Comprendre l’album, tirer parti de la relation texte-image : mise en œuvre en grande section de maternelle 

Le cadre théorique

La compréhension du récit

Evolution de la compréhension en lecture

Selon la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), le terme de « lecture » a différentes acceptions. Il renvoie à « l’action de savoir lire, de déchiffrer visuellement des signes graphiques qui traduisent le langage oral » , au « fait de savoir lire », au « déchiffrage de toutes notations ». Mais il désigne également « l’action de prendre connaissance du contenu d’un texte écrit pour se distraire, s’informer » ou encore « une manière de comprendre, d’interpréter un texte, un événement ». Au regard de la sémiotique littéraire, la lecture désigne « la mise en œuvre d’un ensemble de procédures d’analyse portant sur un texte donné ». Lecture et compréhension semblent intimement liées. Plus exactement, la lecture recouvre deux aspects essentiels : le déchiffrage d’un code et la compréhension. Le rapport de l’Observatoire national de la lecture concernant l’apprentissage de la lecture à l’école primaire datant de 2005 résume bien cette idée : « lire, c’est extraire d’une représentation graphique du langage la prononciation et la signification qui lui correspondent » . Les programmes actuels affirment qu’au cycle 2, l’apprentissage de la lecture passe par le décodage et l’identification des mots et par l’acquisitio n progressive des connaissances et des compétences nécessaires à la compréhension des textes.
Ces deux facettes de la lecture (décodage et compréhension) n’ont pas toujours été reconnues en tant que telles. En effet, la lecture a longtemps été vue comme un processus unitaire. Dans les années 1960, elle était assimilée au décodage. Dans les années 1970, c’était plutôt la compréhension qui primait. De nos jours, ces deux aspects font consensus.
Selon Jocelyne Giasson-Lachance, auteure titulaire d’un doctorat en Sciences de l’Education et d’une maîtrise en Psychologie et spécialisée dans la compréhension en lecture, la conception de la compréhension en lecture par les chercheurs a radicalement évolué sur deux plans. D’une part, cette conception est passée « d’un modèle séquentiel à un processus plus global » . D’autre part, la place du lecteur dans le processus de compréhension fait à présent l’objet d’une haute considération. Alors que le lecteur était considéré comme un récepteur passif du message, on parle
aujourd’hui de « l’interaction texte-lecteur ». J.Giasson-Lachance explique que la compréhension en lecture était autrefois le résultat de la mise en œuvre de différentes « habiletés » telles que « décoder, trouver la séquence des actions, identifier l’idée principale» . Comprendre un texte supposait de maîtriser chacune de ces habiletés. Or, en 1986, Irwin a montré qu’il était très difficile de lister toutes les habiletés requises pour la compréhension en lecture. De plus, Alteweger a constaté que des élèves peuvent rencontrer des difficultés pour lire tout en maîtrisant très bien les habiletés isolées. Ces recherches ont permis de considérer peu à peu la compréhension comme un processus qui intègre différentes habiletés mais de manière plus globale. Il n’est pas nécessaire de maîtriser l’ensemble des habiletés dans la mesure où « toute habileté apprise en dehors d’une activité globale de lecture ne se réalise pas de la même façon lorsque cette même habileté est utilisée dans un contexte réel ».
Jocelyne Giasson affirme également que dans un texte, le lecteur ne se contente pas de prélever un sens précis choisi par l’auteur. Il participe au contraire pleinement à la construction du sens. Pour cela, il se sert du texte, mais aussi de ses connaissances personnelles et de son « intention de lecteur » . L’un des écueils possibles pour l’enseignant (selon J.Giasson-Lachance) est de craindre que cette importance donnée au lecteur laisse place à des interprétations s’éloignant de la vérité du texte. Or, créer le sens du texte ne veut pas dire que le texte peut signifier tout ce que l’on veut. Dans son texte, l’auteur utilise des conventions et laisse de côté les informations qu’il suppose connues du lecteur. Si cette supposition ne se vérifie pas, le message de l’auteur sera mal compris. Ainsi, le modèle contemporain de compréhension en lecture se base sur un processus interactif.
La compréhension en lecture « varie selon le degré de relation entre trois variables : le lecteur, le texte et le contexte » . Plus ces variables sont « imbriquées les unes dans les autres », meilleure est la compréhension selon J.Giasson-Lachance.

