L’évolution de la lombalgie chronique

L’impact du travail dans l’évolution de la lombalgie a fait l’objet de plusieurs études. La lombalgie représente une charge sociétale conséquente dans les pays industrialisés (1,2). Le total des coûts liés à la lombalgie varie de 0,3 à 1,7% du PIB (3–5).

En France, selon les derniers chiffres de l’Institut National de Recherche et Sécurité, les lombalgies représentent 20% des accidents du travail, 7% des maladies professionnelles, la troisième cause d’invalidité et la première cause d’inaptitude chez les moins de 45 ans (CNAMTS , 2016). Pour la branche accidents du travailmaladies professionnelles, le coût est estimé à 1 million d’euros par an et à 66 458 euros par salarié par an (CNAMTS, 2012). Les lombalgies engendreraient 11.5 millions de journées de travail perdues chaque année.

Parmi les facteurs de risque primaire de chronicisation de lombalgie, nombreux sont ceux liés spécifiquement au poste de travail, comme les contraintes liées aux postures ou au port de charges (6–11). D’autres facteurs tels que les risques psychosociaux comme le stress, le manque de reconnaissance ou l’insatisfaction au travail sont suspectés de jouer un rôle dans la persistance de la lombalgie (12–15) mais avec des résultats qui à ce jour divergent (10,11,16–19). La prise en charge des patients souffrant de lombalgie a fait l’objet d’un rappel sur les recommandations en avril 2019 par la Haute Autorité de Santé (20), à savoir la mise en place d’une rééducation active, d’une éducation thérapeutique et d’un travail sur les peurs et les croyances. Elle prône une approche bio-psycho-sociale prenant en compte le patient dans sa globalité en traitant conjointement l’aspect clinique, social et professionnel. D’autre part, plusieurs études soulignent le rôle facilitant pour le retour au travail d’une prise en charge pluridisciplinaire incluant l’intervention du médecin du travail (21–24). Pour répondre à ces objectifs, les programmes multidisciplinaires associent des interventions physiques, comportementales, éducatives et socioprofessionnelles. Les méta-analyses concluent à la valeur ajoutée de ces programmes sur la douleur et la fonction ainsi que sur le retour au travail (24–26). Cependant, l’évolution de patients participant à ces programmes reste variable et difficile à prédire (27). Les facteurs prédictifs de mauvaise évolution comme le catastrophisme, la sédentarité, ou les comportements d’évitement sont pourtant habituellement traités (6,7,14,26,28–30). Se pose donc la question de l’impact des facteurs professionnels. La littérature évoque de nombreux facteurs professionnels tels que la perception d’une moindre récupération, et donc la perception de la capacité à reprendre le travail (31), l’insatisfaction au travail (24,26,32), les conduites de peur et d’évitement (19,31) ou encore la charge de travail physique(26,33), mais dont la valeur  pronostique reste méconnue. De plus, il n’existe pas d’outil fiable permettant de détecter ces facteurs de risque (11,34) ni d’apporter une aide pour l’orientation de la prise en charge du patient lombalgique chronique.

MÉTHODE

Cette étude rétrospective observationnelle s’est déroulée d’avril 2017 à décembre 2018 sur le site du CHU de Nîmes. Les patients éligibles devaient avoir participé au programme multidisciplinaire et éducatif pour la lombalgie chronique proposé par le CHU en 2016 ou 2017 (Annexe 1). Tous les patients en situation d’activité professionnelle (ayant un emploi ou étant dans une démarche de recherche d’emploi) ont bénéficié d’entretiens individuels. Les patients ne pouvant se déplacer étaient contactés par téléphone. Cette étude a été approuvée par l’Institutionnal Review Board du CHU (IRB n° 17.06.02). Les patients ont donné leurs accords écrits pour l’utilisation de leurs données. Cette étude a été conduite en accord avec les mesures de bonne pratique et dans le respect du traité d’Helsinki.

