Le contexte politique et social du culte marial suédois (XIe-XVIesiècle)

Le contexte politique et social du culte marial suédois (XIe-XVIe siècle)

L’histoire de la Suède médiévale n’est pas, en France, un objet de recherche historique qui retient l’attention de beaucoup de chercheurs. En dépit de travaux spécialisés récents , il n’existe pas de synthèse générale sur le sujet en langue française . Aussi, un rappel d’histoire générale de la Suède avec un accent particulier sur les faits d’histoire ecclésiastique n’est-il pas superflu . Le culte marial apparaît en Suède avec la christianisation. Avant le XIIIe siècle, l’Église cherche avant tout à s’implanter durablement. Le changement de religion n’est pas abrupt et ne touche pas directement tous les domaines de la vie des populations. La continuité d’utilisation des lieux de culte est particulièrement forte en Norvège et en Finlande, mais le phénomène a également lieu en Suède. L’uniformisation est progressive. La Suède a déjà des contacts avec les missions anglaises depuis les années 940 quand le roi Olof Skötkonung (vers 980 1021/1022) se convertit au tout début du XIe siècle . Il est vrai toutefois que les missions ne sont particulièrement effectives qu’à partir du début du Xe siècle. Entre 1060 et 1130, plusieurs rois sont chrétiens mais leur pouvoir est parfois discuté. « (…) jusqu’en 1250, les possibilités d’établir un culte communément accepté qui exprimerait l’unité du royaume étaient restreintes » . Les premières relations avec le pape datent d’environ 1080. Vers 1120, on observe la première organisation diocésaine stable.

Alf Härdelin indique trois sources possibles pour l’apparition du culte marial en Suède : Anschaire de Corvey (801-865), les trois saints missionnaires Sigfrid, Eskil et David et les moines de Clairvaux. Saint Anschaire (Ansgarius) est un élève de Paschase Radbert, dont la réputation de piété mariale est bien connue. La Vita d’Anschaire lui attribue une vision de la Vierge à l’âge de cinq ans . Les missionnaires anglo-saxons sont aussi des Bénédictins. On leur concède des régions d’action différentes : saint Sigfrid évangélise le Värend (plus tard dans le diocèse de Växjö) et le Västergötland (diocèse de Skara). Pour saint Eskil, le Södermanland (diocèse de Strängnäs) et pour saint David, le Västmanland (diocèse de Västerås). Lors des réformes des monastères anglais, la Regularis concordia (973) propose une messe mariale le samedi et d’autres exercices de piété avec un sens marial. Ce mouvement de réforme a pour conséquence d’accroître la place de Marie dans le culte liturgique. Les missionnaires anglais actifs en Suède sont issus de ce contexte d’importante réforme liturgique. Enfin, les Cisterciens sont installés en Suède en 1143 par l’archevêque de Lund, Eskil (1181, archevêque 1137- 1177). Les moines venus de Clairvaux fondent les premiers monastères à Nydala et Alvastra, tous les deux dans l’évêché de Linköping. L’importance de la Vierge pour les Cisterciens n’est plus à démontrer. Comme traces de ces premiers développements du culte marial, nous avons conservé des pierres runiques, qui contiennent parfois l’expression « Gud och Guds moder » (« Dieu et la mère de Dieu ») . La question des conditions de la conversion de la Finlande au christianisme a beaucoup été débattue. Par nationalisme, le rejet ou l’acceptation d’une christianisation venue de Suède a ainsi été au centre du débat. Il en est de même pour les moyens de cette conversion. Aujourd’hui, il est admis que la christianisation s’est faite par la force, que certains individus en Finlande avaient déjà embrassé la religion chrétienne ou du moins avaient été en contact avec des chrétiens, comme en témoignent les pratiques d’inhumation, ou certains mots et enfin qu’elle est bien le fait de l’action des Suédois. « Au milieu du XIIe siècle, la Finlande Propre était profondément influencée par le christianisme mais manquait d’organisation ecclésiastique » . Les deuxième et troisième croisades (respectivement 1239 et 1293) forcent l’entrée de la Finlande dans la chrétienté latine.