L’album, un genre complexe

La littérature de jeunesse et sa double énonciation texte / image

En France, les premiers écrits destinés à la jeunesse sont apparus dès le 18ème siècle.
On trouvait déjà d’une part des textes « réorientés » pour la jeunesse et d’autre part des écrits qui leur étaient strictement adressés. Les titres de ces ouvrages mentionnent le public auquel ils sont adressés. Vers les années 1830, les livres destinés à la jeunesse sont plus couramment appelés « livres d’Education » . Cette première dénomination montre que ces ouvrages commencent à être reconnu dans la société. Leur diversification entraînera un changement d’appellation : « livres pour enfants », puis « littérature enfantine ». Depuis les années 1970, tous les livres proposés aux enfants et aux adolescents sont regroupés sous l’appellation « littérature d’enfance et de jeunesse ». Isabelle NièresChevrel explique que cette catégorisation demeure floue. La littérature de jeunesse se définirait par exclusion, et désignerait les livres qui ne sont pas pour les adultes. Or, cette limite se déplace « au gré des représentations que les adultes se font »  . NièresChevrel cite l’exemple d’Alice aux Pays des merveilles, que Lewis Carol a destiné à « son idéale amie-enfant » mais qui demeure très apprécié des adultes, ou encore les ouvrages de Jules Vernes. Le premier recueil des histoires du Petit Nicolas édité en 1960 est dans l’esprit de son auteur, Denoël, destiné aux adultes.
Le conte, la fable, le roman, le théâtre sont des genres que l’on peut inclure dans la littérature de jeunesse mais qui sont loin d’être propre à un public enfantin et qui ont tout autant leur place dans la littérature générale. « La présence d’images peut apparaître comme une marque-frontière qui distinguerait « le-livre-pour-enfant » du livre pour adulte » . Cependant, toujours selon Isabelle Nières-Chevrel, « le texte illustré peut être ce lieu où vont se retrouver dans un même plaisir toutes les générations » . De plus, l’idée d’une image présentant une esthétique propre aux enfants est en train de disparaître : « de la valorisation presque exclusive des illustrations intelligibles, aux couleurs fraîches et au dessin soigné, on en est arrivé à apprécier aujourd’hui jusqu’au noir, au sale et au gribouilli » . Parmi les ouvrages de littérature de jeunesse comprenant des images, on trouve les albums de fiction, mais pas seulement. Les albums sans texte, les imagiers, les abécédaires, les livres-jeux (destinés aux plus petits qui sollicitent une activité manuelle comme plier et déplier des éléments de la page), les albums documentaires, les bandes dessinées en font également partie. C’est plus particulièrement dans l’album et dans la bande dessinée que l’on remarque une double énonciation : celle du texte et celle de l’image.
Dans la bande dessinée, l’organisation des images sur le support est bien organisée en séquences. Ce n’est pas le cas de l’album où elles peuvent s’organiser librementsur le support. Cependant, là aussi les frontières sont à relativiser dans la mesure où l’album subit l’influence de la bande dessinée jus qu’à parfois obtenir des livres hybrides.