Population cible et échantillon 

Les patients étaient convoqués à une consultation environ un an après leur participation au programme au cours de laquelle étaient évalués les critères cliniques évolutifs, le retentissement de la douleur, le niveau éducatif et les stratégies mises en place par le patient ainsi que la situation professionnelle. Cette consultation fait partie du suivi habituel des patients intégrant le programme. Pour apprécier l’influence des différents facteurs, les patients ont été séparés en deux groupes selon leur évolution clinique. Pour être inclus dans le groupe « Évolution favorable » (versus « Évolution défavorable ») des valeurs seuils ont été définies en fonction des données de la littérature (35) : diminution de la douleur relevée sur l’échelle visuelle analogique de 30% et diminution des scores FABQ, HANDICAP et QUEBEC de 30% (Minimal Clinically Important Différence) par rapport aux scores initiaux. Une évolution positive de trois de ces quatre critères était exigée pour être classé dans le groupe dont l’évolution était jugée favorable.

Résultats de l’analyse univariée 

Résultats concernant les variables liées au travail 

En ce qui concerne les variables liées au travail, les résultats suivants sont présentés dans les tableaux 1 et 2. Dans le groupe « Évolution défavorable », 23.53% des patients se sont dit satisfaits de leur travail contre 53.66% dans le groupe « Évolution favorable » (p=0.01) ; de même le résultat du questionnaire MSQ était en moyenne de 65.18 +/-12.58 contre 72.49 +/- 10.94 dans le groupe « Évolution favorable » (p=0.01) ; toujours dans le groupe évoluant défavorablement, 40.7% des patients ont exprimé être satisfaits de leur médecin du travail contre 69% dans l’autre groupe (p=0.03); le travail a un impact sur les douleurs lombaires chez 66.7% des patients de ce groupe contre 31.7% dans le second (p=0.02) et l’impact du travail sur les douleurs lombaires était en moyenne de 7.32 +/-2.17 contre 4.41 +/- 3.05 (p=0.0001) ; enfin, concernant l’échelle visuelle analogique de stress au travail, dans le groupe « Évolution défavorable », sa valeur était en moyenne de 5.13 +/-3.04 (versus 3.33 +/- 2.70, p=0.01) et 66.7% se sont dit stressés au travail (versus 39%, p=0.02) .