Aux XIIe et XIIIe siècles, deux synodes importants ont lieu en Suède : celui de Linköping en 1153, convoqué par le légat anglais Nikolaus Breakspear (le futur pape Adrien IV, 1154- 1159), et celui de Skänninge, présidé par le légat Guillaume de Sabine (ou « de Modène », vers 1184-1251) qui a lieu en 1248 . Pour le culte marial, c’est une période de consolidation, au même titre que pour les institutions religieuses en général. On a conservé peu de témoins liturgiques de cette période, mis à part quelques fragments de livres. L’accent marial n’a pas été particulièrement étudié dans cette documentation, mais il est possible de dire que les principales fêtes mariales étaient célébrées . Dans le calendrier daté de 1198 qui provient de l’église de Vallentuna (Uppland, diocèse d’Uppsala), la Nativité de la Vierge est indiquée .

Au tout début du XIVe siècle, la Suède dispose de structures de gouvernance stables. Le maillage diocésain et paroissial est en place, la conquête de la Finlande consolidée. La dynastie des Folkungar a renforcé son pouvoir sur l’ensemble du royaume. L’influence continentale est très présente. Le roi Magnus Ladulås (1275-1290) a été l’artisan principal de l’enracinement du modèle continental du dominium en Suède. Cependant, des troubles dynastiques ont cours de 1304 à 1332. L’aristocratie assure la régence pendant la minorité du roi Magnus Eriksson (1319-1343/1364). Par la suite, celui-ci poursuit l’entreprise de codification des lois suédoises entamée depuis les années 1220 par la rédaction de corpus de droit local très inspirés par le droit canon, propres à chaque région, en imposant deux codes de loi, l’un pour les villes (la Magnus Erikssons Stadslag) et l’autre à dispositions plus générales (la Magnus Erikssons Landslag). Ces codes remplacent les différents codes provinciaux au milieu du XIVe siècle . Beaucoup de ces codes comportaient des dispositions relatives aux choses ecclésiastiques, les kyrkobalkar. Cette organisation n’est pas reprise dans la Magnus Erikssons Landslag ; aussi les kyrkobalkar restent-ils une source importante du droit canon suédois jusqu’à la Réforme. Avec le temps, c’est le kyrkobalk de la Loi d’Uppland (Upplandslagen) qui devient prééminent . La plupart des livres de loi du XVe siècle qui contiennent la Magnus Erikssons Landslag fournissent d’ailleurs aussi le kyrkobalk d’Uppland. La tenue régulière de conciles locaux ou provinciaux au tournant du XIIIe -XIVe siècle indique la vitalité des structures ecclésiastiques . Toutefois, dans les deux premiers tiers du XIVe siècle, on ne dispose que de notices sporadiques sur ces réunions. La correspondance active avec la Curie joue aussi dans d’autres domaines. À la suite des décrets des papes, on observe une activité conciliaire intensive dans les années 1370 qui se poursuit jusqu’au milieu du XVe siècle . Des conciles importants ont lieu à Arboga, en 1412, 1417 et 1423, et à Söderköping en 1436 et en 1441. Ils correspondent aux conciles œcuméniques de Constance et de Bâle (1431-1439/1441). Le concile de Söderköping de 1441 est le dernier des grands conciles médiévaux suédois. Après 1441, l’archevêque Nils Ragvaldsson (Nicolaus Ragvaldi, 1438-1448) entreprend un inventaire des statuts de chaque diocèse pour toute la province d’Uppsala (le Compendium statutorum Upsalensis provincie). Ces 141 paragraphes codifient le droit canon suédois jusqu’à la fin du Moyen Âge.