Les spécificités de l’album

Dans son usage le plus courant, l’album dessine un « cahier ou classeur personnel destiné à recevoir des dessins, des photos, des autographes, des collections diverses » (selon le dictionnaire Le Petit Robert). Les recueils en question ne sont pas ceux qui nous intéressent mais cette définition associe déjà dans nos esprits l’album à quelque chose de visuel, à un objet destiné à être montré.
L’album se définit comme un « type d’ouvrage pour la jeunesse comportant des images » . Lorsque nous ouvrons un album, nous constatons la prédominance des images. Des premiers albums aux albums contemporains, la place, le statut et la fonction de l’image ont beaucoup évolué. Selon Sophie Van Der Linden, l’émergence de l’« album contemporain » peut être situé dans les années 1970. Les images « dénotatives » (censées représenter fidèlement le réel et utilisées comme supports d’apprentissage) laissent de plus en plus la place à une image d’un autre genre. C’est l’émergence de l’image d’album « inattendue aux nombreuses résonnances symboliques » . Selon Sophie Van der Linden, l’image s’affirme aujourd’hui pleinement au point de « contaminer l’ensemble des messages et de faire de l’album un objet prioritairement visuel ».

Les spécificités de l’image

Le terme d’image est polysémique. Le mot « image » vient de « imago, imiginis, ». Ce mot latin avait déjà des sens très variés , tels que « effigie », « représentation », « spectre », « idée », « rêve », « apparence », « souvenir », « reflet d’un miroir », « comparaison », « fable ». Martine Joly, dans Introduction à l’analyse de l’image dit que l’image peut être abordée à travers de nombreuses théories : la théorie de l’image en mathématiques, en informatique, en esthétique, en psychologie, en psychanalyse, en sociologie, en rhétorique… Seule la théorie sémiotique permet d’avoir une approche plus globalisante selon elle. En effet, l’image, qu’elle soit mentale ou matérielle est un signe, ou un ensemble de signes, qui pose un rapport de ressemblance avec une réalité concrète ou abstraite. Nous parlerons ici de l’image matérielle, de l’image comme message visuel, plus précisément comme représentation visuelle. Martine Joly, dans une conférence dénonce le préjugé selon lequel la compréhension de l’image figurative serait « naturelle » car les images ressembleraient à ce qu’elles représentent. En réalité, la lecture de l’image n’a rien d’évident. Cependant elle s’acquiert très tôt, avant même le langage dans la mesure où il est courant de montrer des images aux jeunes enfants pour qu’ils comprennent des choses. Ainsi le langage et la représentation visuelle ont tendance à être appris en même temps.
Selon Martine Joly, l’image, quelle qu’elle soit (fixe, animée, sur écran ou non…) est faite de trois types de matériaux :
– « Les matériaux plastiques » : ils renvoient à la construction de l’image. Il s’agit principalement des formes, des couleurs, de la composition, du cadre et du cadrage, des textures ;
– « Les matériaux iconiques » : ils renvoient à ce que l’image donne à voir. Il s’agit des motifs et de la narrativité, mais aussi de la pose du modèle lorsqu’il y en a et de la scénographie.
– « Les matériaux linguistiques » : ils renvoient à la fonction du texte par rapport à l’image mais aussi à l’image formée par les mots : couleur, typographie, disposition sur la page.
Le texte écrit, contrairement à l’image, ne comporte qu’un matériau. Les trois matériaux listés doivent être considérés pour comprendre une image. Or, Martine Joly déplore le fait que le lecteur s’arrête souvent à la dimension iconique et fait passer au second plan les aspects plastiques. En regardant une image de ville, on a tendance à dire « c’est une ville ». Selon M.Joly, c’est pourtant les outils plastiques qui priment car ils donnent une impression beaucoup plus forte qui « conditionne la compréhension iconique des motifs de l’image » . Contrairement à ce que laisse supposer son étymologie, l’image ne prend pas la place de ce qu’elle représente. L’image représente quelque chose, un référent qui n’est pas là. Elle ne peut pas être assimilée à ce référent.

