Modélisation de l’accouchement par simulation virtuelle

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Modélisation du périnée

Superposition des modèles

Pour cette étude il a été fait le choix d’un périnée type « Homme moderne » du fait des nombreux  caractères communs entre Australopithecus sediba et l’Homme moderne. En effet, la forme du bassin des Australopithèques, et particulièrement MH2, se rapproche plus de celle des Hommes modernes que des autres primates. Ce choix signifie que les insertions musculaires du plancher pelvien ont été choisies selon une configuration humaine plutôt qu’une configuration d’un autre primate.
Pour satisfaire le premier objectif de ce travail, qui était de modéliser un plancher pelvien de l’Australopithèque MH2, un modèle de plancher pelvien humain actuel, fourni par Michel Behr, chercheur au sein du laboratoire de biomécanique appliquée, a été utilisé. Ce plancher pelvien a ensuite été déformé de manière à l’adapter le mieux possible à la reconstruction pelvienne d’MH2, fournie par Martin Häusler de l’institut de médecine évolutive de Zurich. La modélisation du périnée a pu être effectuée l’aide du logiciel Avizo 7®.
En simulation numérique, on entend par maillage la structure anatomique « en fil de fer » ou en « filet de pêche ». Elle ne correspond qu’à la géométrie de la structure. Les unités ou mailles de ce « filet de pêche » sont appelées éléments, ici ils ont une forme triangulaire. Les trois extrémités du triangle sont appelées « nœud ». Le modèle correspond au maillage dans lequel seront introduites des propriétés biomécaniques pour « donner vie au maillage ». Cette étape où la géométrie acquiert des propriétés est appelée « mise en données » et est indispensable à la réalisation, in fine, de la simulation.
Sur le maillage de périnée humain étaient présents le muscle élévateur de l’anus ou levator ani (LA) avec ses faisceaux pubo-rectal et pubo-coccygien ; ainsi que le côlon et le rectum.
Pour procéder à la modélisation du périnée, les deux modèles de bassin osseux ont été superposés afin d’adapter au mieux le périnée humain sur le bassin osseux de MH2.
Pour se faire, ces deux bassins ont été mis à la même échelle, dans le même axe, et le même plan. (Annexe I a)
Il a été choisi de superposer les deux modèles de manière à rapprocher le plus possibles les 3 points de chaque modèle: la symphyse pubienne, les branches ischio-pubiennes, et, l’épine ischiatique droite. La figure 3 présente une vue de face, postérieure et inférieure les deux maillages (Fig. 1 A, B, C).
Une fois superposés, le but était d’isoler le périnée du modèle humain pour l’adapter au modèle de bassin osseux de MH2.
Le cadre colique et le rectum ont étés retirés n’étant pas intéressants pour cette analyse.
Pour compléter le maillage de périnée, les faisceaux pubo-vaginal du muscle élévateur de l’anus et les muscles transverses superficiels ont été ajoutés.

Création du faisceau pubo-vaginal du muscle élévateur de l’anus

Il a été nécessaire de détourer le faisceau pubo-rectal du LA afin de créer un muscle pubo-vaginal. Pour se faire, tous les éléments qui n’étaient pas du pubo-rectal ont été sélectionnés, puis effacés du modèle. Cela a permis d’isoler ce faisceau (Fig. 4) qui a ensuite été copié et rajouté au modèle pour créer un faisceau pubo-vaginal.
Une réduction et une rotation de l’élément isolé ont permis l’insertion artificielle de ce nouveau muscle à la face postérieure de la symphyse pubienne. (Annexe I b)

Création de muscles transverses superficiels (MTS)

Pour créer un muscle transverse superficiel, il a fallu étirer des éléments latéraux du faisceau pubo-rectal du muscle élévateur de l’anus et ainsi créer une nouvelle surface (Fig. 5 et Fig. 6) Les éléments ont été choisis par leur position, en avant du rectum, point d’insertion proximal du MTS au niveau du centre tendineux du périnée (CTP), non représenté sur notre modèle. En étirant ces quatre éléments, de part et d’autre du faisceau pubo-rectal du LA, jusqu’aux tubérosités ischiatiques (TI), point d’insertion du muscle transverse superficiel, les deux nouveaux muscles ont pu être rajoutés au modèle (Fig. 7).