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Table des matières

INTRODUCTION
Pourquoi cette thèse ?
Le contexte politique et social du culte marial suédois (XIe-XVIesiècle)
Ecclesia Suecica
Brigitte de Suède
La Suède et l’Occident chrétien à la fin du Moyen Âge
Historiographie du culte marial
Le culte de la Vierge
Les sources du culte marial suédois
Problématiques et plan
PARTIE 1: BRIGITTE DE SUEDE, LES BRIGITTINS ET LA VIERGE
CHAPITRE 1 BRIGITTE DE SUEDE ET LA VIERGE
1.1 MARIE DANS LES REVELATIONS ET AUTRES ECRITS DE BRIGITTE
1.1.1 Étude quantitative des caractéristiques mariales dans les Révélations
1.1.2 Influences pour la construction de la figure mariale dans les Révélations
1.1.3 Répartition des thèmes mariaux dans les Révélations
1.2 LE ROLE DE LA VIERGE DANS LES ECRITS DE BRIGITTE
1.2.1 La Vierge, vecteur et moyen du prophétisme de Brigitte
1.2.2 La Vierge, mère de tous et mère pour tous
1.2.3 La Vierge des limites : à la fois mise à distance et lien avec le Christ
1.3 LA MYSTIQUE MARIALE DE BRIGITTE DE SUEDE
1.3.1 La mystique de l’Épouse
1.3.2 Mécanismes de l’Imitatio Mariae
1.3.3 Le mysticisme marial de Brigitte perçu par ses contemporains
CHAPITRE 2 UN ORDRE FONDE SUR LE CULTE MARIAL
2.1 LE PATRONAGE MARIAL DE L’ORDRE DU SAUVEUR
2.1.1 La Vierge au cœur du projet de Brigitte
2.1.1.1 La Règle et l’organisation de l’Ordre
2.1.1.2 Autres documents normatifs
2.1.2 L’abbesse, vicaire de la Vierge à Vadstena
2.2 LES FORMES LITURGIQUES DU CULTE MARIAL A VADSTENA
2.2.1 L’organisation des liturgies dans l’Ordre du Saint-Sauveur
2.2.2 Représentation et performativité de la liturgie à Vadstena
2.3 LA LITURGIE MARIALE DU SERMO ANGELICUS ET DU CANTUS SORORUM
2.3.1 Un panorama développé de la vie de la Vierge
2.3.2 Le culte marial pour agir sur le monde
CHAPITRE 3 L’EXPERIENCE BRIGITTINE DE MARIE : LA PRIERE MARIALE A VADSTENA
3.1 LA PRIERE MARIALE : MODELE ET ALIMENT DE LA DEVOTION
3.1.1 Les traités de louange de la Vierge et la littérature en suédois
3.1.1.1 Les traités de louange de la Vierge dans les manuscrits de Vadstena
3.1.1.2 Les miracles de la Vierge et la littérature en suédois
3.1.2 La Vierge de Brigitte et la Vierge des Brigittins
3.1.2.1 La dimension mystique échappe aux Brigittines
3.1.2.2 La Mère, une figure mariale inatteignable pour les sœurs
3.1.3 Le langage de la mimesis à Vadstena
3.2 LES PRIERES MARIALES DANS LES LIVRES DE PIETE DES BRIGITTINES
3.2.1 Les livres de piete conservés pour la Suède
3.2.1.1 Description des livres conservés
3.2.1.2 Un exemple caractéristique de livre de piété suédois : Stockholm, KB A 81
3.2.2 Les convergences avec les autres livres européens
3.2.2.1 Les oraisons d’accompagnement de la liturgie
3.2.2.2 Les célébrations de louange : l’exemple des salutations
3.2.2.3 Prières mariales spécialisées et plus courantes
3.2.3 Les divergences des livres de piété suédois
3.2.3.1 Les divergences et les spécificités brigittines
3.2.3.2 Les méditations sur les Joies de la Vierge
3.3 DESTINATION ET FONCTION DE LA PRIERE MARIALE A VADSTENA
3.3.1 La prière individuelle et la prière de la communauté
3.3.2 Les images de la Vierge dans les livres brigittins
3.3.3 La Vierge et la cura monialium
PARTIE 2 : LA LITURGIE DU CULTE MARIAL SUEDOIS (1300-1530)