Appréhender le rapport texte image : une tâche complexe mais un enjeu de la compréhension – Mon questionnement et mes hypothèses de recherche

C’est Barbara Brader qui a commencé à définir l’album par un « rapport d’interdépendance entre mots et images » . Depuis, cette relation a été étudiée de très près, notamment par les critiques littéraires américains. Maria Nikolajeva et Carole Scott ont proposé une classification des albums en fonction des relations textesimages qu’elles comportaient. Selon Sophie Van Der Linden, une telle classification reste problématique dans la mesure où chaque album « développe précisément différents types de relations ».
Devant la difficulté rencontrée par les chercheurs pour établir des catégories au sein des albums de littérature de jeunesse, il est légitime de supposer que la compréhension des albums par les enfants n’est pas aisée. En vue de chercher des pistes pour faciliter cette appréhension, j’ai choisi de me concentrer sur les relations  entre le texte et l’image qui peuvent être beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît. L’un des constats qui m’a amenée à cette réflexion est le fait que mes élèves ont tendance à penser que l’image et le texte d’un album sont toujours en adéquation. En d’autres termes, selon eux, l’image est là pour illustrer explicitement ce que dit le texte. Or, ce cas n’est pas une règle absolue dans les albums, bien au contraire. Cette représentation peut faire obstacle à leur compréhension. La problématique qui guidera ma recherche est donc la suivante :
Comment amener les élèves de grande section à tirer parti de la relation entre le texte et l’image pour comprendre un album ?
La diversité propre au genre de l’album de littérature de jeunesse ne permet sans doute pas de répondre de manière générale à ce problème. Cependant, voici les hypothèses que j’émets ainsi que ce que je chercherai à démontrer :
– Travailler sur un album sans texte va permettre de sensibiliser des élèves de grande section de maternelle au discours porté par l’image.
– Etudier un album dans lequel le texte et l’image entretiennent un rapport de disjonction va amener les élèves à prendre conscience de cette double énonciation.
– La relation texte-image peut se mettre au service d’un apprentissage lexical complexe : le double-sens des mots de la langue française.
Le corpus d’étude est constitué principalement de quatre œuvres. Loup Noir d’Antoine Guilloppé est un album sans texte sur lequel je souhaite m’appuyer pour sensibiliser les élèves au discours porté par l’image. Mon chat le plus bête du monde de Gilles Bachelet est un album qui joue sur un décalage évident entre le texte et l’image pour créer des situations comiques. Il me sera utile pour amener les élèves à prendre conscience de la double énonciation qui peut être présente dans un album : celle du texte et celle de l’image. Papa m’a dit que son meilleur ami était un homme-grenouille et Maman m’a dit que son amie Yvette était vraiment chouette d’Alain Le Saux font partie de la même collection et sont fondés sur le même principe : le texte relate des expressions que l’image prend au pied de la lettre. Le rapport texte-image est donc d’une certaine complexité pour des élèves de grande section. Je vais cependant à en tirer parti pour amener les enfants à se familiariser avec le double sens des mots de la langue française. Afin d’amener les élèves à tirer parti de la relation texte-image pour comprendre un album, je vais mettre en place différentes situations d’apprentissage prenant appui sur ces quatre albums de littérature de jeunesse.

