Paludisme chez la femme enceinte

Paludisme chez la femme enceinte 

Les premiers travaux sur les manifestations cliniques du paludisme chez la femme enceinte ont été effectués au cours d’épidémies ou de cas sporadiques (Clark, 1915 ; Wickramasuriya, 1935 ; Torpin, 1941). Les résultats de ces études avaient mis en évidence l’avortement ou la naissance d’un enfant mort-né et l’accès pernicieux mortel pour la mère. Ces observations alarmantes ont été tempérées par la réalisation d’enquêtes épidémiologiques systématiques en Afrique où l’endémie est intense. Ces enquêtes avaient montré un tableau assez différent, le taux de prévalence élevé d’infections plasmodiales du placenta contrastant avec un tableau clinique relativement discret chez les mères (Blackblock & Gordon, 1925 ; Garnham, 1949). Au début des années cinquante, il était admis qu’en fonction de l’endémicité, deux situations cliniques pouvaient être distinguées : morbidité et mortalité élevées de la mère et de l’enfant en cas de paludisme instable, relative bénignité en cas de paludisme stable (Covell, 1950). Ce constat plutôt rassurant concernant les régions de forte transmission palustre, attribué à une meilleure protection individuelle, était toute fois tempéré par la constatation d’une diminution du poids de naissance associée à l’infection placentaire (Bruce Chawatt, 1952), elle-même responsable d’une morbidité et d’une mortalité accrues chez le bébé. Pour prévenir ces conséquences, Archibald évoquait dès les années 1950 la possibilité de protéger les femmes enceintes par chimioprophylaxie au Nigéria (Archibald, 1956). La plus grande sensibilité des femmes enceintes à l’infection palustre, la diminution du poids de naissance et l’anémie maternelle associées à l’infection palustre placentaire, justifient le fait que ce problème soit considéré comme une priorité de santé publique en zone de forte endémie. Le risque est particulièrement important en Afrique où moins de 5% des femmes enceintes bénéficient de mesures de prévention efficaces (Ramsay, 2003).

Problèmes immunitaires

Le concept selon lequel la grossesse est un état immunosuppressif permettant à l’allogreffe fœtale de s’implanter et de croître a occupé le centre des discussions pendant plusieurs années. En fait, le placenta n’est pas une barrière cellulaire imperméable prévenant l’exposition des alloantigènes fœtales aux lymphocytes T maternels comme il a été suggéré par Medawar (1953). Mieux, les cellules maternelles et fœtales sont réciproquement transportées à travers le placenta durant la période de gestation (Luppi, 2003). En effet, toutes les cellules d’origine fœtales (Sargent, 1993) et l’ADN fœtal accèdent au sang périphérique maternelle où ils peuvent persister longtemps après la délivrance (Invernizzi et al., 2002). Ces résultats indiquent qu’une zone potentielle d’interaction immunologique fœto maternelle est représentée par la circulation maternelle périphérique et que les mécanismes qui bloquent la capacité de réaction immune contre les alloantigènes fœtaux peuvent avoir lieu. Il a été montré que approximativement, 30% des femmes développent des anticorps IgG contre l’antigène paternel HLA (Human Leucocyte Antigen) du fœtus avec la présence de Lymphocytes T cytotoxiques spécifiques de ces antigènes HLA (Van Kampen et al., 2002). Au cours d’une grossesse normale, des modifications ont lieu pratiquement sur chaque facette da la réponse immunitaire. Les augmentations en nombre et en état d’activation ont lieu sur les monocytes et les granulocytes circulants permettant une attaque plus agressive des agents envahisseurs. La dépression des fonctions des cellules naturelles tueuses et des lymphocytes T et les sécrétions réduites des cytokines de type 1 protègent le fœtus de sa destruction par les réponses immunitaires maternelles (Luppi, 2003).

Le placenta

Le blastocyste a épuisé ses réserves nutritives à une semaine après la fécondation. Il définit alors avec l’organisme maternel, une structure appelée placenta qui lui permettra de continuer son développement durant toute la durée de la gestation. Organe autonome et transitoire, le placenta est destiné essentiellement à nourrir et à oxygéner l’embryon puis le fœtus pendant la vie intra-utérine (Alsat & Evan-Brion, 1998). Il apparaît comme une masse de chair ayant l’apparence d’une éponge et contient de nombreux vaisseaux. Il est essentiellement constitué par les nombreux replis de la membrane entourant le fœtus et de la muqueuse de l’utérus.