CHAPITRE 1 LES QUATRE FETES MARIALES LES PLUS ANCIENNES
1.1 LA PURIFICATION ET L’ANNONCIATION, JALONS ENTRE NOËL ET PÂQUES
1.1.1 La Purification
1.1.1.1 La liturgie de la messe pour la Purification
1.1.1.2 La liturgie des Heures pour la Purification
1.1.2 L’Annonciation
1.1.2.1 La liturgie de la messe pour l’Annonciation
1.1.2.2 La liturgie des offices pour l’Annonciation
1.1.2.3 L’inscription de l’Annonciation dans le paysage religieux suédois
1.2 L’ASSOMPTION
1.2.1.1 La liturgie de la messe pour l’Assomption
1.2.1.2 La liturgie des offices pour l’Assomption
1.3 LA NATIVITE DE LA VIERGE
1.3.1.1 La liturgie de la messe de la Nativité de la Vierge
1.3.1.2 La liturgie des offices pour la Nativité de la Vierge
CHAPITRE 2 LES FETES MARIALES RECENTES ET L’INFLUENCE BRIGITTINE
2.1 LA FETE DE LA VISITATION
2.1.1 L’apparition et la diffusion de la fête de la Visitation
2.1.1.1 L’apparition de la fête de la Visitation
2.1.1.2 La diffusion de la célébration dans la province d’Uppsala
2.1.2 La liturgie de la fête de la Visitation
2.1.2.1 La liturgie de la messe de la Visitation
2.1.2.2 La liturgie des offices pour la Visitation
2.1.3 La Visitation chez les Brigittins
2.2 LA FETE DE LA PRESENTATION DE LA VIERGE : UNE FETE INTRODUITE PAR LES BRIGITTINS
2.2.1 Le développement de la fête de la Présentation de la Vierge en Occident
2.2.2 Une faible présence en Suède, presque exclusivement brigittine
2.2.3 La liturgie de la Présentation de la Vierge
2.2.3.1 La liturgie de la messe de la Présentation de la Vierge
2.2.3.2 La liturgie de l’office de la Présentation de la Vierge
2.3 LITURGIE ET ENJEUX ECCLESIOLOGIQUES A LA FIN DU MOYEN ÂGE
2.3.1 Les lectures des nouvelles fêtes mariales
2.3.1.1 Le contenu des lectures pour la Visitation et la Présentation
2.3.1.2 Les lectures liturgiques : transmission et légitimation
2.3.2 La liturgie et les enjeux autour de l’unité de l’Église
2.3.2.1 Aspects méthodologique du recours à la Vierge dans l’unité de l’Église
2.3.2.2 Pourquoi la liturgie ?
2.3.3 Le recours à la Vierge en réponse aux menaces sur l’unité de l’Eglise
2.3.3.1 Les rapprochements entre la Vierge et l’Église
2.3.3.2 La Vierge gardienne de l’orthodoxie
CHAPITRE 3 PROLONGER LE CULTE MARIAL
3.1 LE SAMEDI MARIAL
3.1.1 Témoins de la pratique en Suède
3.1.2 Les messes sabbatiques
3.1.3 L’office sabbatique stella Maria maris
3.1.3.1 Le formulaire de l’office
3.1.3.2 Les lectures des samedis
3.2 MARIA DE TEMPORE
3.2.1 Marie dans le cycle de l’Avent
3.2.1.1 Du premier dimanche de l’Avent aux Quatre-Temps
3.2.1.2 Les Quatre-Temps et le quatrième dimanche de l’Avent
3.2.2 Marie dans le cycle de Noël
3.2.2.1 La vigile de Noël
3.2.2.2 Le jour de Noël
3.2.2.3 La Circoncision
3.2.3 Marie dans la suite de l’année liturgique
3.2.3.1 Le cycle de Pâques
3.2.3.2 Marie : une présence persistante dans l’année liturgique
3.2.3.3 Les suffrages en l’honneur de Marie
3.3 LES CELEBRATIONS VOTIVES ET PARA-LITURGIQUES
3.3.1 Les fondations votives
3.3.2 Le « Petit office » : Les traces de la dévotion en Suède
3.3.3 Le contenu du « Petit Office » suédois
PARTIE 3: LA RECEPTION LOCALE DU CULTE MARIAL : TROIS ETUDES DE CAS
CONCLUSION

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