des années 2000 a eu un trait négatif sur l’image du juge par l’opinion publique (…) » . Le paradoxe entre le recours grandissant aux juridictions de l’ordre judiciaire et une image écornée de celle-ci auprès des justiciables peut être expliqué par deux raisons. La première raison résulte d’une méconnaissance des modes alternatifs à la Justice étatique dans le règlement des conflits : « [l]a méconnaissance, par le grand public, de ces modes alternatifs de règlement des conflits constitue un frein important à leur accès (…) » . La seconde raison — découlant de la première — procède d’un recours réflexe à la Justice étatique par les justiciables en cas de conflit. Si « (…) la préoccupation essentielle des dirigeants politiques depuis 1985-1990 a été d’assurer autant que possible la stabilisation du niveau de la délinquance, à défaut de pouvoir faire régresser cette dernière (…) » , un phénomène contraire est constaté en matière pénale dans le cadre de l’activité des Tribunaux correctionnels : 396 699 condamnations ou relaxes ont été jugées en 2004 contre 330 061 condamnations ou relaxes en 2013 . Cette baisse du nombre de justiciables jugés en correctionnel doit être relativisée : elle s’accompagne d’une augmentation significative du recours aux ordonnances pénales . La saisine des juridictions étatiques par les justiciables est quasiment obligatoire en matière pénale et laisse apparaître quelques interrogations concernant l’exercice de la mission de Justice étatique.

Cependant, l’exercice de la mission de Justice étatique n’est pas dissociable de la personne qui l’exécute. Dans la mesure où « (…) le recours au juge tend à intégrer les modes normaux de fonctionnement des relations sociales (…) » , il est permis de s’interroger sur la capacité des juges à exercer la mission de Justice étatique. Il en résulte un processus métonymique au cours duquel — étape après étape — l’émergence d’un acte de Justice répondant aux référentiels étatiques de plus en plus complexes modifie le mécanisme décisionnel des juges de l’ordre judiciaire au sein des juridictions étatiques. La modification du procédé décisionnel façonne l’émergence d’une professionnalisation des juges de l’ordre judiciaire exerçant au sein des juridictions judiciaires. Ce processus débute par l’identification de la typologie de mission de Justice constituant une initiative déterminante.

L’identification de la typologie de mission de Justice : une initiative déterminante

Les modes alternatifs de règlement des conflits permettant aux justiciables de réguler leur relation en dehors de la Justice étatique sont au nombre de quatre en matière civile : la médiation, la conciliation, la procédure participative et la transaction, conformément au Livre V du Code de procédure civile. En matière pénale, les parties ne disposent pas de la possibilité de recourir d’elles-mêmes aux modes alternatifs de règlement des conflits. Il s’agit d’une prérogative du procureur de la République conformément à l’article 41-1 du Code de procédure pénale. La mise en œuvre des modes alternatifs de règlement des conflits est nécessaire eu égard à l’engorgement de ces juridictions et permet de soustraire à la connaissance des juridictions de l’ordre judiciaire la connaissance de ces conflits. À l’exception d’une seule : la conciliation judiciaire. « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties. » Dans ce cas, la conciliation judiciaire ne remplit pas la fonction première des modes alternatifs de règlement des conflits qui est de désengorger les juridictions de l’ordre judiciaire puisque les parties au litige soumettent ce dernier à un juge. Le dialogue rétabli, les parties trouvent une solution à leurs conflits actuels et futurs. Elles peuvent recourir à l’arbitrage interne.

La naissance salutaire d’un acte de Justice étatique 

Le Droit est défini comme « (…) un ensemble de règles de conduite socialement édictées et sanctionnées, qui s’imposent aux membres de la société. » Il est subdivisé en plusieurs branches. Chacune de ses branches règlemente un domaine. Dans chacun de ces domaines, il existe des règles substantielles et processuelles. Les règles de procédure appartiennent à la « [b]ranche de la science du droit ayant pour objet de déterminer les règles d’organisation judiciaire, de compétence, d’instruction des procès et d’exécution des décisions de justice et englobant la procédure administrative, civile et pénale (…) » . La procédure pénale constitue donc un « [r]ameau de la procédure ayant pour objet de déterminer les règles homologues en ce qui concerne les juridictions pénales de l’ordre judiciaire (…) » . Nous choisissons d’intégrer à cette étude certaines branches du Droit civil :

aborder cette étude exclusivement en matière pénale nous aurait empêchés d’analyser l’intégralité du phénomène de professionnalisation du juge favorisant l’exclusion du citoyen non formé à l’acte de Justice étatique et appuyant l’émergence d’une spécialisation de la magistrature observée en matière pénale, mais aussi en matière civile. Le Droit civil constitue la « [p]artie fondamentale du droit privé comprenant les règles relatives aux personnes (personnalité, état, capacité, etc.), aux biens (patrimoines, en général, propriété et autres droits réels, transmission des biens) à la famille (filiation, mariage, etc., droit patrimonial de la famille y compris régimes matrimoniaux et successions), aux obligations (sources diverses, transmission, extinction, etc.) et plus spécialement aux divers contrats et aux sûretés (théorie générale du crédit, hypothèque, etc.) » .