Formation du placenta
Selon Merger et al., (1995), la morphogenèse du placenta s’effectue en plusieurs étapes. Dès le cinquième jour de la grossesse, le trophoblaste qui va constituer le placenta est déjà formé. Il s’agit de la couche la plus superficielle du blastocyste et comprend deux assises cellulaires : le cytotrophoblaste qui est formé de cellules volumineuses espacées et le syncytiotrophoblaste formé de larges plaques de cytoplasme multi nucléé. Cette assise cellulaire a assuré lors de l’implantation la lyse des éléments maternels et l’absorption des produits nutritifs. C’est cette deuxième assise de cellules qui prend l’aspect d’un amas cellulaire et va commencer à s’incorporer aux tissus maternels, du sixième au neuvième jour, par de larges proliférations pseudopodiales. Ce stade est dit pré lacunaire qui devient le stade lacunaire vers le treizième jour avec l’apparition de lacunes dans les travées syncytiales. Les étapes suivantes de la morphogenèse conduisent à partir du cinquième mois au placenta proprement dit qui conserve la structure générale qu’il aura désormais acquise. Sans modification structurale, son volume va continuer à s’accroître et les villosités vont se multiplier (Alsat & Evain-Brion, 1998).

Structure du placenta
Le placenta est un organe fascinant par la complexité de son développement et la diversité de ses fonctions (métaboliques et endocrines). Il forme l’interface entre les tissus maternels et fœtaux et réalise le paradoxe immunologique que constitue la survie du fœtus dans un organisme qui lui est en partie étranger.

Pour les biologistes cellulaires, il centralise, au cours d’une durée de vie limitée, toutes les étapes essentielles de la vie d’une cellule que sont la prolifération, la migration, l’invasion, la différenciation et la mort cellulaire programmée. Pour les généticiens, le placenta, tissu d’origine embryonnaire présente bien des particularités intéressantes à étudier. Son unité structurale et fonctionnelle est la villosité choriale (Figure 3) qui est composée essentiellement de la cellule cytotrophoblastique. Cette cellule est capable in vitro et in vivo, par fusion cellulaire, de former le syncytiotrophoblaste. Cette différenciation morphologique est associée à une différenciation fonctionnelle. Dans la villosité crampon, elle est proliférative et invasive (Strickland & Richard, 1992). Par ailleurs, elle sécrète de nombreuses protéases (Lala & Hamilton, 1996).

Aspect macroscopique 

Le placenta à terme est un disque d’environ 16 à 20 cm de diamètre et de 3 cm d’épaisseur. Il pèse approximativement 500 à 600 g, soit environ 1/6 du poids fœtal. Mais au début de la grossesse, le volume du placenta est supérieur à celui du fœtus. Il est composé d’une partie maternelle, constitué par les transformations subies par la zone d’implantation utérine. Il s’insère normalement sur les faces ou sur le fond de l’utérus. Mais le placenta inséré dans l’utérus est beaucoup plus mince, plus étalé que le placenta après son expulsion. La face fœtale est lisse, luisante. Elle est tapissée par l’amnios, que l’on peut détacher facilement du plan sous-jacent, et qui laisse apparaître par transparence les vaisseaux placentaires superficiels de gros calibre. Sur elle, s’insère le cordon ombilical, tantôt près du centre, tantôt à la périphérie, plus ou moins près du bord. La face maternelle est tomenteuse. Elle est formée de cotylédons polygonaux séparés par des sillons plus ou moins profonds et creusés par les septa (Merger et al., 1995).

Circulation sanguine dans le placenta

Le placenta humain est hemomonochorial. Cette particularité est propre à l’espèce humaine, aux primates supérieurs et au cobaye. Cela permet au tissu fœtal d’être en contact direct avec le sang maternel (Kaufman & Burton, 1994). Le sang artériel maternel arrive par les branches terminales des artères spiralées utérines qui s’ouvrent dans la chambre inter villeuse. Le volume total de l’espace intervilleux est voisin de 250 ml et, comme le débit utérin est de l’ordre de 600 ml par minute, on peut estimer que le sang maternel y est renouvelé toutes les 25 secondes. Il est injecté, sous pression élevée (de 70 à 80 mmHg), sous forme de jet dirigé contre la plaque choriale tournée vers le fœtus.