Présentation de l’album étudié : Loup Noir d’Antoine Guilloppé

Loup noir est un album de littérature de jeunesse qui a la particularité de ne pas comporter de texte. Il a été élaboré par Antoine Guilloppé, auteur et illustrateur. L’absence de texte dans un album n’implique pas que celui-ci soit dénué de récit, bien au contraire. Cette absence incite le lecteur à mettre en mots les images.
L’histoire pourrait être résumée comme ce qui suit. Il fait nuit et le sol est couvert d’une épaisse couche de neige. Un enfant s’enfonce dans une forêt sombre. Caché derrière les branches, un loup noir l’observe. Sans qu’il s’en aperçoive, le loup se met à suivre l’enfant de loin. Il se met à neiger. Un hibou observe l’enfant qui s’aventure toujours plus profondément dans la forêt. Il neige de plus en plus fort. L’enfant se met à courir.
Le loup noir, qui le surveille toujours, montre ses crocs. L’enfant se retourne, le loup s’élance. Le lecteur pense alors que le loup s’apprête à tuer l’enfant. En réalité, l’animal s’est jeté sur l’enfant pour le sauver d’un arbre qui penchait dangereusement et qui allait l’écraser dans sa chute. Le hibou distingue du haut du ciel la silhouette du loup près de l’enfant étendu au sol à côté de l’arbre qui est tombé. L’avant dernière image montre l’enfant souriant se jetant au cou du loup devenu blanc qui sourit également.
L’animal ressemble alors tout autant à un chien qu’à un loup. Bien souvent, le lecteur a été trompé par les apparences car l’animal qu’il pensait menaçant a finalement eu un rôle protecteur (les dernières pages de l’album sont en annexe 3).
L’histoire joue sur un suspense fort. Ce suspense est en partie lié à l’écriture d’un scénario qui emprunte au genre cinématographique. Du point de vue des matériaux plastiques de l’image, on observe un jeu de contraste très soigné entre le noir et le blanc. Aucune autre couleur n’apparaît, ce qui est assez rare dans un album de littérature de jeunesse. L’auteur joue sur des cadrages très variés. On trouve ainsi des plans en plongée, en contre-plongée, l’insertion de gros plans et de contre-champs qui témoignent d’un travail de montage précis qui assure le rythme de l’histoire et la liaisonentre les pages. Cette grammaire de l’image parvient finalement à tromper le lecteur.
La compréhension de ce livre nécessite une observation fine des images, jusque dans les détails mais aussi d’avoir en tête les images précédentes pour comprendre l’enjeu de l’image suivante. Il faut comprendre les liens entre les différentes images. Chaque page n’est pas un renouveau, il y a une chronologie à prendre en compte. Par exemple, on voit l’arbre qui tombe commencer à se pencher bien avant l’intervention de l’animal pour sauver l’homme. Ce livre peut nécessiter des retours en arrière pour comprendre l’histoire.

Présentation du dispositif

Conformément aux recommandations officielles, j’ai souhaité amener les élèves à  « sélectionner des éléments de l’image » leur permettant de « construire une progression, et éventuellement de raconter » Ces situations vont contribuer à l’acquisition des compétences suivantes : comprendre un récit porté par une séquence d’images, décrire et exprimer son ressenti sur des images, prendre des repères sur l’image, développer un regard critique sur l’image, remettre en ordre des images séquentielles pour restituer un récit, restituer la trame narrative d’une histoire connue avec un support visuel, utiliser le langage oral pour raconter.
Afin de sensibiliser les élèves au discours porté par l’image, j’ai essayé de les initier à l’analyse des procédés utilisés par l’illustrateur pour susciter les émotions (ce qui renvoie aux « constituants plastiques » dont parle Martine Joly) toutefois sans entrer dans les aspects techniques du genre cinématographique (que les élèves auront le temps de découvrir à partir du cycle 2).
J’ai organisé la découverte de Loup noir en ateliers semi-dirigés de seulement deux élèves. J’ai choisi cette modalité de travail pour permettre aux élèves d’oser prendre la parole et faire part de leur interprétation de l’histoire relayée par les images. J’ai constitué des binômes de niveaux hétérogènes mais sans que l’écart soit trop important, le risque étant que l’un d’eux s’efface en laissant parler celu i qui a l’air de mieux savoir. Cette organisation se voulait être propice à des débats constructifs entre élèves (notamment en cas d’interprétations différentes des éléments de l’image).
La séance commence par une analyse de la première de couverture afin de permettre aux élèves d’anticiper et d’émettre des hypothèses, en leur posant des questions. Puis je lis le titre et je les interroge sur ce qu’ils savent sur les loups, je leur demande s’ils connaissent des histoires parlant de loup afin de réactiver un univers de référence et de les amener progressivement à imaginer l’histoire.