DISCUSSION

Le principal résultat de ce travail est de montrer que la satisfaction au travail semble jouer un rôle dans l’évolution de la lombalgie chez ces patients ayant participé à un programme de rééducation. En effet, plus de 53% des patients ayant évolué favorablement se disent satisfaits de leur travail contre seulement 23% de ceux ayant évolué défavorablement (p=0.01). Ce travail va dans le sens de certaines études (12–15,27,30,39,40) qui pointent le rôle essentiel des facteurs psychosociaux dont la satisfaction au travail dans la persistance de la lombalgie chronique. Mais il se différencie de ces études dans la mesure où il s’est focalisé sur des patients qui ont suivi le même programme de rééducation, et donc reçu les mêmes messages thérapeutiques. Néanmoins comme la majorité des autres travaux, il fait face aux difficultés méthodologiques que représentent les études rétrospectives. De plus, à notre connaissance, aucune étude n’a pu montrer le caractère prédictif de la satisfaction au travail (40). Les différentes modélisations réalisées n’ont pas permises de mettre en avant cette variable. La principale problématique de cette notion de satisfaction au travail est sa complexité. Il existe plusieurs définitions et questionnaires pour l’aborder (41). Elle serait utile pour une analyse détaillée des facteurs psychosociaux. Or ici, l’objectif est de mettre en avant un facteur prédictif caractérisé par sa facilité d’utilisation et son utilité dans l’orientation des patients pris en charge au sein de ces programmes de rééducation. D’autre part, aucune étude n’a encore mesuré l’impact des facteurs liés au travail par rapport aux autres dimensions du modèle bio-psycho-social. Le modèle testé dans ce travail, incluant huit facteurs dont trois items professionnels (présenté dans le tableau 5 en annexe), expliquent près de 46% de la variance de l’échantillon. La simple perception de l’impact du travail explique près de 25% de la variance de l’échantillon. Cette dernière se trouve être un facteur dont l’impact est fort et semble dominer toutes les autres variables. Ces résultats peuvent difficilement être extrapolés à d’autres populations, mais ils suggèrent la valeur prédictive que peut avoir la perception de l’impact du travail sur la lombalgie et que les critères objectifs choisis expliquent moins l’évolution de notre échantillon. Il parait clair que cette question courte ne résume pas une analyse professionnelle ni ne permet un traitement ciblé mais elle semble cependant pouvoir prédire une part non négligeable de l’évolution. Ces résultats confortent notre hypothèse que le travail joue un rôle majeur dans les résultats de la prise en charge et pourrait de ce fait justifier que la valence travail soit prise en compte au même titre que les aspects cliniques et de manière très précoce. Les résultats de ce travail montrent également que près de 67% des patients ayant évolué défavorablement à l’issue du programme de rééducation, estiment que le travail joue un rôle majeur dans la persistance de leur lombalgie (vs 31.7%, p=0.02). Les résultats concernant le stress au travail sont également concordants avec la littérature (66.7% vs 39%, p=0.02)(15). Cependant ces variables prisent isolément ne constituent pas un facteur prédictif évident, ce qui explique probablement les résultats discordants retrouvés dans les méta-analyses (25,26,31–33) La satisfaction exprimée par le salarié vis-à-vis de son médecin du travail apparait également liée à la persistance de la lombalgie. Lors des entretiens, les salariés ont clairement exprimé leurs attentes et notamment en termes de moyens d’action au sein de l’entreprise. On peut citer par exemple « il a permis l’aménagement de mon poste », « il a rencontré mon employeur », « il m’a aidé pour les démarches administratives », « il m’a écouté », « il a fait le point sur ma prise en charge ». Ce résultat va dans le sens d’un travail pluridisciplinaire en lien avec le médecin du travail dans cette population (21–23). Nos résultats confirment également le lien entre la présence de contraintes professionnelles et la persistance de la lombalgie (9,40,42). L’ensemble des revues s’accordent sur l’importance de la charge professionnelle mais la valeur prédictive à trois mois comme à un an n’est pas uniforme dans la littérature (25,26,32,33). Le fait que le patient soit en poste est modérément significatif pour la description de l’évolution clinique. Enfin, les résultats décrivent une évolution non satisfaisante parmi les employeurs et les indépendants (25% vs 9.76%, p=0.06). Certains facteurs tels que le lien entre la lombalgie et un accident du travail ou une reconnaissance de maladie professionnelle, la volonté ou la nécessité d’évoluer professionnellement, la satisfaction envers l’employeur ou le fait de bénéficier d’une consultation avec un médecin du travail, ne semblent pas prédictifs de l’évolution des patients. Ces résultats diffèrent de ceux attendus mais sont à considérer dans les  limites et les dimensions de l’échantillon analysé. Le niveau d’étude en revanche n’est pas significatif dans ce travail contrairement à d’autres études (30,43). Le tabagisme ressort comme facteur « protecteur » dans notre étude ce qui est étonnant au regard de la littérature (9,29,44–46). Cependant, la variable n’a pas été décrite selon une consommation en paquet-années ni en terme de durée, ce qui fausse certainement les résultats. Les résultats concernant le sexe, l’âge et l’IMC ne sont pas significatifs dans notre étude, alors que ces facteurs semblent jouer un rôle dans la persistance de la lombalgie (10,42,47,48). Mais il faut également prendre en compte que ces facteurs n’influent pas les capacités éducatives des patients et ne peuvent donc à fortiori pas être pris en compte pour prédire l’évolution des patients au cours de ce type de programme. Les résultats concernant la déclaration d’épisodes récurrents aigus et la coexistence d’une dépression sont en faveur d’un rôle dans l’évolution de la pathologie lombaire et sont comparables à ceux de la littérature (26,29,30,40,42,46,49). Cependant ces variables sont intrinsèquement liées au vécu négatif de la pathologie et jouent certainement un rôle dans l’appropriation des messages éducatifs. L’existence d’une pathologie chronique associée n’est quant à elle pas significative dans notre étude.

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Table des matières

INTRODUCTION
MÉTHODE
Population cible et échantillon
Recueil des données
Recueil des données liées au travail
Description des Questionnaires
Recueil des données biographiques
Analyse statistique
RÉSULTATS
Résultats de l’analyse univariée
Résultats concernant les variables liées au travail
Description de la population et situation médicale
Résultats de la régression linéaire
DISCUSSION
Limites de notre étude
Perspectives
CONCLUSION
DÉCLARATION D’INTÉRETS
RÉFÉRENCES
ANNEXES
Présentation du programme
Questionnaires
Échelle de Québec
Questionnaire sur la notion d’Appréhension-Évitement
Questionnaire d’incapacité d’OSWESTRY
Questionnaire de DALLAS

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