Ce débit sanguin est intermittent et semble contrôlé par des phénomènes vasomoteurs ayant lieu à la jonction du muscle utérin et de son revêtement muqueux : toutes les artères n’injectent pas simultanément le sang dans la chambre inter villeuse. Le sang maternel retourne ensuite vers le muscle utérin, sa pression étant tombée à 10 ou 15 mmHg, par des orifices veineux très larges (sinus veineux), avant de rejoindre la veine utérine où la pression n’est plus que de 5 mmHg. Le facteur dominant de ces échanges sanguins est la forte différence de pression entre le flux et le reflux du sang maternel qui permet d’accroître, dans les chambres intervilleuses, le temps de contact entre le sang et la membrane placentaire. Le sang fœtal arrive au placenta par les deux artères ombilicales et repart par la veine ombilicale vers le système cave inférieur de l’embryon. À la surface du placenta, sur la plaque choriale, les artères ombilicales se divisent et se répartissent dans les troncs villositaires. L’axe mésenchymateux de la villosité choriale est parcouru par de petits vaisseaux, une veine et une artère qui se ramifient en de nombreux capillaires dans les villosités terminales. La circulation sanguine est assurée par la pompe cardiaque fœtale et par les pulsations des artères autour desquelles les veines sont enroulées.

Près du terme, le volume sanguin contenu dans les vaisseaux placentaires fœtaux étant de l’ordre de 45 ml, pour un flux foeto-placentaire d’environ 300 ml par minute, on peut, comme précédemment, estimer que le sang fœtal est remplacé toutes les 8 à 10 secondes. L’espace sanguin fœtal est donc constitué d’un faible volume à renouvellement rapide, alors que l’espace sanguin maternel présente un grand volume à renouvellement lent, situation qui favorise les échanges à partir du sang maternel. La qualité de ces échanges dépend donc de la circulation fœtale, de l’intégrité de la surface syncytiotrophoblaste et, surtout, de la circulation du sang maternel dans la chambre intervilleuse (Alsat & Evan-Brion, 1998).