Adaptation au modèle de bassin osseux de MH2

Afin de diminuer l’écart entre le sacrum de MH2 et l’insertion sacro-coccygienne du muscle ilio-coccygien sur le périnée en configuration humaine, une rotation du sacrum de 7.03 mm a été effectuée, selon l’axe passant entre les surfaces auriculaires, entraînant une bascule en avant de la 5ème vertèbre sacrée de 7.03mm. Physiologiquement chez l’Homme moderne, le sacrum est capable d’effectuer un mouvement de nutation ou contre-nutation entraînant au maximum un « allongement » du diamètre antéro-postérieur du détroit inférieur de 2cm (21). Comme la laxité ligamentaire au niveau de la jonction sacro-iliaque sera prise en compte dans nos simulations, la légère bascule du sacrum est alors acceptable.
Les MTS du périnée humain s’inséraient au niveau des tubérosités ischiatiques. Afin de respecter ces insertions, il a été nécessaire de reculer les faisceaux des MTS sur le bassin de MH2.

Modélisation de l’accouchement par simulation virtuelle

Mise en données

Cette étape de mise en données a été réalisée avec l’aide de Lionel Thollon du laboratoire de biomécanique appliquée.
A l’aide du logiciel Hypermesh®, il a été possible de copier le coccyx du modèle humain afin de l’adapter sur le modèle de bassin osseux de MH2. Pour ce faire, le coccyx humain a été réduit de 40% et a subi une rotation. Les éléments saillants du bord du coccyx humain ont été retirés afin de créer un ensemble plus homogène.
Les éléments musculaires ont ensuite été « rattachés » à un corps rigide afin d’unir virtuellement les muscles périnéaux et le bassin osseux (os coxal, sacrum et coccyx). Le corps rigide est ici le bassin osseux, il ne peut se déformer, ni se déplacer, à l’exception des jonctions sacro-iliaques. Comme dit précédemment, cette liberté accordée à la jonction sacro-iliaque permet d’imiter le mouvement de nutation et de contre-nutation possible pendant l’accouchement. Plus précisément, ont été ajoutés des nœuds avec les mêmes coordonnées que des points du sacrum. Une fois les deux nouveaux nœuds créés, ils ont été intégrés dans le corps rigide. A partir de ces nœuds, des ressorts ont été construits, auxquels un degré de liberté a été appliqué pour permettre une articulation bassin-sacrum.
Puisque le corps rigide ne peut pas se déplacer, ni s’aplatir, il n’est pas nécessaire de le « remplir » d’éléments, ces maillages sont donc creux. En revanche, le muscle peut s’étirer, se déplacer. Dans ce cas, il faut « remplir » le maillage d’élément, c’est ce qu’on appelle la création volumique.
La création volumique a pu être effectuée avec le logiciel Tetramesh®. Les muscles du modèle de périnée ont étés remaillés afin d’avoir un maillage plus détaillé pour se rapprocher au mieux du maillage du bassin qui lui, était très précis.
Le muscle pubo-rectal a été remaillé avec une taille d’élément de 1mm. Et le muscle pubo-vaginal avec une taille d’élément de 1.5mm.
Les éléments devaient respecter un angle minimum de 20° et maximum de 120°. Ces contraintes permettent d’optimiser la simulation.
Il a ensuite été nécessaire de remodeler individuellement les éléments qui étaient trop gros afin d’avoir un maillage le plus homogène possible.
Pour les simulations d’accouchement, le logiciel Hypercrash® a été utilisé.
Le crâne fœtal utilisé a été celui obtenu lors d’un précédent travail.(22) Il s’agit d’un maillage de crâne hypothétique de nouveau-né australopithèque (Fig. 8).
La tête fœtale a été ensuite placée dans le bassin osseux en position occipito-pubienne fléchie. (Fig 9).
Pour terminer la phase de mise en données, les propriétés biomécaniques issues de la littérature (22,23) suivantes ont été utilisées :
– Pour le crâne les paramètres utilisés étaient les suivants : O Densité 2.1g/cm3
O Module de Young 3800MPa (Méga Pascal) O Coefficient de Poisson 0.28
– Pour les fontanelles les paramètres utilisés étaient les mêmes sauf pour le module de Young qui était de 200MPa.
– Pour les muscles, les données utilisées étaient les suivantes :
O Densité de 1.056g/cm3.
O Module de Young de 107 Pa (10 MPa) O Coefficient de Poisson de 0.3.