Analyse des situations d’apprentissage

Difficultés et stratégies observées

L’identification de l’un des personnages principaux a été difficile pour certains élèves.
Une élève en particulier (qui faisait partie du groupe B) changeait le sujet de ses phrases au fil des pages, parlant tantôt d’un loup, tantôt d’un renard, pour finalement l’identifier comme un chien. Pour autant, la notion de permanence du personnage était acquise pour cette élève, la difficulté résidait dans la caractérisation de ce personnage identifié comme important dans l’histoire. J’ai ainsi constaté que dans l’album sans texte, le fait que les personnages ne soient pas nommés directement ne facilite pas l’identification des personnages au travers de leurs transformations.
J’ai également constaté qu’à la vue des images, la plupart des élèves a été capable de faire spontanément des inférences et ainsi de mettre en parallèle l’histoire avec d’autres histoires connues dont les personnages sont semblables. « C’est le loup comme dans Le petit chaperon rouge » a été une remarque d’élève devant l’image qui fait un gros plan sur les dents pointues de l’animal. Cette inférence peut permettre à l’enfant de prêter au personnage des intentions semblables au loup du Petit chaperon rouge, qui cherche alors à manger la fillette. Les élèves ont été sensibles aux effets d’intertextualité. Ces images ont donc fait écho avec des images déjà vues et mémorisées par les enfants, ce qui a facilité leur lecture par les élèves de grande section.
La compréhension de l’enchaînement des événements a été difficile pour la quasitotalité des élèves. En particulier, l’action clé se déroulant à la fin a souvent posé problème : la chute de l’arbre qui aurait pu tomber sur l’enfant sans l’intervention de son sauveur, le loup. L’image comporte beaucoup d’informations et la difficulté réside dans le fait de repérer les éléments signifiants. Mais les élèves doivent également être en mesure de hiérarchiser et sélectionner ce qui est important pour l’enchaînement des actions. Lire l’image requiert de nombreuses habiletés que l’on ne voit pas au premier abord. Pour rejoindre le propos de Martine Joly, l’image manque de « capacités assertives » et en effet j’ai remarqué que pour un jeune lectorat cela nécessitait d’être très attentif aux détails et de faire des liens. L’album sans texte demande une grande implication au lecteur pour construire le sens et en effet ce sens ne s’impose pas directement à l’esprit.
J’ai observé que les élèves développaient certaines stratégies de compréhension au fil des pages. En effet, lors de la première découverte des pages, ils cherchent à valider leur compréhension à l’aide des éléments présents dans l’image. Par exemple, les élèves qui sont certains que le loup va manger l’homme (la grande majorité) vont essayer de débusquer le moindre indice qui prouverait la méchanceté du loup. « Oui c’est sûr, on dirait qu’il lui court après donc il va le manger ! » suivi de « Il a des grandes dents et ses yeux sont méchants, il se prépare à le manger » montre que l’enfant cherche des éléments qui confirment son hypothèse. J’ai pu observer cette démarche de compréhension chez la plupart des élèves.
J’ai pu constater que si les élèves sont sensibles aux émotions véhiculées par l’image, ils ne savent pas nécessairement expliciter ce qui en est à l’origine dans l’image. Tous ont semblé ressentir une inquiétude grandissante puis un soulagement lorsqu’ils se rendent compte que le loup ne veut pas de mal à l’enfant. Quand j’ai questionné les élèves sur ce qui les faisait ressentir de la peur, ils ont été en mesure de me citer des éléments qui renvoient à la dimension iconique de l’image (ce qu’elle donne à voir) : « les yeux du loup qui se plient », « les yeux du loup qui ont l’air méchant », « le loup se cache, il est dangereux, ça fait peur », « l’enfant court parce qu’il a vu le danger, ça fait peur ». Ils ont cité dans une moindre mesure des éléments relevant de la dimension plastique, relevant surtout le jeu de couleur noir/blanc. Par exemple, j’ai pu entendre : « Il fait noir, ça fait peur », « le loup est gentil parce qu’il fait un câlin et qu’il est devenu tout blanc ».