« Le droit, en tant que science mouvante (…) » évolue. Une fois établies, les règles substantielles sont modifiées. « Les tendances du droit ne sont jamais immuables. Comme l’histoire en général, celle du droit pénal est faite de va-et-vient à la lecture desquels on distingue au moins sur une courte période, un mouvement d’ensemble.» De plus, en matière pénale, « (…) face aux besoins de répression, si différents d’un département à un autre qu’eu égard aux moyens disponibles » , les acteurs de la Justice étatique ciblent la réalisation d’infractions plus que d’autres selon le lieu géographique au sein duquel ils exécutent leur mission de Justice étatique. Les comportements des individus évoluent y compris celui des délinquants et des criminels dans l’exécution d’une infraction pénale. Par exemple, auparavant, la possession d’armes de guerre était rare. Aujourd’hui, « (…) il semble facile aux membres du grand banditisme, mais surtout du “banditisme issu des cités” d’acquérir de tels types d’armes peu onéreuses (un pistolet-mitrailleur AK 47 se négocie entre 500 [euros] et 800 [euros]). » D’ailleurs, Monsieur Jérôme ANDREI relève que « (…) les fusils d’assaut étaient utilisés par le grand banditisme et la criminalité organisée » , mais sont à présent employés également pour commettre des actes terroristes . Un nouveau type de criminalité est apparu : la cybercriminalité. Monsieur Marc ROBERT dénombre pas moins de trois législations adoptées depuis 2014 afin de lutter contre la cybercriminalité : la loi du 13 novembre 2014 , la loi du 24 juillet 2015 et la loi du 3 juin 2016 . Cette évolution législative est nécessaire eu égard à la complexité de l’administration de la preuve en matière de cybercriminalité : « [t]ous les praticiens savent que l’élucidation des cyber-infractions pose de redoutables problèmes puisque ces infractions, souvent instantanées, sont fréquemment commises à distance, en partie à l’étranger, par des auteurs anonymes et que la volatilité de la preuve numérique comme le recours croissant au cryptage ou au chiffrement mettent souvent en échec les moyens de droit commun. Sur ce plan, la loi du 3 juin 2016 s’est d’abord attachée à résoudre les difficultés relatives à la compétence des tribunaux français pour en connaître. » Autre exemple, « [l]a délinquance des mineurs a changé : ce n’est plus uniquement celle du parcours individuel avec les défaillances inhérentes aux difficultés de l’adolescent du milieu, c’est aussi (de plus en plus) une délinquance d’exclusion (…) » . La perpétuelle évolution législative découle d’un perpétuel changement des comportements des justiciables et de leurs modes de vie. Ces modifications complexifient l’exercice de la mission de judicature. Certes, « [j]uger exige toujours dans chaque espèce autant de science que de conscience. » Toutefois, « [l]e juge doit appliquer des lois de plus en plus abondantes, tatillonnes et complexes, les interpréter, tenter de les concilier. C’est et cela a toujours été son rôle : c’est la juris-dictio. » .

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Table des matières

Introduction
Partie 1 : D’une professionnalisation démocratique à une professionnalisation étatique
Chapitre 1 : De la démocratisation à la professionnalisation démocratique de la Justice
Section 1 : Un acte de Justice étatique démocratisé
Section 2 : Un acte de Justice étatique apprivoisé
Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2 : De la nécessaire professionnalisation étatique usuelle de la magistrature
Section 1 : De la cause : un acte de Justice étatique préparé
Section 2 : De la conséquence : une professionnalisation des magistrats installée
Conclusion du Chapitre 2
Conclusion de la Partie 1
Partie 2 : D’une professionnalisation étatique achevée à une professionnalisation étatique altérée
Chapitre 1 : De la spécialisation de la magistrature, une professionnalisation étatique aménagée
Section 1 : Une spécialisation galvaudée du système judiciaire
Section 2 : Une spécialisation discutée du système judiciaire: un processus aussi avantageux que délicat
Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2 : De la détérioration de l’acte de Justice, une professionnalisation étatique corrompue
Section 1 : L’informatisation du service public de la Justice : l’émergence d’un management des acteurs de la Justice judiciaire
Section 2 : La fluidité procédurale du traitement des affaires : l’émergence d’un phénomène de gestion de l’acte de Justice étatique
Conclusion du Chapitre 2
Conclusion de la Partie 2
Conclusion générale

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