Résultats globaux issus des simulations

Parmi les simulations réalisées, un grand nombre n’étaient pas réalistes d’un point de vue anatomique. Au total 9 simulations ont été lancées. Certaines simulations entraînaient une bascule du muscle releveur de l’anus vers l’avant, d’autres simulations montraient une dystocie des parties molles. Nous avons donc choisi de nouveaux paramètres, présentés chronologiquement dans la figure 10, afin de rendre les simulations d’une part, compatibles avec un franchissement du pôle céphalique à travers le détroit inférieur, et d’autre part, sans bascule des muscles périnéaux en avant.

La simulation avec un mouvement « réaliste » des muscles périnéaux

Bien qu’aucune simulation n’ait montré le franchissement de la présentation à travers le détroit inférieur, une simulation montrait néanmoins un déplacement des muscles périnéaux plutôt réaliste. En effet, les muscles s’écartaient au contact du crâne, au lieu de basculer en avant. Cette simulation a été réalisée en utilisant la tête fœtale non réduite, et, en appliquant une force 10 fois plus importante que la gravité.
Les figures 11 et 12 montrent les tensions (en Méga Pascal (Mpa)) appliquées sur les muscles périnéaux. Sur ces figures il est possible de voir que les points de tension les plus forts étaient les accroches pubiennes des faisceaux pubo-vaginal, pubo-rectal mais surtout du pubo-coccygien du LA, atteignant jusqu’à 4 MPa. L’ancrage sacré du faisceau pubo-coccygien du LA atteignant quant à elle 2,5 à 3 MPa. Les muscles transverses superficiels étaient également étirés à moins de 2 Mpa.