Fonctions placentaires 

Le placenta exerce de nombreuses fonctions essentielles au bon déroulement de la grossesse et à la croissance intra-utérine du fœtus. Selon Alsat & Evan-Brion (1998), les fonctions placentaires se résument à des fonctions d’échanges, métaboliques et endocrines. Le premier rôle du placenta est de permettre les échanges entre la mère et le fœtus. Pour ce dernier, le placenta joue le rôle habituellement dévolu au rein, au poumon et à l’intestin. Le placenta a longtemps été considéré comme une membrane semi-perméable avec comme caractéristique : libre passage de l’eau, des électrolytes, des molécules de faible poids moléculaire et blocage des composés de poids moléculaire élevé. Mais, en réalité, les échanges placentaires sont beaucoup plus complexes. Certains transferts se réalisent de manière passive par simple diffusion du milieu à forte concentration vers le milieu à faible concentration, jusqu’à l’état d’équilibre. C’est le mode de passage de l’eau, de l’urée, de l’oxygène et du gaz carbonique. Il faut cependant, souligner que le transfert de l’oxygène, bien que passif au niveau de la membrane placentaire, est facilité par une plus grande affinité de l’hémoglobine fœtale pour l’oxygène que de l’hémoglobine maternelle. Le transport facilité est accéléré par une molécule porteuse, qui après couplage au flux d’un ion, se charge spécifiquement de la substance à transporter de part et d’autre de la membrane. Ce type de transport stéréospécifique est utilisé pour le D-glucose, principale source d’énergie pour le fœtus. Le transport actif nécessite un apport d’énergie issu de l’hydrolyse de l’adénosine triphosphate (ATP) par une ATPase placentaire avec couplage aux flux ioniques. C’est le type de transport pour les acides aminés, le sodium, le calcium et le potassium. À l’approche du terme, les concentrations plasmatiques fœtales d’acides aminés sont plus élevées que les taux maternels.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
I. GÉNÉRALITÉS
I.1 Répartition géographique du paludisme
I.1.1 Le paludisme dans le monde
I.1.2 Paludisme au Sénégal
I.2 Lutte contre le paludisme
I.3 Paludisme chez la femme enceinte
I.3.1 Problèmes immunitaires
I.3.2 Le placenta
I.3.2.1 Formation du placenta
I.3.2.2 Structure du placenta
I.3.2.3 Aspect macroscopique
I.3.2.4 Circulation sanguine dans le placenta
I.3.2.5 Fonctions placentaires
I.3.3 Cycle évolutif de P. falciparum chez la femme enceinte
I.3.4 Physiopathologie du paludisme gestationnel
I.3.4.1 Conséquences du paludisme sur la grossesse
I.3.4.2 Conséquences sur la mère
I.3.4.3 Conséquence sur le fœtus
I.3.5 Aspects épidémiologiques
I.3.6 Mécanisme biologiques
I.3.7 Immunité antipalustre acquise chez la femme enceinte
I.3.7.1 Réponses immunes à l’infection placentaire
I.3.7.2 Mécanismes d’adhésion
I.3.7.3 Anticorps anti- adhésion
I.3.7.4 Immunité Cellulaire
I.3.7.5 Rôle des cytokines dans l’infection placentaire
I.3.8 Prévention du paludisme chez la femme enceinte
II ETUDE HISTOLOGIQUE
II.1 INTRODUCTION
II.2 MATERIEL ET METHODES
II.2.1 Materiel
II.2.1.1 Zone d’étude
II.2.1.2 Matériel biologique
II.2.2 Méthodes
II.2.2.1 Méthode de collecte et de traitement des échantillons
II.2.3 Histologie des placentas
II.2.3.1 Coupes histologiques au cryostat
II.2.3.2 Coloration à l’Hématoxyline-Eosine
II.2.3.3 Coloration au May Grunwald-Giemsa
II.2.4 Analyses statistiques
II.3 RESULTATS
II.3.1 Caractéristiques de la population d’étude
II.3.2 Parasitémies sur sang veineux et placentaire
II.3.3 Histologie placentaire
II.3.4 Classification des placentas palustres
II.3.5 Age, parité, durée de la grossesse et classes d’infection
II.3.6 Classes d’infections et parasitémies
II.3.7 Stades parasitaires dans le placenta
II.3.8 Poids de naissance et classes d’infections
II.3.9 Les paramètres hématologiques
II.3.10 Taux d’hémoglobine et classes d’infection
II.4 DISCUSSION
III CARACTERISATION IMMUNOHISTOCHIMIQUE (IHC)
III.1 INTRODUCTION
III.2 MATERIELS ET METHODES
III.2.1 Matériels biologiques et anticorps
III.2.1.1 Anticorps monocloaux
III.2.1.2 Témoins des anticorps
III.2.2 Méthodes
III.2.2.1 Principe de l’IHC
III.2.2.2 Protocole Immunohistochimique
III.3 Résultats
III.4 DISCUSSION
IV ETUDE DES REPONSES HUMORALES
IV.1 INTRODUCTION
IV.2 MATERIELS ET METHODES
IV.2.1 Matériels
IV.2.1.1 Anticorps et Conjugués
IV.2.1.2 Sérum témoins systématiques
IV.2.1.3 Antigènes
IV.2.1.4 Plasma de cordon et veineux
IV.2.2 Méthodes
IV.2.3 Culture des parasites au laboratoire
IV.2.3.1 Entretien de la souche Palo Alto
IV.2.3.2 Technique ELISA (Enzyme Linked Immuno-Sorbent Assay)
IV.2.3.2.1 Dosage des anticorps totaux IgG et IgM
IV.2.3.2.2 Dosage des sous-classes d’anticorps spécifiques
IV.2.3.2.3 Contrôle et expression des résultats
IV.2.4 Analyses statistiques
IV.3 RESULTATS
IV.3.1 Réponse Anticorps spécifiques aux antigènes parasitaires
IV.3.1.1 Réponses spécifiques aux antigènes somatiques
IV.3.1.1.1 Réponses en IgG totales
IV.3.1.1.1.1 Réponses anticorps dans les différentes classes d’infection
IV.3.1.1.1.2 Réponses anticorps selon la présence ou l’absence de parasites
IV.3.1.1.1.3 Réponses anticorps selon la parité
IV.3.1.1.2 Réponses en sous-classes d’IgG contre les Ag somatiques
IV.3.1.1.2.1 Réponses en sous classes dans les classes d’infection
IV.3.1.1.2.2 Selon la présence et l’absence de parasites
IV.3.1.1.2.3 Selon la parité
IV.3.1.2 Réponses IgG contre MSP1 et MSP2
IV.3.1.2.1 Réponses IgG dans les différentes classes d’infections
IV.3.1.2.2 Selon la présence et l’absence de parasites
IV.3.1.2.3 Selon la parité
IV.3.1.3 Réponses en sous-classes d’IgG contre MSP
IV.3.1.4 Réponses IgG spécifiques contre MSP1 et MSP2
IV.3.1.5 Selon la présence et l’absence de parasites
IV.3.1.6 Selon la parité
IV.3.1.7 Réponses IgM anti MSP1 et MSP2
IV.3.2 Corrélation entre les paramètres
IV.4 DISCUSSION
V CHPITRE V : ETUDE QUANTITATIVE DES ARN MESSAGERS
CONCLUSION

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