Analyse de l’efficacité du dispositif

L’organisation en binôme a eu des avantages comme des inconvénients. Dans trois binômes, j’ai observé que l’un des élèves avait tendance à se ranger systématiquement à l’avis de l’autre en cas d’hésitation sur l’interprétation. Dans ces cas-là j’ai bien rappelé que je souhaitais entendre chacun d’eux s’exprimer, ce qui n’a pas toujours été suffisant. En dernier recours, j’ai instauré un ordre de parole mais cela a peut-être eu l’inconvénient de nuire à la spontanéité. Dans l’un des binômes, les deux enfants se sont positionnés en opposition l’un par rapport à l’autre, dans ce qui semblait être un rapport de compétition : ils veillaient à dire quelque chose de totalement différent de l’autre, en cherchant presque la contradiction systématique avec l’autre, au détriment de la compréhension de l’album. Dans cette situation, j’ai préféré continuer l’exercice de manière individuelle. Au contraire, j’ai observé que dans d’autres binômes, les élèves étaient en confiance et deux élèves qui prennent généralement peu la parole se sont bien exprimés. Dans l’un des binômes, les deux élèves semblaient en parfaite harmonie : l’une finissait les phrases de l’autre, et le niveau de langage utilisé était plutôt soutenu, s’inspirant de la langue écrite (essais de conjugaison des verbes au passé simples, de nombreux marqueurs de temps, « il était une fois » …). La majorité des binômes a compris implicitement que l’action de « raconter » que je leur demandais impliquait un langage adapté. Dans le groupe A, la première phase de description était en effet tout à fait différente de celle du récit, ce qui confirme l’acquisition de compétences en langage écrit qui ont été travaillées tout au long de l’année. Si dans un binôme, un élève utilisait un langage très « oralisé » et un autre un langage plutôt écrit, le premier se mettait à adopter le langage écrit et jamais l’inverse. L’organisation en binôme était de ce point de vue intéressante.

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Table des matières
Introduction
Comprendre l’album au cycle 1 – le cadre théorique 
1. La compréhension du récit
1.1. Evolution de la compréhension en lecture
1.2. Qu’est-ce qu’un récit ?
1.3. Que signifie comprendre un récit au cycle 1
2.L’album, un genre complexe
2.1. La littérature de jeunesse et sa double énonciation texte / image
2.2. Les spécificités de l’album
3.Le rapport texte-image : un enjeu pour la compréhension
3.1. Les spécificités du texte dans l’album
3.2. Les spécificités de l’image
3.3. Rapports et fonctions du textes et de l’image dans les albums
4.Appréhender le rapport texte image : une tâche complexe mais un enjeu de la compréhension –Mon questionnement et mes hypothèses de recherche
Comprendre l’album, tirer parti de la relation texte-image : mise en œuvre en grande section de maternelle 
1. Comprendre un album sans texte en grande section
1.1. Présentation de l’album étudié : Loup Noir d’Antoine Guilloppé
1.2. Présentation du dispositif
1.3. Analyse des situations d’apprentissage
1.3.1. Difficultés et stratégies observées
1.3.2. Analyse de l’efficacité du dispositif
1.3.3. Confrontation des résultats à l’hypothèse de départ
2. Percevoir un rapport de disjonction entre le texte et les images d’un album en grande section
2.1. Présentation de l’album étudié : Mon chat le plus bête du monde
2.2. Présentation du dispositif
2.3. Analyse des deux situations de découverte du livre
2.4. Confrontation des résultats à l’hypothèse de départ
3. La double énonciation texte-image au service du développement de compétences lexicales en grande section
3.1. Présentation des albums étudiés : Maman m’a dit que son amie Yvette était vraiment chouette et Papa m’a dit que son ami était un homme-grenouille
3.2. Présentation du dispositif
3.3. Analyse de la situation d’apprentissage
4. Les limites
Conclusion
Bibliographie / Sitographie
Annexes

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