Analyse et discussion

Les résultats issus de la simulation réaliste montrent des contraintes sur le plancher pelvien allant jusqu’à 4 Mpa.
Dans une étude de Parente sur l’influence des propriétés biomécaniques des matériaux sur le comportement des muscles du plancher pelvien lors d’un accouchement par voie basse (24), il a été montré que la contrainte maximale sur le périnée lors des différentes phases de l’accouchement variait entre 0.5 MPa et 3.5 MPa.
Aux vues des résultats de cette simulation il est possible de dire que les contraintes subies par les muscles précédemment cités ne permettaient pas un accouchement physiologique sans des déchirures de ces derniers.
Les résultats de la simulation avec une déformation réaliste des muscles périnéaux ont permis de mettre au jour différentes hypothèses :
– Soit la tête fœtale des Australopithecus sediba était plus petite que ce que les études menées jusqu’alors laissaient penser.
– Soit nos propriétés appliquées au périnée ne sont pas « bonnes », et les Autralopithèques avaient une configuration périnéale et une élasticité leur permettant d’accoucher de fœtus plus grands. Les périnées pouvaient être plus souples que ce qui a pu être testé dans cette étude.
– Soit les Australopithèques accouchaient au prix de déchirures périnéales majeures, notamment localisées sur l’insertion pubienne des muscles du plancher pelvien.
Si la tête fœtale était en effet plus petite que ce que les études laissaient penser, cela engendre des conséquences au niveau anthropologique.
En effet, si les nouveau-nés naissaient avec des crânes plus petits, le ratio entre la taille du crâne du nouveau-né et la taille du crâne adulte était également plus petit. Ce ratio est de 42% chez le Chimpanzé, tandis qu’il est de 25 % chez l’Homme moderne. L’Homme moderne, contrairement au Chimpanzé, donne naissance à un nouveau-né plutôt immature qui suit une croissance ex-utero à l’image de la croissance in utero, consommatrice en énergie et demandant un investissement parental important(25).
Si la taille du crâne était plus petite, et, par conséquent, le poids du cerveau plus léger que 145 grammes, cela signifie que le ratio était plus proche de celui humain de 25%. Dans ce cas, les Australopithèques avaient déjà l’expérience d’un investissement parental important lié à la prise en charge d’un nouveau-né immature.
Si les périnées des Australopithèques étaient plus souples, des conséquences sur le prolapsus, comme suggéré par Chene et al.(12) auraient pu être observées.
Selon les résultats de cette étude, les Australopithèques accouchaient au prix de lésions périnéales importantes. Cela ouvre des perspectives paléo-obstétricales intéressantes jamais évoquées dans la littérature. Ces lésions périnéales ont-elles eu des conséquences sur la mortalité ou la morbidité de ces Australopithèques ? Les déchirures périnéales peuvent être à l’origine d’hémorragies potentiellement graves si elles sont importantes et si l’on imagine qu’elles ne sont pas prise en charge. La gravité sur l’accouchée peut être majorée si ces déchirures sont compliquées par des infections périnéales. Ces complications étaient-elles communes chez les Australopithèques ? Cette hypothèse amène à reconsidérer la stratégie reproductrice des Australopithèques dans son ensemble.
Ce travail offre de nombreuses perspectives pour de futurs travaux :
Dans ce mémoire, nous avons utilisé les paramètres biomécaniques d’un muscle fémoral, il serait intéressant de changer ces propriétés afin de voir comment réagirait un périnée plus souple lors des modélisations d’accouchement. Chen a estimé l’élasticité du périnée par échographie dans une étude chez des femmes nullipares (26). Son étude montre un module de Young beaucoup plus faible (28 kPa) que celui utilisé lors de nos modélisations.
Il serait intéressant de conduire d’autres simulations en abaissant le module de Young à cette valeur, tout en gardant les autres propriétés biomécaniques utilisées dans notre étude (densité, et coefficient de Poisson). Ainsi, il serait possible de voir les contraintes que subirait un périnée plus élastique et si cela permettrait le passage du crâne fœtal.
Dans les simulations secondaires, il a été pris le parti d’emblée de réduire la taille de la tête fœtale, cela amène à faire d’emblée une hypothèse de petit crâne fœtal chez les Australopithèques, suggérant un ratio taille du crâne à la naissance/taille du crâne adulte plus proche de l’Homme. La création de ressorts entre le faisceau pubo-rectal du LA et le sacrum puis, plus tard, entre le faisceau pubo-vaginal du LA et le sacrum a permis de stabiliser ces derniers mais seulement par des points d’ancrage postérieurs. Il serait judicieux dans des simulations futures de créer un modèle plus complet avec une aponévrose fermant en bas le périnée permettant de limiter les mouvements musculaires de façon plus physiologique, plus réaliste.
Lors des modélisations d’accouchement, seul un crâne fœtal a pu être utilisé, ne disposant pas de matériel corporel fossile d’individus juvéniles Australopithèques. Afin de rendre les simulations plus réalistes encore, il pourrait être proposé de rajouter un corps à ce dernier dans le but de limiter les rotations de la tête et rendre plus cohérente la mécanique obstétricale.
Il pourrait être envisagé de faire ces simulations sur d’autres bassins Australopithèques comme celui de Lucy, afin de voir si ces simulations mèneraient à des résultats identiques.

Conclusion

Dans cette étude, il a été possible de proposer une modélisation type Homme moderne du plancher pelvien chez MH2.
Le premier objectif, qui consistait à créer un plancher pelvien pour MH2 a été atteint.
Le second objectif, qui consistait à explorer, à l’aide de la simulation, l’impact anatomique de l’accouchement sur le plancher pelvien d’MH2, a été partiellement atteint. Ceci montre la complexité de la modélisation des phénomènes biologiques par la simulation virtuelle. Ces simulations étant chronophages, il est obligatoire d’imposer des paramètres avant de constater qu’ils ne permettent pas d’obtenir un résultat physiologiquement réaliste. Une simulation a permis cependant de discuter de nouvelles hypothèses obstétricales chez les Australopithèques. Les simulations d’accouchements réalisées ont pu mettre au jour des contraintes périnéales importantes ne permettant pas, chez Australopithecus sediba, un accouchement physiologique et non traumatique.
Cette étude a permis de montrer que l’hypothèse la plus probable jusqu’ici proposée de taille de crâne fœtal impliquait un accouchement avec des déchirures périnéales importantes.
Ce mémoire a permis d’ouvrir de nouvelles perspectives sur l’accouchement des Australopithèques sediba, et de suggérer de nouvelles pistes qui restent encore à explorer (crâne fœtal plus petit, périnée plus élastique, …).

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Table des matières

Introduction
Matériel et méthodes
Résultats
Analyse et Discussion
Conclusion
Références
Glossaire
Annexes

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